Comment l’EUIPO doit-il suivre ses précédentes décisions

Un arrêt du 9 septembre du Tribunal s’est prononcé sur la référence par l’EUIPO à ses précédentes décisions, cette affaire intervenait sur une marque dont la renommée avait déjà été reconnue par l’EUIPO. C’est

A l’arrêt du Tribunal du  11 octobre 2016, il est question également de marques figuratives.

Dans cette seconde affaire,  le Tribunal rejette le recours de l’opposant, qui soutenait également que la décision de la Chambre de recours manquait de cohérence avec la pratique antérieure.

La demande de marque contestée :marque-deposeeQuelques-unes des marques antérieures opposées :

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et marque-anterieure-2-capture

et

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La motivation du rejet du recours sur cette question de la cohérence avec les décisions antérieures.

1      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas motivé son appréciation selon laquelle le fait que l’élément « g » puisse être perçu comme une lettre dans les signes en conflit n’entraînerait aucune similitude entre ces derniers, de sorte qu’elle ne serait pas en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles son recours a été rejeté. Par ailleurs, elle soutient que la décision attaquée ne présente pas de cohérence avec la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, ce qui rendrait encore plus difficile la compréhension des motifs de ladite décision.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

……..

44      Toutefois, les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à prendre, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision ……

………..

46      Quant à la prétendue absence de cohérence entre la décision attaquée et les décisions antérieures des divisions d’annulation et d’opposition de l’EUIPO invoquées par la requérante, dans lesquelles une importance accrue aurait été accordée à l’élément « g » commun aux signes en cause, à supposer qu’un tel grief puisse relever d’une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu d’observer que les chambres de recours ne sauraient être liées par les décisions d’instances inférieures de l’EUIPO ………………….Au demeurant, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci .

47      En outre, la jurisprudence confirme que, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité….

 

La marque de l’Union européenne en principe unitaire, mais un principe à tempérer par des exceptions

Le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne connait un tempérament comme le rappelle la Cour de Justice dans son arrêt du 22 septembre 2016.

Invoquant sa marque européenne et sa marque allemande pour des produits et des services de l’informatique, une société allemande engage une action en contrefaçon en Allemagne à l’encontre d’une société israélienne qui commercialise via son site internet et notamment vers l’Allemagne des logiciels, pour voir cesser ces agissements.

 Le Landgericht de Düsseldorf accepte la demande d’interdiction en Allemagne sur la base de la marque allemande mais rejette la demande d’interdiction dans l’Union sur la base de la marque européenne.

Appel devant l’Oberlandesgericht de Düsseldorf, qui sur la demande au regard de la marque européenne :

« conclut à l’existence d’un risque de confusion dans les États membres germanophones et à l’absence d’un tel risque dans les États membres anglophones ».

et l’Oberlandesgericht de Düsseldorf interroge la Cour de justice , sur l’application du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne dans un tel cas.

L’arrêt du 22 septembre 2016 de la Cour de Justice :

L’article 1er, paragraphe 2, l’article 9, paragraphe 1, sous b), et l’article 102, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un tribunal des marques de l’Union européenne constate que l’usage d’un signe crée un risque de confusion avec une marque de l’Union européenne dans une partie du territoire de l’Union européenne, tout en ne créant pas un tel risque dans une autre partie de ce territoire, ce tribunal doit conclure qu’il y a violation du droit exclusif conféré par cette marque et prononcer un ordre de cessation dudit usage pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne, à l’exception de la partie de celle-ci pour laquelle l’absence d’un risque de confusion a été constatée.

 

Quel tribunal saisir en nullité et en contrefaçon de marques ?

Le contentieux des droits de propriété intellectuelle se caractérise aussi par des règles spécifiques pour déterminer le juge compétent au regard des différentes actions judiciaires.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 septembre 2016 se limite-t-il à une question de compétence pour examiner le contentieux de la validité, de la nullité et de la contrefaçon de la marque, – l’objet du présent post -, ou bien, en germe, sous-entendrait-il un changement considérable dans le droit des marques ?

Revenons à son acquis : la répartition des compétences en matière de marques entre les différents tribunaux de grande instance en France, le Tribunal de grande instance de Paris ayant  une compétence exclusive pour les marques communautaires.

  • Le litige au principal

Différentes marques portent sur le signe D….. déposées par C……………… . Il y a des marques françaises, communautaires et internationales désignant l’Union européenne.

Les marques françaises sont attaquées en nullité et en déchéance par D…. qui invoque des marques françaises antérieures.

D….. engage son action devant le Tribunal de grande instance de Lille, action qui vise également des demandes au titre de la contrefaçon.

C…… oppose la compétence du Tribunal de grande instance de Paris , seul compétent en matière de matière de marques communautaires en invoquant que les signes D….. de D….. sont également protégés par des marques communautaires.

L’arrêt de la Cour de cassation ne dit pas quelle solution a retenu le Tribunal de grande instance de Lille. L’arrêt de la Cour de Douai qui fait l’objet du pourvoi, a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par C……..

  • L’argument de C…. requérante au pourvoi

Attendu que C……. fait grief à l’arrêt de rejeter son exception d’incompétence alors, selon le moyen, que le tribunal de grande instance de Paris est seul compétent pour connaître des actions et demandes mettant en jeu la contrefaçon ou la validité de marques communautaires ; que dans le cas où des marques identiques ont fait l’objet de dépôts tant français que communautaire ou international désignant l’Union européenne, des demandes qui tendent à voir prononcer la nullité des seules marques déposées en France et à en voir interdire l’usage n’en sont pas moins nécessairement de nature à affecter indirectement mais de façon substantielle les droits attachés aux marques communautaires identiques et mettent la juridiction saisie dans l’obligation d’apprécier les droits du défendeur sur ses marques communautaires, leur validité et leur portée ; qu’en retenant en l’espèce que le tribunal de grande instance de Lille était compétent pour connaître de l’action de D……. dès lors que celle-ci ne formule aucune demande au titre de marques communautaires, que ses demandes ne portent que sur les droits détenus par C…….. sur des marques françaises, que la décision à intervenir, qui n’aura autorité de la chose jugée qu’à l’égard des seules marques françaises et non des marques internationales ou communautaires, ne sera pas de nature à affecter les droits de C…… sur ses marques communautaires ou internationales désignant l’Union européenne et que suivre le raisonnement de C…….. conduirait à centraliser l’ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle au profit du tribunal de grande instance de Paris, le dépôt d’une marque française concomitamment à une marque communautaire étant fréquent, la cour d’appel qui a ainsi refusé de prendre en compte le fait, invoqué par C……….. et non contesté, que ses marques françaises dont il était demandé non seulement la nullité mais également l’interdiction d’usage « sous quelque forme et de quelque manière que ce soit », étaient identiques à des marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne dont elle est également titulaire, ce qui mettait le juge saisi dans l’obligation d’apprécier les droits attachés à ces marques communautaires, a violé ensemble les articles L. 717-4 et R. 717-11 du code de la propriété intellectuelle ainsi que l’article R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire ;

  • La Cour de cassation rejette le pourvoi

Mais attendu qu’après avoir rappelé que les dispositions prévoyant la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des actions en matière de marques communautaires doivent s’appréhender strictement, l’arrêt constate que l’objet du litige ne porte que sur les droits détenus par les parties sur des marques françaises ; qu’il retient en outre que la décision à intervenir n’aura autorité de la chose jugée qu’à l’égard des marques françaises, en sorte qu’elle ne sera pas de nature à affecter les droits des titulaires sur les marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l’examen des demandes relatives aux marques françaises dont elle était saisie ne mettait pas la juridiction dans l’obligation d’apprécier les droits de C……. attachés à ses marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne, la cour d’appel, qui n’a pas refusé de prendre en compte le fait que les marques françaises étaient identiques aux marques communautaires ou internationales désignant l’Union européenne, a exactement déduit que le tribunal de grande instance de Lille était compétent pour connaître de l’action ; que le moyen n’est pas fondé ;