De Rolf à Wolf, il y a Hrolf contraction de Hrodwulf, mais qui le sait ?

Choisir une marque, c’est aussi apprécier le risque de confusion avec les marques antérieures. Quand il s’agit de marques composées de noms, différents critères sont à l’œuvre dont l’origine de ces noms.

Illustration avec l’arrêt du 30 juin 2021 du Tribunal de l’Union.

L’opposant à un dépôt de marque de l’union qui voit son action rejetée successivement par la Division d’opposition et par la Chambre de recours de l’EUIPO saisit le Tribunal.

La marque demandée :

La marque opposée :

                            WOLF

Ces deux marques visent des produits d’entretien et des lubrifiants pour les automobiles ou les moteurs

Le public pertinent non contesté devant le Tribunal :

34      Il ressort ensuite de la décision attaquée que les produits en cause sont destinés à des clients professionnels possédant des connaissances ou une expertise professionnelles spécifiques et au grand public, comme dans le cas des lubrifiants, et que leur niveau d’attention varie de moyen à élevé.

Seuls sont cités ici des extraits de la décision relatifs à l’origine de ces nom.

 55 En effet, contrairement aux arguments de la requérante, il peut être conclu que pour une grande partie du public pertinent, notamment, mais pas uniquement, anglophone, l’élément « wolf » sera associé au concept d’un loup et l’élément « rolf » sera perçu comme un nom masculin. Ainsi, les signes en cause ne sont pas similaires sur le plan conceptuel, le nom Rolf n’ayant aucune similarité conceptuelle directe avec un loup. S’il est vrai que le prénom Rolf trouve son étymologie dans l’association des mots germaniques « hrod » (gloire) et « wulf » (loup) et du nom germanique Hrolf, qui à son tour est une contraction de Hrodwulf (Rudolf), cela ne permet pas de remettre en cause cette conclusion, car la requérante n’a en tout état de cause pas établi dans le cas d’espèce que le public pertinent associerait le signe demandé au concept d’un loup.

66      En outre, pour la partie du public pertinent, principalement germanique, qui reconnaîtra les deux marques comme des noms ou des prénoms d’origine germanique, ces noms n’ont pas de signification conceptuelle particulière. Le fait que les deux noms sont d’origine germanique ne conduit pas en tant que tel à la conclusion d’une similitude conceptuelle entre les signes en cause, même en tenant compte du fait que les deux noms en cause trouvent leurs racines dans le nom Hrodwulf.

67      En effet, le consommateur moyen ne se livre pas à une analyse aussi approfondie de l’origine des noms des marques. …..Les circonstances de l’espèce sont ainsi différentes de celles ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2010, Eliza/OHMI – Went Computing Consultancy Group (eliza) (T‑130/09, non publié, EU:T:2010:120), invoqué par la requérante, dans lequel le Tribunal a considéré que le public pertinent considérerait certainement les éléments « eliza » et « elise » comme des prénoms féminins très similaires ayant la même racine, dans la mesure ou la similitude entre les mots « wolf » et « rolf » n’est pas apparente.

68      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de confirmer les conclusions énoncées par la chambre de recours concernant une faible similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique et une absence de similitude sur le plan conceptuel.

Le recours est rejeté.

Tesla ne pourrait pas constituer une marque valable !

Évitons toute généralisation, le contentieux de la validité de la marque n’oppose le plus souvent que deux parties qui selon leurs intérêts enferment les débats dans des considérations très spécifiques, celles des produits et services en cause et du signe tel qu’enregistré.

Cette affaire où il est question de la marque Teslaplatte, n’échappe pas à cette règle d’autant qu’il y est question de Nikola Tesla. Ce post cite amplement l’arrêt du 2 juin 2021 pour en comprendre la seule portée et éviter toute extrapolation hâtive .

Brièvement la chronologie.

27 septembre 2012 : dépôt de la demande de marque de l’Union : Teslaplatte.

Pour :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques à usage thérapeutique, produits médicaux, produits pharmaceutiques et préparations à usage médicinal ou pharmaceutique » ;

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages, produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, diagnostic (appareils pour le -) à usage médical, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

14 mars 2013 :  enregistrement de la marque de l’union par l’EUIPO.

13 janvier 2017 : demande de nullité de la marque contestée pour tous les produits.

27 novembre 2018 : la division d’annulation de l’office rejette la demande en nullité.

15 janvier 2020 : sur recours du demandeur à l’annulation, la chambre de recours annule partiellement la marque en ce qu’elle présente un caractère descriptif pour :

–        classe 5 : « Produits médicaux » ;

–        classe 6 : « Produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

Le caractère descriptif de la marque dont le terme TESLA renvoie à l’inventeur Nikola Tesla.

23      La chambre de recours a considéré que la marque contestée était composée par le terme « tesla », renvoyant à l’inventeur Nikola Tesla, dont les inventions sont souvent désignées par son nom de famille accompagné par le nom du produit, telles que la turbine Tesla et le transformateur Tesla …. , et par le terme allemand « platte » signifiant « plaque » ………… . Ainsi, le terme d’ensemble « teslaplatte » désignerait une plaque inventée par Nikola Tesla ou renverrait à l’une de ses inventions …… .

24      Selon la chambre de recours, il ressortirait du dossier que Nikola Tesla aurait breveté un appareil utilisant « l’énergie du rayonnement » (il s’agirait d’un « récepteur d’énergie libre » captant non seulement les rayons du soleil, mais « aussi les rayons cosmiques »), que, sur la base de ce brevet, un tiers aurait « développé une plaque d’énergie servant à concentrer l’énergie positive, et lutter ainsi contre la souffrance physique et psychologique » . ….. , que Nikola Tesla serait désigné comme étant l’inventeur des plaques d’énergie ….  et que le terme « teslaplatte » serait utilisé pour désigner des plaques d’énergie fondées sur une invention de Nikola Tesla ……. ). Il serait dépourvu de pertinence qu’il y ait d’autres termes pour désigner les plaques d’énergie ……….. .

25      Ainsi, selon la chambre de recours, le terme « teslaplatte » décrirait la propriété des produits concernés d’être « une plaque d’énergie qui se charge d’énergie cosmique » selon le « principe du récepteur d’énergie libre » inventé par Nikola Tesla. Ce terme serait déjà utilisé par des tiers pour désigner les plaques d’énergie …. et les traductions de ce terme seraient utilisées dans d’autres langues pour indiquer lesdites plaques, ce qui serait un indice fort de son caractère descriptif ……. . Les produits concernés seraient formulés de façon si large qu’ils pourraient inclure les plaques d’énergie fonctionnant selon le principe du récepteur de l’énergie libre inventé par Nikola Tesla.

Le titulaire de la marque saisit le Tribunal.

Le 2 juin 2021 le Tribunal rejette le recours. L‘arrêt est là

48      ……. le public pertinent germanophone faisant preuve d’un niveau d’attention allant de moyen à élevé au regard des produits concernés, confronté à la marque contestée, pourra comprendre celle-ci comme désignant la typologie ou les caractéristiques desdits produits, et non pas leur origine commerciale.

Mais comment le Tribunal en est-il arrivé à cette conclusions ?

28      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la marque contestée est un signe verbal composé par l’élément verbal « teslaplatte », ayant la première lettre « t » majuscule. Le public pertinent germanophone percevra cet élément verbal comme résultant de la juxtaposition des mots « tesla » (avec la première lettre majuscule) et « platte ». Ainsi qu’il ressort du dictionnaire en ligne mentionné par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « platte » (platten au pluriel) est un mot allemand signifiant plaque, à savoir une pièce plate en matériau dur. Ainsi qu’il ressort de l’encyclopédie en ligne mentionnée par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « tesla » est un mot désignant en allemand le nom de famille de l’ingénieur Nikola Tesla, ainsi que le nom de l’unité de mesure du champ magnétique, ce dernier découlant d’ailleurs du nom dudit ingénieur. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que le public pertinent germanophone puisse attribuer au mot « tesla », pris individuellement, d’autres significations.

29      Par conséquent, indépendamment même de la signification individuelle du mot « tesla », il est constant que, dans son ensemble, l’élément verbal « teslaplatte » puisse être compris par le public germanophone comme signifiant « plaque tesla ».

30      S’agissant de la signification d’ensemble d’une telle expression au regard des produits concernés, en premier lieu, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, sur la base des pièces au dossier, que l’élément verbal « teslaplatte » (plaque tesla en français) désignait, pour certaines personnes, des plaques d’énergie.

Comment établir ce sens de Tesla ?

32      D’une part, contrairement à ce qui est suggéré par le requérant, …… force est de constater que lesdits livres ne portent pas sur une situation postérieure à la date de dépôt de la marque contestée (27 septembre 2012). En effet, le livre mentionné en tant que document B.3 a été publié vingt jours avant le dépôt de la marque contestée (7 septembre 2012) et le livre mentionné en tant que document B.2, tout en ayant été publié deux mois et demi après le dépôt de la marque contestée (12 décembre 2012), ne peut que porter sur la situation préexistante au dépôt de la demande, compte tenu du temps naturel de publication d’un livre.

33      D’autre part, les autres arguments soulevés par le requérant à l’encontre de ces deux livres ne sauraient non plus convaincre. Tout d’abord, l’argument selon lequel lesdits livres ne seraient pas objectifs, car ils auraient été produits par l’intervenant et seraient ainsi dictés par ses intérêts doit être écarté, dès lors que la seule circonstance qu’un élément de preuve ait été produit par l’autre partie à la procédure n’indique rien, en soi, quant à son objectivité. Ensuite, les faits que le livre mentionné en tant que document B.2 ait eu un tirage réduit et ait été écrit sur la base des connaissances de l’auteur ne constituent pas des raisons empêchant de le prendre en compte, en l’absence de tout élément précis susceptible d’en remettre en cause la fiabilité. Le fait, invoqué par le requérant, que ce livre ferait état d’une dénomination des plaques d’énergie utilisée par l’intervenant (à savoir l’expression « crystalium platte », dont la traduction française serait « plaque de cristal ») ne démontre nullement que ce livre aurait été écrit dans l’intérêt de ce dernier. En outre, l’allégation selon laquelle il ne saurait être exclu que l’auteur du livre mentionné en tant que document B.3 « ait acheté auprès du requérant des plaques d’énergie revêtues de la marque [contestée] » est purement spéculative et est insusceptible de démontrer le caractère non probant dudit livre. Enfin, la circonstance alléguée par le requérant lors de l’audience que ces livres ne feraient partie d’aucune bibliothèque scientifique n’est nullement étayée et, en tout état de cause, ne saurait en remettre en cause la fiabilité.

34      En revanche, bien que la chambre de recours se soit référée également au livre mentionné en tant que document B.1 (point 29 de la décision attaquée), ce dernier ne saurait être pris en compte, dès lors qu’il a été publié quatre ans après le dépôt de la marque contestée (15 décembre 2016) et qu’aucun élément présenté devant le Tribunal ne permet de considérer qu’il refléterait les connaissances existantes à la date du dépôt de ladite marque. Il en va d’ailleurs de même pour les annexes 29, 30 et 39 mentionnées par la chambre de recours (point 29 de la décision attaquée), lesquelles sont des extraits de sites Internet datant de janvier 2017 (point 4 de la décision attaquée).

Et le titulaire de la marque lui-même a reconnu le sens de Teslaplatte.

35      En outre, force est de constater qu’une telle compréhension de l’élément verbal « teslaplatte » est corroborée par les explications fournies par le requérant lui-même dans la requête, lorsqu’il explique que la « dénomination “Teslaplatten” » (la dénomination « plaques Tesla » en français) serait utilisée « depuis plus de 40 ans pour désigner des plaques d’énergie ». Elle est corroborée aussi par la signification littérale des mots composant ledit élément verbal, ceux-ci pouvant effectivement désigner une plaque magnétique ou magnétisée ou, en d’autres termes, une plaque ayant une énergie ou force magnétique, dès lors que le mot « tesla » est le nom de l’unité de mesure du champ magnétique.

Faut-il que le public associe nécessairement ces produits à l’ingénieur Nikola Tesla pour affecter la validité de la marque ?

44      D’autre part, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 8, deuxième et troisième tirets, et point 25 de la décision attaquée), les livres en allemand mentionnés par la chambre de recours dans la décision attaquée en tant que documents B.2 et B.3 apparaissent faire état d’un lien en termes de brevet ou d’invention entre l’ingénieur Nikola Tesla et les plaques Tesla. Certes, le requérant soutient que, en ce qui concerne l’identité de l’inventeur des plaques d’énergie, ces livres seraient contredits par le livre mentionné en tant que document B.1, lequel se réfère à une autre personne. Toutefois, outre le fait que ce dernier livre ne saurait être pris en compte eu égard à sa date de publication (voir point 34 ci-dessus), il y a lieu d’observer que la question de la réelle origine de l’invention n’est pas pertinente dans le cadre du présent litige …. .

45      En tout état de cause, il doit être relevé qu’une perception potentielle de la marque contestée par rapport aux produits concernés qui renverrait à l’ingénieur Nikola Tesla en tant que personnage lié aux plaques Tesla ne serait toujours pas susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits concernés, mais serait susceptible de désigner d’autres caractéristiques de ceux-ci, inhérentes notamment à leur éventuelle origine scientifique ou historique, et serait ainsi également descriptive.

Le titulaire de la marque tente de sauver sa marque en invoquant que les caractéristiques de ses plaques n’ont pas été inventées  par Nikola Tesla…

  • Parce que leurs caractéristiques sont imaginaires  :

46      Par ailleurs, la circonstance éventuelle que de telles caractéristiques soient réelles ou seulement imagées n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. En effet, il convient de rappeler que le critère pertinent pour évaluer le caractère descriptif de la marque contestée est la perception qu’en a le public pertinent …………….. Ainsi, le fait que la marque contestée décrive une caractéristique inexistante ou imagée n’exclut pas qu’elle soit perçue comme étant descriptive par le public pertinent ………….., ce dernier pouvant être amené à croire, par la force évocatrice de la marque, que cette caractéristique existe ou est réelle. Par conséquent, les arguments du requérant visant à soutenir que les publications mentionnées par la chambre de recours dans la décision attaquée ne permettraient pas d’établir de manière objective que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques Tesla doivent être écartés comme étant inopérants, puisque, afin de constater le caractère descriptif de la marque contestée, il est dépourvu de pertinence de savoir si ledit ingénieur est effectivement lié ou non à l’invention des plaques Tesla, ce qui importe est que le public pertinent, confronté à la marque contestée, puisse comprendre celle-ci comme faisant état de l’existence d’un lien entre ledit inventeur et les produits concernés, eu égard notamment aux éléments rappelés aux points 43 et 44 ci-dessus.

  • Parce que leurs caractéristiques sont ésotériques ( non objectives ou non démontrables scientifiquement)

47      En outre, lors de l’audience, le requérant a allégué que certaines caractéristiques des plaques métalliques qu’il commercialise, telles que leur chargement en énergie cosmique ou la possibilité de transférer une telle énergie aux personnes à des fins thérapeutiques, ne seraient pas des caractéristiques objectives ou démontrables scientifiquement, mais relèveraient d’une croyance ou d’une narration mythologique liée à la commercialisation desdites plaques. Or, un tel argument ne fait pas non plus obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Tout d’abord, ledit argument procède d’une confusion entre les prétendues caractéristiques des produits concrètement commercialisés par le requérant et les caractéristiques des produits concernés, car c’est uniquement à l’égard de ces derniers qu’il y a lieu de déterminer la perception de la marque contestée par le public pertinent. Ensuite, s’il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, une caractéristique doit être objective et inhérente à la nature des produits concernés…..,  tel est bien le cas en l’espèce, dès lors que les produits concernés sont des produits métalliques, des produits médicaux et des appareils médico-techniques et que la marque contestée peut précisément désigner une plaque métallique ayant une visée thérapeutique (point 41 ci-dessus).

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, les britanniques bénéficient pleinement du système de la marque de l’Union

Le 29 novembre 2018, la Cour de justice a refusé tout effet par anticipation au Brexit, et cet arrêt est intervenu en matière de marque.
Très brièvement la chronologie à l’arrêt du 29 novembre 2018, l’arrêt est là

28 janvier 2010 : enregistrement de la marque de l’Union  ALCOLOCK pour des produits et services des classes 9, 37 et 42.

13 août 2012 : Lion Laboratorie, société britannique,  demande la nullité de cet enregistrement en invoquant la marque verbale antérieure ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni depuis le 16 août 1996 pour désigner « [a]ppareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer et/ou analyser l’alcool dans l’air expiré ; appareils de contrôle des appareils précités ou réagissant aux appareils précités ; pièces et parties constitutives de ces appareils », de la classe 9.

22 novembre 2012 : Alcohol Countermeasure Systems, société canadienne, le titulaire de la marque de l’union,  demande des preuves d’usages de la marque britannique .

24 mars 2014 : la division d’annulation annule la marque de l’union. L’usage de la marque britannique étant retenu comme sérieux.

11 août 2015 : rejet par la Chambre de recours de l’EUIPO du recours présenté par le titulaire de la marque de l’Union.

29 mars 2017 : rejet du recours par le Tribunal de l’Union.

29 novembre 2018 : la Cour de Justice de l’Union rejette le pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

Parmi les différents moyens présentés à la Cour, l’examen du 5ème retient plus particulièrement l’attention. Pour la société titulaire de la marque de l’Union, la marque antérieure étant une marque britannique, le Tribunal aurait dû reporter sa décision après le 29 mars 2019, date de la sortie de l’Union.

La Cour refuse cette analyse.

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, le Royaume-Uni et ses ressortissants bénéficient pleinement des droits de l’Union

108    En substance, elle [ la requérante, le titulaire de la marque de l’Union] estime que, à compter du 23 juin 2016, date du référendum à l’occasion duquel le peuple du Royaume-Uni a exprimé sa volonté de se retirer de l’Union, le Tribunal aurait dû, au nom de l’ordre public, tenir compte du futur retrait du Royaume-Uni de l’Union ou ordonner une suspension de la procédure jusqu’au retrait effectif de celui-ci, afin d’annuler, ensuite, la décision litigieuse. Elle observe que le Tribunal a prononcé l’arrêt attaqué le jour où le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l’Union, conformément à l’article 50 TUE.

109    Ce faisant, le gouvernement du Royaume-Uni aurait reconnu que les marques du Royaume-Uni ne sauraient servir de fondement aux fins de l’annulation de marques de l’Union européenne.

110    La requérante ajoute, d’une part, que le fait que la décision litigieuse a été adoptée avant ladite notification et que le droit de l’Union continue à s’appliquer au Royaume-Uni pendant le déroulement de la procédure visée à l’article 50 TUE ne saurait s’opposer à la recevabilité ainsi qu’au bien-fondé du présent moyen. En effet, ce moyen soulèverait des questions d’ordre public. De surcroît, la requérante n’aurait pu avancer ledit moyen devant le Tribunal, dès lors que le référendum a été organisé après la clôture, le 11 février 2016, de la procédure écrite devant celui-ci.

111    D’autre part, la requérante estime qu’il ne lui suffirait pas de déposer une nouvelle marque de l’Union européenne portant sur le signe « alcolock » au terme de la procédure visée à l’article 50 TUE. En effet, elle ne serait plus en mesure de réclamer, à ce moment-là, le plein bénéfice de ses droits d’ancienneté. De surcroît, la transformation de la marque contestée en marques nationales, en attendant le retrait du Royaume-Uni de l’Union, l’exposerait à des coûts inutiles et disproportionnés.

112    La requérante fait par ailleurs observer que, compte tenu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, c’est la date à laquelle sera rendu l’arrêt de la Cour sur pourvoi qui importe.

113    L’EUIPO estime que ce moyen est dénué de tout fondement.

114    Le Royaume-Uni estime que le présent moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

115    Par son cinquième moyen, la requérante allègue, en substance, que le Tribunal aurait dû suspendre la procédure jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union, afin de pouvoir annuler la décision litigieuse au motif qu’une marque antérieure du Royaume-Uni ne pourrait plus être opposée au maintien d’une marque de l’Union européenne.

116    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’un tel moyen, il convient de relever que, aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, [dudit] règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il s’ensuit que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision litigieuse que si, à la date à laquelle cette décision a été prise, elle était entachée d’un motif d’annulation ou de réformation. En revanche, le Tribunal ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé

117    Or, il serait contraire à cette jurisprudence de considérer que le Tribunal était en l’espèce tenu de suspendre la procédure pendante devant lui afin, le cas échéant, d’annuler la décision litigieuse à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union au motif, par ailleurs purement hypothétique à ce stade, que ledit retrait affecterait rétroactivement l’issue des procédures en nullité fondées sur une marque antérieure de cet État membre.

118    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que Lion Laboratories est désormais une société établie en dehors de l’Union et que cette société a obtenu l’annulation de la marque contestée sur la base de la marque antérieure enregistrée hors de l’Union, il convient de relever que la seule notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre et que, par conséquent, ce droit reste pleinement en vigueur dans ledit État membre jusqu’à son retrait effectif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 45).

119    Il s’ensuit que le cinquième moyen et, par conséquent, le quatrième chef des conclusions de la requérante doivent être écartés.

120    Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son intégralité.

Autrement dit tant que le Brexit n’est pas intervenu, les ressortissants du Royaume-Uni bénéficient pleinement des droits de l’Union y compris des règles applicables aux marques de l’Union

 

Opposition à une demande de marque et transfert du droit sur la marque antérieure

Celui qui engage une procédure d’opposition sur la base d’une marque communautaire antérieure doit en être titulaire, et cette propriété doit être connue par l’Office.

Une opposition peut-elle être déposée  en même temps que l’indication à l’Office du transfert de la propriété de la marque antérieure à l’opposant ? N’y aurait-il qu’une question de bons formulaires à utiliser et à enregistrer par l’Office dans le bon ordre ?

Cette question qui a donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 17 janvier 2017,  intéresse en premier lieu les conseils en propriété industrielle et les avocats.

 L’arrêt dans cette affaire, l’affaire T‑225/15, est .

  • Le rappel des dispositions du règlement sur la marque communautaires

      En application de la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, l’opposition est rejetée comme non fondée si l’opposant ne prouve pas, avant l’expiration de ce délai, son habilitation à former opposition.

22      La règle 31, paragraphes 1 à 2, du règlement n° 2868/95, prévoit les informations qu’une demande d’enregistrement de transfert au sens de l’article 17 du règlement n° 207/2009 doit contenir. À cet égard, le paragraphe 1 de cet article, énumère « a) le numéro d’enregistrement de la marque [de l’Union européenne] ; b) des renseignements détaillés sur le nouveau titulaire […] ; c) la liste des produits et services auxquels le transfert se rapporte, si celui-ci ne concerne pas tous les produits et services enregistrés ; d) les pièces établissant le transfert […]. »

23      Le paragraphe 5 de la règle 31 du règlement n° 2868/95 définit quels sont les éléments considérés comme des preuves suffisantes du transfert : « a) la signature, par le titulaire enregistré, ou son représentant, et par son ayant cause, ou le représentant de ce dernier, de la demande d’enregistrement du transfert ou b) le fait pour la demande, lorsqu’elle est présentée par l’ayant cause, d’être accompagnée d’une déclaration signée par le titulaire enregistré ou son représentant, aux termes de laquelle le titulaire donne son accord en vue de l’enregistrement de son ayant cause ou c) la demande accompagnée du formulaire de déclaration de transfert ou du document de transfert […] dûment remplis, et signée par le titulaire enregistré, ou son représentant, et par son ayant cause, ou le représentant de ce dernier ».

24      Aux termes du paragraphe 6, de la règle 31 du règlement n° 2868/95, lorsque les conditions d’enregistrement du transfert prévues à l’article 17, paragraphes 1 à 4, du règlement n° 207/2009, ainsi qu’aux paragraphes 1 à 4 de la même règle, ainsi que par d’autres règles applicables, ne sont pas remplies, l’EUIPO informe le demandeur des irrégularités constatées. S’il n’est pas remédié à ces irrégularités dans le délai imparti par l’EUIPO, celui-ci rejette la demande d’enregistrement du transfert.

  • L’explication par la Cour de Justice

 Premièrement, il ne résulte ni du règlement n° 207/2009, ni du règlement n° 2868/95 que l’utilisation du formulaire concernant une demande d’enregistrement d’un transfert ou une demande de changement de nom et d’adresse constitue une condition préalable indispensable à la validité des demandes. Au contraire, la règle 31, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95 mentionne le formulaire de déclaration de transfert comme une preuve dont l’utilisation est alternative par rapport aux autres possibilités. La partie E, section 3, chapitre 1, point 3.5, des directives de l’EUIPO confirme cette constatation dans la mesure où il indique que, « d’autres moyens de preuves [que les formulaires] ne sont pas exclus ».

39      Deuxièmement, il convient de constater que, comme le font valoir à juste titre l’intervenante et l’EUIPO, la volonté de l’intervenante ressortait de la demande du 9 avril 2013 d’une manière claire et montrait une volonté de changement du titulaire de la marque antérieure en l’espèce.

40      Troisièmement, comme le font valoir à juste titre l’intervenante et l’EUIPO, le fait que la division d’opposition a enregistré les deux demandes, à savoir celle du 9 avril 2013 et celle du 14 juin 2013 (voir point 8 ci-dessus) sous deux numéros différents n’affecte en rien la conclusion selon laquelle l’EUIPO avait le droit de traiter la demande du 9 avril 2013, au vu de son contenu clair, comme une demande d’enregistrement de transfert.

41      Dès lors, l’EUIPO n’a pas commis d’erreur en interprétant la demande du 9 avril 2013 comme une demande d’enregistrement de transfert au sens de l’article 17, paragraphe 7, du règlement n° 207/2009.

La conclusion :

Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 21 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas de de violation de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 dans le cas d’espèce, puisque l’intervenante était habilitée à former opposition le 9 avril 2013 et que son opposition avait été introduite dans le délai imparti.

l’EUIPO met en ligne la déclaration commune des trois Présidents

Le site de l’EUIPO a mis en ligne sur son site la déclaration commune des trois Présidents du Parlement, de la Commission et du Conseil des Ministres.

Brussels, 24 June 2016

President Schulz, President Tusk and Prime Minister Rutte met this morning in Brussels upon the invitation of European Commission President Juncker. They discussed the outcome of the United Kingdom referendum and made the following joint statement:

« In a free and democratic process, the British people have expressed their wish to leave the European Union. We regret this decision but respect it.

This is an unprecedented situation but we are united in our response. We will stand strong and uphold the EU’s core values of promoting peace and the well-being of its peoples. The Union of 27 Member States will continue. The Union is the framework of our common political future. We are bound together by history, geography and common interests and will develop our cooperation on this basis. Together we will address our common challenges to generate growth, increase prosperity and ensure a safe and secure environment for our citizens. The institutions will play their full role in this endeavour.

We now expect the United Kingdom government to give effect to this decision of the British people as soon as possible, however painful that process may be. Any delay would unnecessarily prolong uncertainty. We have rules to deal with this in an orderly way. Article 50 of the Treaty on European Union sets out the procedure to be followed if a Member State decides to leave the European Union. We stand ready to launch negotiations swiftly with the United Kingdom regarding the terms and conditions of its withdrawal from the European Union. Until this process of negotiations is over, the United Kingdom remains a member of the European Union, with all the rights and obligations that derive from this. According to the Treaties which the United Kingdom has ratified, EU law continues to apply to the full to and in the United Kingdom until it is no longer a Member.

As agreed, the « New Settlement for the United Kingdom within the European Union« , reached at the European Council on 18-19 February 2016, will now not take effect and ceases to exist. There will be no renegotiation.

As regards the United Kingdom, we hope to have it as a close partner of the European Union in the future. We expect the United Kingdom to formulate its proposals in this respect. Any agreement, which will be concluded with the United Kingdom as a third country, will have to reflect the interests of both sides and be balanced in terms of rights and obligations. »

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