Comment augmenter l’activité des juridictions communautaires ?

Le contentieux devant le Tribunal et la Cour de Justice ne cesse d’augmenter dont une part significative est due aux recours des décisions de l’OHMI. Ce blog en avait parlé ici.

Le 28 avril 2014, à la Conférence sur l’avenir des Tribunaux européens l’intervention de Monsieur Jean-Marc Sauvé, Vice –Président du Conseil d’Etat, souligne les difficultés croissantes et les contraintes pour améliorer cette situation. L’intervention est ici

3. La conjonction de ces deux facteurs – progression rapide du contentieux et insuffisance des capacités de jugement – explique, presque mécaniquement, deux phénomènes inquiétants. D’une part, s’est produite une progression constante du nombre des affaires pendantes : elles s’élevaient en 2006 à 1 029 et en 2009 à 1 191 ; elles ont désormais dépassé la barre des 1 300 affaires en 2013 (1 325 affaires pendantes)3 et elles pourraient très fortement croître en 2014 pour attendre plus de 1500 en fin d’année. D’autre part, les délais de jugement restent préoccupants : en 2013, 48 et 46 mois ont en moyenne été nécessaires pour que soient jugées les affaires d’aides d’État et de concurrence, ces délais étant déjà en 2009, respectivement, de 50 et 46 mois, ce qui montre que les marges de progression ont été réelles, mais demeurent limitées.

 

Parmi les mesures proposées :

 

..l’allongement de la durée du mandat des juges, par exemple de six à neuf ans, pourrait être proposé, bien qu’une telle mesure impose une révision du TFUE15. Il pourrait aussi, à tout le moins, être envisagé que les juges cessant leurs fonctions puissent achever, sous certaines conditions de délai, le traitement des dossiers qui leur ont été confiés, à l’instar de ce qui se pratique dans plusieurs juridictions internationales. Par ailleurs, le projet d’augmenter le nombre des juges du Tribunal ne devrait pas être abandonné. Dans cette perspective, les juges additionnels devraient être sélectionnés principalement sur la base du mérite, c’est-à-dire sur leur aptitude à exercer efficacement et rapidement les fonctions dévolues au Tribunal. Dans l’attente du doublement du nombre des juges du Tribunal, qui est inéluctable à long terme, il me semble qu’une augmentation de ses effectifs de neuf ou de douze juges pourrait être décidée à la majorité qualifiée. En l’absence de consensus sur un autre mode de nomination, le Comité 255 se prononcerait, conformément au TFUE, sur les mérites des candidatures envoyées par chaque État. Je ne doute pas que ses avis seraient respectés, comme ils l’ont toujours été à ce jour, et que les États membres sauraient se mettre d’accord sur les nominations à opérer.

Destruction ou perte des objets saisis et placés sous scellés : l’action en responsabilité contre l’Etat est à engager devant la juridiction judiciaire

Quand la procédure en contrefaçon ne conduit à aucune condamnation, les objets saisis lors d’une saisie-contrefaçon doivent-ils être remis à leur propriétaire ?  S’agissant d’objets mis sous scellés , quelle juridiction est compétente pour apprécier  l’action en responsabilité engagée par leur propriétaire ? L’arrêt du 15 avril 2013 du Tribunal des conflits retient une compétence générale de la juridiction judiciaire.

3 février 1997 : saisie-contrefaçon de différentes œuvres d’art qui sont placées sous scellés.

7 mars 2002 : le juge d’instruction prononce un non-lieu et refuse la destruction des objets saisis.

30 janvier 2003 : la Chambre d’instruction rejette également la demande de destruction des objets saisis présentée par les héritiers de l’auteur.

Le propriétaire d’une des œuvres saisies demande sa restitution mais sans succès, l’œuvre aurait été détruite par les services des domaines.

  • Le propriétaire assigne en responsabilité l’Etat devant  le TGI de Paris

8 novembre 2006 : le Juge de la Mise en Etat retient l’exception d’incompétence soulevée par l’agent judiciaire du Trésor.

5 décembre 2007 : la Cour d’appel  confirme l’ordonnance du Juge de la Mise en Etat.

  • Le propriétaire engage alors son action devant le Tribunal administratif

18 octobre 2012 : le Tribunal administratif décline sa compétence et saisit le Tribunal des conflits.

  • 15 avril 2013 : arrêt du Tribunal des Conflits

« Considérant que les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés soit en eux-mêmes soit dans leurs conséquences que par l’autorité judiciaire ;

Considérant que le préjudice dont M. B…demande réparation se rattache à des actes de saisie pris pour les besoins d’une procédure ouverte devant la juridiction pénale ; qu’ainsi, quelle que soit l’autorité ayant ordonné la destruction de l’objet saisi, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire;»

Les pouvoirs de l’Autorité de régulation donneront-ils l’occasion au Conseil Constitutionnel d’examiner une seconde fois les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article L36-11 ?

Les pouvoirs de l’Autorité de régulation sont importants.

L’article L36-11 dont les dispositions sont rappelées ci-dessous, prévoit des sanctions importantes  après des procédures d’instruction.

Ce dispositif est-il respectueux  de nos principes constitutionnels ? A priori oui, puisque la loi dont cet article est issu, a déjà été examinée par le Conseil Constitutionnel.

Mais le Conseil d’Etat voit dans des décisions plus récentes du Conseil Constitutionnel « une circonstance de droit nouvelle » pour justifier une QPC au regard des principes d’indépendance et d’impartialité.

  • Conseil d’Etat  29 avril 2013, sur une requête de Numéricâble

5. Considérant que le Conseil constitutionnel a, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 36-11, telles qu’issues de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications ; que, toutefois, les développements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont se prévaut la requête, en ce qui concerne les principes d’indépendance et d’impartialité, manifestés notamment par les décisions n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 et n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, constituent une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

6. Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question qui présente un caractère sérieux au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l’encontre du seul article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques ;

  • Article L36-11

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions ci-après :

1° En cas d’infraction d’un exploitant de réseau ou d’un fournisseur de services aux dispositions du présent code et des textes et décisions pris pour son application ou du règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, ainsi qu’aux prescriptions d’une décision d’attribution ou d’assignation de fréquence prise par l’autorité en application de l’article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’exploitant ou le fournisseur est mis en demeure par le directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s’y conformer dans un délai qu’il détermine. Cette mise en demeure peut être assortie d’obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. L’autorité peut rendre publique cette mise en demeure ;

2° Lorsqu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l’article L. 36-8, à la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes :

a) Soit, en fonction de la gravité du manquement :

-la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans ;

-la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la limite d’une année, ou le retrait de la décision d’attribution ou d’assignation prise en application des articles L. 42-1 ou L. 44. L’autorité peut notamment retirer les droits d’utilisation sur une partie de la zone géographique sur laquelle porte la décision, une partie des fréquences ou bandes de fréquences, préfixes, numéros ou blocs de numéros attribués ou assignés, ou une partie de la durée restant à courir de la décision.

b) Soit, si le manquement n’est pas constitutif d’une infraction pénale :

-une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation ;

-ou, lorsque l’opérateur ne s’est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de couverture de la population prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d’habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non ouverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 65 euros par habitant non couvert ou 1 500 euros par kilomètre carré non couvert ou 40 000 euros par site non ouvert ;

-ou lorsque l’opérateur ne s’est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations imposées en application de l’article L. 38, la suspension ou l’arrêt de la commercialisation d’un service jusqu’à la mise en œuvre effective de ces obligations.

Les sanctions sont prononcées après que la personne en cause a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et, le cas échéant, les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l’autorité et de présenter ses observations écrites et verbales.

Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ;

3° En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier alinéa du présent article, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum si la mise en œuvre des procédures d’exécution n’est pas terminée, après avoir donné à la personne concernée la possibilité d’exprimer son point de vue et de proposer des solutions ;

4° L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;

5° Les décisions sont motivées, notifiées à l’intéressé et publiées au Journal officiel. Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de suspension présentée conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d’Etat ;

6° Lorsqu’un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent article est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou pour l’ensemble du marché, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat statuant en référé qu’il soit ordonné à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance.

 

Durée des contentieux devant les juridictions européennes : les statistiques de l’activité judiciaire en 2012 du Tribunal et de la Cour de Justice de l’Union Européenne

La Cour de Justice vient de publier ses statistiques de l’année 2012. Celles-ci ne distinguent pas les contentieux relatifs aux marques mais en 2011, les contentieux de la propriété industrielle en constituaient 30 %.

  • Devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, toutes matières confondues, la durée des renvois préjudiciels est de 16 mois.

Toutes matières confondues, 595 affaires ont été clôturées quand 632 nouvelles affaires ont été introduites.

Le tableau ci-dessous établi par les services de la Cour montre néanmoins un solde important d’affaires pendantes.

  • Devant le Tribunal, la durée moyenne de la procédure est de 25 mois toutes matières confondues, une diminution de 2 mois par rapport à 2011. Il faut attendre une analyse plus fine pour vérifier la durée moyenne de 20 mois de 2011 pour le contentieux de la propriété industrielle et donc de celui des recours contre les décisions de l’OHMI.

Si 617 nouvelles affaires ont été introduites, 688 affaires ont été réglées.

Malgré une diminution des affaires pendantes, leur nombre apparait toujours comme très important sur ce tableau également établi par les services de la Cour.

Les statistiques publiées par les services de la Cour : 2013 03 ACTIVITE DE LA COUR

 

Pour les avocats en contentieux des marques et des dessins et modèles : le nouveau règlement de procédure devant la Cour de Justice de l’Union Européenne

Face à l’augmentation du contentieux, un nouveau règlement de procédure devant la Cour de Justice de l’Union Européenne entrera en application à compter du 1er novembre 2012.

La Cour en 2012, source Curia

Parmi les nouvelles dispositions qui toutes intéressent les avocats, notons celles-ci  indiquées dans le communiqué de la Cour :

« Si elle s’estime suffisamment éclairée par la lecture des mémoires ou observations écrites déposés par les parties, la Cour, en effet, ne sera en principe plus tenue d’organiser une audience de plaidoiries, ce qui devrait permettre à celle-ci de statuer dans des délais plus brefs sur les affaires qui lui sont soumises. Le nouveau règlement de procédure prévoit par ailleurs, lorsqu’une audience est organisée, la possibilité, pour la Cour, d’inviter les parties à concentrer leurs plaidoiries sur une ou plusieurs questions déterminées ou la faculté, pour la juridiction, d’organiser des audiences communes à plusieurs affaires de même nature portant sur le même objet. ……le rapport d’audience est en revanche abandonné.

REGLEMENT DE PROCEDURE COUR DE JUSTICE novembre 2012