Marque contraire à l’ordre public, l’exemple de la marque contenant le mot notaires

Certains titres sont réglementés. Leur  dépôt  à titre de marque par celui qui n‘appartient pas à cette profession, n’est pas valable.

  • Le rappel des faits

29 avril 2010 : dépôt de la marque « notaires 37 » par la société Notariat services pour désigner divers produits en classes 16 et 35 et notamment les journaux, prospectus, brochures, publicité.

La société Notariat services engage une action en référé pour faire cesser par la société NR communication la parution, dans le département d’Indre-et-Loire, d’un journal d’annonces immobilières intitulé « Les Notaires 37 »,

14 décembre 2011, la Cour de Paris ordonne l’interdiction de ce second journal.

  • Mais le 16 avril 2013 la Cour de cassation casse cet arrêt

Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que la nullité manifeste de la marque « notaires 37 » n’est pas établie dès lors qu’aucun texte réglementaire ou législatif n’interdit expressément le dépôt d’une marque incorporant un titre attaché à une profession réglementée et que l’article L. 433-17 du code pénal ne prohibe l’usage d’un titre attaché à une profession réglementée que lorsqu’il tend à faire croire au public que l’intéressé bénéficie de ce titre ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’adoption et l’usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l’autorité publique, sans en être titulaire, est contraire à l’ordre public, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 décembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à ren

Opposition à une demande de marque figurative qui ne se prononce pas et qui est sans contenu conceptuel

Comment apprécier l’opposition à une demande de marque dont le signe est purement figuratif, qui ne se prononce pas et qui est dépourvu de contenu conceptuel ?

L’arrêt du 17 mai 2013 illustre cette situation.

13 juin 2006, Mundipharma AG demande l’enregistrement de : Pour : « Produits pharmaceutiques pour la médecine humaine, à savoir analgésiques ».

3 mai 2007 : opposition par Sanofi Pasteur MSD SNC, pour les « Produits pharmaceutiques » sur la base de différentes marques :

–        la marque française n° 94500843 et la marque internationale n° 620636 :

–        et la marque internationale n° 627401 :

30 juillet 2010 : rejet de l’opposition par la division d’opposition.

22 juillet 2011 la quatrième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours de Sanofi MSD SNC .

Sanofi MSD SNC saisit le Tribunal qui rejette le recours.

  • Le public pertinent

En effet, il est constant entre les parties que le public pertinent se compose à la fois de professionnels spécialisés dans le domaine de la santé et de consommateurs moyens, à savoir les patients.

42      Or, il est de jurisprudence constante que les professionnels de la santé sont réputés faire preuve d’un degré élevé d’attention lors de la prescription de produits pharmaceutiques. De même, s’agissant des consommateurs finaux, dans les cas où des produits pharmaceutiques sont vendus sans ordonnance, il y a lieu de supposer que ces produits intéressent les consommateurs qui sont censés être raisonnablement bien informés, attentifs et avisés, dès lors que ces produits affectent leur état de santé, et que ces consommateurs sont moins susceptibles de confondre les diverses versions desdits produits. En outre, même dans l’hypothèse où une ordonnance médicale serait obligatoire, les consommateurs sont susceptibles de faire preuve d’un degré d’attention élevé lors de la prescription des produits en cause, eu égard au fait que ce sont des produits pharmaceutiques. Ainsi, les produits pharmaceutiques, délivrés sous ordonnance médicale ou non, peuvent être regardés comme bénéficiant d’un degré d’attention accru de la part des consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés

  • Sur l’analyse visuelle

En ce qui concerne l’analyse de la similitude visuelle, la chambre de recours a considéré, aux points 18 à 20 de la décision attaquée, que, même si les signes en conflit contiennent des éléments qui s’entrecroisent, l’impression visuelle créée par l’un et l’autre était assez différente.

48      Il y a lieu d’approuver cette analyse. En effet, tout d’abord, il convient de relever que, à la différence des faucilles épaisses qui se terminent par des bords pointus, les rubans des marques antérieures sont coupés de façon à s’intégrer dans un cadre rectangulaire. Ensuite, l’espace entre les rubans est plus large que celui entre les faucilles. En outre, les deux éléments des marques antérieures suscitent l’impression d’une forme harmonieuse et fluide tandis que ceux de la marque demandée donnent une impression de formes plus trapues et plus lourdes. Enfin, les rubans des marques antérieures se déploient en longueur tandis que la forme de la marque demandée est de longueur et de hauteur presque égale.

  • Sur la comparaison phonétique

49      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours souligne à juste titre qu’elle ne peut être réalisée, les signes étant purement figuratifs et abstraits.

  • Sur la comparaison conceptuel

50      Sur le plan conceptuel, force est de constater qu’aucune des formes graphiques ne présente un contenu conceptuel. Dès lors, il est souligné à juste titre au point 22 de la décision attaquée que les signes ne sont pas comparables sur le plan conceptuel. À supposer, comme l’observe la chambre de recours audit point 22, que les professionnels dans le domaine médical associent les marques antérieures à la représentation de l’ADN, une telle association ne saurait être faite avec la marque demandée.

 

Destruction ou perte des objets saisis et placés sous scellés : l’action en responsabilité contre l’Etat est à engager devant la juridiction judiciaire

Quand la procédure en contrefaçon ne conduit à aucune condamnation, les objets saisis lors d’une saisie-contrefaçon doivent-ils être remis à leur propriétaire ?  S’agissant d’objets mis sous scellés , quelle juridiction est compétente pour apprécier  l’action en responsabilité engagée par leur propriétaire ? L’arrêt du 15 avril 2013 du Tribunal des conflits retient une compétence générale de la juridiction judiciaire.

3 février 1997 : saisie-contrefaçon de différentes œuvres d’art qui sont placées sous scellés.

7 mars 2002 : le juge d’instruction prononce un non-lieu et refuse la destruction des objets saisis.

30 janvier 2003 : la Chambre d’instruction rejette également la demande de destruction des objets saisis présentée par les héritiers de l’auteur.

Le propriétaire d’une des œuvres saisies demande sa restitution mais sans succès, l’œuvre aurait été détruite par les services des domaines.

  • Le propriétaire assigne en responsabilité l’Etat devant  le TGI de Paris

8 novembre 2006 : le Juge de la Mise en Etat retient l’exception d’incompétence soulevée par l’agent judiciaire du Trésor.

5 décembre 2007 : la Cour d’appel  confirme l’ordonnance du Juge de la Mise en Etat.

  • Le propriétaire engage alors son action devant le Tribunal administratif

18 octobre 2012 : le Tribunal administratif décline sa compétence et saisit le Tribunal des conflits.

  • 15 avril 2013 : arrêt du Tribunal des Conflits

« Considérant que les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés soit en eux-mêmes soit dans leurs conséquences que par l’autorité judiciaire ;

Considérant que le préjudice dont M. B…demande réparation se rattache à des actes de saisie pris pour les besoins d’une procédure ouverte devant la juridiction pénale ; qu’ainsi, quelle que soit l’autorité ayant ordonné la destruction de l’objet saisi, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire;»

Les pouvoirs de l’Autorité de régulation donneront-ils l’occasion au Conseil Constitutionnel d’examiner une seconde fois les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article L36-11 ?

Les pouvoirs de l’Autorité de régulation sont importants.

L’article L36-11 dont les dispositions sont rappelées ci-dessous, prévoit des sanctions importantes  après des procédures d’instruction.

Ce dispositif est-il respectueux  de nos principes constitutionnels ? A priori oui, puisque la loi dont cet article est issu, a déjà été examinée par le Conseil Constitutionnel.

Mais le Conseil d’Etat voit dans des décisions plus récentes du Conseil Constitutionnel « une circonstance de droit nouvelle » pour justifier une QPC au regard des principes d’indépendance et d’impartialité.

  • Conseil d’Etat  29 avril 2013, sur une requête de Numéricâble

5. Considérant que le Conseil constitutionnel a, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 36-11, telles qu’issues de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications ; que, toutefois, les développements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont se prévaut la requête, en ce qui concerne les principes d’indépendance et d’impartialité, manifestés notamment par les décisions n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 et n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, constituent une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

6. Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question qui présente un caractère sérieux au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l’encontre du seul article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques ;

  • Article L36-11

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions ci-après :

1° En cas d’infraction d’un exploitant de réseau ou d’un fournisseur de services aux dispositions du présent code et des textes et décisions pris pour son application ou du règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, ainsi qu’aux prescriptions d’une décision d’attribution ou d’assignation de fréquence prise par l’autorité en application de l’article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’exploitant ou le fournisseur est mis en demeure par le directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s’y conformer dans un délai qu’il détermine. Cette mise en demeure peut être assortie d’obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. L’autorité peut rendre publique cette mise en demeure ;

2° Lorsqu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l’article L. 36-8, à la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes :

a) Soit, en fonction de la gravité du manquement :

-la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans ;

-la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la limite d’une année, ou le retrait de la décision d’attribution ou d’assignation prise en application des articles L. 42-1 ou L. 44. L’autorité peut notamment retirer les droits d’utilisation sur une partie de la zone géographique sur laquelle porte la décision, une partie des fréquences ou bandes de fréquences, préfixes, numéros ou blocs de numéros attribués ou assignés, ou une partie de la durée restant à courir de la décision.

b) Soit, si le manquement n’est pas constitutif d’une infraction pénale :

-une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation ;

-ou, lorsque l’opérateur ne s’est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de couverture de la population prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d’habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non ouverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 65 euros par habitant non couvert ou 1 500 euros par kilomètre carré non couvert ou 40 000 euros par site non ouvert ;

-ou lorsque l’opérateur ne s’est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations imposées en application de l’article L. 38, la suspension ou l’arrêt de la commercialisation d’un service jusqu’à la mise en œuvre effective de ces obligations.

Les sanctions sont prononcées après que la personne en cause a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et, le cas échéant, les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l’autorité et de présenter ses observations écrites et verbales.

Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ;

3° En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier alinéa du présent article, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum si la mise en œuvre des procédures d’exécution n’est pas terminée, après avoir donné à la personne concernée la possibilité d’exprimer son point de vue et de proposer des solutions ;

4° L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;

5° Les décisions sont motivées, notifiées à l’intéressé et publiées au Journal officiel. Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de suspension présentée conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d’Etat ;

6° Lorsqu’un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent article est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou pour l’ensemble du marché, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat statuant en référé qu’il soit ordonné à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance.