L’opposition à un dépôt de marque communautaire peut être initiée par le titulaire d’une marque antérieure, mais le point 4 de l’article 8 du règlement prévoit également une opposition au regard « d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires ». Mais comment s’apprécie la titularité sur cet autre signe ? L’arrêt du 18 janvier 2012 du Tribunal de 1ère instance de l’Union illustre cette problématique.
Il s’agit de l’affaire T‑304/09, Tilda Riceland Private Ltd, établie à Gurgaon (Inde), contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). Ll’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant Siam Grains Co. Ltd, établie à Bangkok (Thailande).
4 novembre 2003 : Siam  Grains Co. Ltd, dépose une demande d’enregistrement de marque  communautaire 
pour « Riz à grains longs ».
10  décembre 2004 : United Riceland Private Ltd (devenue Tilda Riceland  Private Ltd ) forme opposition sur la base « du signe  antérieur BASMATI, utilisé dans la vie des affaires en relation avec le  riz », au regard de l’article 8,  paragraphe 4, du règlement.
L’arrêt précise que cette société « faisait valoir qu’elle  pouvait, en vertu du droit applicable au Royaume-Uni, empêcher l’usage  de la marque demandée, au moyen de l’action en usurpation d’appellation  (action for passing off) ».
28 janvier 2008 : la division d’opposition rejette l’opposition dans  son intégralité.
Autre précision apportée par l’arrêt, la division d’opposition « a considéré, en particulier, que la requérante  n’avait pas soumis de documents décrivant la manière dont le riz qu’elle  exporte vers le Royaume-Uni était commercialisé. Dans ces conditions,  la requérante aurait été en défaut de prouver qu’elle avait acquis le  « goodwill » nécessaire pour obtenir gain de cause, en vertu du droit  relatif à l’usurpation applicable au Royaume-Uni. »
20 mars 2008 : recours de United Riceland Private
19 mars 2009 : la  première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. cette chambre a en substance, considéré « que, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du  règlement n° 40/94, l’opposante devait démontrer qu’elle était titulaire  du droit fondant l’opposition. Or, en l’espèce, la requérante n’aurait  pas démontré qu’elle était titulaire du droit invoqué. »
 Et l’arrêt là aussi d’apporter cette précision sur le motif de ce rejet : « En particulier,  la chambre de recours a considéré que le terme « basmati » n’était pas  une marque ou un signe couverts par des droits de propriété, mais  simplement la désignation courante d’une variété de riz. Le terme  « basmati » serait générique. Par ailleurs, la chambre de recours a  souligné que, la propriété protégée par l’action en usurpation  d’appellation ne se référait pas au signe en cause, mais au  « goodwill ».  La chambre de recours a conclu que la requérante n’avait  pas démontré qu’elle détenait la propriété du terme « basmati » et que,  dès lors, l’opposition ne remplissait pas la condition – prévue par le  règlement n° 40/94 – relative à l’existence d’un droit de propriété. »
A priori, la situation est  assez confuse sinon complexe, est-il question d’établir un droit/un droit à agir au regard du droit britannique ou s’agit-il réellement d’établir dans un premier temps, l’existence d’un droit de propriété sur ce signe utilisé dans la vie des affaire, puis lors d’une seconde étape, une propriété sur celui-ci,  comme condition pour permettre l’opposition sur la base de l’article 8 point 4 ?
Voyons ce que dit le Tribunal.
- L’opposant doit détenir un droit sur le signe opposé 
 
Il en découle que l’une des conditions  d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 est  que l’opposant démontre qu’il est titulaire du signe invoqué au soutien  de son opposition. Cette condition implique que l’opposant prouve  l’acquisition de droits sur ledit signe…….Ces droits doivent permettre,  selon l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, d’interdire  l’utilisation d’une marque plus récente.
- C’est au regard du droit britannique que l’existence de ce droit et son acquisition sont à apprécier 
 
Par ailleurs,  et dans la mesure où la requérante invoque au soutien de son opposition  l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni,  il y a lieu de rappeler que le droit de l’État membre applicable, en  l’espèce, est le Trade Marks Act, 1994 (loi du Royaume-Uni sur les  marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose notamment :
« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché :
a)      en  raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à  l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque  non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires  […] »
19 Il  résulte de ce texte, tel qu’interprété par les juridictions nationales,  que l’opposant doit établir, conformément au régime juridique de  l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni,  que trois conditions sont satisfaites, à savoir le goodwill acquis  (c’est-à-dire la force d’attraction de la clientèle), la présentation  trompeuse et le préjudice causé au goodwill.
Et le Tribunal à défaut de savoir exactement sur quelle situation la chambre de recours s’est prononcée, un droit effectivement privatif, la reconnaissance d’un signe par la clientèle,une possibilité selon la loi britannique de s’opposer à une marque, semble bien exclure qu’une telle opposition exigeât un droit exclusif et privatif. 
..le fait que la requérante ait pu, dans les  motifs soutenant son opposition, associer le terme de « marque » au  signe invoqué, comme le relève la chambre de recours au considérant 19  de la décision attaquée, outre que cette circonstance peut résulter de  l’invocation d’une marque non enregistrée à l’appui de l’opposition, ne  saurait faire abstraction du fait que l’opposition était notamment  fondée sur un signe utilisé dans la vie des affaires. La chambre de  recours a d’ailleurs relevé ce motif d’opposition au considérant 16 de  la décision attaquée. Dans ce cadre, il y a lieu de considérer que la  circonstance invoquée par la chambre de recours selon laquelle le signe  BASMATI ne serait pas une marque ne signifie pas pour autant que la  requérante n’aurait pas acquis des droits sur ce signe, au sens de  l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, lu à la lumière du  droit national applicable en l’espèce. Plus particulièrement, concernant  l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le terme  « basmati » serait générique, il résulte de la jurisprudence nationale  qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir  acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à  l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il présenterait, à  l’origine, un caractère descriptif ou serait dépourvu de caractère  distinctif (arrêt LAST MINUTE TOUR, point 26 supra, point 84). Par  ailleurs, il résulte de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à  désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur  le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation  d’appellation, alors même qu’il est utilisé par plusieurs opérateurs  dans le cadre de leur activité commerciale (Chocosuisse Union des  fabricants suisses de chocolat & Ors v Cadbury Ltd. [1999] EWCA Civ  856). Cette forme dite « extensive » de l’action en usurpation  d’appellation, reconnue par la jurisprudence nationale, permet ainsi à  plusieurs opérateurs de disposer de droits sur un signe ayant acquis une  réputation sur le marché. La circonstance invoquée par la chambre de  recours, à la supposer avérée, n’est donc pas susceptible, à la lumière  du droit national applicable, d’infirmer le fait que l’opposant pourrait  avoir acquis des droits sur le signe invoqué.
- La décision de la chambre de recours est annulée 
 
la chambre de recours a commis une erreur en  rejetant l’opposition au motif que la requérante n’aurait pas démontré  qu’elle était titulaire du signe en cause, sans analyser précisément si  la requérante avait acquis des droits sur ledit signe en application du  droit du Royaume-Uni