De Rolf à Wolf, il y a Hrolf contraction de Hrodwulf, mais qui le sait ?

Choisir une marque, c’est aussi apprécier le risque de confusion avec les marques antérieures. Quand il s’agit de marques composées de noms, différents critères sont à l’œuvre dont l’origine de ces noms.

Illustration avec l’arrêt du 30 juin 2021 du Tribunal de l’Union.

L’opposant à un dépôt de marque de l’union qui voit son action rejetée successivement par la Division d’opposition et par la Chambre de recours de l’EUIPO saisit le Tribunal.

La marque demandée :

La marque opposée :

                            WOLF

Ces deux marques visent des produits d’entretien et des lubrifiants pour les automobiles ou les moteurs

Le public pertinent non contesté devant le Tribunal :

34      Il ressort ensuite de la décision attaquée que les produits en cause sont destinés à des clients professionnels possédant des connaissances ou une expertise professionnelles spécifiques et au grand public, comme dans le cas des lubrifiants, et que leur niveau d’attention varie de moyen à élevé.

Seuls sont cités ici des extraits de la décision relatifs à l’origine de ces nom.

 55 En effet, contrairement aux arguments de la requérante, il peut être conclu que pour une grande partie du public pertinent, notamment, mais pas uniquement, anglophone, l’élément « wolf » sera associé au concept d’un loup et l’élément « rolf » sera perçu comme un nom masculin. Ainsi, les signes en cause ne sont pas similaires sur le plan conceptuel, le nom Rolf n’ayant aucune similarité conceptuelle directe avec un loup. S’il est vrai que le prénom Rolf trouve son étymologie dans l’association des mots germaniques « hrod » (gloire) et « wulf » (loup) et du nom germanique Hrolf, qui à son tour est une contraction de Hrodwulf (Rudolf), cela ne permet pas de remettre en cause cette conclusion, car la requérante n’a en tout état de cause pas établi dans le cas d’espèce que le public pertinent associerait le signe demandé au concept d’un loup.

66      En outre, pour la partie du public pertinent, principalement germanique, qui reconnaîtra les deux marques comme des noms ou des prénoms d’origine germanique, ces noms n’ont pas de signification conceptuelle particulière. Le fait que les deux noms sont d’origine germanique ne conduit pas en tant que tel à la conclusion d’une similitude conceptuelle entre les signes en cause, même en tenant compte du fait que les deux noms en cause trouvent leurs racines dans le nom Hrodwulf.

67      En effet, le consommateur moyen ne se livre pas à une analyse aussi approfondie de l’origine des noms des marques. …..Les circonstances de l’espèce sont ainsi différentes de celles ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2010, Eliza/OHMI – Went Computing Consultancy Group (eliza) (T‑130/09, non publié, EU:T:2010:120), invoqué par la requérante, dans lequel le Tribunal a considéré que le public pertinent considérerait certainement les éléments « eliza » et « elise » comme des prénoms féminins très similaires ayant la même racine, dans la mesure ou la similitude entre les mots « wolf » et « rolf » n’est pas apparente.

68      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de confirmer les conclusions énoncées par la chambre de recours concernant une faible similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique et une absence de similitude sur le plan conceptuel.

Le recours est rejeté.

Tesla ne pourrait pas constituer une marque valable !

Évitons toute généralisation, le contentieux de la validité de la marque n’oppose le plus souvent que deux parties qui selon leurs intérêts enferment les débats dans des considérations très spécifiques, celles des produits et services en cause et du signe tel qu’enregistré.

Cette affaire où il est question de la marque Teslaplatte, n’échappe pas à cette règle d’autant qu’il y est question de Nikola Tesla. Ce post cite amplement l’arrêt du 2 juin 2021 pour en comprendre la seule portée et éviter toute extrapolation hâtive .

Brièvement la chronologie.

27 septembre 2012 : dépôt de la demande de marque de l’Union : Teslaplatte.

Pour :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques à usage thérapeutique, produits médicaux, produits pharmaceutiques et préparations à usage médicinal ou pharmaceutique » ;

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages, produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, diagnostic (appareils pour le -) à usage médical, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

14 mars 2013 :  enregistrement de la marque de l’union par l’EUIPO.

13 janvier 2017 : demande de nullité de la marque contestée pour tous les produits.

27 novembre 2018 : la division d’annulation de l’office rejette la demande en nullité.

15 janvier 2020 : sur recours du demandeur à l’annulation, la chambre de recours annule partiellement la marque en ce qu’elle présente un caractère descriptif pour :

–        classe 5 : « Produits médicaux » ;

–        classe 6 : « Produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

Le caractère descriptif de la marque dont le terme TESLA renvoie à l’inventeur Nikola Tesla.

23      La chambre de recours a considéré que la marque contestée était composée par le terme « tesla », renvoyant à l’inventeur Nikola Tesla, dont les inventions sont souvent désignées par son nom de famille accompagné par le nom du produit, telles que la turbine Tesla et le transformateur Tesla …. , et par le terme allemand « platte » signifiant « plaque » ………… . Ainsi, le terme d’ensemble « teslaplatte » désignerait une plaque inventée par Nikola Tesla ou renverrait à l’une de ses inventions …… .

24      Selon la chambre de recours, il ressortirait du dossier que Nikola Tesla aurait breveté un appareil utilisant « l’énergie du rayonnement » (il s’agirait d’un « récepteur d’énergie libre » captant non seulement les rayons du soleil, mais « aussi les rayons cosmiques »), que, sur la base de ce brevet, un tiers aurait « développé une plaque d’énergie servant à concentrer l’énergie positive, et lutter ainsi contre la souffrance physique et psychologique » . ….. , que Nikola Tesla serait désigné comme étant l’inventeur des plaques d’énergie ….  et que le terme « teslaplatte » serait utilisé pour désigner des plaques d’énergie fondées sur une invention de Nikola Tesla ……. ). Il serait dépourvu de pertinence qu’il y ait d’autres termes pour désigner les plaques d’énergie ……….. .

25      Ainsi, selon la chambre de recours, le terme « teslaplatte » décrirait la propriété des produits concernés d’être « une plaque d’énergie qui se charge d’énergie cosmique » selon le « principe du récepteur d’énergie libre » inventé par Nikola Tesla. Ce terme serait déjà utilisé par des tiers pour désigner les plaques d’énergie …. et les traductions de ce terme seraient utilisées dans d’autres langues pour indiquer lesdites plaques, ce qui serait un indice fort de son caractère descriptif ……. . Les produits concernés seraient formulés de façon si large qu’ils pourraient inclure les plaques d’énergie fonctionnant selon le principe du récepteur de l’énergie libre inventé par Nikola Tesla.

Le titulaire de la marque saisit le Tribunal.

Le 2 juin 2021 le Tribunal rejette le recours. L‘arrêt est là

48      ……. le public pertinent germanophone faisant preuve d’un niveau d’attention allant de moyen à élevé au regard des produits concernés, confronté à la marque contestée, pourra comprendre celle-ci comme désignant la typologie ou les caractéristiques desdits produits, et non pas leur origine commerciale.

Mais comment le Tribunal en est-il arrivé à cette conclusions ?

28      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la marque contestée est un signe verbal composé par l’élément verbal « teslaplatte », ayant la première lettre « t » majuscule. Le public pertinent germanophone percevra cet élément verbal comme résultant de la juxtaposition des mots « tesla » (avec la première lettre majuscule) et « platte ». Ainsi qu’il ressort du dictionnaire en ligne mentionné par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « platte » (platten au pluriel) est un mot allemand signifiant plaque, à savoir une pièce plate en matériau dur. Ainsi qu’il ressort de l’encyclopédie en ligne mentionnée par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « tesla » est un mot désignant en allemand le nom de famille de l’ingénieur Nikola Tesla, ainsi que le nom de l’unité de mesure du champ magnétique, ce dernier découlant d’ailleurs du nom dudit ingénieur. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que le public pertinent germanophone puisse attribuer au mot « tesla », pris individuellement, d’autres significations.

29      Par conséquent, indépendamment même de la signification individuelle du mot « tesla », il est constant que, dans son ensemble, l’élément verbal « teslaplatte » puisse être compris par le public germanophone comme signifiant « plaque tesla ».

30      S’agissant de la signification d’ensemble d’une telle expression au regard des produits concernés, en premier lieu, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, sur la base des pièces au dossier, que l’élément verbal « teslaplatte » (plaque tesla en français) désignait, pour certaines personnes, des plaques d’énergie.

Comment établir ce sens de Tesla ?

32      D’une part, contrairement à ce qui est suggéré par le requérant, …… force est de constater que lesdits livres ne portent pas sur une situation postérieure à la date de dépôt de la marque contestée (27 septembre 2012). En effet, le livre mentionné en tant que document B.3 a été publié vingt jours avant le dépôt de la marque contestée (7 septembre 2012) et le livre mentionné en tant que document B.2, tout en ayant été publié deux mois et demi après le dépôt de la marque contestée (12 décembre 2012), ne peut que porter sur la situation préexistante au dépôt de la demande, compte tenu du temps naturel de publication d’un livre.

33      D’autre part, les autres arguments soulevés par le requérant à l’encontre de ces deux livres ne sauraient non plus convaincre. Tout d’abord, l’argument selon lequel lesdits livres ne seraient pas objectifs, car ils auraient été produits par l’intervenant et seraient ainsi dictés par ses intérêts doit être écarté, dès lors que la seule circonstance qu’un élément de preuve ait été produit par l’autre partie à la procédure n’indique rien, en soi, quant à son objectivité. Ensuite, les faits que le livre mentionné en tant que document B.2 ait eu un tirage réduit et ait été écrit sur la base des connaissances de l’auteur ne constituent pas des raisons empêchant de le prendre en compte, en l’absence de tout élément précis susceptible d’en remettre en cause la fiabilité. Le fait, invoqué par le requérant, que ce livre ferait état d’une dénomination des plaques d’énergie utilisée par l’intervenant (à savoir l’expression « crystalium platte », dont la traduction française serait « plaque de cristal ») ne démontre nullement que ce livre aurait été écrit dans l’intérêt de ce dernier. En outre, l’allégation selon laquelle il ne saurait être exclu que l’auteur du livre mentionné en tant que document B.3 « ait acheté auprès du requérant des plaques d’énergie revêtues de la marque [contestée] » est purement spéculative et est insusceptible de démontrer le caractère non probant dudit livre. Enfin, la circonstance alléguée par le requérant lors de l’audience que ces livres ne feraient partie d’aucune bibliothèque scientifique n’est nullement étayée et, en tout état de cause, ne saurait en remettre en cause la fiabilité.

34      En revanche, bien que la chambre de recours se soit référée également au livre mentionné en tant que document B.1 (point 29 de la décision attaquée), ce dernier ne saurait être pris en compte, dès lors qu’il a été publié quatre ans après le dépôt de la marque contestée (15 décembre 2016) et qu’aucun élément présenté devant le Tribunal ne permet de considérer qu’il refléterait les connaissances existantes à la date du dépôt de ladite marque. Il en va d’ailleurs de même pour les annexes 29, 30 et 39 mentionnées par la chambre de recours (point 29 de la décision attaquée), lesquelles sont des extraits de sites Internet datant de janvier 2017 (point 4 de la décision attaquée).

Et le titulaire de la marque lui-même a reconnu le sens de Teslaplatte.

35      En outre, force est de constater qu’une telle compréhension de l’élément verbal « teslaplatte » est corroborée par les explications fournies par le requérant lui-même dans la requête, lorsqu’il explique que la « dénomination “Teslaplatten” » (la dénomination « plaques Tesla » en français) serait utilisée « depuis plus de 40 ans pour désigner des plaques d’énergie ». Elle est corroborée aussi par la signification littérale des mots composant ledit élément verbal, ceux-ci pouvant effectivement désigner une plaque magnétique ou magnétisée ou, en d’autres termes, une plaque ayant une énergie ou force magnétique, dès lors que le mot « tesla » est le nom de l’unité de mesure du champ magnétique.

Faut-il que le public associe nécessairement ces produits à l’ingénieur Nikola Tesla pour affecter la validité de la marque ?

44      D’autre part, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 8, deuxième et troisième tirets, et point 25 de la décision attaquée), les livres en allemand mentionnés par la chambre de recours dans la décision attaquée en tant que documents B.2 et B.3 apparaissent faire état d’un lien en termes de brevet ou d’invention entre l’ingénieur Nikola Tesla et les plaques Tesla. Certes, le requérant soutient que, en ce qui concerne l’identité de l’inventeur des plaques d’énergie, ces livres seraient contredits par le livre mentionné en tant que document B.1, lequel se réfère à une autre personne. Toutefois, outre le fait que ce dernier livre ne saurait être pris en compte eu égard à sa date de publication (voir point 34 ci-dessus), il y a lieu d’observer que la question de la réelle origine de l’invention n’est pas pertinente dans le cadre du présent litige …. .

45      En tout état de cause, il doit être relevé qu’une perception potentielle de la marque contestée par rapport aux produits concernés qui renverrait à l’ingénieur Nikola Tesla en tant que personnage lié aux plaques Tesla ne serait toujours pas susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits concernés, mais serait susceptible de désigner d’autres caractéristiques de ceux-ci, inhérentes notamment à leur éventuelle origine scientifique ou historique, et serait ainsi également descriptive.

Le titulaire de la marque tente de sauver sa marque en invoquant que les caractéristiques de ses plaques n’ont pas été inventées  par Nikola Tesla…

  • Parce que leurs caractéristiques sont imaginaires  :

46      Par ailleurs, la circonstance éventuelle que de telles caractéristiques soient réelles ou seulement imagées n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. En effet, il convient de rappeler que le critère pertinent pour évaluer le caractère descriptif de la marque contestée est la perception qu’en a le public pertinent …………….. Ainsi, le fait que la marque contestée décrive une caractéristique inexistante ou imagée n’exclut pas qu’elle soit perçue comme étant descriptive par le public pertinent ………….., ce dernier pouvant être amené à croire, par la force évocatrice de la marque, que cette caractéristique existe ou est réelle. Par conséquent, les arguments du requérant visant à soutenir que les publications mentionnées par la chambre de recours dans la décision attaquée ne permettraient pas d’établir de manière objective que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques Tesla doivent être écartés comme étant inopérants, puisque, afin de constater le caractère descriptif de la marque contestée, il est dépourvu de pertinence de savoir si ledit ingénieur est effectivement lié ou non à l’invention des plaques Tesla, ce qui importe est que le public pertinent, confronté à la marque contestée, puisse comprendre celle-ci comme faisant état de l’existence d’un lien entre ledit inventeur et les produits concernés, eu égard notamment aux éléments rappelés aux points 43 et 44 ci-dessus.

  • Parce que leurs caractéristiques sont ésotériques ( non objectives ou non démontrables scientifiquement)

47      En outre, lors de l’audience, le requérant a allégué que certaines caractéristiques des plaques métalliques qu’il commercialise, telles que leur chargement en énergie cosmique ou la possibilité de transférer une telle énergie aux personnes à des fins thérapeutiques, ne seraient pas des caractéristiques objectives ou démontrables scientifiquement, mais relèveraient d’une croyance ou d’une narration mythologique liée à la commercialisation desdites plaques. Or, un tel argument ne fait pas non plus obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Tout d’abord, ledit argument procède d’une confusion entre les prétendues caractéristiques des produits concrètement commercialisés par le requérant et les caractéristiques des produits concernés, car c’est uniquement à l’égard de ces derniers qu’il y a lieu de déterminer la perception de la marque contestée par le public pertinent. Ensuite, s’il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, une caractéristique doit être objective et inhérente à la nature des produits concernés…..,  tel est bien le cas en l’espèce, dès lors que les produits concernés sont des produits métalliques, des produits médicaux et des appareils médico-techniques et que la marque contestée peut précisément désigner une plaque métallique ayant une visée thérapeutique (point 41 ci-dessus).

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, les britanniques bénéficient pleinement du système de la marque de l’Union

Le 29 novembre 2018, la Cour de justice a refusé tout effet par anticipation au Brexit, et cet arrêt est intervenu en matière de marque.
Très brièvement la chronologie à l’arrêt du 29 novembre 2018, l’arrêt est là

28 janvier 2010 : enregistrement de la marque de l’Union  ALCOLOCK pour des produits et services des classes 9, 37 et 42.

13 août 2012 : Lion Laboratorie, société britannique,  demande la nullité de cet enregistrement en invoquant la marque verbale antérieure ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni depuis le 16 août 1996 pour désigner « [a]ppareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer et/ou analyser l’alcool dans l’air expiré ; appareils de contrôle des appareils précités ou réagissant aux appareils précités ; pièces et parties constitutives de ces appareils », de la classe 9.

22 novembre 2012 : Alcohol Countermeasure Systems, société canadienne, le titulaire de la marque de l’union,  demande des preuves d’usages de la marque britannique .

24 mars 2014 : la division d’annulation annule la marque de l’union. L’usage de la marque britannique étant retenu comme sérieux.

11 août 2015 : rejet par la Chambre de recours de l’EUIPO du recours présenté par le titulaire de la marque de l’Union.

29 mars 2017 : rejet du recours par le Tribunal de l’Union.

29 novembre 2018 : la Cour de Justice de l’Union rejette le pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

Parmi les différents moyens présentés à la Cour, l’examen du 5ème retient plus particulièrement l’attention. Pour la société titulaire de la marque de l’Union, la marque antérieure étant une marque britannique, le Tribunal aurait dû reporter sa décision après le 29 mars 2019, date de la sortie de l’Union.

La Cour refuse cette analyse.

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, le Royaume-Uni et ses ressortissants bénéficient pleinement des droits de l’Union

108    En substance, elle [ la requérante, le titulaire de la marque de l’Union] estime que, à compter du 23 juin 2016, date du référendum à l’occasion duquel le peuple du Royaume-Uni a exprimé sa volonté de se retirer de l’Union, le Tribunal aurait dû, au nom de l’ordre public, tenir compte du futur retrait du Royaume-Uni de l’Union ou ordonner une suspension de la procédure jusqu’au retrait effectif de celui-ci, afin d’annuler, ensuite, la décision litigieuse. Elle observe que le Tribunal a prononcé l’arrêt attaqué le jour où le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l’Union, conformément à l’article 50 TUE.

109    Ce faisant, le gouvernement du Royaume-Uni aurait reconnu que les marques du Royaume-Uni ne sauraient servir de fondement aux fins de l’annulation de marques de l’Union européenne.

110    La requérante ajoute, d’une part, que le fait que la décision litigieuse a été adoptée avant ladite notification et que le droit de l’Union continue à s’appliquer au Royaume-Uni pendant le déroulement de la procédure visée à l’article 50 TUE ne saurait s’opposer à la recevabilité ainsi qu’au bien-fondé du présent moyen. En effet, ce moyen soulèverait des questions d’ordre public. De surcroît, la requérante n’aurait pu avancer ledit moyen devant le Tribunal, dès lors que le référendum a été organisé après la clôture, le 11 février 2016, de la procédure écrite devant celui-ci.

111    D’autre part, la requérante estime qu’il ne lui suffirait pas de déposer une nouvelle marque de l’Union européenne portant sur le signe « alcolock » au terme de la procédure visée à l’article 50 TUE. En effet, elle ne serait plus en mesure de réclamer, à ce moment-là, le plein bénéfice de ses droits d’ancienneté. De surcroît, la transformation de la marque contestée en marques nationales, en attendant le retrait du Royaume-Uni de l’Union, l’exposerait à des coûts inutiles et disproportionnés.

112    La requérante fait par ailleurs observer que, compte tenu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, c’est la date à laquelle sera rendu l’arrêt de la Cour sur pourvoi qui importe.

113    L’EUIPO estime que ce moyen est dénué de tout fondement.

114    Le Royaume-Uni estime que le présent moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

115    Par son cinquième moyen, la requérante allègue, en substance, que le Tribunal aurait dû suspendre la procédure jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union, afin de pouvoir annuler la décision litigieuse au motif qu’une marque antérieure du Royaume-Uni ne pourrait plus être opposée au maintien d’une marque de l’Union européenne.

116    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’un tel moyen, il convient de relever que, aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, [dudit] règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il s’ensuit que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision litigieuse que si, à la date à laquelle cette décision a été prise, elle était entachée d’un motif d’annulation ou de réformation. En revanche, le Tribunal ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé

117    Or, il serait contraire à cette jurisprudence de considérer que le Tribunal était en l’espèce tenu de suspendre la procédure pendante devant lui afin, le cas échéant, d’annuler la décision litigieuse à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union au motif, par ailleurs purement hypothétique à ce stade, que ledit retrait affecterait rétroactivement l’issue des procédures en nullité fondées sur une marque antérieure de cet État membre.

118    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que Lion Laboratories est désormais une société établie en dehors de l’Union et que cette société a obtenu l’annulation de la marque contestée sur la base de la marque antérieure enregistrée hors de l’Union, il convient de relever que la seule notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre et que, par conséquent, ce droit reste pleinement en vigueur dans ledit État membre jusqu’à son retrait effectif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 45).

119    Il s’ensuit que le cinquième moyen et, par conséquent, le quatrième chef des conclusions de la requérante doivent être écartés.

120    Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son intégralité.

Autrement dit tant que le Brexit n’est pas intervenu, les ressortissants du Royaume-Uni bénéficient pleinement des droits de l’Union y compris des règles applicables aux marques de l’Union

 

Opposition à une demande de marque et transfert du droit sur la marque antérieure

Celui qui engage une procédure d’opposition sur la base d’une marque communautaire antérieure doit en être titulaire, et cette propriété doit être connue par l’Office.

Une opposition peut-elle être déposée  en même temps que l’indication à l’Office du transfert de la propriété de la marque antérieure à l’opposant ? N’y aurait-il qu’une question de bons formulaires à utiliser et à enregistrer par l’Office dans le bon ordre ?

Cette question qui a donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 17 janvier 2017,  intéresse en premier lieu les conseils en propriété industrielle et les avocats.

 L’arrêt dans cette affaire, l’affaire T‑225/15, est .

  • Le rappel des dispositions du règlement sur la marque communautaires

      En application de la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, l’opposition est rejetée comme non fondée si l’opposant ne prouve pas, avant l’expiration de ce délai, son habilitation à former opposition.

22      La règle 31, paragraphes 1 à 2, du règlement n° 2868/95, prévoit les informations qu’une demande d’enregistrement de transfert au sens de l’article 17 du règlement n° 207/2009 doit contenir. À cet égard, le paragraphe 1 de cet article, énumère « a) le numéro d’enregistrement de la marque [de l’Union européenne] ; b) des renseignements détaillés sur le nouveau titulaire […] ; c) la liste des produits et services auxquels le transfert se rapporte, si celui-ci ne concerne pas tous les produits et services enregistrés ; d) les pièces établissant le transfert […]. »

23      Le paragraphe 5 de la règle 31 du règlement n° 2868/95 définit quels sont les éléments considérés comme des preuves suffisantes du transfert : « a) la signature, par le titulaire enregistré, ou son représentant, et par son ayant cause, ou le représentant de ce dernier, de la demande d’enregistrement du transfert ou b) le fait pour la demande, lorsqu’elle est présentée par l’ayant cause, d’être accompagnée d’une déclaration signée par le titulaire enregistré ou son représentant, aux termes de laquelle le titulaire donne son accord en vue de l’enregistrement de son ayant cause ou c) la demande accompagnée du formulaire de déclaration de transfert ou du document de transfert […] dûment remplis, et signée par le titulaire enregistré, ou son représentant, et par son ayant cause, ou le représentant de ce dernier ».

24      Aux termes du paragraphe 6, de la règle 31 du règlement n° 2868/95, lorsque les conditions d’enregistrement du transfert prévues à l’article 17, paragraphes 1 à 4, du règlement n° 207/2009, ainsi qu’aux paragraphes 1 à 4 de la même règle, ainsi que par d’autres règles applicables, ne sont pas remplies, l’EUIPO informe le demandeur des irrégularités constatées. S’il n’est pas remédié à ces irrégularités dans le délai imparti par l’EUIPO, celui-ci rejette la demande d’enregistrement du transfert.

  • L’explication par la Cour de Justice

 Premièrement, il ne résulte ni du règlement n° 207/2009, ni du règlement n° 2868/95 que l’utilisation du formulaire concernant une demande d’enregistrement d’un transfert ou une demande de changement de nom et d’adresse constitue une condition préalable indispensable à la validité des demandes. Au contraire, la règle 31, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95 mentionne le formulaire de déclaration de transfert comme une preuve dont l’utilisation est alternative par rapport aux autres possibilités. La partie E, section 3, chapitre 1, point 3.5, des directives de l’EUIPO confirme cette constatation dans la mesure où il indique que, « d’autres moyens de preuves [que les formulaires] ne sont pas exclus ».

39      Deuxièmement, il convient de constater que, comme le font valoir à juste titre l’intervenante et l’EUIPO, la volonté de l’intervenante ressortait de la demande du 9 avril 2013 d’une manière claire et montrait une volonté de changement du titulaire de la marque antérieure en l’espèce.

40      Troisièmement, comme le font valoir à juste titre l’intervenante et l’EUIPO, le fait que la division d’opposition a enregistré les deux demandes, à savoir celle du 9 avril 2013 et celle du 14 juin 2013 (voir point 8 ci-dessus) sous deux numéros différents n’affecte en rien la conclusion selon laquelle l’EUIPO avait le droit de traiter la demande du 9 avril 2013, au vu de son contenu clair, comme une demande d’enregistrement de transfert.

41      Dès lors, l’EUIPO n’a pas commis d’erreur en interprétant la demande du 9 avril 2013 comme une demande d’enregistrement de transfert au sens de l’article 17, paragraphe 7, du règlement n° 207/2009.

La conclusion :

Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 21 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas de de violation de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 dans le cas d’espèce, puisque l’intervenante était habilitée à former opposition le 9 avril 2013 et que son opposition avait été introduite dans le délai imparti.

l’EUIPO met en ligne la déclaration commune des trois Présidents

Le site de l’EUIPO a mis en ligne sur son site la déclaration commune des trois Présidents du Parlement, de la Commission et du Conseil des Ministres.

Brussels, 24 June 2016

President Schulz, President Tusk and Prime Minister Rutte met this morning in Brussels upon the invitation of European Commission President Juncker. They discussed the outcome of the United Kingdom referendum and made the following joint statement:

« In a free and democratic process, the British people have expressed their wish to leave the European Union. We regret this decision but respect it.

This is an unprecedented situation but we are united in our response. We will stand strong and uphold the EU’s core values of promoting peace and the well-being of its peoples. The Union of 27 Member States will continue. The Union is the framework of our common political future. We are bound together by history, geography and common interests and will develop our cooperation on this basis. Together we will address our common challenges to generate growth, increase prosperity and ensure a safe and secure environment for our citizens. The institutions will play their full role in this endeavour.

We now expect the United Kingdom government to give effect to this decision of the British people as soon as possible, however painful that process may be. Any delay would unnecessarily prolong uncertainty. We have rules to deal with this in an orderly way. Article 50 of the Treaty on European Union sets out the procedure to be followed if a Member State decides to leave the European Union. We stand ready to launch negotiations swiftly with the United Kingdom regarding the terms and conditions of its withdrawal from the European Union. Until this process of negotiations is over, the United Kingdom remains a member of the European Union, with all the rights and obligations that derive from this. According to the Treaties which the United Kingdom has ratified, EU law continues to apply to the full to and in the United Kingdom until it is no longer a Member.

As agreed, the « New Settlement for the United Kingdom within the European Union« , reached at the European Council on 18-19 February 2016, will now not take effect and ceases to exist. There will be no renegotiation.

As regards the United Kingdom, we hope to have it as a close partner of the European Union in the future. We expect the United Kingdom to formulate its proposals in this respect. Any agreement, which will be concluded with the United Kingdom as a third country, will have to reflect the interests of both sides and be balanced in terms of rights and obligations. »

Des commentaires sur le brexit sont ici.

OHMI remplacé par EUIPO

23 mars 2016 : entrée en vigueur du nouveau règlement sur « la marque communautaire » devenue « la marque de l’Union européenne ».

Parmi les changements, le plus visible, l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (O.H.M.I) devient l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (E.U.I.P.O).

EUIPO OHMI MARQUE COMMUNAUTAIRE MARQUE DE L UNION EUROPENNE Le règlement est ici.

L’Office est toujours là.

Nullité d’une décision de la Chambre de recours de l’OHMI pour défaut de motivation relevé d’office

Le contentieux de l’annulation de la marque communautaire peut être engagé devant un tribunal de grande instance ou devant l’OHMI. L’OHMI, ses divisions d’opposition et ses chambres de recours appliquent des règles spécifiques de procédures  sous le contrôle du Tribunal et de la Cour de justice.

L’ arrêt du 28 janvier 2016 du Tribunal montre la grande vigilance de cette juridiction qui se saisit d’office. Cette « auto-saisine » est d’autant plus remarquable qu’elle va même à l’encontre d’un des motifs invoqués par le requérant à l’annulation de la décision de la Chambre de recours, décision qui sera donc annulée mais pour un autre motif celui de l’absence de motivation suffisante. L’ arrêt est là.

  • Le rappel du principe de motivation

52 ….. il doit être rappelé que, conformément à l’article 75 du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision

53 Par ailleurs, la constatation d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union

54 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation, pour le juge de l’Union, de relever d’office un moyen d’ordre public doit être exercée à la lumière du principe du contradictoire. Il est de jurisprudence constante que, hors les cas particuliers tels que, notamment, ceux prévus par les règlements de procédure des juridictions de l’Union, le juge de l’Union ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ledit

  • ici le contrôle du principe de motivation s’applique à une affaire complexe où la marque communautaire dont l’annulation est demandée, porte sur un nom patronymique dont le titulaire est une société qui porte ce même nom comme dénomination sociale car créée historiquement par une société issue d’une société familiale identifiée sous ce même nom et … dont un descendant est le requérant à l’annulation …

…..afin de déterminer à quoi la chambre de recours s’est référée en mentionnant le « nom ‘Gugler’ » et sur quels éléments elle a fondé son raisonnement (point 30 de la décision attaquée), il n’est possible que d’émettre des hypothèses.

84 En second lieu, il doit être remarqué que la chambre de recours a écarté les faits repris au point 30 de la décision attaquée, lesquels correspondaient aux arguments avancés par la requérante, résumés au point 7 de la décision attaquée, en se contentant de les mentionner et d’indiquer que lesdits arguments n’altéraient pas sa conclusion. Elle n’a fourni aucune explication quant aux motifs pour lesquels ces arguments ne modifiaient pas sa conclusion, que ce soit explicitement ou implicitement, dans la mesure où il ne ressort pas de ladite décision que les arguments en question ont été examinés dans une quelconque partie de cette décision.

85 Partant, aux fins de répondre à l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a considéré à tort que les faits mentionnés au point 30 de la décision attaquée n’altéraient pas sa conclusion, alors que, au contraire, ils auraient témoigné de la mauvaise foi de Gugler GmbH lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il n’est possible que d’émettre des hypothèses quant au raisonnement tenu par la chambre de recours.

86 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence citée aux points 52 à 54 ci-dessus, le Tribunal a décidé d’examiner d’office le respect, par la chambre de recours, de son obligation de motivation et il a invité les parties, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, à s’exprimer sur cette question lors de l’audience. En particulier, les parties ont été invitées à indiquer si elles estimaient que la décision attaquée permettait de déterminer les raisons pour lesquelles la chambre de recours avait rejeté les arguments invoqués par la requérante au soutien de sa demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, ces arguments étant mentionnés au point 7 de la décision attaquée et repris au point 30 de celle-ci.

87 Lors de l’audience, l’OHMI a soutenu qu’il devait être considéré que la chambre de recours avait accordé une importance décisive au fait que Gugler GmbH utilisait le « signe Gugler’ » depuis de nombreuses années.
88 Or, à cet égard, il a déjà été indiqué que la chambre de recours n’avait pas précisé à quoi elle entendait se référer par la mention de l’expression « nom ‘Gugler’ » (voir point 80 à 83 ci-dessus).

89 En outre, ne ressortent pas de manière suffisante de la décision attaquée les raisons pour lesquelles, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 70 à 76 ci-dessus et aux circonstances en l’espèce, il devait être accordé une importance décisive à une telle utilisation du « signe Gugler ».

90 Certes, ainsi que l’OHMI l’a souligné lors de l’audience, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et au juge de l’Union de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle

91 Or, la seule explication de la chambre de recours consistant à indiquer que « [d]emander l’enregistrement d’une marque communautaire aurait, dès lors, constitué une initiative logique et totalement justifiée » ne peut suffire afin de comprendre en quoi, en présence de relations, à tout le moins d’affaires, entre la requérante et Gugler GmbH, les divers éléments avancés par la requérante et mentionnés par la chambre de recours (voir point 79 ci-dessus) étaient dépourvus de pertinence.

92 Dans ces circonstances, il doit être constaté que la chambre de recours n’a pas motivé à suffisance de droit la décision attaquée en omettant, d’une part, de préciser à quoi elle se référait en mentionnant le « nom ‘Gugler’ », cet élément semblant avoir constitué un point essentiel de son analyse, et, d’autre part, d’expliciter en quoi les arguments invoqués par la requérante, résumés au point 7 de la décision attaquée et repris par la chambre de recours au point 30 de ladite décision, n’altéraient pas sa conclusion relative à l’absence de mauvaise foi du déposant de la marque contestée.
….
94 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, en ce que la chambre de recours a violé l’obligation de motivation que lui impose l’article 75 du règlement n° 207/2009 lorsqu’elle a statué sur le motif de nullité invoqué par la requérante fondé sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

DAISY et MARGARITAS : la forme d’une confiserie, l’évocation d’un prénom ou d’un cocktail ?

DAISY et MARGARITAS sont deux signes verbaux dont l’enregistrement à titre de marques communautaires est demandé pour « Confiserie, pâtisserie, sucreries, caramels mous, guimauve, caramels, gommes à mâcher, gélatine (confiserie), réglisse, sucettes, toffee, pastilles, sucre, chocolat, cacao, café ».

A la suite d’un refus partiel de l’examinateur étendu par la Chambre de recours? les deux demandes de marques communautaires sont rejetées pour l’essentiel des produits revendiquées « l’usage des mots « daisy » ou « margaritas » pouvait suggérer qu’ils étaient réalisés en forme de marguerite ou qu’ils étaient décorés de ce motif floral ».

Les décisions de la Chambre de Recours seront annulées par l’arrêt du 16 décembre 2016 du Tribunal. L’arrêt est ici.

  • L’analyse de la Chambre de recours telle que résumée par le Tribunal.

13 S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté que les produits en cause, appartenant au secteur de la confiserie et étant communément considérés comme des denrées de consommation courante, étaient destinés à un large public. Par ailleurs, ce public n’était pas uniquement formé d’enfants, mais également de consommateurs adultes. Étant donné que la marque DAISY était constituée d’un mot anglais, la chambre de recours a considéré que le public au regard duquel il convenait d’apprécier son caractère descriptif était celui, d’ailleurs numériquement très important, qui, dans l’Union européenne, connaissait cette langue. S’agissant de la marque MARGARITAS, constituée d’un mot espagnol, il convenait de tenir compte, selon elle, du public hispanophone.

14 S’agissant de la question de savoir si les marques demandées présentaient un caractère descriptif, la chambre de recours a estimé, d’une part, qu’il en était ainsi pour la marque DAISY, et ce pour l’ensemble des produits visés par la demande, à l’exception du « café ». En effet, selon la chambre de recours, le mot « daisy », en tant que mot anglais désignant la « marguerite », fleur classique et bien présente dans l’imaginaire collectif, évoque immédiatement l’image d’un pistil jaune entouré de nombreux pétales blancs et constitue ainsi une référence précise à l’apparence du produit, c’est-à-dire à une de ses caractéristiques essentielles. La chambre de recours affirme, à cet égard, que l’expérience démontre que l’apparence est normalement très soignée dans le secteur de la confiserie afin de rendre les produits plus attrayants aux yeux des consommateurs. D’autre part, cette même analyse s’applique, selon elle, à la marque MARGARITAS, dès lors que cette dernière renvoie, en espagnol, à cette même fleur, au pluriel.

15 Selon la chambre de recours, en l’espèce, le consommateur comprendra immédiatement et sans avoir à réfléchir que le morceau de sucre, la dragée, le gâteau, le chocolat, les gélatines de fruit et autres produits, désignés par l’une des marques demandées, ont la forme d’une marguerite ou sont présentés de manière à ressembler à une marguerite et, à l’appui de cette assertion, elle se réfère à la circonstance que des enfants font partie des consommateurs desdits produits et qu’il s’agit d’une catégorie de consommateurs particulièrement sensible à l’apparence.

Ce que dit le Tribunal
  • Les termes ne désignent pas les produits en tant que tels en anglais et en espagnol.

59 Par conséquent, il peut être considéré que, comme la chambre de recours l’a affirmé à juste titre, les signes DAISY et MARGARITAS pourront être compris par le public concerné, parlant les langues en question, comme faisant référence à la fleur « marguerite ».

60 Toutefois, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours dans les deux décisions attaquées, cela n’a pas pour conséquence qu’il existerait un lien suffisamment direct et concret entre le signe DAISY ou MARGARITAS et les produits en cause, de sorte à pouvoir considérer que les marques demandées sont descriptives à leur égard, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

61 D’une part, il ne ressort pas des décisions attaquées que, dans l’une des langues concernées, respectivement, les mots « daisy » ou « margaritas » sont employés pour désigner les produits en cause.

  • Caractère essentiel ou accessoire du signe comme motif du refus.

62 D’autre part, s’agissant de la question de savoir s’il est prévisible ou à tout le moins potentiellement possible que les consommateurs considèrent que les marques demandées renvoient à l’une des caractéristiques desdits produits, à savoir, à leur forme, il convient de constater, à titre liminaire, que, comme l’a affirmé à juste titre la chambre de recours au point 25 des décisions attaquées, et comme le soutient l’OHMI devant le Tribunal, l’apparence d’un produit alimentaire est une caractéristique essentielle pour le consommateur, surtout s’il s’agit d’un produit de confiserie. En effet, ainsi que l’a souligné la chambre de recours, en se référant à l’expérience commune, l’apparence des produits de confiserie est normalement très soignée, afin de les rendre attrayants aux yeux des consommateurs. C’est également à bon droit qu’elle renvoie, dans ce contexte, au fait que l’on trouve, parmi le public pertinent, des enfants, c’est-à-dire, des consommateurs particulièrement sensibles à l’apparence. Dans ces circonstances, s’il est vrai, comme le soutient la requérante, que les consommateurs seront attentifs aux ingrédients, à la présence d’allergènes ou au goût, le Tribunal juge que cela ne permet pas d’exclure qu’ils puissent s’intéresser, également, à la forme des produits en cause et à leur conditionnement. De surcroît et en tout état de cause, il convient d’ajouter qu’il a déjà été constaté dans la jurisprudence que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 n’opère pas de distinction, dans le cadre de l’appréciation du caractère éventuellement descriptif d’un signe, selon que celui ci désigne des caractéristiques essentielles sur le plan commercial ou seulement accessoires.

  • DAISY et MARGARITAS ont d’autres significations.

63 Nonobstant ce qui précède, le Tribunal considère que ni le mot « daisy » ni le mot « margaritas » ne présentent de lien suffisamment direct avec la caractéristique des produits en cause consistant en leur forme, contrairement aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et de la jurisprudence correspondante …

64 À cet égard, premièrement, chacun de ces deux mots a, également, certaines autres significations connues qui peuvent venir à l’esprit de certains des consommateurs voyant les marques demandées apposées sur les produits visés, à savoir, celles renvoyant, pour le mot « daisy », notamment, à un prénom féminin ainsi qu’à des personnages connus de dessins animés, de films ou de livres pour enfants et, pour le mot « margaritas », celles renvoyant, outre à un prénom féminin (au singulier), également à un cocktail connu à base de tequila.

66 En particulier, il ne suffit pas, pour soutenir que le public pertinent percevrait immédiatement, et sans autre réflexion, un lien entre les signes susmentionnés et la forme d’un produit de pâtisserie ou de confiserie, de sucreries ou d’autres produits, produits pour lesquels l’examinatrice et, par suite, la chambre de recours ont refusé l’enregistrement, de constater, comme l’a fait cette dernière aux points 24 et 26 des décisions attaquées, que les produits litigieux se prêtaient tous à être confectionnés sous l’apparence d’une marguerite, qui, d’ailleurs, est « une fleur classique, bien présente dans l’imaginaire collectif » ou que, dans les secteurs en cause, il soit possible de trouver certains produits présentés sous forme de fleurs.

Action en déchéance d’une marque communautaire tridimensionnelle employée avec une marque verbale « normale »

De l’enregistrement d’une marque communautaire sur une forme tridimensionnelle, ce blog en parle souvent, mais l’arrêt du 24 septembre 2015 intervient sur la preuve de son exploitation lors d’une action en déchéance devant l’OHMI. L’arrêt est ici.

La marque communautaire tridimensionnelle enregistrée porte sur le signe :

marque déchéance action forme fourneau potager 24 septembre 2015Pour : « Potagers (fourneaux) »

– 23 février 2012 : demande en déchéance.

– 3 juillet 2013 : rejet de la demande en déchéance.

– 7 février 2014 : la Chambre de recours rejette le recours.

L’arrêt du 24 septembre 2015 rejette également le recours, mais cet arrêt se limite à examiner l’impact de l’emploi d’une marque verbale avec cette marque tridimensionnelle lors de l’action en déchéance pour défaut d’usage sérieux.

Sur l’utilisation d’une autre marque avec la marque dont la déchéance est demandée.
  • De quoi s’agit-il ?

6 Il est constant que, à la différence de la marque en cause, laquelle est exclusivement constituée par la forme d’un fourneau et ne contient aucun élément verbal, tous les fourneaux représentés sur les éléments de preuve de l’usage sérieux de ladite marque (factures, barèmes de prix, catalogues, extraits de publications ou de brochures), produits par le titulaire de la marque en cause au cours de la procédure administrative devant l’OHMI, sont en outre revêtus de l’élément verbal « voxka » en italique, apparaissant en relief sur une plaque métallique placée sur la partie supérieure de la face avant, au-dessus de l’entrée de la chambre de combustion.

  • La position du requérant

25 ……. la marque en cause n’a pas été utilisée seule, mais conjointement avec l’élément verbal distinctif « voxka », apposé de façon bien visible sur les produits en cause. Au départ de cette prémisse, le requérant soutient, d’une part, qu’une marque tridimensionnelle constituée exclusivement par la forme d’un produit, sans aucun élément verbal additionnel, ne remplit plus sa fonction essentielle d’indication de l’origine commerciale des produits en cause et ne peut dès lors faire l’objet d’un usage sérieux lorsqu’il lui est adjoint un tel élément verbal distinctif. Le requérant soutient, d’autre part, que l’ajout d’un tel élément verbal à une telle marque altère nécessairement le caractère distinctif de celle-ci dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

  • Le Tribunal pose le principe d’un examen des différents signes utilisés

33 Contrairement à ce que soutient l’OHMI, il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques et, en particulier, du degré plus ou moins élevé de caractère distinctif de la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque. Plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, en effet, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif, et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit qu’elle désigne. La considération inverse s’impose également.

34 Il convient, par ailleurs, de tenir compte de la catégorie particulière à laquelle appartient la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque.

  • L’examen de l’usage de la marque tridimensionnelle doit être conduit comme pour les autres marques

35 Certes, s’agissant des marques tridimensionnelles constituées, comme en l’espèce, par l’apparence du produit lui-même, il est de jurisprudence constante que les critères d’appréciation de leur caractère distinctif ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques ……. Comme le relève à bon droit l’OHMI, cette jurisprudence peut être transposée à l’appréciation de l’usage sérieux de telles marques tridimensionnelles. En effet, il ne ressort ni du règlement n° 207/2009 ni de la jurisprudence qu’il y aurait lieu de leur appliquer des critères différents, voire plus stricts. En particulier, il ne saurait être exigé par principe que ces marques soient utilisées isolément ou qu’elles présentent un degré particulièrement élevé de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage.

  • Mais ce principe est immédiatement tempéré par la spécificité de la forme tridimensionnelle

36 Toutefois, dans le cadre de l’appréciation tant du caractère distinctif que de son altération en cas d’usage conjoint avec une autre marque, il y a lieu de tenir compte également de la perception spécifique des formes des produits par le consommateur moyen. Aux fins d’une telle appréciation, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative consistant en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative ….. . Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. ..

37 Transposée à l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même, cette jurisprudence implique que, en cas d’usage conjoint de celle-ci avec une autre marque, il pourrait s’avérer plus facile d’établir l’altération du caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celle du caractère distinctif d’une marque verbale ou figurative.

  • Application pratique

38 En l’espèce, la marque en cause présente, de par sa forme inhabituelle, évoquant celle d’un moteur thermique d’avion davantage que celle d’un fourneau, un caractère distinctif élevé pour les produits qu’elle désigne, et ce, abstraction faite de son éventuelle fonctionnalité.

39 À cet égard, la circonstance, alléguée par le requérant, que des fourneaux revêtant une forme très semblable à celle de la marque en cause soient distribués par d’autres fabricants sous les marques verbales Bruno et Bulder, ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause cette appréciation, ladite circonstance pouvant également s’expliquer par la recherche par ces fabricants d’un résultat technique particulier, tel qu’un transfert de chaleur par convection.

40 Par ailleurs, l’élément verbal additionnel « voxka », lui-même enregistré en tant que marque, présente un caractère distinctif qui peut être qualifié de normal.

41 Dans ces circonstances, le Tribunal estime, à l’instar de la chambre de recours, que l’ajout de l’élément verbal « voxka », apposé sur la face avant du produit dont la forme elle-même constitue la marque en cause, n’a pas altéré le caractère distinctif de celle-ci, dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, de sorte que cet ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

42 Dans ces mêmes circonstances, le consommateur moyen continuera en effet à percevoir la forme des fourneaux en cause comme une indication de leur origine commerciale, son attention n’étant pas exclusivement accaparée par l’élément verbal distinctif « voxka », en tant qu’indicateur de l’origine des produits.

Demande en déchéance de marque : pas d’usage de la marque par des échanges entre le franchiseur et ses franchisés

L’action en déchéance de marque communautaire devant l’OHMI contraint le titulaire de la marque à apporter des preuves de son usage. Mais ces preuves peuvent–elles être constituées par des échanges au sein du réseau de distribution ? Explication avec l’arrêt du 9 septembre 2015 du TPEE. L’arrêt est ici.

  • L’action en déchéance était dirigée contre le signe ZARA enregistré pour
    – classe 39 : « Services de transport, distribution (livraison) de produits, emballage et entreposage de marchandises, en particulier d’articles de vêtements, de chaussures et d’accessoires, de parfumerie et de cosmétiques » ;
    – classe 42 : « Restauration (alimentation), hébergement temporaire ».
  • Les preuves apportées
    25 En effet, si la chambre de recours a admis qu’il ressortait de certains des documents fournis par la requérante, à savoir du dossier de presse, de la brochure et des photographies qui y figurent, sur lesquelles se trouvent des camions Avia et Volvo, que son organisation logistique comprenait des services de transport et de distribution de produits destinés à ses filiales et aux franchisés, elle a toutefois estimé que l’utilisation faite de ceux-ci était interne en ce qu’aucun des documents produits ne venait prouver l’importance de l’usage public de la marque contestée et qu’il n’était nulle part fait référence à des clients externes autres que lesdits franchisés. Par ailleurs, tout en ne niant pas que les franchisés soient des entités juridiquement indépendantes, la chambre de recours a néanmoins constaté qu’ils suivaient le même modèle d’entreprise que le franchiseur et en a donc conclu qu’ils étaient intégrés au propre réseau de distribution de ce dernier.

Les points essentiels de l’arrêt du Tribunal  

  • Le critère d’indépendance

32 Néanmoins, si le franchiseur peut, comme le précise le point 189 des lignes directrices sur les restrictions verticales (JO 2010, C 130, p. 1) de la Commission, mettre en place un réseau de distribution uniforme avec ses franchisés qu’il contrôle ou possède en partie, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent y être associés et non pas y être totalement intégrés pour être considérés comme totalement indépendants.

33 Il y a lieu de relever que, dans son affidavit du 7 mai 2012, le directeur juridique et secrétaire d’administration de la requérante affirme notamment que la principale caractéristique du modèle de franchise suivi par la requérante est « l’intégration totale des magasins franchisés » aux siens, ce qui implique une « logistique intégrée, qui comprend le transport, l’entreposage et la livraison de la marchandise ». De plus, il indique que le modèle d’affaire de la marque contestée se caractérise par un « niveau élevé d’intégration verticale », sans toutefois le préciser. Partant, cette déclaration tend à démontrer que les franchisés sont intégrés à l’organisation interne de la requérante. En outre, la requérante n’ayant fourni, au cours de la procédure devant l’OHMI, aucun autre élément permettant de démontrer que les franchisés ne sont pas intégrés, mais seulement associés à son réseau de distribution, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a pu considérer que, au vu des seuls éléments fournis par la requérante, les franchisés étaient intégrés à son organisation interne, et ce en dépit de leurs statuts de sociétés indépendantes.

34 En tout état de cause, ainsi qu’il résulte des développements qui suivent, les autres éléments de preuve fournis par la requérante ne permettent pas de prouver l’usage public et externe des services de transport.

  • Un examen très minutieux

35 En effet, concernant le second grief de la requérante relatif à la production des éléments de preuve relatifs au chiffre d’affaires généré par la prestation des services de transport, il convient de remarquer que, dans son affidavit, le directeur juridique et secrétaire d’administration de la requérante fait également mention, sous forme de tableaux, d’un ensemble de données chiffrées relatives aux « coûts de transport ajoutés aux prix des vêtements », c’est-à-dire des dépenses réalisées par la requérante en matière de transport afin d’acheminer ses marchandises vers les sièges d’exploitation des franchisés. Il ne fait, en revanche, nullement état du chiffre d’affaires généré par la prestation des services de transport, c’est-à-dire de l’ensemble des recettes réalisé par la requérante au cours d’un exercice comptable pour les services relevant de la classe 39. Certes, lesdites données chiffrées confirment la réalité de l’exploitation de la marque contestée s’agissant de la commercialisation des produits couverts par celle-ci auxquels s’ajoutent les coûts de transport. Néanmoins, elles ne démontrent nullement la réalité de l’exploitation de la marque contestée s’agissant de la prestation des services de transport.

36 Enfin, il convient de relever que les franchisés ont solennellement déclaré que les coûts de transport n’étaient pas facturés séparément, mais ajoutés au prix de chaque article de vente. En effet, la requérante a spécifié que les coûts de transport ne pouvaient pas être identifiés sur les factures produites à titre d’éléments de preuve, car les services et les produits fournis étaient proposés et vendus sous la forme d’un forfait et qu’il découlait de la conclusion des accords de franchise que le coût total du transport était inclus dans le prix des articles de vente. Or, il y a lieu de constater que les factures produites à titre d’éléments de preuve devant la division d’annulation concernent la vente d’articles à des détaillants sis au Royaume-Uni et non pas aux franchisés. De plus, elles ne comportent aucune donnée relative au coût du transport sous la forme d’une quelconque taxe facturée qui viendrait s’ajouter au prix hors taxes de vente. Or, l’établissement d’une facture permet de montrer que l’usage de la marque s’est fait publiquement et vers l’extérieur, et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de la marque contestée ou dans un réseau de distribution possédé ou contrôlé par celle ci [voir arrêt du 15 octobre 2008, Air Products and Chemicals/OHMI Messer Group (Ferromix, Inomix et Alumix), T 305/06 à T 307/06, EU:T:2008:444, point 47 et jurisprudence citée]. Par conséquent, dans la mesure où la requérante n’a pu produire des factures se rapportant strictement aux services de transport ou sur lesquelles figureraient certaines données qui y seraient relatives, il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a pu considérer qu’aucun élément de preuve relatif au chiffre d’affaires généré par la prestation de services de transport n’avait été produit devant elle.


39 Il s’ensuit que, à l’instar de l’appréciation de la chambre de recours, la condition tenant à ce que la marque soit utilisée publiquement et vers l’extérieur n’apparait pas remplie en l’espèce.