Une action en déchéance ne nuit-elle jamais au titulaire de la marque ?

L’action en déchéance de marque devant l’Inpi n’est pas soumise à la condition d’intérêt à agir.

Pourtant la décision de l’INPI du  10 septembre 2021 déclare irrecevable une telle demande en la qualifiant d’abus de droit.

Le dernier n° du PIBD ( 1178-III-6) résume ainsi cette décision :

Le contrat de franchise prévoyait un droit exclusif d’utiliser la marque contestée par la présente demande en déchéance qui avait été accordé au franchisé (le demandeur) pour la durée du contrat. Ce dernier n’a jamais été contesté par le demandeur qui a lui-même exploité la marque litigieuse. Il a introduit sa demande en déchéance à la suite d’un jugement du tribunal de commerce de Paris l’ayant condamné pour fautes constitutives de manquements graves au contrat de franchise. Cela démontre sa volonté de tirer un avantage indu de sa demande en déchéance, à savoir nuire au titulaire de la marque contestée. L’intention malveillante du demandeur se traduit également par l’existence d’une procédure devant le conseil de Prud’hommes à l’encontre du titulaire de la marque contestée. L’ensemble de ces actions permettant de caractériser un abus du droit d’agir du demandeur. 

Quel tribunal saisir en nullité et en contrefaçon de marques ?

Le contentieux des droits de propriété intellectuelle se caractérise aussi par des règles spécifiques pour déterminer le juge compétent au regard des différentes actions judiciaires.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 septembre 2016 se limite-t-il à une question de compétence pour examiner le contentieux de la validité, de la nullité et de la contrefaçon de la marque, – l’objet du présent post -, ou bien, en germe, sous-entendrait-il un changement considérable dans le droit des marques ?

Revenons à son acquis : la répartition des compétences en matière de marques entre les différents tribunaux de grande instance en France, le Tribunal de grande instance de Paris ayant  une compétence exclusive pour les marques communautaires.

  • Le litige au principal

Différentes marques portent sur le signe D….. déposées par C……………… . Il y a des marques françaises, communautaires et internationales désignant l’Union européenne.

Les marques françaises sont attaquées en nullité et en déchéance par D…. qui invoque des marques françaises antérieures.

D….. engage son action devant le Tribunal de grande instance de Lille, action qui vise également des demandes au titre de la contrefaçon.

C…… oppose la compétence du Tribunal de grande instance de Paris , seul compétent en matière de matière de marques communautaires en invoquant que les signes D….. de D….. sont également protégés par des marques communautaires.

L’arrêt de la Cour de cassation ne dit pas quelle solution a retenu le Tribunal de grande instance de Lille. L’arrêt de la Cour de Douai qui fait l’objet du pourvoi, a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par C……..

  • L’argument de C…. requérante au pourvoi

Attendu que C……. fait grief à l’arrêt de rejeter son exception d’incompétence alors, selon le moyen, que le tribunal de grande instance de Paris est seul compétent pour connaître des actions et demandes mettant en jeu la contrefaçon ou la validité de marques communautaires ; que dans le cas où des marques identiques ont fait l’objet de dépôts tant français que communautaire ou international désignant l’Union européenne, des demandes qui tendent à voir prononcer la nullité des seules marques déposées en France et à en voir interdire l’usage n’en sont pas moins nécessairement de nature à affecter indirectement mais de façon substantielle les droits attachés aux marques communautaires identiques et mettent la juridiction saisie dans l’obligation d’apprécier les droits du défendeur sur ses marques communautaires, leur validité et leur portée ; qu’en retenant en l’espèce que le tribunal de grande instance de Lille était compétent pour connaître de l’action de D……. dès lors que celle-ci ne formule aucune demande au titre de marques communautaires, que ses demandes ne portent que sur les droits détenus par C…….. sur des marques françaises, que la décision à intervenir, qui n’aura autorité de la chose jugée qu’à l’égard des seules marques françaises et non des marques internationales ou communautaires, ne sera pas de nature à affecter les droits de C…… sur ses marques communautaires ou internationales désignant l’Union européenne et que suivre le raisonnement de C…….. conduirait à centraliser l’ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle au profit du tribunal de grande instance de Paris, le dépôt d’une marque française concomitamment à une marque communautaire étant fréquent, la cour d’appel qui a ainsi refusé de prendre en compte le fait, invoqué par C……….. et non contesté, que ses marques françaises dont il était demandé non seulement la nullité mais également l’interdiction d’usage « sous quelque forme et de quelque manière que ce soit », étaient identiques à des marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne dont elle est également titulaire, ce qui mettait le juge saisi dans l’obligation d’apprécier les droits attachés à ces marques communautaires, a violé ensemble les articles L. 717-4 et R. 717-11 du code de la propriété intellectuelle ainsi que l’article R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire ;

  • La Cour de cassation rejette le pourvoi

Mais attendu qu’après avoir rappelé que les dispositions prévoyant la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des actions en matière de marques communautaires doivent s’appréhender strictement, l’arrêt constate que l’objet du litige ne porte que sur les droits détenus par les parties sur des marques françaises ; qu’il retient en outre que la décision à intervenir n’aura autorité de la chose jugée qu’à l’égard des marques françaises, en sorte qu’elle ne sera pas de nature à affecter les droits des titulaires sur les marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l’examen des demandes relatives aux marques françaises dont elle était saisie ne mettait pas la juridiction dans l’obligation d’apprécier les droits de C……. attachés à ses marques communautaires et internationales désignant l’Union européenne, la cour d’appel, qui n’a pas refusé de prendre en compte le fait que les marques françaises étaient identiques aux marques communautaires ou internationales désignant l’Union européenne, a exactement déduit que le tribunal de grande instance de Lille était compétent pour connaître de l’action ; que le moyen n’est pas fondé ;

Action en déchéance d’une marque communautaire tridimensionnelle employée avec une marque verbale « normale »

De l’enregistrement d’une marque communautaire sur une forme tridimensionnelle, ce blog en parle souvent, mais l’arrêt du 24 septembre 2015 intervient sur la preuve de son exploitation lors d’une action en déchéance devant l’OHMI. L’arrêt est ici.

La marque communautaire tridimensionnelle enregistrée porte sur le signe :

marque déchéance action forme fourneau potager 24 septembre 2015Pour : « Potagers (fourneaux) »

– 23 février 2012 : demande en déchéance.

– 3 juillet 2013 : rejet de la demande en déchéance.

– 7 février 2014 : la Chambre de recours rejette le recours.

L’arrêt du 24 septembre 2015 rejette également le recours, mais cet arrêt se limite à examiner l’impact de l’emploi d’une marque verbale avec cette marque tridimensionnelle lors de l’action en déchéance pour défaut d’usage sérieux.

Sur l’utilisation d’une autre marque avec la marque dont la déchéance est demandée.
  • De quoi s’agit-il ?

6 Il est constant que, à la différence de la marque en cause, laquelle est exclusivement constituée par la forme d’un fourneau et ne contient aucun élément verbal, tous les fourneaux représentés sur les éléments de preuve de l’usage sérieux de ladite marque (factures, barèmes de prix, catalogues, extraits de publications ou de brochures), produits par le titulaire de la marque en cause au cours de la procédure administrative devant l’OHMI, sont en outre revêtus de l’élément verbal « voxka » en italique, apparaissant en relief sur une plaque métallique placée sur la partie supérieure de la face avant, au-dessus de l’entrée de la chambre de combustion.

  • La position du requérant

25 ……. la marque en cause n’a pas été utilisée seule, mais conjointement avec l’élément verbal distinctif « voxka », apposé de façon bien visible sur les produits en cause. Au départ de cette prémisse, le requérant soutient, d’une part, qu’une marque tridimensionnelle constituée exclusivement par la forme d’un produit, sans aucun élément verbal additionnel, ne remplit plus sa fonction essentielle d’indication de l’origine commerciale des produits en cause et ne peut dès lors faire l’objet d’un usage sérieux lorsqu’il lui est adjoint un tel élément verbal distinctif. Le requérant soutient, d’autre part, que l’ajout d’un tel élément verbal à une telle marque altère nécessairement le caractère distinctif de celle-ci dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

  • Le Tribunal pose le principe d’un examen des différents signes utilisés

33 Contrairement à ce que soutient l’OHMI, il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques et, en particulier, du degré plus ou moins élevé de caractère distinctif de la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque. Plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, en effet, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif, et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit qu’elle désigne. La considération inverse s’impose également.

34 Il convient, par ailleurs, de tenir compte de la catégorie particulière à laquelle appartient la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque.

  • L’examen de l’usage de la marque tridimensionnelle doit être conduit comme pour les autres marques

35 Certes, s’agissant des marques tridimensionnelles constituées, comme en l’espèce, par l’apparence du produit lui-même, il est de jurisprudence constante que les critères d’appréciation de leur caractère distinctif ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques ……. Comme le relève à bon droit l’OHMI, cette jurisprudence peut être transposée à l’appréciation de l’usage sérieux de telles marques tridimensionnelles. En effet, il ne ressort ni du règlement n° 207/2009 ni de la jurisprudence qu’il y aurait lieu de leur appliquer des critères différents, voire plus stricts. En particulier, il ne saurait être exigé par principe que ces marques soient utilisées isolément ou qu’elles présentent un degré particulièrement élevé de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage.

  • Mais ce principe est immédiatement tempéré par la spécificité de la forme tridimensionnelle

36 Toutefois, dans le cadre de l’appréciation tant du caractère distinctif que de son altération en cas d’usage conjoint avec une autre marque, il y a lieu de tenir compte également de la perception spécifique des formes des produits par le consommateur moyen. Aux fins d’une telle appréciation, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative consistant en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative ….. . Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. ..

37 Transposée à l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même, cette jurisprudence implique que, en cas d’usage conjoint de celle-ci avec une autre marque, il pourrait s’avérer plus facile d’établir l’altération du caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celle du caractère distinctif d’une marque verbale ou figurative.

  • Application pratique

38 En l’espèce, la marque en cause présente, de par sa forme inhabituelle, évoquant celle d’un moteur thermique d’avion davantage que celle d’un fourneau, un caractère distinctif élevé pour les produits qu’elle désigne, et ce, abstraction faite de son éventuelle fonctionnalité.

39 À cet égard, la circonstance, alléguée par le requérant, que des fourneaux revêtant une forme très semblable à celle de la marque en cause soient distribués par d’autres fabricants sous les marques verbales Bruno et Bulder, ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause cette appréciation, ladite circonstance pouvant également s’expliquer par la recherche par ces fabricants d’un résultat technique particulier, tel qu’un transfert de chaleur par convection.

40 Par ailleurs, l’élément verbal additionnel « voxka », lui-même enregistré en tant que marque, présente un caractère distinctif qui peut être qualifié de normal.

41 Dans ces circonstances, le Tribunal estime, à l’instar de la chambre de recours, que l’ajout de l’élément verbal « voxka », apposé sur la face avant du produit dont la forme elle-même constitue la marque en cause, n’a pas altéré le caractère distinctif de celle-ci, dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, de sorte que cet ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

42 Dans ces mêmes circonstances, le consommateur moyen continuera en effet à percevoir la forme des fourneaux en cause comme une indication de leur origine commerciale, son attention n’étant pas exclusivement accaparée par l’élément verbal distinctif « voxka », en tant qu’indicateur de l’origine des produits.

La déchéance de marque , une question de calendrier et de délais, la preuve de l’exploitation de la marque communautaire peut être apportée sur le territoire d’un seul Etat membre.

L’arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 2014 montre que la question de la déchéance nécessite d’appliquer rigoureusement les différents délais et que les preuves d’exploitation de la marque communautaire peuvent être valablement retenues dans un seul Etat membre. L’arrêt est ici.

  • la question du calendrier de la déchéance

Vu l’article 51 § 1 du règlement CE n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, qui codifie l’article 50 § 1 du règlement CE n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 ;

Attendu que pour prononcer la déchéance des droits de la société Zed candy sur la marque communautaire « Jawbreaker », à compter du 17 février 2010, pour l’ensemble des produits et services visés par l’enregistrement, l’arrêt retient que les sociétés Zed candy et Brabo France sachant dès le 25 mars 2009, date de l’assignation, qu’elles étaient susceptibles de faire l’objet d’une demande en déchéance de cette marque, les pièces postérieures au 25 décembre 2008, qu’elles ont produites pour justifier de l’usage de la marque, doivent être écartées des débats ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la demande reconventionnelle en déchéance ayant été formée le 20 octobre 2010, seules les pièces susceptibles de justifier d’un usage de la marque communautaire « Jawbreaker » postérieurement au 20 juillet 2010, étaient dénuées de caractère pertinent, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

  • Le territoire en prendre pour la preuve de l’exploitation de la marque communautaire en compte peut être celui d’un seul Etat

Et sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 15 § 1 et 51 § 1 du règlement CE n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, qui codifient les articles 15 §1 et 50 § 1 du règlement CE n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient encore que la capture d’écran du site internet www.zegdum.com datée du 11 juin 2009, qui faisait apparaître des paquets de bonbons présentés sous diverses appellations contenant le terme « Jawbreaker », mentionnait les prix en livres sterling et ne permettait pas d’établir un usage sérieux de la marque communautaire « Jawbreaker » dans la Communauté ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque communautaire doit s’opérer abstraction faite des frontières du territoire des Etats membres et peut, dans certaines circonstances, résulter de l’exploitation de la marque sur le territoire d’un seul Etat membre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a prononcé la déchéance, à compter du 17 février 2010, des droits de la société Zed candy limited sur la marque communautaire « Jawbreaker » n° 10 55177 pour l’ensemble des produits et services visés, l’arrêt rendu le 9 novembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Juge pénal ou juge civil, qui juge de la nullité et de la déchéance de la marque ?

Lors d’une instance pénale en contrefaçon de marque, le juge pénal doit-il examiner les demandes en déchéance et en nullité de la marque ou peut-il se référer à une décision du juge civil ou même à celle de l’OHMI ?

L’arrêt du 30 octobre 2013 de la Cour de cassation donne quelques indications. L’arrêt est ici.

  • Le contexte tel qu’il est rappelé à l’arrêt et la position de la cour d’appel

Mme X…. est poursuivie au pénal pour contrefaçon des marques Red Bull pour des vêtements.

« que la SARL A…. [dont la gérante est Mme X…] a introduit une action judiciaire aux fins de voir constater la déchéance de la marque Red Bull pour l’exploitation des vêlements en France ; que par arrêt définitif du 3 mai 2007, la cour d’appel de Versailles a rejeté l’action au motif que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque par les titres communautaires et que dès lors une demande de déchéance ne pourrait avoir pour conséquence d’autoriser une vente de tels vêtements en France »

  • Au pourvoi, deux moyens nous intéressent

 » 2°) alors qu’il résulte de l’article 100-2° du Règlement CE 207/ 209 du 26 février 2009 qu’un tribunal des marques communautaires rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité si une décision rendue par l’Office entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait retenir, pour juger que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de sa marque, que l’office d’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) avait rejeté la demande de nullité de la marque communautaire dont bénéficiait la société Red Bull, en s’abstenant de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que, Mme X… n’ayant pas été partie à la procédure devant L’OHMI, la décision rendue n’avait aucune autorité de chose jugée ;

…..

 » 4°) alors que l’usage sérieux d’une marque suppose l’utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait se borner à relever que les consorts X… ne peuvent remettre en cause les décisions définitives de l’OHMI et de la cour d’appel de Versailles par lesquelles il a été jugé que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque, sans répondre au moyen de défense selon lequel aucun élément versé aux débats ne démontre un quelconque usage des marques de la société Red Bull dans des conditions de nature à la faire échapper à la déchéance de ses droits ;

  • Le rejet des moyens par la Cour de cassation

Attendu qu’en l’état de ces énonciations et abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, faisant référence à  » l’autorité de la chose jugée  » de décisions de nature civile, la cour d’appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

La marque communautaire est enfin libérée des frontières des Etats par l’arrêt du 19 décembre 2012 de la Cour de Justice

Le 19 décembre 2012, la Cour de Justice a rendu un arrêt sur « l’usage sérieux » de l’article 15 paragraphe 1 du règlement communautaire n° 207/2009.

Affaire C‑149/11, sur une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (Pays-Bas), par décision du 1er février 2011, parvenue à la Cour le 28 mars 2011, dans la procédure Leno Merken BV contre

Hagelkruis Beheer BV,

Cet arrêt est important en ce qu’il dit clairement qu’en matière de marque communautaire il n’y a pas lieu de tenir compte des frontières des États.

 

28      La Cour a déjà interprété la notion d’«usage sérieux» dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux des marques nationales dans les arrêts précités Ansul et Sunrider/OHMI ainsi que dans l’ordonnance La Mer Technology, précitée, en considérant qu’il s’agit d’une notion autonome du droit de l’Union qui doit recevoir une interprétation uniforme.

29      Il résulte de cette jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un «usage sérieux» lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêts, précités Ansul, point 43, et Sunrider/OHMI, point 70, ainsi que ordonnance La Mer Technology, précitée, point 27).

30      La Cour a également relevé que l’importance territoriale de l’usage n’est que l’un des facteurs, parmi d’autres, devant être pris en compte pour déterminer si cet usage est sérieux ou non (voir arrêt Sunrider/OHMI, précité, point 76).

31      Cette interprétation est applicable par analogie aux marques communautaires dans la mesure où, en exigeant qu’un usage sérieux soit fait de la marque, la directive 2008/95 et le règlement n° 207/2009 poursuivent le même objectif.

32      En effet, il résulte tant du considérant 9 de ladite directive que du considérant 10 dudit règlement que le législateur de l’Union a entendu soumettre le maintien des droits liés à la marque, respectivement, nationale et communautaire, à la condition qu’elle soit effectivement utilisée. Ainsi que le relève Mme l’avocat général aux points 30 et 32 de ses conclusions, une marque communautaire qui n’est pas utilisée pourrait faire obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser cette marque ou une marque similaire lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou similaires à ceux qui sont protégés par la marque en cause. Par conséquent, le non-usage d’une marque communautaire risque également de restreindre la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services.

33      Il convient toutefois de tenir compte, lors de l’application par analogie aux marques communautaires de la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt, de la différence entre l’étendue territoriale de la protection conférée aux marques nationales et celle de la protection accordée aux marques communautaires, différence qui résulte, d’ailleurs, du libellé des dispositions relatives à l’exigence d’usage sérieux respectivement applicables à ces deux types de marques.

34      Ainsi, d’une part, l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 dispose que, «si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage». D’autre part, l’article 10 de la directive 2008/95 pose en substance la même règle s’agissant des marques nationales, tout en prévoyant qu’elles doivent faire l’objet d’un usage sérieux «dans l’État membre concerné».

35      Cette différence quant à l’étendue territoriale de l’«usage sérieux» entre les deux régimes des marques est soulignée, en outre, par l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Celui-ci prévoit que la règle énoncée au paragraphe 2 du même article, à savoir que, en cas d’opposition, le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté, est également applicable aux marques nationales antérieures, «étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée».

36      Il convient cependant d’observer que, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 30 du présent arrêt, l’étendue territoriale de l’usage constitue non pas un critère distinct de l’usage sérieux, mais l’une des composantes de cet usage, qui doit être intégrée dans l’analyse globale et être étudiée parallèlement aux autres composantes de celui-ci. À cet égard, les termes «dans la Communauté» visent à préciser le marché géographique de référence pour toute analyse de l’existence d’un usage sérieux d’une marque communautaire.

37      Il y a donc lieu, afin de répondre aux questions posées, de rechercher ce que recouvre l’expression d’«usage sérieux dans la Communauté», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

38      Le libellé de ladite disposition ne contient aucune référence au territoire des États membres. En revanche, il ressort clairement de celle-ci que la marque communautaire doit être utilisée dans la Communauté, ce qui signifie, en d’autres termes, que l’usage de cette marque dans des États tiers ne peut pas être pris en compte.

39      En l’absence d’autres précisions dans l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, il convient de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition ainsi que du système établi par la réglementation en cause et des objectifs poursuivis par celle-ci.

40      S’agissant des objectifs poursuivis par le règlement n° 207/2009, il résulte d’une lecture combinée de ses considérants 2, 4 et 6 que celui-ci vise à lever l’obstacle de la territorialité des droits que les législations des États membres confèrent aux titulaires des marques en permettant aux entreprises d’adapter leurs activités économiques aux dimensions de la Communauté et de les exercer sans entraves. La marque communautaire permet ainsi à son titulaire d’identifier ses produits ou ses services de manière identique dans l’ensemble de la Communauté, sans considération des frontières. En revanche, les entreprises qui ne désirent pas une protection de leurs marques à l’échelle de la Communauté peuvent choisir d’utiliser des marques nationales, sans être obligées de déposer leurs marques en tant que marques communautaires.

41      Pour réaliser ces objectifs, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec le considérant 3 de celui-ci, que la marque communautaire a un caractère unitaire, qui se traduit par le fait qu’elle jouit d’une protection uniforme et produit les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de la Communauté. Elle ne peut, en principe, être enregistrée ou transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits de son titulaire ou de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de la Communauté.

42      La finalité du système des marques communautaires est donc, ainsi que cela ressort du considérant 2 de ce règlement, d’offrir sur le marché intérieur des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national. Dans ce contexte, considérer qu’il convient de conférer, dans le cadre du régime communautaire des marques, une signification particulière aux territoires des États membres ferait échec à la réalisation des objectifs précisés au point 40 du présent arrêt et porterait préjudice au caractère unitaire de la marque communautaire.

43      Certes, il résulte de l’examen systématique du règlement n° 207/2009 qu’il est fait référence au territoire de l’un ou de plusieurs États membres dans le texte de certaines de ses dispositions. Cependant, il importe de relever que de telles références sont faites notamment dans le contexte de marques nationales, dans les dispositions relatives à la compétence et à la procédure concernant les actions en justice portant sur les marques communautaires ainsi que dans les règles portant sur l’enregistrement international, alors que l’expression «dans la Communauté» est généralement utilisée en relation avec les droits conférés par la marque communautaire.

44      Il résulte des considérations qui précèdent que, pour apprécier l’existence d’un «usage sérieux dans la Communauté», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres.

45      Cette interprétation ne saurait être infirmée par la déclaration commune dont il a été fait état au point 23 du présent arrêt et aux termes de laquelle «un usage sérieux au sens de l’article 15 dans un seul pays constitue un usage sérieux dans la Communauté» ni par les directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition qui contiennent en substance la même règle.

46      D’une part, quant à la déclaration commune, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une déclaration inscrite à un procès-verbal du Conseil ne trouve aucune expression dans le texte d’une disposition de droit dérivé, elle ne saurait être retenue pour l’interprétation de cette dernière (voir arrêts du 26 février 1991, Antonissen, C‑292/89, Rec. p. I-745, point 18; du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 25; du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, Rec. p. I-199, point 42, ainsi que du 19 avril 2007, Farrell, C‑356/05, Rec. p. I‑3067, point 31).

47      Le Conseil et la Commission ont d’ailleurs expressément reconnu cette limitation dans le préambule de ladite déclaration, selon laquelle «[l]es déclarations du Conseil et de la Commission dont le texte figure ci-dessous ne faisant pas partie du texte législatif, elles ne préjugent pas de l’interprétation de ce dernier par la Cour».

48      D’autre part, en ce qui concerne les directives de l’OHMI, il y a lieu de relever que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union.

49      De même, l’affirmation, avancée par certains intéressés ayant déposé des observations dans le cadre de la présente procédure, selon laquelle l’étendue territoriale de l’usage d’une marque communautaire ne peut en aucun cas être limitée au territoire d’un seul État membre ne saurait non plus prospérer. Cette affirmation est fondée sur l’article 112, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009 aux termes duquel il est possible de transformer une marque communautaire, dont le titulaire a été déchu de ses droits pour défaut d’usage, en une demande de marque nationale si, «dans l’État membre pour lequel la transformation a été demandée[,] la marque communautaire [a été] utilisée dans des conditions qui constituent un usage sérieux au sens de la législation dudit État membre».

50      Or, s’il est certes justifié de s’attendre à ce qu’une marque communautaire, en raison du fait qu’elle jouit d’une protection territoriale plus étendue qu’une marque nationale, fasse l’objet d’un usage sur un territoire plus vaste que celui d’un seul État membre pour que celui-ci puisse être qualifié d’«usage sérieux», il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, le marché des produits ou des services pour lesquels une marque communautaire a été enregistrée soit, de fait, cantonné au territoire d’un seul État membre. Dans un tel cas, un usage de la marque communautaire sur ce territoire pourrait répondre tout à la fois à la condition de l’usage sérieux d’une marque communautaire et à celle de l’usage sérieux d’une marque nationale.

51      Ainsi que l’a souligné Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, ce n’est que dans le cas où une juridiction nationale jugerait, compte tenu de toutes les circonstances de la cause, que l’usage dans un État membre était insuffisant pour constituer un usage sérieux dans la Communauté qu’il serait encore possible de transformer la marque communautaire en une demande de marque nationale, en application de l’exception prévue à l’article 112, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009.

52      Certains intéressés ayant soumis leurs observations à la Cour soutiennent également que, même s’il est fait abstraction des frontières des États membres au sein du marché intérieur, la condition de l’usage sérieux d’une marque communautaire exige que celle-ci soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de la Communauté, ce qui peut correspondre au territoire d’un État membre. Un tel critère résulterait, par analogie, des arrêts du 14 septembre 1999, General Motors (C‑375/97, Rec. p. I‑5421, point 28); du 22 novembre 2007, Nieto Nuño (C‑328/06, Rec. p. I‑10093, point 17), et du 6 octobre 2009, PAGO International (C‑301/07, Rec. p. I‑9429, point 27).

53      Cette argumentation ne saurait non plus être retenue. D’une part, ladite jurisprudence concerne l’interprétation des dispositions relatives à la protection élargie conférée aux marques jouissant d’une renommée ou d’une notoriété dans la Communauté ou au sein de l’État membre dans lequel elles ont été enregistrées. Or, ces dispositions poursuivent un objectif différent de l’exigence de l’usage sérieux, laquelle pourrait avoir pour conséquence le rejet de l’opposition ou même la déchéance de la marque, tel que prévu notamment à l’article 51 du règlement no 207/2009.

54      D’autre part, s’il est certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque communautaire soit utilisée sur un territoire plus important que les marques nationales, il n’est pas nécessaire que cet usage soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (voir, par analogie, en ce qui concerne l’étendue quantitative de l’usage, arrêt Ansul, précité, point 39).

55      Dès lors que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque repose sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas au juge national d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui lui est soumis, ne peut donc être fixée (voir, par analogie, ordonnance La Mer Technology, précitée, points 25 et 27, ainsi que arrêt Sunrider/OHMI, précité, points 72 et 77).

56      S’agissant de l’usage de la marque communautaire en cause dans l’affaire au principal, la Cour ne dispose pas des éléments factuels nécessaires lui permettant de donner à la juridiction de renvoi des indications plus concrètes quant à l’existence d’un usage sérieux ou non de ladite marque. Ainsi qu’il découle des considérations qui précèdent, il appartient à cette juridiction d’apprécier si la marque en cause est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de créer ou de conserver des parts de marché pour les produits ou les services protégés. Cette appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances pertinents au principal, tels que notamment les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier.

57      Il convient, dès lors, de répondre aux questions posées que l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier l’exigence de l’«usage sérieux dans la Communauté» d’une marque au sens de cette disposition, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres.

58      Une marque communautaire fait l’objet d’un «usage sérieux», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de maintenir ou de créer des parts de marché dans la Communauté pour les produits ou les services désignés par ladite marque. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si les conditions sont remplies dans l’affaire au principal, en tenant compte de l’ensemble des faits et des circonstances pertinents tels que, notamment, les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier.