La protection élargie de la marque renommée est – elle applicable au signe antérieur à son dépôt ?

 

La renommée de la marque lui accorde une protection plus étendue que celle reconnue par son simple enregistrement. Cette extension de la protection s’applique-t-elle à l’encontre du signe exploité antérieurement au dépôt de la marque renommée ?

L’arrêt du 4 février 2014 pose clairement une limite aux effets de la renommée de la marque enregistrée. l’arrêt se rapporte à la marque Red Bull confrontée au Benelux au signe «The Bulldog» comme dénomination commerciale d’une activité de services de restauration, d’hôtellerie et de débit de boissons. L’arrêt est ici.

 

L’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque renommée peut se voir contraint, en vertu d’un «juste motif» au sens de cette disposition, de tolérer l’usage par un tiers d’un signe similaire à cette marque pour un produit identique à celui pour lequel ladite marque a été enregistrée, dès lors qu’il est avéré que ce signe a été utilisé antérieurement au dépôt de la même marque et que l’usage fait pour le produit identique l’est de bonne foi. Pour apprécier si tel est le cas, il appartient à la juridiction nationale de tenir compte, en particulier:

–        de l’implantation et de la réputation dudit signe auprès du public concerné;

–        du degré de proximité entre les produits et les services pour lesquels le même signe a été originairement utilisé et le produit pour lequel la marque renommée a été enregistrée, et

–        de la pertinence économique et commerciale de l’usage pour ce produit du signe similaire à cette marque.

 

 

Contrefaçon de marque : quelle responsabilité pour le prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d’un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à une marque

Quelques fois en matière de contrefaçon de marque différentes entreprises interviennent dans la fabrication du produit qui porte la marque contrefaisante, quelle responsabilité ont ces entreprises ? L’arrêt rendu le 15 décembre 2011, C‑119/10,  par la CJCE apporte une réponse où il est à nouveau question de l’usage dans le vie des affaires et de l’arrêt Google.

Brièvement les faits pour comprendre la portée de cet arrêt

Leur présentation est donnée par la Cour :

  • Winters a rempli des canettes de boisson rafraîchissante pour le compte de Smart Drinks.
  • À cet effet, Smart Drinks a livré à Winters des canettes vides et leurs capsules, lesquelles étaient revêtues de divers signes, ornements et textes. Ces canettes portaient notamment les signes «BULLFIGHTER», «PITTBULL», «RED HORN» (devenu par la suite «LONG HORN») et «LIVE WIRE».
  • Smart Drinks a également livré à Winters le sirop de base de la boisson rafraîchissante.
  • Winters a rempli les canettes d’une quantité définie de sirop de base additionné d’eau et au besoin de gaz carbonique et fermé les canettes, le tout en suivant les indications et recettes de Smart Drinks.
  • Winters a ensuite restitué les canettes remplies à Smart Drinks qui les a exportées en dehors du Benelux.

Pour la Cour :  » Winters s’est limité à accomplir ces services de remplissage pour Smart Drinks, sans expédier les canettes remplies à cette dernière société. Elle n’a, en outre, ni livré ni vendu ces canettes à des tiers ».

La procédure

En 2006, Red Bull qui commercialise une boisson énergisante engage une procédure aux Pays-Bas contre Winters afin de voir ordonner à cette dernière de cesser immédiatement et à l’avenir tout usage de signes qui ressemblent ou s’associent à un certain nombre de ses marques.

Le juge hollandais estime que le remplissage des canettes doit être assimilé à un usage de ces signes, mais que seul le signe «BULLFIGHTER» en combinaison avec les canettes utilisées à cet égard ressemble aux marques de Red Bull.  Seul le remplissage des canettes BULLFIGHTER par Winters est interdit.

Appel de cette décision par Red Bull et par Winters.  L’interdiction est étendue aux canettes BULLFIGHTER, PITTBULL et LIVE WIRE.

Winters se pourvoie en cassation.

La Cour de Cassation des Pays-Bas, le Hoge Raad der Nederlanden, pose différentes questions préjudicielles à la Cour de Justice à propos de l’application de la Directive 89/104/CEE et plus particulièrement de son article 5, paragraphe 1, sous b.

Se référant à l’arrêt Google, la CJCE considère « qu’un prestataire de service tel que Winters [ s’il ] opère dans la vie des affaires lorsqu’il remplit sur commande d’un tiers de telles canettes, il n’en découle pas pour autant que ce prestataire fasse lui-même un «usage» de ces signes au sens de l’article 5 de la directive 89/104″

D’où la décision de la Cour :

L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d’un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d’être interdit en vertu de cette disposition.