Opposition à une demande de marque communautaire : la preuve de la notoriété de la marque nationale antérieure

Comment apporter la preuve de la notoriété de la marque nationale antérieure non enregistrée dans une procédure d’opposition à une demande de marque communautaire ? Illustration avec l’arrêt du 2 février 2016 du Tribunal.

La marque communautaire demandée :

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–        classe 9 : « Casques antichoc pour motocyclistes » ;

–        classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, coiffures textiles, en particulier pour les motards ».

22 mars 2010 : publication de la demande de marque communautaire

22 juin 2010 : opposition sur des marques  non enregistrées dont la notoriété est invoquée en Italie ,

–        pour des « motocycles » :

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–       pour des « vêtements » :

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–        pour des « motocycles »  :

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15 novembre 2011 : la division d’opposition rejette l’opposition, au motif que les preuves apportées par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer la notoriété des marques antérieures non enregistrées en Italie.

16 janvier 2013 : la deuxième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. Les preuves pour établir la notoriété sont insuffisantes.

Recours devant le Tribunal qui le rejette à nouveau. L’arrêt est .

Cet arrêt précise la procédure applicable par la Chambre de recours sur cette question très délicate de production des pièces, production souvent ..tardive.

  • Comment la Chambre de recours doit-elle examiner les pièces produites tardivement ?

47      Il résulte ainsi des considérations qui précèdent que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, au point 38 de la décision attaquée, qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte de faits et de preuves présentés tardivement.

48      Toutefois, il ressort clairement du point 41 de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas seulement recherché si, en l’occurrence, elle pouvait exercer son pouvoir d’appréciation, à savoir, ainsi qu’il résulte, notamment du point 39 de l’arrêt Rintisch/OHMI, point 42 supra (EU:C:2013:628), considérer que les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant elle ainsi que le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent. La chambre de recours a également procédé à l’examen de la pertinence de l’ensemble des éléments produits par la requérante, y compris ceux déposés devant elle, pour conclure à l’absence de preuve quant à la notoriété des marques antérieures non enregistrées.

49      En effet, la chambre de recours a indiqué, au point 41 de la décision attaquée, que, « [e]n tout état de cause, aucun des documents produits tardivement devant la chambre ne [fournissait] d’informations sur la part de marché détenue par les marques en question ou sur la partie de la section pertinente du public qui, en raison des marques, [identifiait] les produits en cause comme provenant de l’entreprise de [la requérante] avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire contestée », qu’« [a]ucun chiffre n’[avait] été apporté concernant les ventes ou les dépenses de publicité » et que « [l]es preuves produites par [la requérante] ne [contenaient] aucune indication du degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur pertinent du public ».

50      Il s’ensuit que la chambre de recours, ayant examiné la pertinence des documents, le grief de la requérante est inopérant.

  • Notoriété et renommée : quelle différence ?

8      Par ailleurs, la Cour ayant considéré, dans l’arrêt du 22 novembre 2007, Nieto Nuño (C‑328/06, Rec, EU:C:2007:704, point 17), que la notoriété était une notion voisine de celle de renommée, il y a lieu de prendre en considération les critères d’appréciation énoncés par la Cour et qui sont relatifs à la renommée, notion qui figure à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L299, p. 25), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

  • La notoriété doit être établie sur un pays membre au moins, mais la preuve par une étude de marché n’est pas obligatoire

À cet égard, il convient de vérifier si, avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque, soit avant le 29 décembre 2009, les marques antérieures non enregistrées étaient notoirement connues en Italie, c’est-à-dire, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 59 ci-dessus, qu’elles étaient connues d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par lesdites marques.

63      Ainsi que le relève à juste titre l’OHMI, la connaissance d’une marque sur un marché considéré est généralement démontrée par des études de marché quant à la perception de ladite marque par le public pertinent. En l’occurrence, le dossier présenté par la requérante ne comporte aucune étude de marché permettant de déduire la perception dudit public.

64      Il ne saurait, toutefois, être déduit de la seule absence de toute étude de marché que la requérante ne peut pas démontrer par un autre moyen la notoriété des marques antérieures non enregistrées.

 

Opposition à une demande de marque communautaire : la renommée et la notoriété de la marque antérieure peuvent-elles être prises en compte dans une opposition fondée sur l’article 8, 1 ou faut-il que l’opposant invoque également l’article 8,5 du règlement 40/94 ?

Lors d’une opposition à une demande de marque communautaire fondée sur une marque nationale antérieure, l’avocat peut être tenté d’invoquer la renommée et la notoriété de la marque antérieure lors du débat sur le risque de confusion.

Chacun l’aura compris, la question est de savoir si l’opposant devrait viser l’article 8, 5 du règlement 40/94 modifié  même s’il n’entend mener son débat que sur l’article 8,1.

La Cour de Justice nous a donné la réponse le 17 janvier 2013. La solution est rassurante pour les oppositions en cours qui n’ont pas indiqué le second article.

 

  • 27 septembre 2007 : Annunziata Del Prete dépose la demande de marque communautaire

POUR :

–        classe 9: ‘Appareils et instruments optiques, verres, montures, étuis, cordons et chaînettes pour lunettes; lunettes de soleil et correctrices; pince-nez; verres de contact et tous accessoires de lunettes compris dans cette classe’;

–        classe 25: ‘Vêtements, chaussures, chapellerie’;

–        classe 35: ‘Publicité; gestion des affaires commerciales, en particulier services de franchisage’.

  • 12 mai 2008 : Giorgio Armani SpA forme opposition

1°) avec la marque italienne figurative enregistrée le 10 octobre 2003,

–          pour des appareils et instruments optiques de la classe 9,

–          des vêtements, chaussures et chapellerie de la classe 25

–          des services de publicité et de gestion des affaires commerciales, classe 35

et

2°) avec la marque italienne verbale ARMANI JUNIOR enregistrée le 20 mars 2006,

–          pour des vêtements, chaussures et chapellerie, classe 25

–          pour des services de publicité et de gestion d’affaires commerciales,  classe 35

  • 20 août 2009 : , la division d’opposition accepte l’opposition dans son intégralité.
  • 12 novembre 2009 : recours par la déposante,
  • 8 juillet 2010 : la deuxième chambre de recours fait droit au recours. La décision de la division d’opposition est annulée, la marque demandée est enregistrée.
  • 17 septembre 2010 : recours de Giorgio Armani SpA devant le Tribunal
  • 27 mars 2012 : le Tribunal annulé la décision du 8 juillet 2010, la demande marque ne peut donc plus être enregistrée.
  • 23 mai 2012 : pourvoi de Annunziata Del Prete

  • 17 janvier 2013 : la Cour rejette le pourvoi

En l’espèce, il y a lieu de constater que l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’a pas été demandée par Armani devant le Tribunal et que celui-ci ne l’a, par conséquent, pas examiné l’éventuelle méconnaissance de cette disposition. En effet, l’opposition d’Armani était fondée exclusivement sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, disposition invoquée par Armani tant devant la chambre le recours que devant le Tribunal. Lorsque le Tribunal a examiné si la chambre de recours avait correctement tenu compte de la notoriété ou de la renommée des marques antérieures d’Armani, cet examen s’opérait uniquement au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, aux fins de rechercher l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

36      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce …..La Cour a également jugé que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, de sorte que les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre ….

37      La notoriété ou la renommée d’une marque antérieure peuvent, par conséquent, être pertinentes pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion dans le cadre du motif relatif de refus visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n°40/94. Armani ayant invoqué la notoriété et la renommée de ses marques devant la chambre de recours, et ayant également présenté un matériel probatoire à cet égard, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 34 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours aurait dû exposer les motifs pour lesquels elle était arrivée à la conclusion que le caractère distinctif élevé des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition était lié exclusivement à l’élément «armani», alors qu’Armani avait fait valoir la notoriété et la renommée desdites marques dans leur ensemble.