Pandémie : procédures en déchéance et en nullité devant l’Inpi quand les tribunaux suspendent leurs activités en propriété industrielle

Aujourd’hui 2 avril, l’annonce faite hier sur le site de l’INPI est toujours en ligne :

Le portail e-procédures de l’INPI a été mis à jour pour permettre de réaliser deux nouvelles démarches, entrées en vigueur avec la loi PACTE à compter du 1er avril 2020 : les demandes en nullité ou en déchéance de marque ainsi que les oppositions à l’encontre d’un brevet, contestations qui étaient jusqu’à présent uniquement possibles en justice.

La nouvelle procédure administrative en nullité ou en déchéance de marque permet de faciliter la suppression de marques en cas de défaut de validité ou d’existence d’une marque ou d’un autre droit antérieur et de rendre disponibles des marques non exploitées pour que d’autres acteurs économiques puissent les utiliser.

…une procédure écrite exclusivement électronique, accessible via le portail e-procédures de l’INPI

Des nombreux débats qui ont accueilli ces nouvelles procédures administratives, une question restait en suspens : leur succès, c’est-à-dire combien de procédures seraient engagées devant l’Office.

La pandémie  a changé la donne puisque les tribunaux de grande instance tribunaux judiciaires ont  drastiquement ralenti leurs activités en se concentrant sur les affaires pénales et en privilégiant les urgences civiles essentiellement pour les affaires familiales. Cette situation impacte également la délivrance des assignations. Sans action en contrefaçon pas de demande reconventionnelle en nullité ou en déchéance de marque. L’INPI se trouve seul en charge de ces contentieux.

L’avenir nous dira si le covid-19 a contribué au succès de ces procédures administratives en nullité et en déchéance de marque.

 

 

 

Le libellé d’une marque peut manquer de clarté et de précision sans affecter sa validité

L’arrêt rendu ce jour par la Cour de justice est à peine croyable.

Saisie sur question préjudicielles de la High Court of Justice, la Cour de justice admet qu’un libellé de produits et de services puisse manquer de clarté et de précision sans affecter la validité de la marque !

La présentation de l’arrêt est

Le droit dit à l’arrêt de la Cour de justice du 29 janvier 2020

1)      Les articles 7 et 51 du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 1891/2006 du Conseil, du 18 décembre 2006, ainsi que l’article 3 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doivent être interprétés en ce sens qu’une marque communautaire ou une marque nationale ne peut pas être déclarée totalement ou partiellement nulle au motif que des termes employés pour désigner les produits et les services pour lesquels cette marque a été enregistrée manquent de clarté et de précision.

2)      L’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, tel que modifié par le règlement no 1891/2006, et l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu’une demande de marque sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l’intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. Lorsque l’absence d’intention d’utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d’une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu’elle vise ces produits ou services.

3)      La première directive 89/104 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une disposition de droit national aux termes de laquelle un demandeur de marque doit déclarer que cette dernière est utilisée pour les produits et les services visés par la demande d’enregistrement ou qu’il a, de bonne foi, l’intention de l’utiliser à ces fins, pour autant que la violation d’une telle obligation ne constitue pas, en tant que telle, un motif de nullité d’une marque déjà enregistrée.

Deux marques communautaires BE HAPPY annulées

Deux marques communautaires BE HAPPY viennent d’être annulées par le Tribunal le 30 avril 2015. L’arrêt est ici.

24 août 2006 : demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI du signe verbal BE HAPPY.

Pour

–        classe 16 : « Papier, carton, articles pour reliures » ;

–        classe 21 : « Verres et récipients pour le ménage et la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; verrerie, porcelaine et faïence (comprises dans la classe 21) » ;

–        classe 28 : « Jeux ; jouets » ;

–        classe 30 : « Confiserie ».

25 octobre 2007 ; enregistrement de la marque communautaire

5 novembre 2009 : seconde demande d’enregistrement de marque communautaire pour le signe verbal BE HAPPY

Pour

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; ordinateurs, logiciels ; lunettes, étuis à lunettes » ;

–        classe 11 : « Appareils de cuisson électriques, machines à café (électriques) » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; sacs, sacs de voyage, sacs à main, porte-monnaie, sacs à dos ; parapluies et parasols ».

30 avril 2010 : enregistrement de cette seconde marque communautaire

30 janvier 2012 : un tiers engage une procédure d’annulation devant l’OHMI pour ces deux marques

30 octobre 2012 : la division d’annulation annule les marques contestées au motif qu’elles ne présentaient pas de caractère distinctif.

28 décembre 2012 : recours du titulaire des deux marques

17 octobre 2013 : la Chambre de recours rejette les deux recours

L’affaire vient devant le Tribunal qui va rejeter également les recours du titulaire de ces deux marques communautaires BE HAPPY

  • Un message objectif

30      Il résulte des décisions attaquées que les marques contestées sont composées de deux termes anglais du langage courant, à savoir « be » et « happy », qui se présentent de manière conforme aux règles de la syntaxe et de la grammaire anglaise. De ce fait, la combinaison de ces termes constitue une expression qui a une signification précise au regard du public pertinent, à savoir « sois heureux ». Cette expression est largement connue dudit public du fait de son utilisation dans une chanson populaire comme celle intitulée « Don’t worry, be happy » (points 18 et 19 de la première décision, ainsi que points 17 et 18 de la seconde décision). Ces considérations ne sont pas contestées par la requérante.

31      Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la requérante, les marques contestées expriment un message objectif, invitant à être heureux.

  • Un tel message ne constitue pas une marque

……, les marques contestées seront immédiatement comprises par le public pertinent, sans qu’il soit nécessaire pour celui-ci de développer un minimum d’effort interprétatif ou de déclencher un processus cognitif, comme une expression incitant à l’achat et portant sur le sentiment de bonheur que soit l’achat, soit l’utilisation des produits en cause sont susceptibles d’éveiller dans l’esprit des consommateurs. En outre, comme il a été indiqué au point 30 ci-dessus, lesdites marques sont composées de deux mots communs de la langue anglaise, qui se présentent de manière conforme aux règles de la syntaxe et de la grammaire anglaise et dont la combinaison donne lieu à l’élément verbal « be happy » qui signifie « sois heureux » et qui correspond également au titre d’une chanson bien connue. Ainsi, elles sont dépourvues de toute originalité ou prégnance, conformément à la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus.

41      En outre, il résulte des décisions attaquées que l’expression en cause serait susceptible d’être utilisée par n’importe quel fournisseur afin d’inciter à l’achat de n’importe quels produits, y compris ceux visés par les marques

42      Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur des slogans tels que celui en cause en l’espèce

43      Dès lors, il y a lieu de considérer que les marques contestées ne sauraient être perçues par le public pertinent comme des indications d’origine commerciale.

 

Juge pénal ou juge civil, qui juge de la nullité et de la déchéance de la marque ?

Lors d’une instance pénale en contrefaçon de marque, le juge pénal doit-il examiner les demandes en déchéance et en nullité de la marque ou peut-il se référer à une décision du juge civil ou même à celle de l’OHMI ?

L’arrêt du 30 octobre 2013 de la Cour de cassation donne quelques indications. L’arrêt est ici.

  • Le contexte tel qu’il est rappelé à l’arrêt et la position de la cour d’appel

Mme X…. est poursuivie au pénal pour contrefaçon des marques Red Bull pour des vêtements.

« que la SARL A…. [dont la gérante est Mme X…] a introduit une action judiciaire aux fins de voir constater la déchéance de la marque Red Bull pour l’exploitation des vêlements en France ; que par arrêt définitif du 3 mai 2007, la cour d’appel de Versailles a rejeté l’action au motif que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque par les titres communautaires et que dès lors une demande de déchéance ne pourrait avoir pour conséquence d’autoriser une vente de tels vêtements en France »

  • Au pourvoi, deux moyens nous intéressent

 » 2°) alors qu’il résulte de l’article 100-2° du Règlement CE 207/ 209 du 26 février 2009 qu’un tribunal des marques communautaires rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité si une décision rendue par l’Office entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait retenir, pour juger que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de sa marque, que l’office d’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) avait rejeté la demande de nullité de la marque communautaire dont bénéficiait la société Red Bull, en s’abstenant de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que, Mme X… n’ayant pas été partie à la procédure devant L’OHMI, la décision rendue n’avait aucune autorité de chose jugée ;

…..

 » 4°) alors que l’usage sérieux d’une marque suppose l’utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait se borner à relever que les consorts X… ne peuvent remettre en cause les décisions définitives de l’OHMI et de la cour d’appel de Versailles par lesquelles il a été jugé que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque, sans répondre au moyen de défense selon lequel aucun élément versé aux débats ne démontre un quelconque usage des marques de la société Red Bull dans des conditions de nature à la faire échapper à la déchéance de ses droits ;

  • Le rejet des moyens par la Cour de cassation

Attendu qu’en l’état de ces énonciations et abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, faisant référence à  » l’autorité de la chose jugée  » de décisions de nature civile, la cour d’appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

« vente-privée.com », le Tribunal de grande instance de Paris, les 28 novembre et 6 décembre 2013, n’a pas rendu des jugements contradictoires.

Deux décisions agitent le monde de l’internet et du commerce en ligne :

– l’une du Tribunal de Grande instance de Paris du 28 novembre 2013 qui annule la marque « vente-privée.com »,

– l’autre également du Tribunal de grande instance de Paris du 6 décembre 2013 qui reconnait la notoriété des marques « vente-privée.com ».

Au-delà du simple rappel que ces jugements peuvent être encore contestés, ces deux décisions ne visent pas les mêmes enregistrements de marque.

Le 28 novembre 2013, c’est d’une marque française dont il est question, quand le 6 décembre, ce sont des marques communautaires qui sont reconnues comme notoires.

Sans entrer dans le détail des demandes et des arguments examinés, notons simplement que la partie en défense contre laquelle intervient la seconde décision qui a un caractère provisoire puisque le juge a prévu une autre audience en  mars 2014, n’avait pas été représentée,  serait-ce dire l’intérêt de prendre un avocat ?