Comment définir ses produits lors de la demande d’enregistrement ?

On sait qu’en ce mois de septembre 2016, les déposants des marques  communautaires d’avant le 22 juin 2012 sont invités à revoir leur dépôt !

Le dépôt de marque contient l’intitulé des produits et services à protéger, mais la portée de l’enregistrement doit tenir compte également du public concerné.

Illustration avec l’arrêt du Tribunal du 19 juillet qui annule la décision de la Chambre de recours qui avait considéré que les produits n’étaient pas similaires, en examinant  le public concerné. L’arrêt est là

(Pour la bonne compréhension , le CCCMC cité dans l’arrêt est le « Carbonate de calcium cristallin servant de matériau de charge »)

49      C’est dans le cadre de la comparaison des produits, abordée directement par la chambre de recours, qu’il convient de poursuivre l’examen du recours.

 Sur la comparaison des produits

–       S’agissant des « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants »

  • La position de la Chambre de recours

50      Aux points 33 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours, après avoir procédé à certaines considérations relatives à la nature et à la destination des produits comparés, a énoncé en substance que le CCCMC était différent des « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants », au motif que le CCCMC était une matière première tandis que ces produits étaient des produits finis, ou encore au motif que le CCCMC était destiné à l’industrie et à la fabrication de produits finis, tandis que les « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants » étaient essentiellement achetés par des consommateurs finaux, professionnels ou appartenant au grand public, à des fins de décoration et de protection.

  • Le périmètre de l’emploi d’un produit fini

51      S’agissant de ces appréciations, il convient toutefois de relever, d’une part, que la qualification d’un produit comme étant un produit fini n’exclut pas son emploi dans l’industrie, comme ingrédient, matière première ou composant entrant dans la fabrication d’un autre produit. En effet, la notion de produit fini désigne un produit prêt à être commercialisé. Elle peut donc s’appliquer à des produits commercialisés auprès de l’industrie. En outre, même si cette notion est employée dans un sens plus restreint, pour distinguer les produits manufacturés des matières premières non transformées, elle ne permet pas de fonder la position de la chambre de recours. En effet, force est de constater qu’un produit manufacturé peut constituer l’ingrédient, la matière première ou le composant d’un autre produit manufacturé.

  • L’application de ce périmètre aux laques  et autres

52      Par suite, la qualification par la chambre de recours des « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants » comme étant des produits finis ne permettait en rien d’exclure que ces produits puissent entrer dans un processus industriel de fabrication d’autres produits. Le fait que des couleurs, vernis ou laques puissent être vendus aux particuliers ou aux entreprises de peinture du secteur du bâtiment n’exclut pas que des produits répondant à ces dénominations puissent être commercialisés auprès des industriels pour la fabrication d’autres produits.

53      D’autre part, c’est de manière non convaincante que la chambre de recours a, en termes péremptoires et globaux, affirmé en substance que les « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants » étaient achetés « essentiellement » par des consommateurs non industriels à des fins de décoration et de protection.

54      Certes, il est notoire que, parmi ces produits, les « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois » ont pour acheteurs et utilisateurs des consommateurs non industriels, tels que les entreprises de peinture du second œuvre du bâtiment ou les particuliers bricoleurs.

55      Mais ce fait notoire, relatif aux entreprises de peinture et au grand public, est sans rapport avec le secteur industriel et il n’informe en rien sur les produits que ce secteur est susceptible d’utiliser. Il ne permet donc pas d’inférer que les industriels ne seraient pas également consommateurs de ces produits.

  • Le périmètre de l’emploi du CCCMC: l’ industrie

56      Or, dès lors que le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion ne pouvait, en tout état de cause, pas s’étendre au‑delà des professionnels de l’industrie (voir point 46 ci-dessus), la seule question qu’il incombait à la chambre de recours de trancher était celle de savoir si les professionnels de l’industrie, utilisateurs non contestés de CCCMC, étaient également susceptibles d’utiliser des produits intitulés « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois » pour la fabrication de leurs propres produits.

57      Ces considérations valent, a fortiori, s’agissant des « matières tinctoriales » et des « mordants », dans la mesure où, ces produits étant a priori plus techniques que beaucoup de couleurs, vernis et laques, il n’est même pas notoire qu’ils étaient destinés, comme l’a considéré en substance la chambre de recours, à des entreprises de peinture et au grand public.

  • L’annulation de la décision de la Chambre de recours sur l’absence de risque de confusion entre ces produits 

58      Il résulte des considérations qui précèdent que, aux points 34 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours, sans procéder à un examen concret, mais en se fondant plutôt sur des considérations dénuées de pertinence et sujettes à caution, a inféré, en substance, que le public industriel consommateur de CCCMC n’était pas consommateur des produits « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants ».

59      La requérante reproche donc à bon droit à la chambre de recours, en substance, de n’avoir pas pris en considération la circonstance que les professionnels de l’industrie utilisateurs de CCCMC achètent également des peintures ou autres agents de revêtement pour fabriquer leurs produits finis. Cette critique, que la requérante a formulée en prenant pour exemple, sans être contredite, les professionnels de l’industrie des produits en plastique, vaut également, compte tenu des énonciations des parties, s’agissant des professionnels de l’industrie papetière, de l’industrie des peintures et de l’industrie des enduits.

60      En définitive, la chambre de recours, faute d’une identification préalable correcte du public pertinent aux fins de l’examen du risque de confusion entre le CCCMC et les produits « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants », a conclu à l’absence de similitude de ces produits et du CCCMC sur la base de considérations dépourvues de pertinence et sujettes à caution.

61      Dans ces conditions, il convient d’accueillir le moyen unique invoqué par la requérante s’agissant des « couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants », désignés par la marque contestée, et d’annuler la décision attaquée s’agissant de ces produits.