Des manquements contractuels peuvent-ils conduire à des actes de contrefaçon ?

Des manquements à un accord de coexistence entre des marques peuvent –ils conduire à des qualifications de contrefaçon et de concurrence déloyale.

Réponse avec l’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2015. L’arrêt.

Vu les articles L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle et 9, § 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Lehning, l’arrêt, après avoir relevé que la société Ecophar avait globalement fait le nécessaire dès le mois d’août 2008 pour modifier ses documents afin de se conformer à l’accord de coexistence intervenu, retient que les manquements constatés, telle la persistance du terme « Lehring » en gros caractères sur son site Internet jusqu’en 2012, ne constituent pas des fautes d’une gravité suffisante pour constituer des actes de contrefaçon de marque ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des marques en présence et des produits désignés à l’enregistrement, le non-respect des engagements contractuels constaté n’était pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient que les manquements constatés ne constituent pas des fautes d’une gravité suffisante pour constituer des actes de concurrence déloyale ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des signes en présence et des activités exercées par les sociétés, l’emploi du terme « Lehring », en plus gros caractères, par la société Ecophar sur son site Internet n’était pas de nature à engendrer dans l’esprit du public un risque de confusion avec la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine de la société Lehning, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette l’ensemble des demandes de la société Laboratoires Lehning, l’arrêt rendu le 26 juin 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Contrat de licence de marque : l’existence de la crise économique peut-elle remettre en cause les dispositions du contrat ?

Un contrat de licence confronté à la crise économique. La clause des minima garantis peut-elle être supprimée ? La crise exige-t-elle une renégociation du contrat ?

Le 27 novembre 2006, la société L….C… accorde une licence de sa marque à la société Y……, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société Y…  D……

La société L… C…..  demande à la société Y…. D….., le paiement de différentes montants. Une procédure est engagée.  Le premier juge condamne la société Y…. D…..

L’affaire vient en appel devant la Cour de Paris.

Une clause classique dans les contrats de marque est examinée par la Cour, celle relative aux minima garantis.

L’intérêt de cet arrêt réside également dans son appréciation de la crise économique, l’existence de celle-ci emporte-t-elle l’obligation  de renégocier le contrat ?

L’arrêt est du 28 septembre 2012.

  • Sur la clause relative aux minima garantis

Considérant que l’article 6 du contrat de licence met à la charge du licencié le paiement d’une redevance égale à 10% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre de l’exploitation de la marque ;

Que l’article 6.1.3 prévoit des minima garantis, 60.000 € pour l’année 2008, 65.000 pour l’année 2009 et 75.000 pour l’année 2010 ;

Considérant que les pièces produites démontrent que la société Y….. D….. n’a pu retirer de l’exploitation de la marque le succès qu’elle en attendait, à savoir la réalisation d’un chiffre d’affaire au moins égal à 750.000 € la première année et que les minima dus pour les trois années concernées représentent un pourcentage de son chiffre d’affaires sensiblement supérieur aux 10% envisagés ;

Considérant que pour estimer la disposition relative aux minima garantis sans cause, la société Y….. D…… conteste d’une part la notoriété de la marque et soutient d’autre part que le contrat n’aurait plus été économiquement viable pour elle ;

Mais considérant qu’une clause prévoyant la rémunération attendue d’une des parties au contrat n’est pas dépourvue de cause dès lors qu’elle trouve sa contrepartie dans son propre engagement, en l’espèce la concession de sa marque ;

Que le contrat est causé dès que l’existence de la marque est démontrée sans que sa notoriété ne participe à sa définition, son absence éventuelle ne pouvant être sanctionnée, le cas échéant, que sur le terrain du vice du consentement, Et qu’en toute hypothèse, il ne peut être retenu à l’examen des pièces produites ;

Considérant que la rentabilité du contrat ne participe pas davantage à la définition de sa cause, dont l’existence a été constatée ci dessus et qui s’apprécie au moment de sa conclusion ;

  • Sur la prétendue existence d’une obligation de renégocier le contrat

Considérant qu’il résulte d’une attestation de son expert comptable que l’exploitation de la marque ‘L….C………. a permis à la société Y…… D……. de réaliser, pour l’année 2009, un chiffre d’affaires de 334.907 € ;

Que l’appelante soutient que pour les années 2008 et 2010, il se serait élevé aux montants respectifs de 486.732 € et 123.895 € ;

Considérant qu’au visa de la proposition de règlement d’un droit européen de la vente en date du 11 octobre 2011, qui sanctionne le fait pour une partie d’avoir retiré du contrat un profit excessif ou un avantage déloyal et profité de la détresse de l’autre, elle soutient que le contrat n’a pas été exécuté de bonne foi et qu’une exploitation déloyale peut être reprochée à la société L…. C……..;

Qu’elle lui reproche encore un manquement à son obligation de renégocier le contrat dont l’exécution devenait trop onéreuse pour elle ;

Mais considérant qu’il ne peut être soutenu qu’en sollicitant le paiement de redevances comprises entre 60.000 € et 75.000 €, dont le montant a été accepté par la société Y…… D……., qui avait prévu de réaliser avec la marque des chiffres d’affaires, pour les trois années, de 750.000 €, 865.000 € et 980.000 €, la société L….C…….. a tiré un avantage excessif du contrat, la notoriété de sa marque justifiant la rémunération envisagée ; Et que seuls les effets de la crise économique ont empêché la société Y……D…… de retirer de son exploitation le bénéfice envisagé de sorte qu’elle ne peut davantage lui reprocher d’avoir profité de sa détresse ;

Considérant enfin que seules des circonstances particulières, d’une parfaite gravité et imprévisibles au moment de la conclusion du contrat imposent au partenaire de la partie qui en est victime, sur le fondement de la bonne foi dans l’exécution du contrat, de le renégocier ;

Considérant qu’elles ne sont pas remplies en l’espèce et qu’en l’absence de clause contractuelle contraire, ne manque pas à son obligation de bonne foi, le cocontractant qui refuse de réviser les conditions économiques de la convention conclue ;

Considérant qu’il convient en conséquence, la créance n’étant pas contestée en son quantum, de confirmer le jugement déféré ……