Stop à la discrimination entre les robots !

A se reporter à la 12ème classification internationale des marques édition 2023  : il y aurait deux catégories de robots ( lien vers le site de l’OMPI)

L’une humanoïde  

  • robots humanoïdes dotés de fonctions de communication et d’apprentissage pour divertir et assister les individus
  • robots humanoïdes dotés d’une intelligence artificielle pour la préparation de boissons
  • robots humanoïdes dotés d’une intelligence artificielle pour la recherche scientifique
  • robots humanoïdes programmables par l’utilisateur, non configurés

L’autre non humanoïde

  • robots de laboratoire
  • robots de surveillance pour la sécurité
  • robots pédagogiques
  • robots de téléprésence
  • les robots industriels
  • les robots chirurgicaux
  • les robots en tant que jouets

Chacun aura relevé qu’un robot ne serait doté d’intelligence et de fonctions de communication et d’assistance que s’il présente un aspect humanoïde !

Pas de droit acquis à l’illégalité pour obtenir un enregistrement de marque

Un déposant peut-il invoquer un précédent enregistrement de marque intervenu en sa faveur à l’appui d’une seconde demande d’enregistrement de marque portant sur un signe analogue ?

Illustration avec l’arrêt du 15 octobre 2020 du Tribunal de l’Union.

Un déposant voit sa demande de marque rejetée par l’EUIPO.

L’examinatrice et la Chambre de recours ont considéré que les deux termes quand ils s’appliquaient à des vêtements et des chaussures, n’étaient as distinctifs la marque demandée n’étant qu’un banal message d’information sur une caractéristique des produits en cause, qui pouvait être particulièrement appréciée par les personnes qui préfèrent acheter des vêtements ou des chaussures à rembourrage synthétique plutôt que d’origine animale.

Mais ce déposant a obtenu de l’EUIPO l’enregistrement d’une première marque comportant un signe analogue avec la même partie verbale

Si le principe de légalité est invoqué par le déposant, ce même principe lui est opposé par le Tribunal ..

72      … , la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fait valoir, au point 29 de la décision attaquée, une sorte de hiérarchie entre le principe d’égalité de traitement et le principe de légalité. Or, une telle hiérarchie n’existerait pas et l’EUIPO serait, selon la requérante, tenu au respect de ces deux principes. La requérante soutient que, compte tenu de l’enregistrement de la marque verbale antérieure FAKEDUCK, afin précisément de respecter le principe de légalité, la chambre de recours aurait dû également autoriser l’enregistrement de la marque demandée dans la présente procédure.

73      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

74      Il convient de rappeler que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration ….

75      Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens ..

76      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui, afin d’obtenir une décision identique

77      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus…

78      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces considérations sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé ….

79      En l’espèce, comme la demande d’enregistrement se heurte au motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, la requérante ne peut invoquer valablement cette marque verbale antérieure FAKEDUCK, à l’appui des violations des principes d’égalité de traitement et de légalité, ni invoquer à son profit une illégalité éventuelle qui affecterait l’enregistrement de cette marque afin d’obtenir une décision identique.

80      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait fait valoir une sorte de hiérarchie entre le principe d’égalité de traitement et le principe de légalité, il y a lieu de constater que la requérante a procédé à une interprétation erronée de la décision attaquée. En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé, à juste titre, la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, en précisant que l’application des principes d’égalité de traitement et de bonne administration devait se concilier avec le respect du principe de légalité.

81      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’écarter les …/.. moyens comme non fondés.

Marque italienne, consommateur espagnol et mot en français

Situation classique, une demande de marque est déposée  devant l’EUIPO.

Cette demande porte sur différents produits de la classe 18  dont « Sacs à main ; bagages de voyage ; ….. (etc )

Opposition est faite sur la base des deux marques antérieures espagnoles qui portent sur le signe :

L’un de ces deux enregistrements porte sur les « services de vente au détail » relevant de la classe 35 :

La division accueille l’opposition , et le recours du déposant est  rejeté par la Chambre.

L’affaire vient devient le Tribunal de l’Union.

L’arrêt est du 26 mars.

Tout d’abord, la question de l’exploitation de la marque antérieure dont des preuves d’usage ont été demandées.

9      La requérante soutient que l’EUIPO a considéré à tort que les services protégés par la marque antérieure ……étaient des « services de vente au détail de sacs à main, porte-monnaie et portefeuilles en cuir, vêtements confectionnés et chaussures » et non simplement des « services de vente au détail », alors que cette marque était enregistrée pour les « services de vente au détail » sans autre précision.

30      La requérante estime que la comparaison des produits et des services doit être fondée sur le libellé indiqué dans les listes de produits et de services et que tout usage réel ou prévu qui n’est pas énoncé dans ces listes n’est pas pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion au regard des produits et services sur lesquels l’opposition est fondée.

La motivation du Tribunal pour rejeter cette argumentation :

39      Or, selon la jurisprudence, l’activité de commerce de détail de produits constitue un service relevant de la classe 35 ……………….. Cette classe comprend d’ailleurs, selon la note explicative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) relative à l’arrangement de Nice, pour les services relevant de ladite classe « le regroupement pour le compte de tiers de produits divers […] permettant au consommateur de les voir et de les acheter commodément ». Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la notion de « services de vente au détail » n’est pas, une notion vague et couvre la vente au détail de tout produit.

Attention toutefois à ne pas généraliser cet enseignement, , la marque espagnole ayant été enregistrée le 20 octobre 2000, c’est à dire  antérieurement à la date fixée par le célèbre arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys. 

Ensuite, la similarité des signes.

79      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a sous-estimé l’importance des éléments figuratifs de la marque demandée ainsi que du nombre 11 et de l’élément verbal très important et très connu « giorgio armani », et a accordé une importance prédominante aux éléments « lesac » et « le sac », en dépit de leur caractère distinctif faible.

La motivation du Tribunal :

90      S’agissant des plans visuel et phonétique, il convient de constater que, eu égard à la présence dans les signes en conflit des éléments verbaux « le sac » et « lesac », qui sont quasi identiques sur le plan visuel et se prononceront de la même manière, lesdits signes présentent des similitudes. En outre, compte tenu de ces similitudes, les éléments de dissemblance ne sont pas de nature à écarter chez le public pertinent l’impression selon laquelle ces signes, appréciés globalement, présentent un degré moyen de similitude tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique. Cette similitude moyenne n’est pas remise en cause par la circonstance, mise en avant par la requérante, selon laquelle l’élément « giorgio armani » constitue une marque renommée. En effet, même en prenant en considération une position plus forte de cet élément dans la marque demandée, il n’en reste pas moins que le deuxième élément, qui reprend la marque antérieure ….. presque à l’identique, attirera l’attention du consommateur espagnol.

91      Partant, il convient de valider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent sur les plans visuel et phonétique un degré moyen de similitude.

Précisons que le Tribunal a vérifié  que la Chambre de recours ait pris en compte le fait que le consommateur espagnol ne comprendrait pas les mots « le sac » :

85      ……………….., les arguments présentés par la requérante ne permettent pas de considérer que l’élément verbal « le sac », qui sera perçu comme émanant de la langue française, sera compris par le public espagnol. …….. En l’espèce, le public espagnol ne comprendra pas l’élément « le sac » de la marque demandée comme désignant un sac ou un vêtement. Il est au contraire hautement probable que, à tout le moins, une partie non négligeable du public pertinent, dont le niveau d’attention a été considéré comme moyen, ne percevra pas la signification de ce mot et percevra cet élément pour ce qu’il est, à savoir un terme à consonance étrangère, de sorte que ledit élément verbal aura, pour cette partie des consommateurs, un caractère distinctif moyen.

Le recours est rejeté.

Commerce en ligne : une place de marché est-elle responsable des produits contrefaisants proposés par un tiers.

La place de marché participe-t-elle à l’atteinte à la marque quand le parfum vendu par un tiers n’a pas été autorisé à la vente dans l’Union par le titulaire de la marque ?

Cet arrêt rendu le 2 avril 2020 par la Cour de justice est d’autant plus d’actualité que le commerce en ligne explose avec les mesures de confinement et la place de marché en cause est celle du site Internet www.amazon.de

Deux sociétés du groupe Amazon se voient reprochées leur rôle par le titulaire des droits de marque. Amazon Service Europe qui offre à des vendeurs tiers la possibilité de publier, pour leurs produits, des offres de vente dans la partie « Amazon-Marketplace » du site Internet www.amazon.de. Et Amazon FC Graben, qui exploite un entrepôt.

Un contentieux en Allemagne

Le titulaire de  la licence de marque engage une action en Allemagne pour atteinte à la marque et demande que ces deux sociétés soient condamnées, sous peine de sanctions, à s’abstenir de détenir ou d’expédier, ou de faire détenir ou de faire expédier, en Allemagne, dans la vie des affaires, des parfums de la marque …. et à ce qu’elles soient condamnées pour avoir entreposé ces parfums pour le compte de cette société tierce ou de toute autre société non identifiée.

Le Landgericht rejette les demandes. Idem en appel.

Le titulaire de la licence forme un pourvoi.

Pour le Bundesgerichtshof se pose l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001  qui prévoit différentes interdictions « b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe  » et partant de définir qui en sont les auteurs.

Cet arrêt est limité à cette situation particulière d’entreposage

34      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que les parties défenderesses au principal n’ont fait qu’entreposer les produits concernés, sans les avoir offerts elles-mêmes à la vente ou les avoir mis dans le commerce et, d’autre part, qu’elles n’entendaient pas davantage offrir ces produits à la vente ou les mettre dans le commerce.

35      Il convient dès lors de déterminer si une telle opération d’entreposage peut être considérée comme un « usage » de la marque, au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001 et, en particulier, comme le fait de « détenir » ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement 2017/1001 ne définissent la notion de « faire usage » au sens de l’article 9 de ces règlements.

37      La Cour a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que, selon son sens habituel, l’expression « faire usage » implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. À cet égard, elle a relevé que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, qui énumère de manière non exhaustive les types d’usage que le titulaire de la marque peut interdire, mentionne exclusivement des comportements actifs de la part du tiers …..

38      La Cour a également rappelé que ces dispositions ont pour but de fournir au titulaire d’une marque un instrument légal lui permettant d’interdire, et ainsi de faire cesser, tout usage de sa marque qui est fait par un tiers sans son consentement. Cependant, seul un tiers qui a la maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage est effectivement en mesure de cesser cet usage et donc de se conformer à ladite interdiction …..

39      Elle a par ailleurs itérativement jugé que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. Une personne peut ainsi permettre à ses clients de faire usage de signes identiques ou similaires à des marques, sans faire elle-même un usage desdits signes …..

La Cour s’est déjà prononcée dans des situations analogues

40      C’est ainsi que la Cour a considéré, s’agissant de l’exploitation d’une plateforme de commerce en ligne, que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichées sur une place de marché en ligne, est fait par les clients vendeurs de l’exploitant de cette place de marché et non par cet exploitant lui-même…….

41      Elle a également relevé, s’agissant d’une entreprise dont l’activité principale est le remplissage de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers, qu’un prestataire de service qui se limite à remplir, sur commande et sur les instructions d’un tiers, des canettes déjà pourvues de signes similaires à des marques et donc à exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant, ne fait pas lui-même un « usage » de ces signes mais crée uniquement les conditions techniques nécessaires pour que ce tiers puisse faire un tel usage ……

42      De même, la Cour a jugé que, si un opérateur économique, qui importe ou remet à un entrepositaire, en vue de leur mise dans le commerce, des marchandises revêtues d’une marque dont il n’est pas titulaire, fait « usage » d’un signe identique à cette marque, tel n’est pas nécessairement le cas de l’entrepositaire qui fournit un service d’entreposage des marchandises revêtues de la marque d’autrui …………..

43      En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe …..

L’entreposage peut amener son auteur à se voir reconnaitre responsable par sa maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage

45      Il s’ensuit que, pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes, encore faut-il, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

46      À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale.

47      Or, en l’occurrence, s’agissant des parties défenderesses au principal, ainsi qu’il a été relevé au point 34 du présent arrêt, la juridiction de renvoi indique sans ambigüité que celles-ci n’ont pas elles-mêmes offert les produits concernés à la vente ni ne les ont mis dans le commerce, celle-ci précisant, du reste, dans le libellé de sa question, que c’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale.

Le droit dit par la Cour de Justice

L’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], et l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités.

 

Comment les règles relatives à l’environnement, l’aménagement et à l’agencement d’un magasin de vente de produits de luxe peuvent-elles être maintenues sur une plateforme en ligne ?

La Cour de justice avait déjà dit que l’interdiction absolue de vente sur Internet n’était pas valable. Peu à peu se dessine les contours de ce qui peut justifier une interdiction de vente sur Internet de produits de luxe à l’encontre des distributeurs non agrées, et son corollaire les conditions d’une vente licite sur une plateforme internet détenue par un tiers au réseau de distribution agréé.

L’arrêt rendu par la Cour de justice, le 6 décembre 2017, intervient dans le secteur de la distribution sélective de produits cosmétiques de luxe et se prononce sur la validité des clauses qui interdisent aux distributeurs d’avoir recours à un tiers non agréé pour la vente sur Internet. La Cour de justice répond à une question préjudicielle posée par une juridiction allemande à propos de l’application du règlement no 330/2010, L’arrêt est là.

Pour mémoire, ce règlement définit le « système de distribution sélective » comme étant « un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système ».

Très brièvement les dispositions de la clause contractuelle en cause et son implication pratique.

Le réseau de distribution sélective de Coty est soumis à la clause contractuelle qui prévoit « le dépositaire est autorisé à proposer et à vendre les produits sur Internet, à la condition toutefois que cette activité de vente par Internet soit réalisée par l’intermédiaire d’une “vitrine électronique” du magasin agréé et que le caractère luxueux des produits soit préservé ». En outre, cette clause « interdit expressément l’usage d’une autre dénomination commerciale ainsi que l’intervention visible d’une entreprise tierce qui n’est pas un dépositaire agréé de Coty Prestige ».

 Un distributeur agréé refuse cette clause qui devait modifier le contrat existant avec le réseau de Coty et un litige naît en Allemagne entre Coty et son distributeur  qui souhaite vendre les produits Coty sur internet via la plateforme « amazon.de ». Le juge allemand premier saisi écarte cette clause et la juridiction allemande d’appel interroge la Cour de justice de la compatibilité de cette clause au regard de l’article 101 du TFUE et du règlement 330/2010.

Le 6 juillet,  la Cour de justice applique à la distribution sur Internet les principes dégagés pour les boutiques physiques des produits de luxe.

Sans reprendre ici l’historique des décisions intervenues en matière de distribution sélective et de produits de luxe auxquelles cet arrêt se réfère, les passages essentiels sont repris ci-après.

  • Le rappel : un réseau de distribution sélective n’est pas en tant que tel contraire aux règles de la concurrence

36…l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits est conforme à cette disposition, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

  • La clause d’interdiction de vente par les plateformes tierces qui est objective, uniforme et s’applique à tous les distributeurs agréés, est-elle proportionnée au regard de l’objectif poursuivi ?

Les termes de la clause ne sont pas soumis à la Cour de justice

42      À cet égard, il est constant que la clause contractuelle en cause au principal a pour objectif de préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés. Par ailleurs, il ressort du dossier soumis à la Cour que la juridiction de renvoi considère que cette clause est objective et uniforme et qu’elle s’applique sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés.

La Cour de justice apprécie la proportionnalité de cette clause avec la finalité d’un réseau de distribution sélective . Sans relation contractuelle spécifique avec la plateforme tierce, le réseau ne peut pas lui imposer ses conditions d’image.

Le lien entre la clause d’interdiction et l’existence du réseau :

44      S’agissant, en premier lieu, du caractère approprié de l’interdiction en cause au principal au regard de l’objectif poursuivi, il convient d’observer, premièrement, que l’obligation imposée aux distributeurs agréés de ne vendre sur Internet les produits contractuels que par l’intermédiaire de leurs propres boutiques en ligne et l’interdiction faite auxdits distributeurs de faire usage d’une autre dénomination commerciale ainsi que de recourir de façon visible à des plateformes tierces garantissent d’emblée au fournisseur que, dans le cadre du commerce électronique de ces produits, ces derniers sont rattachés exclusivement aux distributeurs agréés.

Un encadrement à cette interdiction fondé sur la finalité du réseau de distribution des produits de luxe, le respect de conditions qualitatives

45      Or, un tel rattachement étant précisément l’un des buts recherchés lorsqu’il est fait recours à un tel système, il apparaît que l’interdiction en cause au principal comporte une limitation cohérente au regard des caractéristiques propres du système de distribution sélective.

46      Par conséquent, si, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, ces caractéristiques font du système de distribution sélective un moyen adéquat pour préserver l’image de luxe des produits de luxe, et contribuent donc au maintien de la qualité de ces produits (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Copad, C‑59/08, EU:C:2009:260, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée), une limitation, telle que celle résultant de l’interdiction en cause au principal, dont le résultat est inhérent auxdites caractéristiques, doit également être considérée comme étant de nature à préserver la qualité et l’image de luxe desdits produits.

47      Deuxièmement, l’interdiction en cause au principal permet au fournisseur de produits de luxe de contrôler que ses produits seront vendus en ligne dans un environnement qui correspond aux conditions qualitatives qu’il a convenues avec ses distributeurs agréés.

48      En effet, le non-respect par un distributeur des conditions de qualité fixées par le fournisseur permet à celui-ci de se retourner contre ce distributeur, sur le fondement du lien contractuel existant entre ces deux parties. L’absence de relation contractuelle entre le fournisseur et les plateformes tierces fait toutefois obstacle à ce que celui-ci puisse, sur un tel fondement, exiger de ces plateformes le respect des conditions de qualité qu’il a imposées à ses distributeurs agréés.

49      Or, une vente en ligne de produits de luxe par des plateformes qui n’appartiennent pas au système de distribution sélective de ces produits, dans le cadre de laquelle le fournisseur n’a pas la possibilité de contrôler les conditions de vente de ses produits, comporte le risque d’une détérioration dans la présentation desdits produits sur Internet, qui est de nature à porter atteinte à leur image de luxe et, partant, à leur nature même.

La vente en ligne uniquement dans les boutiques en lignes des distributeurs agréés  maintient l’image de luxe auprès des consommateurs

50      Troisièmement, compte tenu du fait que ces plateformes constituent un canal de vente pour tout type de produit, le fait que les produits de luxe ne soient pas vendus par l’intermédiaire de telles plateformes, et que leur vente en ligne s’effectue uniquement dans les boutiques en ligne des distributeurs agréés contribue à cette image de luxe auprès des consommateurs et, de ce fait, au maintien de l’une des caractéristiques principales de ces produits recherchées par les consommateurs.

51      Dès lors, l’interdiction faite par un fournisseur de produits de luxe à ses distributeurs agréés de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet de ces produits, est appropriée pour préserver l’image de luxe desdits produits.

Ce que dit la Cour :

1)      L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits est conforme à cette disposition, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

2)      L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, qui interdit aux distributeurs agréés d’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits de recourir de manière visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits contractuels, dès lors que cette clause vise à préserver l’image de luxe desdits produits, qu’elle est fixée d’une manière uniforme et appliquée d’une façon non discriminatoire, et qu’elle est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

3)      L’article 4 du règlement (UE) no 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’interdiction faite aux membres d’un système de distribution sélective de produits de luxe, qui opèrent en tant que distributeurs sur le marché, d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet, ne constitue pas une restriction de la clientèle, au sens de l’article 4, sous b), de ce règlement, ni une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals, au sens de l’article 4, sous c), dudit règlement.