La culture en 140 caractères

Comment un média qui utilise 140 caractères peut-il exprimer la culture ?

A suivre l’invitation : « Du 23 au 29 mars 2015, les institutions culturelles, les musées du monde entier et leurs visiteurs sont invités à célébrer la culture sur Twitter »; C’est ici.

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Le livre numérique : une prestation de services à soumettre au taux normal de TVA

L’arrêt rendu le 5 mars 2015 par la Cour de Justice, ici, à propos du taux de TVA distingue le livre numérique du livre physique.

42      En effet, d’une part, aux termes de l’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA, est considérée comme une «prestation de services» toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens, alors que, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, est considéré comme une «livraison de biens» le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. Or, la fourniture de livres électroniques ne saurait être considérée comme étant une «livraison de biens», au sens de cette dernière disposition, à défaut pour le livre électronique de pouvoir être qualifié de bien corporel. En effet, ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, le support physique permettant la lecture de ce livre, qui pourrait être qualifié de «bien corporel», est absent lors de la fourniture. Il s’ensuit que, en application de cet article 24, paragraphe 1, la fourniture de livres électroniques doit être qualifiée de prestation de services.

43      D’autre part, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution n° 282/2011, constituent des services fournis par voie électronique, au sens de la directive TVA, «les services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information». Il convient de constater que la fourniture de livres électroniques répond à cette définition.

44      Cette interprétation est confirmée par le point 3 de l’annexe II de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, dudit règlement d’exécution et le point 3 de l’annexe I de celui-ci, dont il résulte que la fourniture du contenu numérisé de livres constitue un tel service.

……

A noter une hausse du prix pour les consommateurs qui acquièrent les livres numériques auprès des sites marchands de leur pays : le taux réduit de 3 % n’est pas applicable au livre numérique.

1)      En appliquant un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 3 % à la fourniture de livres numériques ou électroniques, le Grand‑Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 à 99, 110 et 114 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/88/UE du Conseil, du 7 décembre 2010, lus en combinaison avec les annexes II et III de ladite directive et le règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112.

 

Seul l’éditeur fixe le prix du livre même sur Internet

L’offre d’abonnement d’Amazon « Kindle Unlimited » suscite un débat, l’avis du médiateur  du livre saisi par la ministre de la culture et de la communication, Madame Fleur Pellerin, examine principalement sa conformité avec la loi française  du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Quelques extraits du rapport de Madame Laurence ENGEL, médiateur du livre.

L’analyse des textes – la loi et le décret – comme les enseignements tirés des débats

parlementaires qui les ont précédés conduisent à considérer que la loi de 2011 couvre bien les abonnements. On insistera notamment sur le fait que le prix de vente qui doit être fixé par l’éditeur s’applique aux « offres » et non aux « livres » ; et que la loi fait référence à tout type d’offres, toutes formes de modalités d’accès, dont les offres groupées et l’accès en streaming.

Il faut toutefois être très clair et éviter les raccourcis trompeurs : ni l’abonnement dans son principe, ni évidemment le streaming ne sont interdits par la loi. Celle-ci, pour en ramener les dispositions à son principe, vise à confier à l’éditeur la fixation du prix de vente public, quelles que soient les modalités commerciales choisies pour donner accès à une oeuvre. C’est ce principe de régulation, robuste, qui permet de préserver les équilibre du marché, que le législateur a entendu préserver dans le numérique, en privilégiant une rédaction large et relativement simple. Il s’ensuit que tous les abonnements ne sont pas envisageables ; mais beaucoup le sont, qui doivent permettre de répondre aux attentes du consommateur numérique, notamment en termes de simplicité d’accès, d’accompagnement dans la recherche de livres, de garanties qu’apporte le principe du forfait.

…..d’autres modalités de régulation ne semblent pas mieux adaptées à l’ère numérique ou au cadre juridique que ne l’est le principe du prix unique : chronologie des médias, prix planchers, minimum garanti, dispositifs de segmentation du marché… Il n’est pas de système plus simple ni plus souple que celui, efficace, qui consiste à laisser la main à l’éditeur pour fixer le prix du livre. Dès lors que le principe de la régulation est admis par la quasi-totalité des acteurs de la filière comme indispensable pour préserver les équilibres et la vitalité du secteur, modifier la loi pour renoncer à son application sur un segment du marché n’est pas pertinent car cela reviendrait à renoncer à la régulation elle-même.

…..

La loi de 2011 s’applique aux offres d’abonnement. Toute offre doit donc respecter le principe de régulation qui prévaut dans le secteur du livre : le prix est fixé par l’éditeur.

Plusieurs formules sont envisageables, qui permettent, en se mettant en conformité avec le droit, de répondre aux attentes des lecteurs en termes de souplesse d’accès, de prescription, de forfaitisation de la dépense.

 

Quelles mesures peuvent être prononcées contre un fournisseur d’accès pour bloquer un site ? Les internautes doivent pouvoir faire valoir leurs droits devant le juge

Sur Internet, des sites proposent des films sans respecter les droits d’auteurs ou les droits voisins, comment une juridiction peut-elle faire cesser leur accès ?

L’arrêt du 27 mars 2014 de la Cour de Justice examine les modalités pratiques par lesquelles une telle interdiction peut être prononcée. L’arrêt est ici.  C’est un arrêt très important qui comme souvent intervient alors que le site litigieux a cessé son activité.

Rappelons que la directive 2001/29 reconnait un droit de propriété aux droits voisins :

«(9)      Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. […] La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété.

  • Les faits

Constantin Film et Wega qui produisent des films, considèrent qu’un site Internet diffuse leurs films.

13 mai 2011, le Handelsgericht Wien (Autriche) saisi par Constantin Film et Wega interdit à UPC Telekabel, le fournisseur d’accès,  de fournir à ses clients l’accès au site Internet litigieux actuel de ce site « ainsi que toute autre adresse IP de ce dernier dont cette société pourrait avoir connaissance ». C’est la problématique de l’étendue de cette obligation de qui fait débat.

Juin 2011, le site Internet litigieux cesse son activité.

27 octobre 2011 : l’Oberlandesgericht Wien (Autriche), en tant que juridiction d’appel, réforme partiellement la décision du 13 mai 2011 « celle-ci avait, à tort, spécifié les moyens qu’UPC Telekabel devait mettre en œuvre pour procéder au blocage du site Internet litigieux et ainsi exécuter l’ordonnance d’injonction. »

Recours de UPC Telekabel en «Revision» devant l’Oberster Gerichtshof (Autriche).

Pour UPC Telekabel « les différentes mesures de blocage susceptibles d’être mises en œuvre peuvent toutes être techniquement contournées et que certaines sont excessivement coûteuses ». l’Oberster Gerichtshof pose à la Cour différentes questions préjudicielles auxquelles l’arrêt de la Cour de Justice du 27 mars 2014 répond.

Ne sont cités ci-dessous que les passages de l’arrêt relatifs aux modalités selon lesquelles l’interdiction d’accès peut être prononcée.

  • Les différents droits fondamentaux en cause

46      La Cour a déjà dit pour droit que, lorsque plusieurs droits fondamentaux sont en conflit, il incombe aux États membres, lors de la transposition d’une directive, de veiller à se fonder sur une interprétation de celle-ci qui permette d’assurer un juste équilibre entre les droits fondamentaux applicables, protégés par l’ordre juridique de l’Union. Puis, lors de la mise en œuvre des mesures de transposition de cette directive, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à ladite directive, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de celle-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae, C-275/06, Rec. p. I-271, point 68).

47      En l’occurrence, il y a lieu de relever qu’une injonction, telle que celle en cause au principal, prise sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29, fait s’opposer, principalement, premièrement, les droits d’auteur et les droits voisins qui font partie du droit de propriété intellectuelle et sont dès lors protégés en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, deuxièmement, la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs économiques, tels que les fournisseurs d’accès à Internet, en vertu de l’article 16 de la Charte, ainsi que, troisièmement, la liberté d’information des utilisateurs d’Internet, dont la protection est assurée par l’article 11 de la Charte.

48      Pour ce qui est de la liberté d’entreprise, il doit être constaté que l’adoption d’une injonction, telle que celle en cause au principal, restreint cette liberté.

49      En effet, le droit à la liberté d’entreprise comprend notamment le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement disposer, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, des ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose.

50      Or, une injonction, telle que celle en cause au principal, fait peser sur son destinataire une contrainte qui restreint la libre utilisation des ressources à sa disposition, puisqu’elle l’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important, d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes.

51      Cependant, une telle injonction n’apparaît pas porter atteinte à la substance même du droit à la liberté d’entreprise d’un fournisseur d’accès à Internet, tel que celui en cause au principal.

52      D’une part, une injonction, telle que celle en cause au principal, laisse à son destinataire le soin de déterminer les mesures concrètes à prendre pour atteindre le résultat visé de sorte que celui-ci peut choisir de mettre en place des mesures qui soient les mieux adaptées aux ressources et aux capacités dont il dispose et qui soient compatibles avec les autres obligations et défis auxquels il doit faire face dans l’exercice de son activité.

53      D’autre part, une telle injonction permet à son destinataire de s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les mesures raisonnables. Or, cette possibilité d’exonération a de toute évidence pour effet que le destinataire de cette injonction ne sera pas tenu de faire des sacrifices insupportables, ce qui paraît justifié notamment au regard du fait que ce dernier n’est pas l’auteur de l’atteinte au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué l’adoption de ladite injonction.

  • La possibilité d’accéder au juge pour les internautes

54      À cet égard, conformément au principe de sécurité juridique, le destinataire d’une injonction, telle que celle en cause au principal, doit avoir la possibilité de faire valoir devant le juge, une fois connues les mesures d’exécution qu’il a prises et avant qu’une décision lui imposant une sanction ne soit, le cas échéant, adoptée, que les mesures prises étaient bien celles qui pouvaient être attendues de lui afin d’empêcher le résultat proscrit.

55      Cela étant, lorsque le destinataire d’une injonction, telle que celle en cause au principal, choisit les mesures à adopter afin de s’y conformer, il doit veiller à respecter le droit fondamental des utilisateurs d’Internet à la liberté d’information.

56      À cet égard, les mesures qui sont adoptées par le fournisseur d’accès à Internet doivent être strictement ciblées, en ce sens qu’elles doivent servir à mettre fin à l’atteinte portée par un tiers au droit d’auteur ou à un droit voisin, sans que les utilisateurs d’Internet ayant recours aux services de ce fournisseur afin d’accéder de façon licite à des informations s’en trouvent affectés. À défaut, l’ingérence dudit fournisseur dans la liberté d’information desdits utilisateurs s’avérerait injustifiée au regard de l’objectif poursuivi.

57      Les juridictions nationales doivent avoir la possibilité de vérifier que tel est le cas. Or, dans la situation d’une injonction, telle que celle en cause au principal, il y a lieu de relever que, si le fournisseur d’accès à Internet adopte des mesures qui lui permettent de réaliser l’interdiction prescrite, les juridictions nationales n’auront pas la possibilité d’effectuer un tel contrôle au stade de la procédure d’exécution, faute de contestation à ce sujet. Par suite, pour que les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union ne s’opposent pas à l’adoption d’une injonction, telle que celle en cause au principal, il est nécessaire que les règles nationales de procédure prévoient la possibilité pour les internautes de faire valoir leurs droits devant le juge une fois connues les mesures d’exécution prises par le fournisseur d’accès à Internet.

Sur cette problématique, la Cour dit

2)      Les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’il soit fait interdiction, au moyen d’une injonction prononcée par un juge, à un fournisseur d’accès à Internet d’accorder à ses clients l’accès à un site Internet mettant en ligne des objets protégés sans l’accord des titulaires de droits, lorsque cette injonction ne précise pas quelles mesures ce fournisseur d’accès doit prendre et que ce dernier peut échapper aux astreintes visant à réprimer la violation de ladite injonction en prouvant qu’il a pris toutes les mesures raisonnables, à condition cependant que, d’une part, les mesures prises ne privent pas inutilement les utilisateurs d’Internet de la possibilité d’accéder de façon licite aux informations disponibles et, d’autre part, que ces mesures aient pour effet d’empêcher ou, au moins, de rendre difficilement réalisables les consultations non autorisées des objets protégés et de décourager sérieusement les utilisateurs d’Internet ayant recours aux services du destinataire de cette même injonction de consulter ces objets mis à leur disposition en violation du droit de propriété intellectuelle, ce qu’il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de vérifier.

Le 13 février 2014, le jour où la Cour de Justice a sauvé l’internet grand public.

Le 13 février 2014 est un jour important, c’est le jour où la Cour de Justice a sauvé l’internet grand public.

Cette affaire est emblématique des changements qu’apporte l’Internet grand public, ceux qui demandent la limitation d’accès à l’information en invoquant le droit d’auteur, sont des journalistes. L’arrêt est ici.

Le parvis avec les tours et l'anneau. Source "Cour de justice de l'Union européenne". Crédit photo G.Fessy CJUE
  • Les faits

Le journal Göteborgs-Posten et le site Internet du Göteborgs-Posten publient des articles de différents journalistes.

Le site internet de Retriever Sverige fournit à ses clients, selon leurs besoins, des listes de liens Internet cliquables vers des articles publiés par d’autres sites Internet dont celui du journal Göteborgs-Posten.

Les journalistes assignent Retriever Sverige devant le Stockholms tingsrätt (tribunal local de Stockholm) en vue d’obtenir une indemnisation au motif que cette société aurait exploité, sans leur autorisation, certains de leurs articles, en les mettant à la disposition de ses clients.

  • Les juridictions suédoises sont saisies par les journalistes

11 juin 2010, le Stockholms tingsrätt rejette leur demande.

Appel devant le Svea hovrätt qui interroge la Cour de Justice et dont les questions doivent être indiquées car c’est tout le fonctionnement de l’Internet dans sa dimension grand public qui est en jeu.

«1) Le fait pour toute personne autre que le titulaire [du droit] d’auteur sur une œuvre de fournir un lien cliquable vers cette œuvre sur son site Internet constitue-t-il une communication de l’œuvre au public selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2001/29]?


2) L’examen de la première question est-il influencé par le fait que l’œuvre vers laquelle renvoie le lien se trouve sur un site Internet auquel chacun peut accéder sans restriction, ou que l’accès à ce site est, au contraire, limité d’une façon ou d’une autre?


3) Convient-il, dans l’examen de la première question, de faire une distinction selon que l’œuvre, après que l’utilisateur a cliqué sur le lien, apparaît sur un autre site Internet ou, au contraire, en donnant l’impression qu’elle se trouve montrée sur le même site [Internet]?


4) Un État membre peut-il protéger plus amplement le droit exclusif d’un auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles qui découlent de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29?»

  • L’arrêt du 13 février 2014 de la Cour de Justice répond de manière particulièrement détaillée et très complète à la question de la communication au public au sens de la Directive 2001/ 29.
  • Il y a une communication au public

18 En l’occurrence, il convient de relever que le fait de fournir, sur un site Internet, des liens cliquables vers des œuvres protégées publiées sans aucune restriction d’accès sur un autre site, offre aux utilisateurs du premier site un accès direct auxdites œuvres.


19 Or, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, pour qu’il y ait «acte de communication», il suffit, notamment, qu’une œuvre soit mise à la disposition d’un public de sorte que les personnes qui le composent puissent y avoir accès sans qu’il soit déterminant qu’elles utilisent ou non cette possibilité (voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2006, SGAE, C 306/05, Rec. p. I 11519, point 43).


20 Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le fait de fournir des liens cliquables vers des œuvres protégées doit être qualifié de «mise à disposition» et, par conséquent, d’«acte de communication», au sens de ladite disposition.


21 En ce qui concerne le second des éléments susmentionnés, à savoir que l’œuvre protégée doit être effectivement communiquée à un «public», il découle de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 que, par «public», cette disposition vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important .


22 Or, un acte de communication, tel que celui effectué par le gérant d’un site Internet au moyen de liens cliquables, vise l’ensemble des utilisateurs potentiels du site que cette personne gère, soit un nombre indéterminé et assez important de destinataires.


23 Dans ces conditions, il doit être considéré que ledit gérant effectue une communication à un public.

  • Mais cette communication n’est pas la communication au public de la Directive 2001/29

Cela étant, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, pour relever de la notion de «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, encore faut-il qu’une communication, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, visant les mêmes œuvres que la communication initiale et ayant été effectuée sur Internet à l’instar de la communication initiale, donc selon le même mode technique, soit adressée à un public nouveau, c’est-à-dire à un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public .


25 En l’occurrence, il doit être constaté que la mise à disposition des œuvres concernées au moyen d’un lien cliquable, telle celle au principal, ne conduit pas à communiquer les œuvres en question à un public nouveau.


26 En effet, le public ciblé par la communication initiale était l’ensemble des visiteurs potentiels du site concerné, car, sachant que l’accès aux œuvres sur ce site n’était soumis à aucune mesure restrictive, tous les internautes pouvaient donc y avoir accès librement.


27 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, lorsque l’ensemble des utilisateurs d’un autre site auxquels les œuvres en cause ont été communiquées au moyen d’un lien cliquable pouvaient directement accéder à ces œuvres sur le site sur lequel celles-ci ont été communiquées initialement, sans intervention du gérant de cet autre site, les utilisateurs du site géré par ce dernier doivent être considérés comme des destinataires potentiels de la communication initiale et donc comme faisant partie du public pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsque ces derniers ont autorisé la communication initiale.


28 Dès lors, faute de public nouveau, l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ne s’impose pas à une communication au public telle que celle au principal.

  • Le 13 février 2014, la Cour a sauvé tout l’Internet grand public y compris l’encapsulage

29 Une telle constatation ne saurait être remise en cause si la juridiction de renvoi devait constater, ce qui ne ressort pas clairement du dossier, que, lorsque les internautes cliquent sur le lien en cause, l’œuvre apparaît en donnant l’impression qu’elle est montrée depuis le site où se trouve ce lien, alors que cette œuvre provient en réalité d’un autre site.


30 En effet, cette circonstance supplémentaire ne modifie en rien la conclusion selon laquelle la fourniture sur un site d’un lien cliquable vers une œuvre protégée publiée et librement accessible sur un autre site a pour effet de mettre à la disposition des utilisateurs du premier site ladite œuvre et constitue donc une communication au public. Cependant, étant donné qu’il n’y a pas de public nouveau, en tout état de cause l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ne s’impose pas à une telle communication au public.

  • La seule restriction est celle des sites à accès réservés par des mesures techniques

31 En revanche, dans l’hypothèse où un lien cliquable permet aux utilisateurs du site sur lequel ce lien se trouve de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l’œuvre protégée afin d’en restreindre l’accès par le public à ses seuls abonnés et, ainsi, constitue une intervention sans laquelle lesdits utilisateurs ne pourraient pas bénéficier des œuvres diffusées, il y a lieu de considérer l’ensemble de ces utilisateurs comme un public nouveau, qui n’a pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de sorte que l’autorisation des titulaires s’impose à une telle communication au public. Tel est le cas, notamment, lorsque l’œuvre n’est plus à disposition du public sur le site sur lequel elle a été communiquée initialement ou qu’elle l’est désormais sur ce site uniquement pour un public restreint, alors qu’elle est accessible sur un autre site Internet sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur.

  • Le 13 février 2014, c’est tout l’internet accessible depuis n’importe quel Etat de l’Union qui est protégé

33 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre puisse protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à cette disposition.


34 À cet égard, il découle, notamment, des considérants 1, 6 et 7 de la directive 2001/29 que cette dernière a notamment pour objectifs de remédier aux disparités législatives et à l’insécurité juridique qui entourent la protection des droits d’auteur. Or, admettre qu’un État membre puisse protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend également des opérations autres que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 aurait pour effet de créer des disparités législatives et donc, pour les tiers, de l’insécurité juridique.


35 En conséquence, l’objectif poursuivi par la directive 2001/29 serait inévitablement compromis si la notion de communication au public pouvait être entendue par différents États membres comme comprenant davantage d’opérations que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.


36 Certes, le considérant 7 de ladite directive fait état de ce que cette dernière n’a pas pour objectif de supprimer ou de prévenir les disparités qui ne portent pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur. Néanmoins, il doit être constaté que, si les États membres devaient se voir reconnaître la faculté de prévoir que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de la même directive, il en résulterait nécessairement une atteinte au fonctionnement du marché intérieur.


37 Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 ne saurait être entendu comme permettant aux États membres de protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à cette disposition


La décision


Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:


1) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que ne constitue pas un acte de communication au public, tel que visé à cette disposition, la fourniture sur un site Internet de liens cliquables vers des œuvres librement disponibles sur un autre site Internet.


2) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre puisse protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à cette disposition.