Le titulaire de la marque dont la publicité est faite par affiches, peut-il voir sa responsabilité engagée quand les affiches sont poursuivies pour contrefaçon ?

Une affiche publicitaire peut porter atteinte à des droits d’auteur de tiers. Le titulaire de la marque qui l’exploite en France et dont la publicité est faite par cette affiche, peut-il se voir mis en cause dans une procédure en contrefaçon engagée par ce tiers?

L’auteur d’une photographie estimant que la photographie utilisée pour la campagne publicitaire destinée à la promotion d’un modèle de paire de lunettes commercialisé par une société tierce reprenait les caractéristiques de son oeuvre , engage une action contre celle-ci.

Cette société, titulaire de la marque dont l’affiche fait la promotion, demande sa mise hors de cause.

Refus de la Cour d’appel.

Pourvoi en cassation ,

Le 19 décembre 2013 , la Cour de cassation rejette le pourvoi. L’arrêt est ici .

Attendu que la société D….. France fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de mise hors de cause, alors, selon le moyen, qu’en se bornant, pour rejeter sa demande de mise hors de cause, à relever que celle-ci exploite la marque éponyme en France et que la mise en place ainsi que la diffusion de la campagne publicitaire litigieuse avaient pour but de lui amener de la clientèle et de lui profiter, sans relever aucun élément de nature à caractériser la participation de cette société à la mise en place et à la diffusion de cette campagne publicitaire, qui, selon ses propres constatations, avait été conçue et financée par la société italienne D……, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir constaté que la photographie incriminée avait été reproduite à des fins publicitaires sous forme d’affiches exposées à Paris sur des kiosques à journaux, et diffusée dans une revue commercialisée en France, ayant retenu que la société D…… France, qui exploitait la marque éponyme sur le territoire Français et bénéficiait des retombées de cette campagne publicitaire, ne pouvait prétendre y avoir été étrangère, a ainsi légalement justifié sa décision ;

Conflit entre une marque pour des bougies et des eaux de toilette et le même signe déposé ultérieurement pour des boissons alcoolisées

Diptyque qui a pour activité la fabrication de bougies parfumées et d’eaux de toilette est titulaire d’une marque française verbale  » Diptyque, » déposée le 27 novembre 1981 et enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour des produits en classes 3, 14, 18, 21, 24 et 25 et régulièrement renouvelée, et d’une marque communautaire verbale « Diptyque », déposée le 11 février 2005 et enregistrée sous le numéro 00 4 292 652 pour les produits et services en classes 3, 14 et 35 ;

28 mars 2008 : dépôt à tire de marque française par Hennessy de la marque « Diptyque », pour désigner des boissons alcooliques. La marque est enregistrée sous le numéro 08 3 565 540. Sous cette marque, des cognacs sont commercialisés.

Diptyque assigne Hennessy  pour obtenir la nullité de la marque et l’interdiction de celle-ci pour des alcools, ces demandes sont acceptées par la Cour de Paris par son arrêt du 26 octobre 2012.

De l’arrêt du 20 novembre 2012 de la Cour de cassation qui a rejeté les différents moyens au pourvoi de Hennesy,  nous retiendrons celui-ci:

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L. 3323-3 du code de la santé publique qu’est considérée comme publicité indirecte en faveur d’une boisson alcoolique et comme telle, soumise aux restrictions prévues à l’article L. 3323-2 du même code, la publicité en faveur d’un produit autre qu’une boisson alcoolique qui par l’utilisation d’une marque, rappelle une telle boisson ; qu’ayant constaté que la société Diptyque avait, depuis le 1er janvier 1990, mis sur le marché sous sa marque « Diptyque » divers produits autres que des boissons alcooliques, et que la société Hennessy faisait usage d’une marque identique pour commercialiser des boissons alcooliques, la cour d’appel qui n’a pas commis la confusion invoquée à la cinquième branche ni méconnu le principe de spécialité, en a exactement déduit , sans avoir à faire d’autres recherches , que le dépôt de la marque « Diptyque » par la société Hennessy et la commercialisation de produits sous celle-ci créaient une entrave à la libre utilisation de la marque première ;

A noter un des arguments invoqués au pourvoi : « à propos d’un nouveau contrôle de constitutionnalité« ;

ALORS QUE, à titre subsidiaire, si les dispositions de l’article 10-V de la loi n°91-32 du 10 janvier 1991, aujourd’hui codifié sous l’article L.3323-3 du code de la santé publique, doivent être lues comme autorisant l’annulation d’une marque désignant des boissons alcoolisées, une telle lecture constitue un « changement de circonstances » au sens de l’article 23-2 2° de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la L.O. n°du 10 décembre 2009, de nature à justifier la soumission des dispositions précitées à un nouveau contrôle de constitutionnalité; que l’abrogation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel entraînera la censure de l’arrêt attaqué.

Preuve dans la publicité de l’usage de la marque antérieure lors de la procédure d’opposition, les précisions de l’arrêt du 8 mars 2012

L’arrêt du 8 mars 2012 dans l’affaire T‑298/10, Christina Arrieta D. Gross, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), apporte des précisions sur les preuves de l’usage de la marque antérieure quand celles-ci sont issues de la publicité

« En effet, l’inclusion de la marque en cause, en relation avec les produits ou les services couverts, dans des publicités adressées aux consommateurs pertinents constitue une utilisation publique et vers l’extérieur de ladite marque, au sens de la jurisprudence citée au point 54 ci‑dessus. Dans le cadre d’une appréciation effectuée conformément à la jurisprudence citée aux points 55 à 58 ci-dessus, une telle utilisation est susceptible de démontrer l’usage sérieux de ladite marque, exigé par l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

68 Il n’en demeure pas moins qu’une telle utilisation de la marque concernée ne peut pas être prouvée par la simple production des copies de matériel publicitaire mentionnant ladite marque en relation avec les produits ou les services visés. Encore faut-il démontrer que ce matériel, quelle que soit sa nature, a connu une diffusion auprès du public pertinent suffisante pour établir le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause.

69 Dans le cas des publicités parues dans la presse écrite, cela implique de fournir la preuve de la diffusion du journal ou du magazine concernés auprès du public pertinent. Il ne saurait en être autrement que dans l’hypothèse de publicités parues dans des journaux ou des magazines très connus, dont la circulation constitue un fait notoire, que l’OHMI peut prendre en considération même s’il ne ressort pas des éléments de preuve produits devant lui par les parties [voir, s’agissant de la prise en compte des faits notoires par l’OHMI, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz‑Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 28 et 29, et la jurisprudence citée].

70 Or, en l’espèce, les publicités invoquées par la requérante devant la chambre de recours ont paru dans des magazines dont la circulation en Allemagne n’est pas un fait notoire. Il paraît, en effet, qu’il s’agit de publications spécialisées du domaine des services visés par la marque antérieure. À défaut de toute indication relative à la circulation desdits magazines dans les observations de la requérante devant l’OHMI et, encore moins, de tout élément de preuve s’y rapportant, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 36 de la décision attaquée, en substance, que les copies de publicités fournies par la requérante pourraient, tout au plus, rendre probable ou plausible l’usage sérieux de la marque antérieure, sans toutefois la prouver, comme l’exige l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

Marque sur la forme du produit annulée par la Cour de Paris

La  Cour de Paris par son arrêt du 21 octobre 2011 annule une marque tridimensionnelle, c’est à dire que le signe enregistré porte sur la forme du produit, en retenant que cette marque ne peut pas remplir  « son rôle certifiant l’origine du produit ». Le Tribunal avait jugé dans le même sens

La marque enregistrée qui remontait au 3 avril 1998 ,  portait sur la forme d’un mixer

La motivation de la Cour pour annuler cet enregistrement :

Considérant que les éléments revendiqués par la société Whirlpool comme distinctifs de sa marque à savoir la forme cylindrique et arrondie de la tête aux extrémités et le pied courbé s’élargissant vers le socle ne sont pas de nature à permettre l’identification pour le consommateur concerné de l’origine du produit visé dans l’enregistrement, au vu de la banalité de la marque et ne lui permettent pas, à la seule vue de la marque, de percevoir une origine distincte, la forme déposée ne se différenciant pas de manière significative de celle déjà connue du mixeur Sunbean qui comporte une forme arrondie de la tête et de divers batteurs mixeurs tels que le chef classic KM 410 et KM 420 et le chef KM 300, composés d’un pied destiné à recevoir le bol, pied qui, comme le note à juste titre le tribunal, s’il est plus large que celui du signe en cause, s’évase légèrement vers le bas également dans une forme arrondie ;

Que le bandeau et la protubérance cylindrique sur la partie frontale du capot ne confèrent pas davantage à l’ensemble de la marque son caractère distinctif ;

Que la marque ne peut, par voie de conséquence, remplir son rôle certifiant l’origine du produit ;

A noter également que cet arrêt confirme le jugement en ce qu’il a retenu des actes parasitaires par les emplois d’une couleur rouge particulière et de la lettre K dans des publicités.

Vente en ligne, produits marqués, emballages modifiés, nécessité de mise en oeuvre de dispositif préventif : l’arrêt du 12 juillet de la CJUE

Le commerce en ligne par les marques qu’il emploie, est régulièrement soumis au contrôle de la Cour de Justice.

Les juges de la Cour de Justice de l'Union européenne
Les juges de la Cour de Justice, source : curia.europa.eu

 

L’arrêt rendu le 12 juillet par la CJUE est important parce qu’il :

  • a été rendu par la Grande Chambre de la CJUE
  • s’applique à la vente en ligne
  • concerne la vente en ligne et en direction de l’Union Européenne de produits marqués qui n’avaient pas été mis sur le marché européen par leur titulaire
  • porte sur l’emploi de la marque dans la publicité
  • apporte une précision importante sur la situation de l’exploitant d’une place de marché en ligne au regard de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce en ligne, et le régime d’exonération  de responsabilité après sa connaissance des faits illicites
  • prévoit que les juridictions nationales puissent ordonner contre les places de marché en ligne :

– non seulement de faire cesser des pratiques illicites

– mais également de mettre en place des dispositifs préventifs

 

1)      Lorsque des produits situés dans un État tiers, revêtus d’une marque enregistrée dans un État membre de l’Union ou d’une marque communautaire et non auparavant commercialisés dans l’Espace économique européen ou, en cas de marque communautaire, non auparavant commercialisés dans l’Union, sont vendus par un opérateur économique au moyen d’une place de marché en ligne et sans le consentement du titulaire de cette marque à un consommateur situé sur le territoire couvert par ladite marque ou font l’objet d’une offre à la vente ou d’une publicité sur une telle place destinée à des consommateurs situés sur ce territoire, ledit titulaire peut s’opposer à cette vente, à cette offre à la vente ou à cette publicité en vertu des règles énoncées à l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ou à l’article 9 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire. Il incombe aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente ou une publicité affichée sur une place de marché en ligne accessible sur ledit territoire est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci.
2)      La fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94.
3)      Les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque peut, en vertu du droit exclusif conféré par celle-ci, s’opposer à la revente de produits, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, au motif que le revendeur a retiré l’emballage de ces produits, lorsque ce déconditionnement a pour conséquence que des informations essentielles, telles que celles relatives à l’identification du fabricant ou du responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique, font défaut. Lorsque le retrait de l’emballage n’a pas conduit à un tel défaut d’informations, le titulaire de la marque peut néanmoins s’opposer à ce qu’un parfum ou un produit cosmétique revêtu de la marque dont il est titulaire soit revendu dans un état déconditionné, s’il établit que le retrait de l’emballage a porté atteinte à l’image dudit produit et, ainsi, à la réputation de la marque.
4)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet exploitant a sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits de cette marque mis en vente sur ladite place de marché, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
5)      L’exploitant d’une place de marché en ligne ne fait pas un «usage», au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, des signes identiques ou similaires à des marques qui apparaissent dans des offres à la vente affichées sur son site.
6)      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées.
Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci.
Lorsque l’exploitant de la place de marché en ligne n’a pas joué un rôle actif au sens visé à l’alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue à cette disposition s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14.
7)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime.