Contrefaçon de marque : où agir quand la carte du monde s’affiche sur votre écran ?

De plus en plus souvent, les consommateurs recherchent des produits sur Internet, dont les signes peuvent entrer en conflit avec des marques d’autres titulaires (sans parler des contrefaçons qui régulièrement portent atteinte aux marques les plus connues).

Quand les résultats d’un moteur de recherche indiquent un lien publicitaire et que le texte en anglais dit que l’usage de ces produits est dans le monde entier avec l’affichage d’une carte du monde, devant quel juge engager une action en contrefaçon ?

Une réponse est donnée par la Cour de justice le 27 avril 2023 sur une question préjudicielle relative à l’application de l’article 125, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne. L’arrêt du 27 avril 2023

La compétence pourrait être celle du Tribunal des marques communautaire d’un Etat si cet affichage en ligne était effectivement destiné à des consommateurs ou à des professionnels situés dans cet Etat à la condition que la présentation des produits litigieux soit « faite par un référencement payant sur le site Internet d’un moteur de recherche qui utilise un nom de domaine national de premier niveau de cet Etat membre ».

Autant dire que la mise en œuvre de cet arrêt par le tribunal des affaires économiques de Finlande, – la juridiction qui avait interrogé la Cour de justice- , est attendue par les avocat avec impatience :

  • soit de nouvelles actions seront ouvertes aux titulaires des marques,
  • soit les multiples outils de référencement en limiteront considérablement l’intérêt pratique.

Ajoutons que la Cour de justice a exclu de cette désignation du juge compétent le cas où « le tiers concerné a procédé au référencement naturel des images de ses produits sur un service de partage en ligne de photos relevant d’un domaine de premier niveau générique, en ayant recours à des balises méta utilisant comme mot-clé la marque concernée ».

 

Le risque de contrefaire les droits d’un tiers est-il assurable ?

Designer,  concepteur, architecte d’intérieur, styliste,  directeur artistique,  créateur, distributeur, fabricant, importateur, metteur en scène, designer industriel, manager de l’innovation, responsable de fabrication, maquettiste, illustrateur, créateur de site Web, cette liste des professionnels  n’est pas exhaustive. 

Face à l’actualité récente, croyez-vous encore que votre contrat d’assurance professionnelle couvre le risque de contrefaire les droits de propriété industrielle ou intellectuelle d’un tiers ?

Le sondage sur cette croyance 

 

 

Commerce en ligne : une place de marché est-elle responsable des produits contrefaisants proposés par un tiers.

La place de marché participe-t-elle à l’atteinte à la marque quand le parfum vendu par un tiers n’a pas été autorisé à la vente dans l’Union par le titulaire de la marque ?

Cet arrêt rendu le 2 avril 2020 par la Cour de justice est d’autant plus d’actualité que le commerce en ligne explose avec les mesures de confinement et la place de marché en cause est celle du site Internet www.amazon.de

Deux sociétés du groupe Amazon se voient reprochées leur rôle par le titulaire des droits de marque. Amazon Service Europe qui offre à des vendeurs tiers la possibilité de publier, pour leurs produits, des offres de vente dans la partie « Amazon-Marketplace » du site Internet www.amazon.de. Et Amazon FC Graben, qui exploite un entrepôt.

Un contentieux en Allemagne

Le titulaire de  la licence de marque engage une action en Allemagne pour atteinte à la marque et demande que ces deux sociétés soient condamnées, sous peine de sanctions, à s’abstenir de détenir ou d’expédier, ou de faire détenir ou de faire expédier, en Allemagne, dans la vie des affaires, des parfums de la marque …. et à ce qu’elles soient condamnées pour avoir entreposé ces parfums pour le compte de cette société tierce ou de toute autre société non identifiée.

Le Landgericht rejette les demandes. Idem en appel.

Le titulaire de la licence forme un pourvoi.

Pour le Bundesgerichtshof se pose l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001  qui prévoit différentes interdictions « b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe  » et partant de définir qui en sont les auteurs.

Cet arrêt est limité à cette situation particulière d’entreposage

34      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que les parties défenderesses au principal n’ont fait qu’entreposer les produits concernés, sans les avoir offerts elles-mêmes à la vente ou les avoir mis dans le commerce et, d’autre part, qu’elles n’entendaient pas davantage offrir ces produits à la vente ou les mettre dans le commerce.

35      Il convient dès lors de déterminer si une telle opération d’entreposage peut être considérée comme un « usage » de la marque, au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001 et, en particulier, comme le fait de « détenir » ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement 2017/1001 ne définissent la notion de « faire usage » au sens de l’article 9 de ces règlements.

37      La Cour a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que, selon son sens habituel, l’expression « faire usage » implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. À cet égard, elle a relevé que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, qui énumère de manière non exhaustive les types d’usage que le titulaire de la marque peut interdire, mentionne exclusivement des comportements actifs de la part du tiers …..

38      La Cour a également rappelé que ces dispositions ont pour but de fournir au titulaire d’une marque un instrument légal lui permettant d’interdire, et ainsi de faire cesser, tout usage de sa marque qui est fait par un tiers sans son consentement. Cependant, seul un tiers qui a la maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage est effectivement en mesure de cesser cet usage et donc de se conformer à ladite interdiction …..

39      Elle a par ailleurs itérativement jugé que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. Une personne peut ainsi permettre à ses clients de faire usage de signes identiques ou similaires à des marques, sans faire elle-même un usage desdits signes …..

La Cour s’est déjà prononcée dans des situations analogues

40      C’est ainsi que la Cour a considéré, s’agissant de l’exploitation d’une plateforme de commerce en ligne, que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichées sur une place de marché en ligne, est fait par les clients vendeurs de l’exploitant de cette place de marché et non par cet exploitant lui-même…….

41      Elle a également relevé, s’agissant d’une entreprise dont l’activité principale est le remplissage de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers, qu’un prestataire de service qui se limite à remplir, sur commande et sur les instructions d’un tiers, des canettes déjà pourvues de signes similaires à des marques et donc à exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant, ne fait pas lui-même un « usage » de ces signes mais crée uniquement les conditions techniques nécessaires pour que ce tiers puisse faire un tel usage ……

42      De même, la Cour a jugé que, si un opérateur économique, qui importe ou remet à un entrepositaire, en vue de leur mise dans le commerce, des marchandises revêtues d’une marque dont il n’est pas titulaire, fait « usage » d’un signe identique à cette marque, tel n’est pas nécessairement le cas de l’entrepositaire qui fournit un service d’entreposage des marchandises revêtues de la marque d’autrui …………..

43      En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe …..

L’entreposage peut amener son auteur à se voir reconnaitre responsable par sa maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage

45      Il s’ensuit que, pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes, encore faut-il, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

46      À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale.

47      Or, en l’occurrence, s’agissant des parties défenderesses au principal, ainsi qu’il a été relevé au point 34 du présent arrêt, la juridiction de renvoi indique sans ambigüité que celles-ci n’ont pas elles-mêmes offert les produits concernés à la vente ni ne les ont mis dans le commerce, celle-ci précisant, du reste, dans le libellé de sa question, que c’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale.

Le droit dit par la Cour de Justice

L’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], et l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités.

 

La contrefaçon de marque et de droits d’auteur reste une infraction pénale

L’atteinte aux droits de propriété industrielle et intellectuelle est qualifiée de contrefaçon. Différentes dispositions du Code de la propriété intellectuelle prévoient des sanctions pénales, mais leur rédaction est-elle conforme au principe de légalité qui s’applique en matière pénale ?

Le 3 décembre 2019, la Cour de cassation rejette  la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmisse par le Tribunal correctionnel de Paris dont il avait été saisi par un prévenu poursuivi des faits de contrefaçon de marques et de droits d’auteur.

Les articles du Code de la propriété intellectuelle en cause :  L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6, L. 335-9 et L. 716-10, L. 716-11-1, L. 716-13

  • Question

Les dispositions des articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elles n’énumèrent pas précisément, tout en y renvoyant, les textes régissant « la propriété des auteurs » et « les droits de l’auteur » ne méconnaissent-elles pas l’article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et qui imposent au législateur de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, cette exigence s’imposant non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions ? En outre, l’imprécision tenant à la détermination du champ d’application de la loi pénale prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de droits d’auteur et la portée générale et absolu des dispositions des articles L. 716-10, L. 716-11-1 et L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de marque sont-elles également de nature à porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de liberté d’expression et de communication des idées et des opinions résultant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l ’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?

  • Décision de la Cour de cassation

Arrêt n°2856 du 03 décembre 2019 (19-90.034)- Cour de cassation – Chambre criminelle- ECLI:FR:CCASS:2019:CR02856

….

« Les dispositions des articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elles n’énumèrent pas précisément, tout en y renvoyant, les textes régissant « la propriété des auteurs » et « les droits de l’auteur » ne méconnaissent-elles pas l’article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et qui imposent au législateur de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, cette exigence s’imposant non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions. En outre, l’imprécision tenant à la détermination du champ d’application de la loi pénale prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de droits d’auteur et la portée générale et absolue des dispositions des articles L. 716-10, L. 716-11-1 et L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de marque sont-elles également de nature à porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de liberté d’expression et de communication des idées et des opinions résultant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l ’homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »
 
2. Les dispositions critiquées en ce qu’elles constituent le fondement légal de la poursuite exercée, à l’encontre du demandeur sont applicables à la procédure à l’exception des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 335-3 et des paragraphes c) et d) de l’article L. 716-10.

3.Les dispositions législatives applicables au litige n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

4. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

5.La question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que, d’une part, le code de la propriété intellectuelle, dans lequel s’insèrent les dispositions critiquées, définit précisément et clairement les droits de l’auteur et la propriété de l’auteur, d’autre part, les dispositions applicables de l’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle ne répriment que la détention, sans motif légitime, et l’offre de vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, ces incriminations limitatives excluant toute possibilité d’atteinte à la liberté d’expression.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare IRRECEVABLE la question en ce qu’elle porte sur les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et les paragraphes c) et d) de l’article L. 716-10 du même code ;

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu’elle porte sur les articles L. 335-2, L. 335-6, L. 335-9, L. 716-11-1, L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle ainsi que sur le premier alinéa de l’article L. 335-3, la première ligne, les paragraphes a) et b) et le dernier paragraphe de l’article L. 716-10 du même code ;

 

Que voyez-vous un fruit, une pomme ou une poire ?

La marque demandée devant l’Office de la marque de l’Union a pour signe :

Est opposée à cette demande de marque, un enregistrement portant sur le signe :

Précisons que les produits pour lesquels la demande de marque est demandée sont :

–        classe 9 : « Ordinateurs personnels ; ordinateurs blocs-notes ; dispositifs électroniques numériques mobiles de combinés et tablettes pour envoi et réception d’appels téléphoniques et/ou données numériques et utilisés comme ordinateurs portables ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; visiophones, tablettes vidéo, programmes informatiques préenregistrés de gestion d’informations personnelles, logiciels de gestion de bases de données, logiciels de courrier et messagerie électroniques, logiciels de radiomessagerie, matériel informatique, logiciels et micrologiciels, à savoir programmes de systèmes d’exploitation, programmes logiciels de développement d’applications pour ordinateurs personnels et portables ou dispositifs électroniques numériques mobiles portables ; périphériques de dispositifs informatiques portables et mobiles ; pièces et parties constitutives de tous les produits précités » ;

–        classe 35 : « Fourniture d’assistance en marketing numérique ; fourniture de services de conception de solutions CRM et solutions commerciales » ;

–        classe 42 : « Maintenance et mise à jour de logiciels ; fourniture d’informations sur les logiciels via l’internet et d’autres réseaux informatiques et électroniques de communication ; services de réseaux informatiques ; fourniture d’assistance en réseautage et conception de pages web ; fourniture de services d’hébergement de serveurs ; fourniture de services de gestion de domaines ; fourniture d’applications logicielles pour dispositifs informatiques portables, tablettes électroniques, ordinateurs personnels et portables et pour la gestion de centres de données ; conseils techniques ; tous les services précités également d’entreprise à entreprise et d’entreprise au consommateur ».

Successivement la division d’annulation et la chambre de recours ont accueilli l’opposition ;

L’affaire vient devant le Tribunal de l’Union qui par son arrêt du 31 janvier 2019,  , annule la décision de la Chambre de l’Office

Pour le Tribunal l’élément verbal Pearl n’est pas négligeable

……Bien que l’élément verbal « pear » soit plus petit que la représentation de la poire, placée au-dessus de celui-ci, et soit écrit dans une police de caractères particulière, il ne saurait échapper à l’attention du public pertinent. Sa taille est assez grande pour que le public pertinent le remarque au premier abord, ce qui est renforcé par le fait que cet élément verbal est écrit en lettres majuscules. En outre, la couleur grise et la police de caractères employée ne permettent pas de remettre en cause le fait que le mot « pear » sera clairement lisible pour le public pertinent.

34      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que semble avoir indiqué la chambre de recours à la fin du point 28 de la décision attaquée, le fait qu’une partie du public pertinent comprend la signification du terme anglais « pear » ne permet pas de conclure que, sur le plan visuel, l’élément verbal « pear » de la marque demandée est négligeable dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Ce constat vaut d’autant plus pour la partie du public pertinent qui ne comprend pas la signification dudit terme.

36      Dans ces conditions, il convient de constater que l’élément verbal de la marque demandée contribue nettement à déterminer l’image de la marque que le public pertinent gardera en mémoire, de sorte qu’il ne peut pas être considéré comme étant négligeable lors de la comparaison des marques en cause sur le plan visuel.

La marque antérieure est relative à une pomme

  S’agissant, en second lieu, de l’impression globale produite par la marque antérieure sur le plan visuel, il convient de constater, premièrement, qu’il s’agit d’une marque figurative composée de deux éléments figuratifs de couleur noire. Le premier élément a la forme d’une pomme, sur le côté droit de laquelle il manque une partie en forme de demi-cercle. D’un point de vue visuel, il sera perçu comme la représentation d’une pomme dans laquelle il a été mordu. Le deuxième élément, placé au-dessus et au centre du premier, a une forme elliptique pointue et est incliné vers la droite selon un angle d’environ 45 degrés.

…..

39      Tout d’abord, il convient de relever que, dans la mesure où la question de savoir si un élément figuratif sera immédiatement perçu comme représentant un objet familier pour le public pertinent est susceptible d’avoir un impact sur l’image de la marque antérieure que le public gardera à l’esprit, cet aspect n’est pas, contrairement à ce que soutiennent l’EUIPO et l’intervenante, dépourvu de pertinence lors de la comparaison visuelle des marques en conflit. Ensuite, il y a lieu de rappeler que le deuxième élément figuratif de la marque antérieure possède une forme elliptique et pointue. Cette forme rappelle davantage l’une des formes habituelles d’une feuille et non celle d’une tige. Par ailleurs, il y a lieu d’observer que toutes les parties à la présente affaire partagent, en principe, ce point de vue.

40      Prise dans son ensemble, la marque antérieure sera donc perçue par le public pertinent comme représentant une pomme, dans laquelle il a été mordu, surmontée d’une feuille.

52      ……………En effet, leurs seuls points communs sont la présence de la couleur noire et le positionnement similaire des éléments figuratifs placés au-dessus des représentations de la pomme et de la poire qui, d’ailleurs, passera probablement inaperçu auprès du public pertinent pour les raisons exposées au point 44 ci-dessus. En outre, dans le cadre de la comparaison des marques en conflit, considérées chacune dans son ensemble, il y a également lieu de tenir compte des différences claires existant entre les marques en cause sur le plan visuel.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, que les marques en cause seront immédiatement perçues comme représentant des fruits différents, deuxièmement, que les formes des éléments figuratifs et des fruits représentés sont globalement différentes, troisièmement, que la poire est représentée dans la marque demandée par un grand nombre de carrés de tailles différentes sans contour tandis que la pomme est représentée dans la marque demandée par une image pleine, quatrièmement, que la marque demandée ne contient aucune trace de morsure telle que celle présente dans la marque antérieure et, enfin, cinquièmement, que l’élément verbal « pear » dans la marque demandée n’a aucun équivalent dans la marque antérieure.

Quant au plan conceptuel

64      Premièrement, il y a lieu de relever que les marques en conflit utilisent des images qui ne représentent pas le même objet, mais deux objets différents, à savoir, d’une part, une pomme et, d’autre part, une poire. Il est constant que le public pertinent percevra sans difficulté cette différence dans le contenu sémantique des images contenues dans les marques en cause. Deuxièmement, il y a lieu de constater que les marques ne partagent pas non plus le concept d’un « fruit dans lequel il a été mordu », dès lors que la marque demandée évoque, malgré sa stylisation abstraite, l’idée d’une poire entière. Troisièmement, il y a également lieu de relever que, en raison du fait que les éléments figuratifs placés au-dessus de la pomme et de la poire seront perçus comme étant différents, à savoir, d’une part, une feuille dans le cas de la pomme et, d’autre part, une tige dans le cas de la poire, ils ne sont pas non plus susceptibles de conférer aux marques en cause un degré de similitude sur le plan conceptuel.

…….

…….les caractéristiques de la marque antérieure qui diffèrent de la simple représentation d’une pomme ne trouvent aucun équivalent dans la marque demandée. La poire représentée dans la marque demandée ne présente aucune trace de morsure ni aucune feuille contrairement à la pomme de la marque antérieure.

A propos des « images de deux fruits qui étaient, en raison de plusieurs facteurs, très similaires dans la vie réelle. »

69      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, qu’il est certes vrai que chacune des marques en conflit peut être décrite comme utilisant l’image d’un fruit. Toutefois, comme le font également valoir toutes les parties au présent recours, le seul fait qu’il existe un terme générique qui comprend les termes utilisés pour décrire le contenu sémantique des marques en cause n’est pas un facteur pertinent dans le cadre de la comparaison conceptuelle. Dans le même ordre d’idée, il convient de rappeler que l’examen de la similitude prend en considération les marques en conflit telles qu’elles sont enregistrées ou telles qu’elles sont demandées. Ainsi, il y a lieu de relever que les marques en conflit n’évoquent le concept de « fruit » que de manière indirecte. …………….les marques en conflit ne seront pas perçues comme représentant deux fruits non identifiables, mais plutôt comme, d’une part, une pomme dans laquelle il a été mordu possédant une feuille et, d’autre part, une poire possédant une tige. Dans ces conditions, il n’est pas concevable que le public pertinent qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé utilisera le terme « fruit », au lieu de « poire » ou de « pomme », en faisant référence aux marques en conflit.

…….La protection qui est accordée à une marque figurative antérieure ne porte pas, en l’absence de points communs avec la représentation de la marque opposée, sur la catégorie générale des phénomènes qu’elle représente. C’est donc à tort que la chambre de recours a estimé que les marques en cause pouvaient être considérées comme étant similaires sur le plan conceptuel au seul motif que les fruits qu’elles représentaient partageaient, dans la vie réelle, plusieurs caractéristiques.