En 2013, le juge français pourra-t-il se prononcer sur des actes de contrefaçon quand ceux-ci ont leur origine à l’étranger ?

Quand des faits litigieux ont eu lieu à l’étranger : le juge français peut-il encore se prononcer dans l’attente de la réponse de la CJUE aux questions préjudicielles posées par l’arrêt du 5 avril 2012 de la Cour de cassation ? la Cour de cassation répond par la négative le 20 décembre 2012.

 

  • Par son arrêt du 5 avril 2012, la Cour de cassation a posé différentes questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne

 

1°) L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

– la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie,

ou

– il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ?

2°) La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ?

 

Ce blog en avait parlé ici

 

  • Dans l’attente de cet arrêt, la Cour de cassation par son arrêt du 20 décembre 2012 sursoit à statuer dans une affaire où il était également question d’une atteinte à des droits d’auteur

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er juin 2011), que M. Samuel X…, ayant droit de Guy X…, photographe, prétendant que la société Britsh Broadcasting Corporation, ci-après BBC, avait diffusé sur la chaîne BBC 4 un documentaire reproduisant plusieurs oeuvres de Guy X… ainsi qu’une oeuvre de M. Y… inspirée d’une oeuvre du photographe, et que des extraits du documentaire étaient accessibles en ligne sur le site de partage  » You Tube « , a assigné en contrefaçon les sociétés BBC et BBC 4, et M. Y… ;

Attendu que M. Samuel X… fait grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Paris territorialement incompétent alors, selon le moyen :

1°/ que l’action en contrefaçon est de nature délictuelle ; qu’en matière délictuelle, l’action est portée devant le juge du domicile du défendeur ou le juge du lieu où le fait dommageable s’est produit ; que s’agissant d’un délit par voie de diffusion hertzienne, le dommage est localisé au lieu où le programme a été diffusé ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que les programmes de la BBC sont diffusés en France par voie hertzienne et peuvent y être visionnés, sous certaines conditions (décodeur, abonnement et domiciliation au Royaume-Uni, un service de domiciliation étant généralement proposé avec l’abonnement) ; qu’en déclinant sa compétence, pour le motif inopérant que, compte tenu des restrictions à la diffusion hertzienne, celle-ci n’était pas destinée au territoire français, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si le documentaire, dont il ressort de ses propres constatations qu’il pouvait être visionné depuis la France, y était diffusé, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3 du règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ;

2°/ que le juge français est compétent pour connaître des litiges liés à la diffusion sur internet d’un document destiné au public français ; que pour écarter la compétence du juge français s’agissant de la diffusion sur le site internet « youtube » du documentaire litigieux, la cour d’appel a retenu que cette diffusion n’était pas le fait de la BBC ; qu’en se prononçant à nouveau par un motif inopérant au regard de la question de la compétence, qui est préalable, la cour d’appel qui n’a pas recherché si la diffusion sur youtube était destinée au public de France, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3 du règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ;

……..

Sursoit à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne répondant aux questions préjudicielles qui lui ont été posées suivant arrêt de cette Cour du 5 avril 2012, n° 10-15. 890 ;

 

La Cour de cassation a renvoyé l’examen de cette affaire à l’audience du 23 avril 2013. A cette date, l’arrêt de la Cour de Justice sera-t-il rendu ?