L’intelligence n’est pas appropriable à titre de marque

En ces temps où l’intelligence artificielle est âprement discutée et donc revendiquée, l’arrêt du 15 octobre 2020 du tribunal de l’Union exclut son appropriation à titre de marque. L’arrêt est là

6 mars 2013 : dépôt de la demande de marque.

Le signe : 29 février 2016 : Samsung demande la nullité de cet enregistrement.

8 mars 2018 : rejet de la demande d’annulation.

20 novembre 2018 : la Chambre de recours de l’Office annule la marque pour l’ensemble des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée.

Recours du titulaire de la marque.

15 octobre 2020 : le Tribunal rejette le recours, la marque est donc annulée.

A la motivation du Tribunal, sont à citer les points ci-après:

21      En effet, premièrement, la chambre de recours a souligné à juste titre, au point 21 de la décision attaquée, que l’élément verbal « smart » désignait une technologie intelligente qui, outre l’intelligence artificielle, vise aussi « toute caractéristique technologique allant au-delà des caractéristiques “traditionnelles” des produits ». En ce sens, il convient d’admettre que ledit élément verbal est descriptif des produits et des services visés par la marque contestée. En ce qui concerne tout d’abord les produits relevant de la classe 9, il s’agit de produits électroniques ou sophistiqués d’un point de vue technologique qui peuvent présenter des fonctionnalités intelligentes, ainsi que cela ressort du point 37 de ladite décision. Il convient de noter à cet égard que, parmi ces derniers produits, l’un de ceux-ci fait explicitement référence à la notion de « smart », à savoir les « smartphones ».

22      Ensuite, l’élément verbal « smart » peut également revêtir une signification descriptive pour les produits relevant de la classe 20 visés par la marque contestée, ceux-ci pouvant, comme l’indique le point 38 de la décision attaquée, faire partie des objets sophistiqués d’un point de vue technologique. La chambre de recours illustre à juste titre sa considération en se référant à des meubles ou des miroirs qui s’adaptent électroniquement à certaines conditions, qui peuvent être contrôlés à distance, ou qui peuvent s’autocontrôler grâce à des applications logicielles intelligentes.

23      Enfin, doit être approuvé le raisonnement figurant aux points 41 à 43 de la décision attaquée concernant les services relevant de la classe 35 visés par la marque contestée. En effet, s’agissant des services de vente au détail ou en gros de produits relevant des classes 9 et 20, il y a lieu de considérer que ladite marque indique seulement que des produits présentant la caractéristique d’être « smart » sont disponibles au point de vente au détail. En ce qui concerne les autres services, à savoir ceux de publicité et de gestion commerciale, ils font référence soit à des produits intelligents, soit la manière « intelligente » de fournir ces services.

La liste des produits et services est longue, son rappel souligne l’importance de cette décision.

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, topographiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement et ordinateurs pour le traitement de données ; extincteurs ; supports pour téléphones et supports pour téléphones portables, téléphones à puce, dispositifs d’informatique mobile, tablettes ; stations de chargement pour téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs mobiles, tablettes électroniques ; stations d’accueil pour téléphones mobiles, smartphones, autres articles, en particulier dans le domaine de la photo, de la vidéo, de l’audio, des ordinateurs et des télécommunications » ;

–        classe 20 : « Meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits, non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, fanon de baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; présentation de produits dans les médias de communication pour le commerce de détail ; rassemblement de diverses marchandises (à l’exception de leur transport) pour le compte de tiers afin de faciliter la visualisation et l’achat de ces marchandises par le client ; services de magasins de vente au détail, points de vente en gros et magasins de vente par correspondance d’appareils et d’instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle, de secours (sauvetage) et d’enseignement, appareils et instruments de conduction, de commutation, de transformation, de stockage, de régulation et de contrôle de l’électricité, appareils d’enregistrement, de transmission et de reproduction de sons et d’images, supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques, caisses enregistreuses, machines à calculer, appareils pour le traitement de l’information et ordinateurs, extincteurs d’incendie, supports pour téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs mobiles, tablettes électroniques, stations de chargement pour téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs mobiles, tablettes électroniques, stations d’accueil pour téléphones mobiles, smartphones, autres articles, en particulier dans le domaine de la photo, de la vidéo, de l’audio, des ordinateurs et des télécommunications, meubles, glaces (miroirs), cadres, produits en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, fanon de baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer et leurs succédanés ou en matières plastiques ; distribution (vente) via des supports électroniques d’appareils et d’instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle, de secours (sauvetage) et d’enseignement, appareils et instruments de conduction, de commutation, de transformation, de stockage, de régulation et de contrôle de l’électricité, appareils d’enregistrement, de transmission et de reproduction de sons et d’images, supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques, caisses enregistreuses, machines à calculer, appareils pour le traitement de l’information et ordinateurs, extincteurs d’incendie, supports pour téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs mobiles, tablettes électroniques, stations de chargement pour téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs mobiles, tablettes électroniques, stations d’accueil pour téléphones mobiles, smartphones, autres articles, en particulier dans le domaine de la photo, de la vidéo, de l’audio, des ordinateurs et des télécommunications, meubles, glaces (miroirs), cadres, produits en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, fanon de baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer et leurs succédanés ou en matières plastiques ; distribution (vente) de produits de consommation, d’accessoires et autres articles dans le domaine de la photo, de la vidéo, de l’audio, des ordinateurs et des télécommunications ».

Pas de droit acquis à l’illégalité pour obtenir un enregistrement de marque

Un déposant peut-il invoquer un précédent enregistrement de marque intervenu en sa faveur à l’appui d’une seconde demande d’enregistrement de marque portant sur un signe analogue ?

Illustration avec l’arrêt du 15 octobre 2020 du Tribunal de l’Union.

Un déposant voit sa demande de marque rejetée par l’EUIPO.

L’examinatrice et la Chambre de recours ont considéré que les deux termes quand ils s’appliquaient à des vêtements et des chaussures, n’étaient as distinctifs la marque demandée n’étant qu’un banal message d’information sur une caractéristique des produits en cause, qui pouvait être particulièrement appréciée par les personnes qui préfèrent acheter des vêtements ou des chaussures à rembourrage synthétique plutôt que d’origine animale.

Mais ce déposant a obtenu de l’EUIPO l’enregistrement d’une première marque comportant un signe analogue avec la même partie verbale

Si le principe de légalité est invoqué par le déposant, ce même principe lui est opposé par le Tribunal ..

72      … , la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fait valoir, au point 29 de la décision attaquée, une sorte de hiérarchie entre le principe d’égalité de traitement et le principe de légalité. Or, une telle hiérarchie n’existerait pas et l’EUIPO serait, selon la requérante, tenu au respect de ces deux principes. La requérante soutient que, compte tenu de l’enregistrement de la marque verbale antérieure FAKEDUCK, afin précisément de respecter le principe de légalité, la chambre de recours aurait dû également autoriser l’enregistrement de la marque demandée dans la présente procédure.

73      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

74      Il convient de rappeler que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration ….

75      Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens ..

76      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui, afin d’obtenir une décision identique

77      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus…

78      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces considérations sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé ….

79      En l’espèce, comme la demande d’enregistrement se heurte au motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, la requérante ne peut invoquer valablement cette marque verbale antérieure FAKEDUCK, à l’appui des violations des principes d’égalité de traitement et de légalité, ni invoquer à son profit une illégalité éventuelle qui affecterait l’enregistrement de cette marque afin d’obtenir une décision identique.

80      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait fait valoir une sorte de hiérarchie entre le principe d’égalité de traitement et le principe de légalité, il y a lieu de constater que la requérante a procédé à une interprétation erronée de la décision attaquée. En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé, à juste titre, la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, en précisant que l’application des principes d’égalité de traitement et de bonne administration devait se concilier avec le respect du principe de légalité.

81      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’écarter les …/.. moyens comme non fondés.