Publicités diffusées sur la chaine de TV de l’autre marque : pas de coexistence des marques

Le droit des marques reconnait différents effets à la coexistence des signes employés comme marques. Toutefois, comment définir une coexistence ? L’arrêt du Tribunal du 5 mai s’il écarte l’argument tiré de la coexistence, cite des circonstances étonnantes. L’arrêt intervient sur une opposition du titulaire de la marque antérieure SKY au regard d’une demande d’enregistrement en date du 20 juin 2005 de la marque communautaire SKYPE. L’arrêt est ici.

Signe demandé à l’enregistrement

 

Marque opposée

61      En l’espèce, il convient de relever, premièrement, que la coexistence des marques en conflit au Royaume-Uni ne saurait concerner que les services de communication point-à-point (« peer to peer ») et non les autres produits et services désignés par la marque demandée. En effet, la requérante n’a pas allégué avoir développé des activités par rapport à ces autres produits et services, avant la date de dépôt de sa demande de marque. Or, une coexistence ne concernant qu’un service isolé et très spécifique parmi la longue liste de produits et de services désignés par les marques en conflit n’est pas susceptible d’amoindrir le risque de confusion pour la totalité de ces produits et services.

62      Deuxièmement, à la date du dépôt de la marque communautaire, le 28 juin 2005, le service de communication point-à-point de la requérante, lancé en août 2003, existait depuis 22 mois. Même en admettant l’allégation de la requérante selon laquelle ledit service a immédiatement rencontré un grand succès dès son lancement, une période de coexistence de 22 mois, concernant une activité qui ne faisait pas partie du « core business » des intervenantes, était manifestement insuffisante pour pouvoir supposer que la coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, critère dont l’existence doit être démontrée par la requérante. Ainsi que les intervenantes l’ont souligné à juste titre lors de l’audience, l’abstention de leur part d’intenter, avant le dépôt de la demande de marque communautaire, des procédures en contrefaçon contre la requérante, pouvait reposer sur toute une série de raisons et n’impliquait pas nécessairement qu’elles auraient considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit. Il convient donc de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence de ce critère.

63      Troisièmement, le fait que, pendant une certaine période en 2009 et 2010, les intervenantes aient accepté de faire passer sur leurs chaînes de télévision de la publicité pour les services de la requérante, n’est manifestement pas pertinent pour l’appréciation de la situation à la date du dépôt de la demande de marque, à savoir le 28 juin 2005.

64      Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante, tiré d’une prétendue coexistence paisible des marques en conflit.

 

Quelle signification pour « The Beatles » en droit des marques ?

Un arrêt du Tribunal du 29 mars 2012, affaire T‑369/10, You-Q BV, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), devant connaître une notoriété certaine au regard des marques en cause –  à la marque dont l’enregistrement était demandée « BEATLE » étaient opposés différents enregistrements détenus par Apple Corps Ltd sur les signes « BEATLES » et « The Beatles« , deux points doivent être relevés.

  • Sa portée devra être relativisée au regard de sa motivation qui  si elle est évidente – bien sûr!- mérite d’être rappelée :

56 L’argument de la requérante selon lequel le mot « beatles » n’aurait pas de caractère distinctif, dès lors qu’il ne serait pas un mot inventé, mais serait issu du mot « beat » (battement, rythme), ne saurait être accueilli.

57 En effet, ainsi que l’a, à juste titre, relevé l’OHMI, les marques THE BEATLES et BEATLES ne font pas simplement référence au mot anglais « beat », mais intègrent ce mot dans une composition fantaisiste combinant la référence à « beat » avec le mot « beetle » (coccinelle) afin de créer une combinaison très distinctive et très originale des deux mots.

58 En tout état de cause, il convient de constater que le terme « beatles » a acquis un caractère distinctif propre détaché du mot « beat » qui le compose, en sorte que, confronté aux marques THE BEATLES ou BEATLES, le grand public, en particulier dans les États non anglophones de l’Union, pensera immédiatement au groupe éponyme ainsi que, en particulier, aux enregistrements sonores, aux enregistrements vidéo et aux films de ce groupe et ne procédera pas à une décomposition de la marque.

  • Le droit des marques est quelque fois réducteur :

55 En quatrième lieu, s’agissant du caractère distinctif des marques antérieures, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a, ainsi qu’il ressort du point 17 de la décision attaquée, considéré que tant dans la partie anglophone de l’Union européenne que dans de nombreuses autres parties de ce territoire, le grand public avait fini par associer les mots « beatles » et « the beatles » aux « enregistrements sonores, enregistrements vidéo [et] films » et, dans une moindre mesure, aux produits susmentionnés du groupe pop du même nom.