Protection des couleurs par l’action en concurrence déloyale, l’examen minutieux de l’arrêt du 4 janvier 2012 de la Cour de Paris à propos de l’emploi d’un code de couleurs marron, jaune, blanc, rose, rouge, vert

Ce blog cite régulièrement des décisions de justice mettant en cause des marques portant sur des couleurs.

L’arrêt du 4 janvier 2012 rendu par la Cour de Paris est intéressant non qu’il se prononce sur des couleurs protégées par des marques mais en leur absence, sur une action en concurrence déloyale.

Pour la bonne compréhension de l’arrêt, indiquons qu’une demande en contrefaçon de brevet avait été présentée mais qu’elle a été rejetée successivement par le Tribunal puis par la Cour parce que le brevet a été annulé pour défaut d’activité inventive.

L’appelant dont l’action en contrefaçon a été rejetée, alléguait des actes de concurrence déloyale par reprise de couleurs .

Ci-après est reproduite la motivation de la Cour pour rejeter également cette action en concurrence déloyale. Vous noterez la finesse d’analyse des magistrats et la volonté d’expliquer leur position au regard de la technique en cause.

  • Tout d’abord, le rappel du principe

Considérant en droit, que le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions 6tenant, notamment, à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, préjudiciable à l’exercice paisible et loyal du commerce ;
Considérant que l’appréciation de la faute au regard du risque de confusion, doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, outre le caractère plus ou moins servile de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté, l’originalité et la notoriété du produit copié ;

  • Venons maintenant à la situation technique dans laquelle les couleurs sont utilisées

Considérant que la société C….., qui reconnaît ne pas exploiter le brevet litigieux mais un autre brevet protégeant une autre forme de contrôle du sertissage au moyen d’une bague de visualisation non sécable, fait ici valoir qu’elle a été la première à utiliser un code couleur pour l’identification de ses produits, à savoir la couleur vert anis pour les bagues de contrôle de sertissage et, selon le diamètre du raccord à sertir, les couleurs marron, jaune, blanc, rose, rouge, vert pour les inserts correspondants, introduits dans les mâchoires de la presse de sertissage et fait grief à la société U……. d’avoir délibérément recherché, en reprenant un mode d’identification du couple bague de visualisation / insert par un code couleur, à semer la confusion dans l’esprit de la clientèle ;
Or considérant qu’il importe de relever, dès lors que l’ensemble des circonstances de l’espèce doit être pris en compte dans l’appréciation du risque de confusion, qu’il n’est pas démenti que la bague de visualisation non sécable telle qu’exploitée par la société C……. reste en place sur le raccord et n’est pas détruite, à la différence de la bague de visualisation U……, mais déformée par le sertissage, de telle sorte que le professionnel des raccords de tuyaux, utilisateur des bagues de visualisation, sera à même de distinguer celles provenant de la société C….. de celles provenant de la société U………., d’abord et en premier lieu, à raison de leur comportement différent sous l’effet du processus de sertissage ;

Considérant ensuite, que l’identification des produits au moyen d’un code couleur est banale dans les usages du commerce et la société C……. , qui souligne elle-même dans ses écritures qu’un tel moyen constitue un indicateur simple et attractif de la fonction ou de la destination du produit, ne saurait en revendiquer le monopole ;
Que force est de constater, en toute hypothèse, que la société C……. utilise une couleur unique, vert anis, pour les bagues de visualisation, quel que soit leur diamètre et des couleurs différentes, en fonction du diamètre, pour les inserts : marron pour un diamètre de 14, jaune pour le 16, blanc pour le 18, rose pour le 20, rouge pour le 25/26, vert pour le 32 ; que la société U……utilise quant à elle, au vu de la plaquette de présentation appréhendée au cours des opérations de saisie-contrefaçon, une couleur identique pour le couple bague de visualisation /insert, couleur qui diffère selon le diamètre de la bague de visualisation et de l’insert correspondant : beige pour un diamètre de 16, rose pour le 18, orange pour le 20, marron pour le 25/26, vert pour le 32 ; que les deux sociétés utilisent en conséquence, pour chaque diamètre considéré, un code couleur différent, étant à cet égard relevé en ce qui concerne le diamètre 32, que le vert anis de la société C…….. se distingue aisément du vert foncé de la société U……. ;

  • La conclusions sur l’absence de risque de confusion

Considérant qu’il suit de ces observations que l’utilisation incriminée d’un code couleur pour les ensembles bagues de visualisation/ inserts U…….ne crée pas un risque de confusion dans l’esprit de l’utilisateur des produits concernés qui ne serait pas fondé à attribuer aux bagues de visualisation commercialisées par les sociétés concurrentes une origine commune ;