Quelle redevance de marque, de modèle ou de brevet à inclure dans l’assiette des droits de douane ?

L’exclusivité accordée pour la distribution de produits peut s’exprimer par des dispositifs contractuels aux intitulés des plus variés. Parmi ceux-ci, viennent naturellement les contrats de licence de marque, de modèle ou de brevet.

Selon les mécanismes contractuels, le prix de la licence peut être inclus dans le prix du produit payé par l’importateur, il peut aussi en être dissocié et suivre un autre canevas de processus.

Mais comment intégrer ce paiement « effectué en contrepartie de l’octroi d’un droit de distribution exclusive pour la détermination de la valeur en douane de marchandises importées d’un pays tiers en vue de leur mise en libre pratique sur le territoire de l’Union européenne » ? Telle est la question à laquelle répond la Cour de Justice dans son arrêt du 19 novembre 2020.

L’arrêt cite les dispositions applicables :qui fonde la distinction entre le prix payé par la marchandise et les paiements effectués pour leur importation éléments.

« 1.      La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est‑à‑dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 […]

[…]

  1. a)      Le prix effectivement payé ou à payer est le paiement total effectué ou à effectuer par l’acheteur au vendeur, ou au bénéfice de celui‑ci, pour les marchandises importées et comprend tous les paiements effectués ou à effectuer, comme condition de la vente des marchandises importées, par l’acheteur au vendeur, ou par l’acheteur à une tierce personne pour satisfaire à une obligation du vendeur. […]

[…] »

5        Figurant au même chapitre, l’article 32 dudit code disposait :

« 1.      Pour déterminer la valeur en douane par application de l’article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées :

[…]

  1. c)      les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l’acheteur est tenu d’acquitter, soit directement, soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n’ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer ;
  2. d)      la valeur de toute partie du produit de toute revente, cession ou utilisation ultérieure des marchandises importées qui revient directement ou indirectement au vendeur ;

[…]

  1. Tout élément qui est ajouté par application du présent article au prix effectivement payé ou à payer est fondé exclusivement sur des données objectives et quantifiables.

[…]

  1. Nonobstant le paragraphe 1 point c) :

[…]

  1. b)       les paiements effectués par l’acheteur en contrepartie du droit de distribuer ou de revendre les marchandises importées ne sont pas ajoutés au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées si ces paiements ne sont pas une condition de la vente, pour l’exportation, des marchandises importées à destination de la Communauté. »

Figurant au chapitre 2, intitulé « Dispositions relatives aux redevances et droits de licence », du titre V, intitulé « Valeur en douane », du règlement d’application, l’article 157 de ce règlement disposait :

« 1.      Aux fins de l’article 32 paragraphe 1 point c) du code [des douanes], on entend par redevances et droits de licence notamment le paiement pour l’usage de droits se rapportant :

–        à la fabrication de la marchandise importée (notamment les brevets, les dessins, les modèles et les savoir-faire en matière de fabrication)

ou

–        à la vente pour l’exportation de la marchandise importée (notamment les marques de commerce ou de fabrique, les modèles déposés)

ou

–        à l’utilisation ou à la revente de la marchandise importée (notamment les droits d’auteur, les procédés de fabrication inséparablement incorporés dans la marchandise importée).

  1. Indépendamment des cas prévus à l’article 32 paragraphe 5 du code [des douanes], lorsque la valeur en douane de la marchandise importée est déterminée par application des dispositions de l’article 29 du code [des douanes], la redevance ou le droit de licence n’est à ajouter au prix effectivement payé ou à payer que si ce paiement :

–        est en relation avec la marchandise à évaluer

et

–        constitue une condition de vente de cette marchandise. »

7        Figurant à ce chapitre 2, l’article 158, paragraphe 3, dudit règlement énonçait :

« Si les redevances ou les droits de licence se rapportent en partie aux marchandises importées et en partie à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ou encore à des prestations ou services postérieurs à l’importation, une répartition appropriée n’est à effectuer que sur la base de données objectives et quantifiables, conformément à la note interprétative figurant à l’annexe 23 et afférente à l’article 32 paragraphe 2 du code [des douanes]. »

Le lecteur averti savait d’ailleurs que « Le code des douanes a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1), puis par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90). Toutefois, en vertu de l’article 286, paragraphe 2, de ce dernier règlement, lu en combinaison avec l’article 288, paragraphe 2, de celui-ci, le code des douanes est resté applicable jusqu’au 30 avril 2016. »

Le droit dit par la Cour de justice :

L’article 29, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens qu’un paiement, effectué pendant une période limitée, par l’acheteur de marchandises importées au vendeur de celles-ci, en contrepartie de l’octroi, par ce dernier, d’un droit de distribution exclusive de ces marchandises sur un territoire donné, et calculé sur le chiffre d’affaires réalisé sur ce territoire, doit être intégré à la valeur en douane desdites marchandises.

 

 

Ne dites plus j’ai un frigidaire !

Votre interlocuteur ne comprendra pas ce que vous lui dites. Tel est l’enseignement des recours devant l’EUIPO et de l’arrêt du Tribunal de l’union du 28 octobre 2020.  L’arrêt est là

1999 : enregistrement de FRIGIDAIRE par la société ELECTROLUX comme marque communautaire

Pour désigner

–       classe 7  : « Machines à laver à usage domestique et commercial, lave-vaisselle ; broyeurs d’ordures ménagères et compacteurs de déchets ménagers ; compresseurs réfrigérants ; ouvre-boîtes électriques, batteurs, mixeurs, robots de cuisine, moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, affûteurs électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes compris dans la classe 7 » ;

–       classe 11  : « Réfrigérateurs, congélateurs et appareils à usage domestique ou commercial pour faire de la glace ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fourneaux, fours, cuisinières et hottes ; fours à micro-ondes, hottes pour fourneaux, climatiseurs, humidificateurs et déshumidificateurs, chauffe-eau, refroidisseurs d’eau, petits appareils électriques, y compris cafetières, machines à expresso, distributeurs d’eau chaude instantanée, grille-pain, fours à grille-pain, poêles à frire, purificateurs d’air, surgélateurs pour crème glacée, sèche-cheveux, machines à sécher le linge compris dans la classe 11 ».

13 octobre 2015 : demande en déchéance présentée devant l’EUIPO

Pour la division d’annulation  les preuves d’usage de la marque FRIGIDAIRE sont suffisantes pour :

–         classe 7 « Batteurs, mixeurs, robots de cuisine compris dans la classe 7 » ;

–        classe 11 : « Réfrigérateurs et congélateurs à usage domestique ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fours ; fours à micro-ondes ; petits appareils électriques, à savoir grille-pain, bouilloires, fers à repasser compris dans la classe 11 ».

17 juin 2018 : sur recours de ELECTROLUX, la  Chambre de recours de l’EUIPO annule partiellement la précédente décision et ajoute à la liste des produits de la classe 7 pour lesquels des preuves d’usage sont suffisantes :

  • « moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes »

Nouveau recours d’ELECTROLUX mais cette fois devant le Tribunal de première instance de l’Union.

Pour ELECTROLUX les preuves d’usage sérieux sont également apportées pour :

  • les « machines à laver à usage domestique et commercial » et les « lave-vaisselle », « fourneaux » et les « machines à sécher le linge »

Le Tribunal rejette le recours.

A noter parmi les arguments avancés par le titulaire de la marque pour établir l’usage sérieux de sa marque FRIGIDAIRE pour ces produits :

Les ventes de «  de 1516 machines à laver, de 765 sèche-linge, de 216 lave-vaisselle, de 610 fourneaux ainsi que de réfrigérateurs et de congélateurs aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères des États-Unis, à destination d’une base militaire située en Allemagne entre les mois de novembre 2011 et de septembre 2015 et d’une base militaire située en Belgique entre les mois de juin et de décembre 2014 » .

L’EUIPO n’avait pas considéré ces quantités comme suffisantes :

27      La chambre de recours a considéré que ces chiffres de ventes n’étaient pas négligeables, mais qu’ils étaient susceptibles de refléter les besoins des soldats vivant dans lesdites bases militaires, et non de caractériser l’intention de la requérante de créer un débouché commercial dans l’Union pour les produits en cause.