Marque composée du mot Notaires : revendication de la propriété de la marque ou annulation de l’enregistrement

Le dépôt à titre de marque d’un signe désignant des professionnels réglementés est-il possible par un autre professionnel ou uniquement par l’organe représentatif de la profession réglementée  ? Si vous répondez à cette question, il faudra encore choisir l’action appropriée, action en revendication de la propriété de la marque ou action en annulation de l’enregistrement.

Illustration  avec l’étonnant arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2014. L’arrêt est ici.

29 avril 2010 dépôt de la marque « Notaires 37 » par la société Notariat services.

Notariat services engage une action en contrefaçon de marque contre la société NR communication qui faisait paraître, dans le département d’Indre-et-Loire, un journal d’annonces immobilières intitulé « Les Notaires 37 » .

Le Conseil régional des notaires de la Cour d’appel d’Orléans intervient volontairement à la procédure et revendique la propriété de la marque pour dépôt frauduleux ;

5 octobre 2012 : la Cour de Paris ordonne le transfert de la marque au Conseil régional des notaires.

Pourvoi en cassation de Notariat Services


Mais sur le moyen relevé d’office, après avertissement donné aux parties :

Vu les articles L. 711-3, b, et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle et L. 433-17 du code pénal, ensemble l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ;

Attendu que, l’adoption et l’usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l’autorité publique, sans en être titulaire, étant contraire à l’ordre public, cette marque ne peut donner lieu à revendication, mais seulement à annulation sur le fondement du deuxième de ces textes ;

Attendu qu’après avoir retenu que l’enregistrement de la marque « Notaires 37 » par la société Notariat services avait été effectué en fraude des droits du Conseil régional, l’arrêt retient que l’action en revendication de ce dernier est recevable et que doit être confirmé le jugement en ce qu’il a ordonné le transfert à son profit de la marque ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement donné aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a ordonné le transfert au profit du Conseil régional des notaires de la cour d’appel d’Orléans de la propriété de la marque française « Notaires 37 » n° 10 3 734 369, l’arrêt rendu le 5 octobre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

Annule la marque française « Notaires 37 » n°10 3 734 369 ;

Rejette la demande de revendication de la marque française « Notaires 37 » n°10 3 734 369, formée par le Conseil régional des notaires de la cour d’appel d’Orléans ;

Dit que sur réquisition du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis au directeur de l’Institut national de la propriété industrielle aux fins d’inscription au registre national des marques, conformément à l’article R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Condamne la société Notariat services aux dépens afférents à l’arrêt partiellement cassé et à ceux de l’instance de cassation ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Notariat services à payer à la société NR communication la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quatorze.

Intérêt à agir en contrefaçon : l’arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2013 à propos de la distribution en ligne sur ITunes.

L’action en contrefaçon nécessite  un intérêt à agir, l’arrêt de la Cour de cassation le rappelle à  propos d’une société de gestion de droits des artistes-interprètes qui est intervenue contre ITunes. La Cour de Paris a rejeté son action pour défaut d’intérêt à agir. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Cet arrêt qui est très long précise également que la qualification juridique de phonogramme est indépendante de l’existence d’un support tangible, et partant qu’une autorisation pour celui-ci vaut également pour internet.

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2012),que la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) estimant que la mise en ligne des phonogrammes que la société iTunes proposait à ses clients de télécharger, était soumise, en application de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, à l’autorisation préalable des artistes-interprètes dont la prestation était fixée sur ces phonogrammes, a assigné la société iTunes en réparation du préjudice personnel subi par les artistes-interprètes concernés et du préjudice résultant de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ; que le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), les sociétés Emi Music France, Sony BMG Music Entertainment France, Warner Music France et Universal Music France sont intervenus volontairement à l’instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Spedidam fait reproche à l’arrêt de la déclarer irrecevable à agir dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes n’ayant pas adhéré à ses statuts, alors, selon le moyen :

1°/ que la Spedidam faisait valoir que la combinaison de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle et de ses statuts l’autorisait à ester en justice pour la défense des droits des artistes-interprètes, que ceux-ci soient ses associés ou non ; qu’elle ne revendiquait aucun pouvoir exclusif interdisant aux artistes-interprètes l’exercice de leurs droits ou leur défense en justice ; qu’en retenant cependant, pour dénier à la Spedidam le droit d’agir en justice pour la défense des intérêts d’artistes-interprètes qui n’étaient pas ses associés, que cet organisme revendiquait le pouvoir exclusif d’exercer les prérogatives que l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle confère aux artistes-interprètes, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de la société Spedidam, violant ainsi l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu’aux termes de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, « les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits des artistes-interprètes ¿ ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge » ; que le législateur a ainsi accordé aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes la faculté de déterminer, dans leurs statuts, l’étendue de leur droit d’action en justice, ce qui supposait que les juges du fond procèdent à l’analyse des statuts de la Spedidam pour décider si celle-ci était en droit d’agir pour la défense des droits de tous les artistes-interprètes, indépendamment de leur qualité d’associé de cet organisme ; qu’en statuant cependant par des motifs inopérants, sans rechercher la teneur des dispositions statutaires de la Spedidam quant à l’étendue de son droit d’action en justice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que la cour d’appel a relevé que, pour les cinquante-quatre artistes-interprètes n’ayant pas adhéré à ses statuts, la Spedidam produisait des feuilles de présence ; qu’elle a constaté que ces documents, renseignés et signés par les artistes-interprètes, manifestaient « la volonté de l’artiste-interprète de confier à la Spedidam le soin de donner en son nom les autorisations nécessaires pour les destinations secondaires ou les autres formes d’exploitation » et s’est placée dans l’hypothèse où « ces feuilles de présence ou d’enregistrement pourraient être regardées comme contenant un mandat d’agir en justice en paiement de dommages-intérêts à l’occasion d’une exploitation non autorisée » ; qu’en retenant cependant que la preuve n’était pas rapportée que ces artistes-interprètes avaient donné mandat à la Spedidam, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1984, 1985 du code civil et 117 du code de procédure civile ;

4°/ que le mandat donné par une personne à une autre de gérer l’un de ses droits, qui implique le droit pour le mandataire d’agir en justice pour la défense de ce droit, peut être conclu postérieurement à la naissance de ce droit et suppose seulement un accord entre le mandant et le mandataire ; que pour déclarer la Spedidam irrecevable à agir au nom des artistes-interprètes n’étant pas ses associés, bien qu’elle ait constaté que ces artistes-interprètes avaient renseigné et signé des feuilles de présence manifestant leur volonté de confier à la Spedidam le soin de donner en leur nom les autorisations nécessaires pour les destinations secondaires ou les autres formes d’exploitation de l’enregistrement auquel ils avaient participé, la cour d’appel s’est fondée sur l’absence de signature des feuilles de présence par le producteur et sur leur établissement postérieurement aux enregistrements ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984, 1985 du code civil et 117 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle que, quels que soient ses statuts, une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes ne peut être admise à ester en justice pour défendre les droits individuels d’un artiste-interprète qu’à la condition qu’elle ait reçu de celui-ci pouvoir d’exercer une telle action ;

Que la cour d’appel a retenu dès lors à bon droit que la Spedidam était irrecevable à agir pour la défense des intérêts individuels des artistes-interprètes à l’égard desquels elle ne justifiait ni d’une adhésion ni d’un mandat ;

Et attendu qu’appréciant souverainement la force probante des feuilles de présence produites aux débats pour cinquante-quatre artistes-interprètes, la cour d’appel a estimé que les mentions figurant sur celles-ci étaient insuffisantes à justifier du mandat dont la Spedidam se prévalait pour agir en leur nom ;

Que le moyen, inopérant en sa première branche dirigée contre un motif surabondant, ne peut, pour le surplus, être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la Spedidam fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable à agir dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes décédés, alors, selon le moyen :

1°/ que les héritiers étant tenus par les conventions que leur auteur a passées, l’apport par un artiste de ses droits de propriété intellectuelle à une société de gestion collective perdure après le décès de l’artiste ; que cet apport confère à la société de gestion collective la qualité pour défendre en justice ces droits, sans avoir à solliciter un quelconque mandat des héritiers ; qu’en l’espèce, la Spedidam faisait valoir que son droit d’action ne résultait pas d’un mandat qui lui aurait été conféré par l’artiste-interprète ou ses héritiers mais de l’apport que fait l’artiste-interprète de ses droits à la Spedidam lors de son adhésion, cet apport restant propriété de la Spedidam lors du décès de l’artiste-interprète ; qu’en s’abstenant de répondre à cette argumentation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les parties au litige s’opposaient sur l’étendue de la liste des artistes-interprètes décédés, la Spedidam reprochant à ses contradicteurs de citer « le nom de « certains » artistes-interprètes qui seraient prétendument décédés, sans apporter aucun élément de preuve » ; qu’en déclarant la Spedidam « irrecevable à agir dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes décédés », sans trancher la question de l’identité des artistes interprètes décédés, la cour d’appel a commis un déni de justice, violant ainsi l’article 4 du code civil ;

3°/ que les parties au litige s’opposaient sur l’étendue de la liste des artistes-interprètes décédés, la Spedidam reprochant à ses contradicteurs de citer « le nom de « certains » artistes-interprètes qui seraient prétendument décédés, sans apporter aucun élément de preuve » ; qu’en déclarant la Spedidam « irrecevable à agir dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes décédés » sans préciser le nom de ces artistes-interprètes et sans répondre aux conclusions de la Spedidam, la cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision, violant ainsi l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt, après avoir constaté que les pièces versées aux débats établissaient le décès de certains des artistes-interprètes, retient que l’invocation par la Spedidam de ses statuts (article 14) et de son règlement général, selon lesquels en cas de décès d’un associé, les rémunérations continuent à être versées à ses héritiers identifiés, est sans pertinence en l’espèce où il est question, non de la répartition des rémunérations dues aux ayants cause de l’artiste décédé, mais d’action en réparation d’un préjudice, et que le droit d’agir en justice dans l’intérêt d’autrui, revêtant un caractère exceptionnel, ne peut résulter que de la loi, sans que la Spedidam prétende qu’une disposition de celle-ci l’investirait pour agir en toutes circonstances en réparation d’un préjudice subi par tel de ses adhérents décédés pour le compte des héritiers de celui-ci, au demeurant en l’espèce non identifiés, et donc non avertis de cette action ; que par ces motifs qui font exactement ressortir qu’une créance de réparation, élément de l’actif successoral transmis ensuite aux ayants cause de l’artiste décédé, ne peut être invoquée en justice que par eux, sauf à ce qu’ils aient donné à un tiers mandat d’y procéder, élément dont l’absence est constatée en l’espèce, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la Spedidam reproche en outre à l’arrêt de la débouter de ses autres prétentions, alors, selon le moyen :

1°/ que sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, toute nouvelle destination ou tout nouveau mode d’exploitation de l’enregistrement devant faire l’objet d’une autorisation distincte ; que l’autorisation donnée par des artistes-interprètes à l’utilisation de leur prestation sous forme de phonogramme publié à des fins de commerce ne permet pas au producteur ou à l’exploitant d’un service sur internet de commercialiser le phonogramme par voie de téléchargement à la demande, la notion de « publication » supposant la mise en circulation d’un support matériel ; qu’en retenant cependant que l’exploitation immatérielle de la prestation ne correspondait pas à une nouvelle forme d’exploitation de l’enregistrement et ne nécessitait donc pas l’autorisation des artistes-interprètes, la cour d’appel a violé les articles L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, 3.d) de la Convention de Rome du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion et 2.e) du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ;

2°/ que les directives du Parlement européen et du Conseil n° 2001/29 du 22 mai 2001 et n° 2006/115 du 12 décembre 2006 prévoient que les artistes-interprètes sont titulaires, d’une part, d’un droit de distribution, défini comme un droit exclusif de mise à la disposition du public de l’original et des copies des fixations de leurs exécutions par la vente ou autrement, et, d’autre part, du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public des fixations de leurs exécutions, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ; que le traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996 octroie également aux artistes-interprètes deux droits distincts de distribution et de mise à disposition du public de leurs prestations fixées sur phonogramme ; qu’il en résulte que l’autorisation donnée par des artistes-interprètes à l’utilisation de leur prestation sous forme de phonogramme publié à des fins de commerce, qui relève de l’exercice de leur droit de distribution, ne vaut pas autorisation de commercialiser le phonogramme par voie de téléchargement à la demande, qui relève de l’exercice de leur droit de mise à disposition des prestations au public ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 3.2 de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001, 9.1 de la directive n° 2006/115 du 12 décembre 2006, 8 et 10 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ;

3°/ qu’il y a lieu de soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question suivante : « Résulte-t-il des articles 3.2 de la directive n° 2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 et 9.1 de la directive n° 2006/115 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, imposant aux Etats membres de prévoir pour les artistes-interprètes des droits exclusifs distincts de distribution et de mise à la disposition du public de leurs interprétations, que l’artiste-interprète qui a autorisé l’utilisation de sa prestation sous forme de phonogramme publié à des fins de commerce peut interdire la commercialisation de ce phonogramme par voie de téléchargement à la demande ? » ;

Mais attendu qu’ayant rappelé qu’aux termes de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, l’artiste-interprète devait autoriser la communication au public de son interprétation, et relevé, par motifs propres et adoptés, que selon les mentions figurant sur les feuilles de présence qu’ils avaient émargées, les artistes-interprètes en cause avaient autorisé l’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations, sous la forme de « phonogrammes publiés à des fins de commerce », la cour d’appel, qui a exactement retenu que, au sens des articles 3-b de la Convention de Rome du 26 octobre 1961 et 2e) du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996, la qualification juridique de phonogramme était indépendante de l’existence ou non d’un support tangible, en a déduit que les autorisations litigieuses données par les artistes-interprètes incluaient la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

…..

Vente sur Internet d’objets argués de contrefaçon de droits d’auteur depuis des sites américains : la Cour de cassation suspend l’examen des pourvois dans l’attente de la décision de la Cour de Justice

Les pourvois sur la compétence des juridictions françaises en matière d’atteinte à des droits d’auteur par des sites internet américains sont en attente de la réponse de la Cour de Justice saisie par l’arrêt du 5 avril 2012 de la Cour de cassation

 

Une nouvelle illustration en est donnée par l’arrêt du 20 mars 2013

Attendu selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2011), que Alberto X…, dit Y…, auteur de la photographie représentant Z… intitulée « Guerillero Heroïco » et connue comme la photographie du « Che au béret et à l’étoile », est décédé le 25 mai 2001, que Mme A…, sa fille et légataire universelle, a cédé à la société Legende Global, à titre exclusif et pour une durée de dix ans, l’ensemble des droits d’exploitation sur cette photographie, qu’ayant constaté que la société américaine Onion Inc. proposait à la vente, sur son site internet, un tee-shirt reproduisant la photographie en cause et que la livraison des produits commandés sur ce site était effectuée par la société américaine The Onion, Mme A… et la société Legende Global ont assigné ces dernières devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de leurs droits moraux et patrimoniaux d’auteur ; que les sociétés Onion Inc. et The Onion ont soulevé l’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions américaines ;

Attendu que Mme A… et la société Legende Global font grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître du litige ;

Attendu que, par arrêt du 5 avril 2012 (pourvoi n° 10-15. 890, Bull. 2012, I, n° 88), la première chambre civile de la Cour de cassation a posé à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

1°/ L’article 5, point 3, du Règlement (CE) n° 44/ 2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

– la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie,

ou

-il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ?

2°) La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ?

Et attendu que les réponses qui seront données à ces questions sont susceptibles d’avoir une incidence sur la solution du présent litige ;

PAR CES MOTIFS :

Sursoit à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne répondant aux questions préjudicielles qui lui ont été posées par arrêt rendu le 5 avril 2012 par la première chambre civile de la Cour de cassation ;

Dit que l’affaire sera de nouveau examinée à l’audience du 10 décembre 2013 ;

Conflit entre une marque pour des bougies et des eaux de toilette et le même signe déposé ultérieurement pour des boissons alcoolisées

Diptyque qui a pour activité la fabrication de bougies parfumées et d’eaux de toilette est titulaire d’une marque française verbale  » Diptyque, » déposée le 27 novembre 1981 et enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour des produits en classes 3, 14, 18, 21, 24 et 25 et régulièrement renouvelée, et d’une marque communautaire verbale « Diptyque », déposée le 11 février 2005 et enregistrée sous le numéro 00 4 292 652 pour les produits et services en classes 3, 14 et 35 ;

28 mars 2008 : dépôt à tire de marque française par Hennessy de la marque « Diptyque », pour désigner des boissons alcooliques. La marque est enregistrée sous le numéro 08 3 565 540. Sous cette marque, des cognacs sont commercialisés.

Diptyque assigne Hennessy  pour obtenir la nullité de la marque et l’interdiction de celle-ci pour des alcools, ces demandes sont acceptées par la Cour de Paris par son arrêt du 26 octobre 2012.

De l’arrêt du 20 novembre 2012 de la Cour de cassation qui a rejeté les différents moyens au pourvoi de Hennesy,  nous retiendrons celui-ci:

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L. 3323-3 du code de la santé publique qu’est considérée comme publicité indirecte en faveur d’une boisson alcoolique et comme telle, soumise aux restrictions prévues à l’article L. 3323-2 du même code, la publicité en faveur d’un produit autre qu’une boisson alcoolique qui par l’utilisation d’une marque, rappelle une telle boisson ; qu’ayant constaté que la société Diptyque avait, depuis le 1er janvier 1990, mis sur le marché sous sa marque « Diptyque » divers produits autres que des boissons alcooliques, et que la société Hennessy faisait usage d’une marque identique pour commercialiser des boissons alcooliques, la cour d’appel qui n’a pas commis la confusion invoquée à la cinquième branche ni méconnu le principe de spécialité, en a exactement déduit , sans avoir à faire d’autres recherches , que le dépôt de la marque « Diptyque » par la société Hennessy et la commercialisation de produits sous celle-ci créaient une entrave à la libre utilisation de la marque première ;

A noter un des arguments invoqués au pourvoi : « à propos d’un nouveau contrôle de constitutionnalité« ;

ALORS QUE, à titre subsidiaire, si les dispositions de l’article 10-V de la loi n°91-32 du 10 janvier 1991, aujourd’hui codifié sous l’article L.3323-3 du code de la santé publique, doivent être lues comme autorisant l’annulation d’une marque désignant des boissons alcoolisées, une telle lecture constitue un « changement de circonstances » au sens de l’article 23-2 2° de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la L.O. n°du 10 décembre 2009, de nature à justifier la soumission des dispositions précitées à un nouveau contrôle de constitutionnalité; que l’abrogation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel entraînera la censure de l’arrêt attaqué.

QPC transmise par la Cour de Cassation à propos de l’exclusion du légataire de l’auteur du bénéfice du droit de suite.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par la Cour de Cassation à propos de l’exclusion  du légataire de l’auteur du bénéfice du droit de suite.

Le 12 juillet 2012, la Cour de Cassation interroge le Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Déclaration des Droits de l’Homme de l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle qui exclut le légataire du droit de suite qui exclut le légataire de l’auteur après son décès du droit de suite.

Article L123-7 :

Après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit prévu à l’article L. 123-6, de son conjoint, à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes.