Marque tridimensionnelle : la déchéance

La validité des marques tridimensionnelles est souvent évoquée sur ce blog. Même si la marque est enregistrée et qu’aucune demande en nullité n’ait été présentée, la spécificité de ce signe, la forme du produit, revient lors du débat sur la déchéance.

Cet arrêt du 1er décembre 2016, ici,  de la Cour de justice est important, car il annule l’arrêt du Tribunal du 24 décembre 2015 que ce blog avait cité. Sur ce précédent post, l’historique et le signe en cause; 

Extrait de la motivation de la Cour de justice.

24      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation de l’arrêt lattaqué doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel…

25      La question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi ….

26      Les points 38 à 41 de l’arrêt attaqué sont libellés comme suit :

« 38      En l’espèce, la marque en cause présente, de par sa forme inhabituelle, évoquant celle d’un moteur thermique d’avion davantage que celle d’un poêle, un caractère distinctif élevé pour les produits qu’elle désigne, et ce abstraction faite de son éventuelle fonctionnalité.

39      À cet égard, la circonstance, alléguée par le requérant, que des fours revêtant une forme très semblable à celle de la marque en cause soient distribués par d’autres fabricants sous les marques verbales Bruno et Budler, ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause cette appréciation, ladite circonstance pouvant également s’expliquer par la recherche par ces fabricants d’un résultat technique particulier, tel qu’un transfert de chaleur par convection.

40      Par ailleurs, l’élément verbal additionnel “bullerjan”, lui-même enregistré en tant que marque, présente un caractère distinctif qui peut être qualifié de normal.

41      Dans ces circonstances, le Tribunal estime, à l’instar de la chambre de recours, que l’ajout de l’élément verbal “bullerjan”, apposé sur la face avant du produit dont la forme elle-même constitue la marque en cause, n’a pas altéré le caractère distinctif de celle-ci, dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, de sorte que cet ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci, conformément à l’article 15, paragraphe 1, [second alinéa,] sous a), du règlement n° 207/2009. »

27      À cet égard, il importe de relever que, à supposer même que, ainsi que le soutient l’EUIPO, la circonstance que des fours revêtant une forme très semblable à celle de la marque en cause sont distribués par d’autres fabricants ne permette pas, à elle seule, de considérer que cette marque n’a pas une forme inhabituelle, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué la raison pour laquelle le public concerné perçoit une indication forte d’origine dans la forme de la marque en cause et ne voit qu’une fonctionnalité technique dans la forme très semblable desdits fours distribués par d’autres fabricants.

28      Au demeurant, il n’apparaît pas de façon claire pour quelle raison, alors que des fours de forme très semblable à la marque tridimensionnelle en cause sont commercialisés par d’autres fabricants, seule la forme prétendument inhabituelle de cette marque est prise en compte en vue de déterminer le degré de caractère distinctif, qualifié de très élevé, de cette dernière.

29      Or, dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, qui prévoit qu’est considéré comme un usage sérieux l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, la forme de l’usage de la marque en cause doit être appréciée au regard du caractère distinctif de celle-ci, afin de vérifier si ce caractère distinctif est altéré (voir, en ce sens, ordonnance du 7 septembre 2016, Lotte/EUIPO, C‑586/15 P, non publiée, EU:C:2016:642, point 30). Aux fins de cette vérification, il convient de tenir compte, en particulier, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de la marque en cause.

30      Il découle de ce qui précède que la motivation de l’arrêt attaqué ne fait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal sur un point déterminant aux fins d’établir si les conditions d’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit règlement étaient réunies.