Incidence de la fin du monopole pour apprécier l’atteinte à une marque ou des actes de concurrence déloyale à l’encontre d’une dénomination sociale

  • La Poste est titulaire :

–          d’une marque verbale « la poste » déposée le 9 août 2002, enregistrée sous le n° 02 3 179 236, pour désigner les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 à 42 et 45,

–          de trois marques semi-figuratives « la poste » déposées respectivement

– le 7 décembre 1989 et enregistrée sous le n° 1 572 869 pour désigner des produits et services en classes 9,12, 16, 18, 22, 25, 28, 35 à 42,

– le 14 février 1995 et enregistrée sous le n° 95 558 825 pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36,39 et 41,

– le 6 décembre 1999 et enregistrée sous le n° 99 827 240 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41 et 42,

–          de la marque verbale « ecopli » déposée le 4 avril 1989 et enregistrée sous le n° 1 522 302 pour désigner des produits et services en classes 9, 16 et 39

–          et de la marque « postimpact » déposée le 5 juin 1987 et enregistrée sous le n° 1 465 533 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35,38, 39, 41 et 42 ;

 

  • Esker est un éditeur de logiciels de dématérialisation de documents.

Selon l’arrêt de la Cour de cassation,

– sur le site Internet de Esker « flydoc »,  les termes « ecopli » et « postimpact », ainsi que les dénominations « premier bureau de poste électronique privé » et « bureau de poste électronique » sont utilisés.

– Esker met également mis en ligne un site internet dénommé www.lesvictimesducourrier.com..

 

  • La Poste assigne Esker en contrefaçon de marques et pour actes de concurrence déloyale.
  • La Cour de Lyon prononce des condamnations.
  • Pourvoi en cassation de Esker.

 

  • Limitons – nous à quelques extraits de l’arrêt du 29 janvier 2013 qui est très dense.
  • Sur la reprise du terme « poste »

Vu l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour condamner la société Esker pour contrefaçon des marques n° 1 572 869, n° 95 558 825 et n° 99 827 240, l’arrêt, après avoir retenu que le dépôt d’une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs peut protéger cette marque contre l’usage des éléments verbaux sans graphisme particulier ou avec un graphisme différent, relève que, compte tenu de la situation de monopole dont la société La Poste ou ses prédécesseurs ont bénéficié depuis plusieurs siècles, l’expression incriminée « bureau de poste » renvoie immanquablement, en France, à la société La Poste, seule habilitée à en ouvrir, et que l’adjonction des adjectifs « électronique » et « privé » n’est pas de nature à prévenir le risque de confusion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs tirés exclusivement de l’examen de l’élément verbal commun aux signes en présence sans comparer l’impression d’ensemble produite par chacun des signes en prenant en compte tous les facteurs pertinents, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé en quoi l’élément verbal « poste » serait dominant et en quoi l’élément figuratif de chacune des marques n° 1 572 869, 95 558 825 et 99 827 240 était insignifiant et ne pouvait constituer un facteur pertinent, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

  • L’emploi de manière exclusive de l’expression « bureau de poste » du temps d’un monopole ancien peut-il créer un droit d’occupation pour empêcher un tiers d’utiliser l’expression ‘bureau de poste électronique » ?

Vu l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour condamner la société Esker pour contrefaçon de la marque verbale n° 02 3 179 236 et des marques semi-figuratives « la poste », l’arrêt relève que l’expression « bureau de poste » renvoie à la société La Poste dès lors que celle-ci, eu égard à sa situation de monopole pendant plusieurs siècles, a été la seule autorisée à en ouvrir sur le territoire national et que le public sera amené à croire que l’expression « bureau de poste électronique privé » correspond à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société La Poste ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la société La Poste n’était plus en situation de monopole, à la date des faits incriminés, pour proposer un service de bureau de poste, ce dont il résultait qu’elle ne pouvait s’opposer à l’utilisation, dans leur sens courant, des termes « bureau de poste » au sein des expressions « premier bureau de poste électronique » et « bureau de poste électronique » pour désigner une telle activité ouverte à la concurrence, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

  • Sur les preuves d’usage de la marque

Vu l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande en déchéance des droits de la société La Poste sur la marque « ecopli », l’arrêt relève que les documents produits par cette société démontrent qu’elle en a fait un usage sérieux puisque parmi eux figurent plusieurs exemplaires des conditions contractuelles « ecopli grand compte » et « contrat courrier industriel de gestion » et des tarifs applicables « ecopli » allant d’octobre 2006 à juin 2009 ;

Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d’un usage sérieux de la marque « ecopli » par la société La Poste pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;