Opposition à un dépôt de marque communautaire par une marque antérieure : la définition du public pertinent à propos de ces marques portant sur des bières

L’arrêt du 31 janvier 2012 du Tribunal,affaire T‑205/10, Cervecería Modelo, SA de CV, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), définit le public pertinent à propos de marques déposées pour des bières.

Les marques

La marque demandée : le signe verbal LA VICTORIA DE MEXICO

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; bars ; hébergement temporaire ».

Les marques opposées : une marque communautaire et une marque nationale espagnole :

Victoria

L’opposition est fondée sur tous les produits relevant des classes 31, 32 et 33 couverts par les enregistrements communautaire et national antérieurs. S’agissant de la classe 32, l’enregistrement communautaire antérieur visait les bières, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fruits et jus de fruits, sirops et autres préparations pour faire des boissons.

Les décisions de l’OHMI

28 janvier 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition.

5 mars 2010 : la deuxième chambre de recours de l’OHMI accepte partiellement le recours, en refusant l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 32.

La décision du Tribunal

Le recours est rejeté. Limitons nous ici à la définition du public pertinent.

Pour la déposante :  » étant habitué à être confronté à des marques complexes comportant différents éléments figuratifs et verbaux, le consommateur moyen de bière de l’Union est attentif à tous les éléments qui composent la marque et les prend en considération au moment d’acheter. Elle fait ainsi implicitement valoir que, lors de l’achat ou de la commande, ledit consommateur ferait preuve d’un degré particulièrement élevé d’attention. »

Pour le Tribunal confirmant la chambre de recours le consommateur n’exerce pas ici ce degré de vigilance :

Ainsi que l’OHMI le relève, s’il est vrai que, dans le secteur des boissons alcooliques, le consommateur est habitué à ce que les produits soient fréquemment désignés par des marques comprenant plusieurs éléments verbaux ou figuratifs, il ne saurait en être conclu que ledit consommateur serait particulièrement attentif à tous les éléments d’une marque, verbaux ou figuratifs, au moment de procéder à l’acte d’achat, les produits en cause étant des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2009, Dominio de la Vega/OHMI – Ambrosio Velasco (DOMINIO DE LA VEGA), T‑458/07, non publié au Recueil, point 27). Une telle considération vaut tout particulièrement, en ce qui concerne la marque antérieure, pour les éléments verbaux « cerveza », « pilsener », « málaga » ou « 1928 », et, en ce qui concerne la marque demandée, pour l’élément verbal « de mexico ». Dans l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, le public pertinent percevra ces différents éléments verbaux comme des éléments descriptifs des produits désignés par les signes en conflit ou, en ce qu’ils font référence à un lieu géographique ou à une année, comme des éléments clairement accessoires et non comme des éléments permettant de distinguer l’origine commerciale de ces produits (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 53).

32 Par suite, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent, constitué de consommateurs moyens de l’Union, était normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

La tolérance en droit des marques est une notion communautaire

La tolérance nous dit la directive 89/104/CE en son article 9 s’applique à celui qui a toléré « l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure ».fraicheur de l'eau alternative à Bud et Budweisser

L’arrêt rendu le 22 septembre, C‑482/09, par la Cour de Justice est intervenu dans un des nombreux conflits relatifs à « Bud » et « Budweiser ».

La situation à l’origine de l’affaire s’est présentée au Royaume Uni :

– Budvar a obtenu deux enregistrements en tant que marque, l’un pour Bud (demande présentée au mois de novembre 1976) et l’autre pour Budweiser (demande effectuée au mois de juin 1989).

– Anheuser-Busch est titulaire d’un enregistrement en tant que marque sur Budweiser (demande introduite au mois de décembre 1979).

Mais ces enregistrements sur Budweiser sont intervenus à la suite d’une décision de la Court of Appeal (England & Wales), par inscription au registre des marques du Royaume-Uni, le 19 mai 2000,

Le 18 mai 2005, soit quatre ans et 364 jours après l’enregistrement de la marque Budweiser au bénéfice de Budvar et d’Anheuser-Busch, cette dernière a introduit auprès de l’Office des marques du Royaume-Uni une demande en nullité à l’encontre de l’enregistrement de cette marque effectué au profit de Budvar.

L’Office des marques du Royaume-Uni annule la marque, le 19 février 2008, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, rejette le recours puis la juridiction de renvoi saisit la Cour de Justice quant à l’interprétation de l’article 9 de la directive 89/104, notamment en ce qui concerne les notions de «tolérance» et de «période».

 

1)      La tolérance, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, est une notion du droit de l’Union et le titulaire d’une marque antérieure ne peut être réputé avoir toléré l’usage honnête bien établi et de longue durée, dont il a connaissance depuis longtemps, par un tiers d’une marque postérieure identique à celle de ce titulaire si ce dernier était privé de toute possibilité de s’opposer à cet usage.

2)      L’enregistrement de la marque antérieure dans l’État membre concerné ne constitue pas une condition nécessaire pour faire courir le délai de forclusion par tolérance prévu à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104. Les conditions nécessaires pour faire courir ce délai de forclusion, qu’il incombe au juge national de vérifier, sont, premièrement, l’enregistrement de la marque postérieure dans l’État membre concerné, deuxièmement, le fait que le dépôt de cette marque a été effectué de bonne foi, troisièmement, l’usage de la marque postérieure par le titulaire de celle-ci dans l’État membre où elle a été enregistrée et, quatrièmement, la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l’enregistrement de la marque postérieure et de l’usage de celle-ci après son enregistrement.

3)      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque antérieure ne saurait obtenir l’annulation d’une marque postérieure identique désignant des produits identiques dans le cas d’un usage simultané honnête et de longue durée de ces deux marques lorsque, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, cet usage ne porte pas atteinte ou n’est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.

 

Ces dernières lignes devraient elles être comprises comme l’exigence d’un intérêt à agir en nullité d’une marque ?