Déchéance de marque communautaire : la preuve de l’usage de la marque sous le regard des consommateurs

A défaut d’exploiter sa marque, son titulaire risque de la perdre lors de l’action en déchéance.

L’ arrêt du 30 janvier 2016 du Tribunal qui intervient en matière de marque communautaire, s’intéresse à des preuves d’exploitation qui ne correspondent pas au libellé exact des services indiqués à l’enregistrement, pour toutefois en valider l’exploitation. Cet arrêt ouvrirait-il des nouvelles voies pour les titulaires de marque pour sauver leurs droits d’une action en déchéance ou , au contraire, les placerait-il à la merci des consommateurs ?

L’ arrêt est .

  • Le rappel de la règle de droit

L’article 51 du règlement n° 207/2009 prévoit :

« 1. Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de [l’OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans [l’Union] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage […]
2. Si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. »

  • Les services en cause dont la Division d’annulation et la Chambre de recours ont reconnu l’exploitation

L’ arrêt cité présente un intérêt à propos des services de la classe 42 « Informations en ligne en provenance de bases de données informatiques ou d’internet ; installation et entretien de logiciels ; fourniture d’accès à l’internet ; fourniture de services Internet ; fourniture d’accès à des sites sur un réseau électronique d’informations ; fourniture d’accès à diverses bases de données ; location et crédit-bail de programmes informatiques, terminaux d’ordinateur, modems, périphériques d’ordinateur, tous les autres dispositifs Internet ».

La Chambre de recours a suivi la Division d’annulation qui avait considéré comme exploitée cette marque pour ces services sur la période en question.

Le Tribunal rejette le recours de la requérante qui demandait la déchéance de la marque.

  • Les preuves de l’usage

20 S’agissant, en premier lieu, de l’usage de la marque contestée pour les services concernés, l’intervenante a soumis, au cours de la procédure devant l’OHMI, de nombreuses preuves. Ces preuves comprennent notamment des images des modems et des clés 3G sur lesquels la marque contestée a été apposée, des listes de ces équipements fournis aux clients, des extraits de bases de données détaillant les visites des techniciens de l’entreprise auprès des clients, y compris pour la fourniture ou le retrait des modems, des extraits de pages Internet détaillant les services d’accès aux réseaux électroniques fournis sous la marque contestée, des articles de presse et des campagnes publicitaires. Il ressort, en particulier, de l’accord de service et des conditions pour le client, ainsi que des pages Internet, que UK Broadband Ltd, société qui appartient au même groupe que l’intervenante, a fourni des services d’accès aux réseaux électroniques (non limité à l’internet), des services de location d’équipement et de logiciels « passerelles » et des informations pour ses clients sous la marque contestée pendant la période pertinente. Ces pièces concluantes, prises dans leur ensemble, démontrent l’usage de la marque contestée, au moins dans une partie de l’Union.

  • La notion d’usage ne peut pas se référer à un concept commercial

21 Certes, il convient de relever que l’appréciation de l’usage sérieux doit être fondée sur les services tels que spécifiés dans la demande d’enregistrement et non sur un éventuel concept de commercialisation. C’est donc à tort que la chambre de recours a conclu, au point 33 de la décision attaquée, que « tous ces services feraient partie du bouquet de services connus sous le nom de ‘haut débit sans fil’ ». En effet, il apparaît que la marque contestée a été enregistrée pour les services concernés et ne vise pas en tant que tels les « services sans fil à haut débit ». Néanmoins, les éléments du faisceau de preuves analysés par la chambre de recours et énumérés au point 20 ci-dessus établissent l’utilisation de la marque contestée pour l’ensemble des services concernés.

  • Les services effectivement utilisés appartiendraient-ils à une sous-catégorie plus étroite que celle indiquée à l’enregistrement ?

27 Or, il convient d’observer que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services (arrêt RESPICUR, point 24 supra, EU:T:2007:46, point 29). C’est à tort que la requérante se fonde sur toutes les variantes possibles pour les services en cause, telles que la fourniture des informations en ligne par matière, pour justifier leur scission en sous-catégories alors qu’un tel critère n’est pas au nombre des critères jurisprudentiels permettant de constituer des sous-catégories cohérentes.

  • L’application du critère aux services d’accès aux réseaux électroniques : le paquet et non le service individuel

28 En l’espèce, les consommateurs recherchent les services d’accès aux réseaux électroniques en tant que « paquet » et non en tant que services individuels. À l’instar de ce qui a été relevé par la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, il convient de noter que les fournisseurs d’accès aux réseaux informatiques installent des équipements tels que des routeurs, des modems et des logiciels pilotes, afin de permettre un tel accès et proposent également des services d’assistance, de renseignements ou de conseils pour aider les clients à installer les équipements ou pour résoudre des problèmes techniques. En l’espèce, l’attestation sous serment de M. T., directeur d’opérations de UK Broadband, produite devant l’OHMI, indique que les services fournis par cette société sous la marque contestée pendant la période pertinente incluaient, d’une part, l’installation de modems, de clés 3G et de logiciels connexes par des techniciens afin de permettre l’accès de leurs clients aux réseaux électroniques sécurisés, à l’internet et aux réseaux privés virtuels et, d’autre part, les visites de rappel afin de résoudre les problèmes rencontrés par les clients avec ces modems et ces logiciels. En effet, les services concernés répondent tous au même besoin. Par exemple, l’accès à l’internet et les services Internet ne peuvent pas être fournis sans un modem ou un dispositif similaire. Force est de constater que le destinataire de chacun des services concernés est le seul et même consommateur qui souhaite accéder aux réseaux électroniques et qui dépend de l’ensemble desdits services à ces fins. Il serait donc arbitraire de diviser les services concernés \/ en sous-catégories.