Boitier de montre : aspect décoratif et absence de caractère distinctif

L’aspect décoratif peut -il donner un caractère distinctif à un signe qui en est par ailleurs dépourvu ?

Voyons la solution donnée par l’arrêt du TPICE du 6 juillet 2011 T-235/10

Timehouse GmbH demande pour « Joaillerie, bijouterie ; horlogerie et instruments chronométriques » la marque communautaire :


L’examinateur rejette la demande de marque pour défaut de caractère distinctif.

La Chambre de recours confirme le rejet : »un cadran circulaire, des aiguilles, un verre de montre légèrement saillant, un bouton de réglage et un boîtier rectangulaire » étant « habituels de la configuration des montres en général. En ce qui concerne le bord dentelé de la face supérieure carrée, celui-ci constituerait uniquement un élément décoratif dans l’esprit du public concerné, » dont le niveau d’attention est élevé.

Pour la Chambre :

« les différents éléments de la marque ne produisaient pas, dans leur ensemble, une impression divergeant de manière significative de celle de la configuration usuelle d’une montre, de sorte que le consommateur ne percevrait pas cette configuration comme une indication de l’origine des produits en cause »

L’affaire vient finalement devant le Tribunal qui va à nouveau rejeter le recours de la déposante ;

Pour le Tribunal, tout d’abord, le signe déposé contient des éléments qui ne divergent pas de manière significative de ce qui est habituel pour de tels produits :

  • à propos de la forme du boîtier dont la requérante disait qu’il présentait un aspect de pyramide tronquée, le tribunal relève en se reportant aux pièces produites par l’Office au dossier, que « les boîtiers de montre revêtent une abondance de configuration différente. En outre, plusieurs exemples de montres carrées figurant dans le dossier disposent de boîtiers dont les surfaces ne sont pas à angle droit ».
  • En ce qui concerne le cadran rond posé sur une surface rectangulaire, le tribunal l’a aussi en se reportant au dossier, relève que cet élément n’est pas spécifique à la marque demandée, plusieurs autres exemples comportent un cadran dont la forme de base diverge de celle de leur boîtier.
  • Reste la question du bord dentelé qui pour la requérante présenterait un caractère ornemental et qui « en raison de sa taille de son aspect par rapport au reste du signe », serait capable de remplir la fonction essentielle de la marque « consistant à renvoyer à l’origine du produit ou du service ».

Le tribunal relève que l’éventuelle fonction décorative reconnue au bord dentelé par la requérante est sans incidence sur son caractère distinctif.

Bien que la requérante ait souligné sur les montres rectangulaires habituelles, l’absence d’un quelconque élément décoratif sur le rebord et surtout pas un rebord dentelé ce qui donnerait au produit la forme d’un objet entièrement différent à savoir celle « d’un timbre-poste » le tribunal rejette cet argument :

  • qu’un signe remplisse différentes fonctions simultanément est sans incidence sur son caractère distinctif,
  • il faut également que celui-ci soit perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale du produit,
  • compte tenu de l’abondance des formes de décoration utilisées dans le secteur de la joaillerie, de la bijouterie, et de l’horlogerie, la face supérieure du boîtier au bord dentelé n’est pas non plus susceptible d’indiquer l’origine du produit au public pertinent,
  • c’est donc inutilement que la requérante contestait la décision de la chambre de recours au motif qu’elle n’aurait pas fourni des indications sur les éléments qui agrémentent habituellement le bord des montres, le tribunal rappelant que l’originalité n’est pas un critère pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, .la chambre de recours n’avait pas à examiner cette question de la prétendue originalité de ce bord.

A noter dans cette affaire,  la requérante invoquait une décision judiciaire déjà intervenue en Allemagne qui avait apprécié la caractéristique concurrentielle résultant de « la dentelure de la surface de la montre rappelant un timbre-poste avec le verre de montre bombé placé  au-dessus des aiguilles ainsi que des côtés étroits aplatis de la surface inférieure du corps de la montre ».

Argument également écarté par le Tribunal :

  • cette décision allemande est intervenu en droit de la concurrence et non en droit des marques,
  • le juge de la marque communautaire n’est pas tenu par une décision nationale intervenue sur une marque nationale.