Quelles mesures peuvent être prononcées contre un fournisseur d’accès pour bloquer un site ? Les internautes doivent pouvoir faire valoir leurs droits devant le juge

Sur Internet, des sites proposent des films sans respecter les droits d’auteurs ou les droits voisins, comment une juridiction peut-elle faire cesser leur accès ?

L’arrêt du 27 mars 2014 de la Cour de Justice examine les modalités pratiques par lesquelles une telle interdiction peut être prononcée. L’arrêt est ici.  C’est un arrêt très important qui comme souvent intervient alors que le site litigieux a cessé son activité.

Rappelons que la directive 2001/29 reconnait un droit de propriété aux droits voisins :

«(9)      Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. […] La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété.

  • Les faits

Constantin Film et Wega qui produisent des films, considèrent qu’un site Internet diffuse leurs films.

13 mai 2011, le Handelsgericht Wien (Autriche) saisi par Constantin Film et Wega interdit à UPC Telekabel, le fournisseur d’accès,  de fournir à ses clients l’accès au site Internet litigieux actuel de ce site « ainsi que toute autre adresse IP de ce dernier dont cette société pourrait avoir connaissance ». C’est la problématique de l’étendue de cette obligation de qui fait débat.

Juin 2011, le site Internet litigieux cesse son activité.

27 octobre 2011 : l’Oberlandesgericht Wien (Autriche), en tant que juridiction d’appel, réforme partiellement la décision du 13 mai 2011 « celle-ci avait, à tort, spécifié les moyens qu’UPC Telekabel devait mettre en œuvre pour procéder au blocage du site Internet litigieux et ainsi exécuter l’ordonnance d’injonction. »

Recours de UPC Telekabel en «Revision» devant l’Oberster Gerichtshof (Autriche).

Pour UPC Telekabel « les différentes mesures de blocage susceptibles d’être mises en œuvre peuvent toutes être techniquement contournées et que certaines sont excessivement coûteuses ». l’Oberster Gerichtshof pose à la Cour différentes questions préjudicielles auxquelles l’arrêt de la Cour de Justice du 27 mars 2014 répond.

Ne sont cités ci-dessous que les passages de l’arrêt relatifs aux modalités selon lesquelles l’interdiction d’accès peut être prononcée.

  • Les différents droits fondamentaux en cause

46      La Cour a déjà dit pour droit que, lorsque plusieurs droits fondamentaux sont en conflit, il incombe aux États membres, lors de la transposition d’une directive, de veiller à se fonder sur une interprétation de celle-ci qui permette d’assurer un juste équilibre entre les droits fondamentaux applicables, protégés par l’ordre juridique de l’Union. Puis, lors de la mise en œuvre des mesures de transposition de cette directive, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à ladite directive, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de celle-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae, C-275/06, Rec. p. I-271, point 68).

47      En l’occurrence, il y a lieu de relever qu’une injonction, telle que celle en cause au principal, prise sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29, fait s’opposer, principalement, premièrement, les droits d’auteur et les droits voisins qui font partie du droit de propriété intellectuelle et sont dès lors protégés en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, deuxièmement, la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs économiques, tels que les fournisseurs d’accès à Internet, en vertu de l’article 16 de la Charte, ainsi que, troisièmement, la liberté d’information des utilisateurs d’Internet, dont la protection est assurée par l’article 11 de la Charte.

48      Pour ce qui est de la liberté d’entreprise, il doit être constaté que l’adoption d’une injonction, telle que celle en cause au principal, restreint cette liberté.

49      En effet, le droit à la liberté d’entreprise comprend notamment le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement disposer, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, des ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose.

50      Or, une injonction, telle que celle en cause au principal, fait peser sur son destinataire une contrainte qui restreint la libre utilisation des ressources à sa disposition, puisqu’elle l’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important, d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes.

51      Cependant, une telle injonction n’apparaît pas porter atteinte à la substance même du droit à la liberté d’entreprise d’un fournisseur d’accès à Internet, tel que celui en cause au principal.

52      D’une part, une injonction, telle que celle en cause au principal, laisse à son destinataire le soin de déterminer les mesures concrètes à prendre pour atteindre le résultat visé de sorte que celui-ci peut choisir de mettre en place des mesures qui soient les mieux adaptées aux ressources et aux capacités dont il dispose et qui soient compatibles avec les autres obligations et défis auxquels il doit faire face dans l’exercice de son activité.

53      D’autre part, une telle injonction permet à son destinataire de s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les mesures raisonnables. Or, cette possibilité d’exonération a de toute évidence pour effet que le destinataire de cette injonction ne sera pas tenu de faire des sacrifices insupportables, ce qui paraît justifié notamment au regard du fait que ce dernier n’est pas l’auteur de l’atteinte au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué l’adoption de ladite injonction.

  • La possibilité d’accéder au juge pour les internautes

54      À cet égard, conformément au principe de sécurité juridique, le destinataire d’une injonction, telle que celle en cause au principal, doit avoir la possibilité de faire valoir devant le juge, une fois connues les mesures d’exécution qu’il a prises et avant qu’une décision lui imposant une sanction ne soit, le cas échéant, adoptée, que les mesures prises étaient bien celles qui pouvaient être attendues de lui afin d’empêcher le résultat proscrit.

55      Cela étant, lorsque le destinataire d’une injonction, telle que celle en cause au principal, choisit les mesures à adopter afin de s’y conformer, il doit veiller à respecter le droit fondamental des utilisateurs d’Internet à la liberté d’information.

56      À cet égard, les mesures qui sont adoptées par le fournisseur d’accès à Internet doivent être strictement ciblées, en ce sens qu’elles doivent servir à mettre fin à l’atteinte portée par un tiers au droit d’auteur ou à un droit voisin, sans que les utilisateurs d’Internet ayant recours aux services de ce fournisseur afin d’accéder de façon licite à des informations s’en trouvent affectés. À défaut, l’ingérence dudit fournisseur dans la liberté d’information desdits utilisateurs s’avérerait injustifiée au regard de l’objectif poursuivi.

57      Les juridictions nationales doivent avoir la possibilité de vérifier que tel est le cas. Or, dans la situation d’une injonction, telle que celle en cause au principal, il y a lieu de relever que, si le fournisseur d’accès à Internet adopte des mesures qui lui permettent de réaliser l’interdiction prescrite, les juridictions nationales n’auront pas la possibilité d’effectuer un tel contrôle au stade de la procédure d’exécution, faute de contestation à ce sujet. Par suite, pour que les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union ne s’opposent pas à l’adoption d’une injonction, telle que celle en cause au principal, il est nécessaire que les règles nationales de procédure prévoient la possibilité pour les internautes de faire valoir leurs droits devant le juge une fois connues les mesures d’exécution prises par le fournisseur d’accès à Internet.

Sur cette problématique, la Cour dit

2)      Les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’il soit fait interdiction, au moyen d’une injonction prononcée par un juge, à un fournisseur d’accès à Internet d’accorder à ses clients l’accès à un site Internet mettant en ligne des objets protégés sans l’accord des titulaires de droits, lorsque cette injonction ne précise pas quelles mesures ce fournisseur d’accès doit prendre et que ce dernier peut échapper aux astreintes visant à réprimer la violation de ladite injonction en prouvant qu’il a pris toutes les mesures raisonnables, à condition cependant que, d’une part, les mesures prises ne privent pas inutilement les utilisateurs d’Internet de la possibilité d’accéder de façon licite aux informations disponibles et, d’autre part, que ces mesures aient pour effet d’empêcher ou, au moins, de rendre difficilement réalisables les consultations non autorisées des objets protégés et de décourager sérieusement les utilisateurs d’Internet ayant recours aux services du destinataire de cette même injonction de consulter ces objets mis à leur disposition en violation du droit de propriété intellectuelle, ce qu’il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de vérifier.

Une demande de marque communautaire de positionnement rejetée : une fleur stylisée sur un col

Une nouvelle décision du Tribunal est intervenue le 14 mars 2014 à propos d’une demande de marque communautaire de positionnement. L’arrêt est ici.

Le signe déposé

La demande de marque communautaire porte sur un signe figuratif.

Sa description : « La marque consiste en une fleur stylisée tridimensionnelle apposée sur le col du vêtement. Dans l’échantillon de la marque, le contour en pointillé du col n’a pour but que d’indiquer le positionnement de la marque et ne fait pas partie de celle‑ci ».

Cette demande de marque communautaire vise les « Vestes, paletots, manteaux, manteaux courts et imperméables ».

Cette demande de marque a été rejetée par l’examinateur de l’OHMI et par la Chambre de recours de l’Office.

Le 14 mars 2014, le Tribunal rejette le recours du déposant.

26      Quant au positionnement de la marque demandée sur les produits en cause, à savoir le col des vestes, des manteaux et des autres produits visés au point 4 ci-dessus, la chambre de recours a expressément constaté, au point 15 de la décision attaquée, qu’une boutonnière était souvent insérée sur cette partie des vêtements et qu’il s’agissait d’une position habituelle pour fixer des broches, des fleurs, des médailles et des insignes, mais pas des marques. Il y a lieu d’approuver ces considérations. En effet, il est notoire qu’une fleur peut orner une boutonnière située sur le col d’un vêtement. Cette circonstance affaiblit d’autant plus la capacité de la marque demandée à servir d’indication d’origine commerciale des produits en cause.

27      La requérante indique que la chambre de recours aurait reconnu que le col des pardessus constituait une position inhabituelle pour apposer la marque de fabrique. Elle en déduit que cette circonstance prouverait que la marque demandée est distinctive.

28      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu de constater que, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les marques des fabricants des vestes n’étaient pas habituellement apposées sur le col de celles‑ci.

29      Il convient de considérer que le consommateur n’a pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des pardessus en se référant à un signe apposé sur le col de ceux-ci. De même, la simple affirmation selon laquelle il serait inhabituel, voire impossible, de trouver dans le commerce des pardessus dont le col serait orné d’une fleur en tissu ne saurait attester que l’origine commerciale d’un vêtement serait déduite à partir d’une fleur apposée sur son col.

30      Par ailleurs, au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a particulièrement fait référence à la « fleur à la boutonnière » en rappelant la tradition d’insérer une fleur naturelle dans la boutonnière sur le col d’une veste. La requérante fait valoir en vain qu’une telle tradition est tombée en désuétude. En effet, ainsi qu’il a été souligné au point 26 ci‑dessus, il est notoire qu’une fleur peut orner une boutonnière située sur le col d’un vêtement. Le fait que, en l’espèce, la fleur ne soit pas naturelle, mais en tissu, ne change rien dans la mesure où elle sera toujours perçue comme un ornement.

31      De surcroît, il convient de relever que, aux yeux du public pertinent, les ornements présents sur le col d’un pardessus ont tendance à se confondre avec l’aspect visuel de ce vêtement. En l’espèce, cette tendance est accentuée par le fait que l’ornement est fait de la même matière que les vêtements sur le col desquels il est apposé, à savoir le tissu.

32      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 25 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

 

Intervention des douanes lors de l’importation de marchandises arguées de contrefaçon, le dépôt de plainte ou la constitution de garantie maintiennent les mesures de retenue douannière

Les douanes peuvent saisir des marchandises suspectées de contrefaçon quand celles-ci sont importées dans l’Union Européenne.

Cette procédure permet au titulaire du droit de marque  d’engager différentes procédures prévues au règlement communautaire 1383/2003.

L’arrêt de la Cour de cassation intervient sur un pourvoi des douanes contre un arrêt de la Cour de Paris qui a ordonné la mainlevée immédiate des mesures douanières. L’arrêt du 11 mars 2014 est ici.

Cet arrêt du 11 mars 2014 casse l’arrêt de la Cour de Paris

Vu l’article 13 du règlement (CE) n° 1383/2003 du Conseil., du 22 juillet 2003, et l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir qu’un trouble manifestement illicite résulte du maintien des mesures de retenue et de saisie douanières en cause et ordonner leur mainlevée immédiate, l’arrêt retient que la société C….. ne justifie pas s’être pourvue, dans le délai de dix jours ouvrables, par la voie civile ou correctionnelle, à laquelle ne saurait, pour cette dernière, être assimilé un dépôt de simple plainte devant le procureur de la République ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que par le dépôt d’une plainte devant le procureur de la République son auteur justifie de s’être pourvu par la voie correctionnelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y12-22.241 et le moyen unique du pourvoi n° E12-22.454, pris en leur troisième branche, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l’article 13 du règlement (CE) n° 1383/2003 du Conseil., du 22 juillet 2003, et l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir qu‘un trouble manifestement illicite résulte du maintien des mesures de retenue et de saisie douanières en cause et ordonner leur mainlevée immédiate, l’arrêt retient que la société C….. ne justifie pas, ni même n’allègue, avoir constitué les garanties prévues par l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, dont les conditions sont, par ailleurs, cumulatives ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si un juge judiciaire avait ordonné la constitution de garanties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Déchéance de marque : l’inaction des revendeurs et la détermination de l’utilisateur final

L’arrêt du 6 mars 2014 de la Cour de justice distingue la connaissance de l’existence de la marque par le revendeur de l’ignorance par le consommateur final de l’origine du produit. L’arrêt est ici.

  • Les faits distinguent ceux qui emploient effectivement le signe comme une maque et la situation de l’utilisateur final

8       Backaldrin a fait enregistrer la marque verbale autrichienne KORNSPITZ pour des produits relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. Parmi ces produits figurent notamment les suivants:

«farines et préparations faites de céréales; produits de boulangerie; améliorants de panification; pâtisserie, y compris préparations destinées à être cuites; pâtons […] pour la fabrication de pâtisseries».

9        Backaldrin produit, sous cette marque, un mélange prêt à l’emploi qu’elle livre essentiellement aux boulangers. Ceux-ci transforment ce mélange en un petit pain à la forme oblongue se terminant en pointe aux deux extrémités. Backaldrin a consenti à ce que ces boulangers et les distributeurs de produits alimentaires qu’ils livrent, vendent ce petit pain en employant ladite marque.

10      Les concurrents de Backaldrin, dont Pfahnl, comme la majorité des boulangers, savent que le signe verbal «KORNSPITZ» a été enregistré en tant que marque. En revanche, selon les affirmations de Pfahnl contestées par Backaldrin, ce signe verbal est perçu par les utilisateurs finals comme la désignation usuelle d’un produit de boulangerie, à savoir des petits pains à la forme oblongue se terminant en pointe aux deux extrémités. Cette perception s’expliquerait notamment par la circonstance que les boulangers utilisant le mélange prêt à l’emploi fourni par Backaldrin n’informent généralement leurs clients ni de ce que le signe «KORNSPITZ» a été enregistré en tant que marque ni de ce que les petits pains sont fabriqués à partir de ce mélange.

  • Les questions préjudicielles

Une action en déchéance est engagée en Autriche, l’Oberster Patent- und Markensenat (Chambre supérieure des brevets et des marques) interroge la Cour de Justice sur la notion d’utilisateur final pour apprécier les circonstances de la déchéance de la marque

  • L’absence d’indication de la provenance des produits aux consommateurs finaux

25      L’hypothèse présentée dans la décision de renvoi est, au surplus, caractérisée par la circonstance que les vendeurs dudit produit fini n’offrent généralement pas à leurs clients, au moment de la vente, une assistance comprenant l’indication de la provenance des différents produits qui sont en vente.

26      Force est de constater que, dans une telle hypothèse, la marque KORNSPITZ ne remplit pas, dans le commerce des petits pains dits «KORNSPITZ», sa fonction essentielle d’indication d’origine et que, par conséquent, son titulaire s’expose à la déchéance des droits conférés par cette marque en ce qu’elle est enregistrée pour ce produit fini si la perte du caractère distinctif de ladite marque pour ledit produit est imputable à l’activité ou à l’inactivité de ce titulaire.

La Cour a déjà jugé que peut relever de la notion d’«inactivité» l’omission du titulaire d’une marque de recourir en temps utile à son droit exclusif visé à l’article 5 de la même directive, afin de demander à l’autorité compétente d’interdire aux tiers concernés de faire usage du signe pour lequel il existe un risque de confusion avec cette marque, de telles demandes ayant pour objet de préserver le caractère distinctif de ladite marque.

34      Toutefois, sauf à renoncer à la recherche de l’équilibre décrit au point 32 du présent arrêt, ladite notion n’est aucunement limitée à ce type d’omission, mais comprend toutes celles par lesquelles le titulaire d’une marque se montre insuffisamment vigilant quant à la préservation du caractère distinctif de sa marque. Dès lors, dans une situation telle que celle décrite par la juridiction de renvoi, dans laquelle les vendeurs du produit obtenu à partir de la matière livrée par le titulaire de la marque n’informent généralement pas leurs clients de ce que le signe utilisé pour désigner le produit en cause a été enregistré en tant que marque et contribuent ainsi à la mutation de cette marque en désignation usuelle, la carence dudit titulaire qui ne prend aucune initiative susceptible d’inciter ces vendeurs à utiliser davantage ladite marque peut être qualifiée d’inactivité au sens de l’article 12, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/95.

35      Il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si, en l’occurrence, Backaldrin a ou non pris des initiatives visant à inciter les boulangers et distributeurs de produits alimentaires vendant les petits pains obtenus à partir du mélange prêt à l’emploi livré par elle à utiliser davantage la marque KORNSPITZ dans leurs contacts commerciaux avec les clients.

36      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que l’article 12, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que peut être qualifié d’«inactivité», au sens de cette disposition, le fait pour le titulaire d’une marque de s’abstenir d’inciter les vendeurs à utiliser davantage cette marque pour la commercialisation d’un produit pour lequel ladite marque est enregistrée.

 

 

Alicante et Luxembourg, deux villes, l’une connaît les parapluies et les parasols, l’autre que les parapluies

– l’OHMI est à Alicante,  le site de l’office du tourisme.

– Le Tribunal siège à Luxembourg, la ville de Luxembourg .

L’arrêt du 27 février 2014 du Tribunal annule partiellement une décision de la Chambre de recours qui avait  retenu une similarité entre les parapluies et les parasols. L’arrêt du 27 février 2014 est ici,

La motivation de l’arrêt du 27 février 2014 mérite d’être citée.

2      Concernant la comparaison des parasols et des parapluies, force est de juger que l’analyse de la chambre de recours n’est que partiellement exacte. En effet, si les parapluies et les parasols fonctionnent selon un même type de mécanisme, à savoir un mât soutenant un morceau de toile circulaire tendue au moyen de baleines et d’un dispositif coulissant, s’ils visent tous deux à protéger les êtres humains de certains désagréments causés par les conditions météorologiques et s’ils sont complémentaires, il convient de souligner que leurs utilisateurs finaux ne sont pas les mêmes et que les canaux de distribution de ces produits diffèrent fréquemment. Ainsi, alors que le parasol répond surtout à une finalité de loisir, qui s’exprime le plus souvent durant la période printanière ou estivale, en particulier sur les lieux de vacances, le parapluie correspond à une nécessité plus quotidienne, qui est majoritairement le fait d’un public citadin. Certes, ces produits s’adressant au consommateur moyen de l’Union, les spécificités climatiques de l’un ou l’autre État membre pourront parfois conduire à nuancer cette distinction, sans toutefois la remettre en cause. La chambre de recours pouvait donc, à bon droit, conclure à la similitude des parapluies et des parasols, mais se devait, en revanche, d’insister sur le faible degré de cette similitude, ce qu’elle n’a pas fait.

Marque communautaire, un rebondissement à propos d’une erreur de droit qui va au-delà des marques tridimensionnelles

L’arrêt du Tribunal en date du 12 mai 2012 avait relancé le débat sur les marques bidimensionnelle ( des marques  tridimensionnelles le plus souvent) en annulant la décision de la Chambre de recours qui était intervenue contre une décision de la division d’annulation consécutivement à une demande de nullité de la marque communautaire après son enregistrement.

Trois griefs avaient été dirigés contre la chambre de recours, le Tribunal n’en avait réellement examiné qu’un pour annuler la décision de la Chambre de recours.

L’arrêt du 12 mai 2012 est ici

Les marques dont l’enregistrement avait été demandé :

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour mémoire, le Tribunal avait retenu :

35      Partant, c’est à tort que la chambre de recours s’est écartée de la représentation graphique de la marque contestée lorsqu’elle s’est référée aux représentations des produits effectivement commercialisés par la requérante pour conclure au caractère concave des pois noirs figurant dans cette dernière marque.

Le 6 mars 2014, la Cour examine un recours contre cet arrêt du 12 mai 2012. l’arrêt du 6 mars est ici

Le point 18 nous rappelle la problématique de ces points (pois):

Enfin, la première chambre de recours a examiné, aux points 33 à 41 des décisions litigieuses, si les pois noirs représentant des creux répondaient à une fonction technique. En s’appuyant sur les données relatives aux brevets existants, elle a conclu que les creux étaient nécessaires à l’obtention d’un effet antidérapant et que le fait qu’il était possible d’obtenir le même résultat avec d’autres formes n’excluait pas l’application du motif de refus en cause.

Mais ce que dit la Cour pour infirmer cet arrêt du 12 mai 2012, va bien au-delà des marques tridimensionnelles.

Enfin, le Tribunal a résumé, au point 31 des arrêts attaqués, le critère retenu à l’égard de l’étendue de l’examen à effectuer par l’autorité compétente lors de l’appréciation des caractéristiques des signes litigieux, en jugeant que «seule la forme telle que reproduite dans la demande d’enregistrement doit faire l’objet de l’examen de la marque».

54      Cependant, il ressort de l’arrêt Lego Juris/OHMI, précité, que l’autorité compétente peut effectuer un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, des éléments utiles à l’identification convenable des caractéristiques essentielles d’un signe.

55      Cette possibilité offerte, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt Lego Juris/OHMI, à l’autorité compétente lors de l’examen d’un signe tridimensionnel peut été étendue à l’examen de tout signe constitué par la forme d’un produit au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 (voir par analogie, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, notamment, arrêts Henkel/OHMI, précité, point 38, et du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C-96/11 P, point 33).

57      Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 31 et 32 des arrêts attaqués, d’une part, que la représentation graphique d’une marque doit être complète par elle-même, facilement accessible et intelligible afin qu’un signe puisse faire l’objet d’une perception constante et sûre qui garantisse la fonction d’origine de ladite marque. Il découle, d’autre part, de la jurisprudence de la Cour que l’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire …..

58      Toutefois, les conditions que la représentation graphique doit remplir pour assurer sa fonction, lesquelles concernent l’aptitude générale d’un signe à constituer une marque au sens de l’article 4 du règlement n° 40/94, ne sauraient restreindre l’examen de l’autorité compétente dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, d’une façon qui serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt général qui sous-tend cette dernière disposition.

59      En second lieu, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 33 des arrêts attaqués, la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire est la date pertinente pour l’examen du motif de nullité allégué (voir ordonnances du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, Rec. p. I‑8993, point 40, et du 16 mai 2011 Torresan/OHMI, C-5/10 P, point 84).

60      Cependant, tel que le souligne l’OHMI dans le cadre de la deuxième branche de son second moyen, la Cour a jugé à maintes reprises que des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date peuvent, sans erreur de droit, être pris en considération (voir ordonnances précitées Alcon/OHMI, point 41, et Torresan/OHMI, point 84).

61      Il en résulte que, en concluant que les dispositions en cause excluent la prise en compte de l’utilisation effective de la marque après son enregistrement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

Presse papier et presse en ligne, l’harmonisation des taux de TVA

La presse en ligne ne bénéficiait pas du taux super-réduit de 2,1 % de la TVA existant en faveur de la presse papier.  Le taux de TVA applicable à la presse en ligne était de 20 %.  Une proposition de loi a été déposée le 24 janvier 2014. Ici.  Elle a été votée le 27 février .

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne vient d’être publiée au JO.

Article 298 septies

A compter du 1er janvier 1989, les ventes, commissions et courtages portant sur les publications qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l’annexe III au présent code pris en application de l’article 52 de la loi du 28 février 1934, sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2,1 % dans les départements de la France métropolitaine et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

Sont également soumis aux mêmes taux de la taxe sur la valeur ajoutée les ventes, commissions et courtages portant sur les services de presse en ligne reconnus comme tels en application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

Le Conseil Constitutionnel valide la loi sur l’exploitation numérique des livres indisponibles

Ce blog en avait parlé, ici,  le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat de la conformité des articles L. 134-1 à L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle, issus de l’article 1er de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle.

Le 28 février 2014, le Conseil Constitutionnel valide ces articles. La décision du Conseil Constitutionnel est ici.

A noter l’intervention d’une partie en « défense », la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA),son commentaire est ici.

Quelques extraits de la décision du 28 février

11. Considérant que le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;

….

13. Considérant que les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle ; que celle-ci comprend le droit, pour les titulaires du droit d’auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ;

14. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre la conservation et la mise à disposition du public, sous forme numérique, des ouvrages indisponibles publiés en France avant le 1er janvier 2001 qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, au moyen d’une offre légale qui assure la rémunération des ayants droit ; qu’ainsi, ces dispositions poursuivent un but d’intérêt général ;

15. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n’affectent ni le droit de l’auteur au respect de son nom, ni son droit de divulgation, lequel, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, s’épuise par le premier usage qu’il en fait ; qu’elles sont également dépourvues d’effet sur le droit de l’auteur d’exploiter son oeuvre sous d’autres formes que numérique ;

18. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, d’une part, le régime de gestion collective applicable au droit de reproduction et de représentation sous forme numérique des « livres indisponibles » n’entraîne pas de privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, d’autre part, l’encadrement des conditions dans lesquelles les titulaires de droits d’auteur jouissent de leurs droits de propriété intellectuelle sur ces ouvrages ne porte pas à ces droits une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété doivent être écartés ;

19. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont en tout état de cause pas entachées d’inintelligibilité, ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu’elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,

 

La protection élargie de la marque renommée est – elle applicable au signe antérieur à son dépôt ?

 

La renommée de la marque lui accorde une protection plus étendue que celle reconnue par son simple enregistrement. Cette extension de la protection s’applique-t-elle à l’encontre du signe exploité antérieurement au dépôt de la marque renommée ?

L’arrêt du 4 février 2014 pose clairement une limite aux effets de la renommée de la marque enregistrée. l’arrêt se rapporte à la marque Red Bull confrontée au Benelux au signe «The Bulldog» comme dénomination commerciale d’une activité de services de restauration, d’hôtellerie et de débit de boissons. L’arrêt est ici.

 

L’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque renommée peut se voir contraint, en vertu d’un «juste motif» au sens de cette disposition, de tolérer l’usage par un tiers d’un signe similaire à cette marque pour un produit identique à celui pour lequel ladite marque a été enregistrée, dès lors qu’il est avéré que ce signe a été utilisé antérieurement au dépôt de la même marque et que l’usage fait pour le produit identique l’est de bonne foi. Pour apprécier si tel est le cas, il appartient à la juridiction nationale de tenir compte, en particulier:

–        de l’implantation et de la réputation dudit signe auprès du public concerné;

–        du degré de proximité entre les produits et les services pour lesquels le même signe a été originairement utilisé et le produit pour lequel la marque renommée a été enregistrée, et

–        de la pertinence économique et commerciale de l’usage pour ce produit du signe similaire à cette marque.