Marque italienne, consommateur espagnol et mot en français

Situation classique, une demande de marque est déposée  devant l’EUIPO.

Cette demande porte sur différents produits de la classe 18  dont « Sacs à main ; bagages de voyage ; ….. (etc )

Opposition est faite sur la base des deux marques antérieures espagnoles qui portent sur le signe :

L’un de ces deux enregistrements porte sur les « services de vente au détail » relevant de la classe 35 :

La division accueille l’opposition , et le recours du déposant est  rejeté par la Chambre.

L’affaire vient devient le Tribunal de l’Union.

L’arrêt est du 26 mars.

Tout d’abord, la question de l’exploitation de la marque antérieure dont des preuves d’usage ont été demandées.

9      La requérante soutient que l’EUIPO a considéré à tort que les services protégés par la marque antérieure ……étaient des « services de vente au détail de sacs à main, porte-monnaie et portefeuilles en cuir, vêtements confectionnés et chaussures » et non simplement des « services de vente au détail », alors que cette marque était enregistrée pour les « services de vente au détail » sans autre précision.

30      La requérante estime que la comparaison des produits et des services doit être fondée sur le libellé indiqué dans les listes de produits et de services et que tout usage réel ou prévu qui n’est pas énoncé dans ces listes n’est pas pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion au regard des produits et services sur lesquels l’opposition est fondée.

La motivation du Tribunal pour rejeter cette argumentation :

39      Or, selon la jurisprudence, l’activité de commerce de détail de produits constitue un service relevant de la classe 35 ……………….. Cette classe comprend d’ailleurs, selon la note explicative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) relative à l’arrangement de Nice, pour les services relevant de ladite classe « le regroupement pour le compte de tiers de produits divers […] permettant au consommateur de les voir et de les acheter commodément ». Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la notion de « services de vente au détail » n’est pas, une notion vague et couvre la vente au détail de tout produit.

Attention toutefois à ne pas généraliser cet enseignement, , la marque espagnole ayant été enregistrée le 20 octobre 2000, c’est à dire  antérieurement à la date fixée par le célèbre arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys. 

Ensuite, la similarité des signes.

79      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a sous-estimé l’importance des éléments figuratifs de la marque demandée ainsi que du nombre 11 et de l’élément verbal très important et très connu « giorgio armani », et a accordé une importance prédominante aux éléments « lesac » et « le sac », en dépit de leur caractère distinctif faible.

La motivation du Tribunal :

90      S’agissant des plans visuel et phonétique, il convient de constater que, eu égard à la présence dans les signes en conflit des éléments verbaux « le sac » et « lesac », qui sont quasi identiques sur le plan visuel et se prononceront de la même manière, lesdits signes présentent des similitudes. En outre, compte tenu de ces similitudes, les éléments de dissemblance ne sont pas de nature à écarter chez le public pertinent l’impression selon laquelle ces signes, appréciés globalement, présentent un degré moyen de similitude tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique. Cette similitude moyenne n’est pas remise en cause par la circonstance, mise en avant par la requérante, selon laquelle l’élément « giorgio armani » constitue une marque renommée. En effet, même en prenant en considération une position plus forte de cet élément dans la marque demandée, il n’en reste pas moins que le deuxième élément, qui reprend la marque antérieure ….. presque à l’identique, attirera l’attention du consommateur espagnol.

91      Partant, il convient de valider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent sur les plans visuel et phonétique un degré moyen de similitude.

Précisons que le Tribunal a vérifié  que la Chambre de recours ait pris en compte le fait que le consommateur espagnol ne comprendrait pas les mots « le sac » :

85      ……………….., les arguments présentés par la requérante ne permettent pas de considérer que l’élément verbal « le sac », qui sera perçu comme émanant de la langue française, sera compris par le public espagnol. …….. En l’espèce, le public espagnol ne comprendra pas l’élément « le sac » de la marque demandée comme désignant un sac ou un vêtement. Il est au contraire hautement probable que, à tout le moins, une partie non négligeable du public pertinent, dont le niveau d’attention a été considéré comme moyen, ne percevra pas la signification de ce mot et percevra cet élément pour ce qu’il est, à savoir un terme à consonance étrangère, de sorte que ledit élément verbal aura, pour cette partie des consommateurs, un caractère distinctif moyen.

Le recours est rejeté.

Appréciation du risque de confusion quand la marque première est composée d’une juxtaposition de lettres, qui se retrouve en partie dans la marque seconde mais avec un ensemble de mots ayant un sens en français

L’analyse des antériorités pour apprécier le risque présenté par une nouvelle marque, demeure un exercice délicat, cet exercice devient encore plus périlleux quand le signe est composé de simples lettres. Illustration avec l’arrêt du 11 janvier 2013 du TPUE, T‑568/11,Kokomarina contre OHMI

30 octobre 2008 : dépôt par Kokomarina pour désigner « Vêtements, chaussures, chapellerie » du signe :

31 juillet 2009 : opposition par Euro Shoe Unie, devenue Vana Real Estate  sur la marque Benelux verbale antérieure DMG pour désigner notamment classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

22 juillet 2010 : la division d’opposition accueille l’opposition.

21 septembre 2010 : recours de Kokomarina

21 juillet 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

Au jugement rapporté, cette décision est ainsi citée « Cette dernière a, d’abord, considéré, au point 19 de la décision attaquée, que le territoire pertinent était celui du Benelux et que le consommateur visé était le consommateur moyen des produits concernés, à savoir les articles vestimentaires et les chaussures, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. La chambre de recours a, ensuite, au point 21 de la décision attaquée, entériné la décision de la division d’opposition, en ce que cette dernière avait considéré que les produits concernés par la demande de marque et par la marque antérieure compris dans la classe 25 étaient identiques. La chambre de recours a, enfin, conclu, au point 31 de la décision attaquée, eu égard à l’identité des produits concernés, aux similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit, au « principe de l’image imparfaite gardée en mémoire » et au fait que l’élément composant la marque antérieure était totalement inclus dans le composant visuellement dominant, ou du moins le plus proéminent de la marque demandée, à l’existence d’un risque de confusion. »

Recours de Kokomarina, que le Tribunal va rejeter.

Nous ne nous intéressons ici qu’à l’appréciation du risque de confusion entre les deux signes

40      Premièrement, sur le plan visuel, il est exact, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée, que la marque demandée est écrite sur trois lignes, contrairement à la marque antérieure qui est écrite sur une ligne seulement.

41      Toutefois, ainsi que l’a également relevé à juste titre la chambre de recours aux points 26 et 27 de la décision attaquée, l’élément le plus proéminent de la marque demandée est l’élément verbal IDMG figurant en caractères majuscules qui se détache, du fait même de la taille extrêmement large des caractères d’imprimerie et de la couleur noire sur fond blanc, des autres éléments constituant ladite marque, et ce d’autant plus pour les consommateurs germanophones ou néerlandophones. En effet, en particulier pour ces derniers, l’expression « interdit de me gronder » sera plus difficilement mémorisable dans le cas où elle ne serait pas comprise. Par ailleurs, il est fort probable que l’élément verbal « interdit de me gronder », bien que figurant en première position, ne soit pas à même d’attirer davantage l’attention du consommateur visé en raison de l’écriture enfantine utilisée ainsi que de la couleur gris clair des caractères qui se détachent plus difficilement sur le fond blanc que l’élément « idmg ». Or, les trois dernières lettres de la marque demandée, à savoir les lettres « d », « m » et « g », sont identiques à la marque antérieure et sont placées dans le même ordre.

42      Il s’ensuit que, nonobstant la présence de l’élément verbal « interdit de me gronder » et de la lettre supplémentaire « i » dans la marque demandée, les signes en conflit présentent entre eux une certaine similitude visuelle.

43      Deuxièmement, sur le plan phonétique, il existe, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, une similitude entre les signes en conflit étant donné que la marque antérieure est totalement incluse dans la marque demandée et cette similitude sera particulièrement prononcée en ce qui concerne les consommateurs, tels les consommateurs germanophones ou néerlandophones, qui ne prononceraient pas l’expression « interdit de me gronder », laquelle risque d’être plus difficilement mémorisable pour ce public.

44      Par ailleurs, même les consommateurs francophones pourraient avoir tendance à ne pas prononcer l’expression « interdit de me gronder » par simple économie de langage, cette dernière étant longue à prononcer et aisément séparable de l’élément le plus visible et qui se détache nettement de la marque demandée, à savoir l’élément « idmg » ……..

45      Dans une telle perspective, à l’exception de la lettre « i », les trois autres lettres des signes en conflit se prononcent de manière identique et présentent donc, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, une similitude phonétique qui est au moins moyenne.

46      Troisièmement, sur le plan conceptuel, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que les éléments « dmg » et « idmg » étaient dépourvus de toute signification dans les langues visés. Certes, si l’expression « interdit de me gronder » sera comprise par le public francophone, en revanche, le public germanophone ou néerlandophone ne sera pas à même de la comprendre. Ladite expression étant à l’égard de ce dernier dépourvue de toute signification, l’aspect conceptuel ne saurait influencer la perception des signes en conflit.

47      Il résulte de ce qui précède qu’il existe une certaine similitude visuelle et phonétique entre les signes en conflit, en sorte que ces derniers sont globalement similaires.