A qui est destiné le lait de vache ?

 Des questions inattendues animent les débats sur les marques. Nouvelle illustration avec la demande de marque IT’S LIKE MILK BUT MADE FOR HUMANS dont la décision de refus d’enregistrement par l’EUIPO vient d’être annulée par un arrêt du 20 janvier 2020 du Tribunal de l’Union..

Pour l’Office européen des marques,  cette marque est comprise « comme un slogan promotionnel laudatif, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale desdits produits ».

Cette compréhension était selon l’EUIPO celle du public pertinent à savoir celui composé des consommateurs « souffrant d’intolérance au lactose, d’allergie au lait ou étaient végétaliens »

Pt 36. S’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que la première partie de la marque (« it’s like milk ») serait perçue comme indiquant que les produits commercialisés sont constitués ou contiennent des succédanés du lait qui s’apparentent au « vrai » lait et que la seconde partie de ladite marque (« but made for humans ») comme indiquant qu’ils sont plus adaptés à la consommation humaine que le « vrai » lait ou les produits en contenant. Elle a également relevé, au point 30 de la décision attaquée, l’absence d’écart perceptible entre la marque dans son ensemble et la conjonction de ses deux parties. Aux points 31 à 33 de la décision attaquée, elle a estimé que, perçue à la lumière des produits en cause, la marque demandée serait comprise comme un slogan promotionnel laudatif, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale desdits produits, et a mis en exergue la circonstance que certains consommateurs souffraient d’intolérance au lactose, d’allergie au lait ou étaient végétaliens.

Pour le déposant, la perception de la marque doit être menée par le grand public et non sur ces consommateurs spécifiques.

Pt.37. « le consommateur moyen du grand public est réputé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé et ne dispose, dès lors, pas d’opinion extrême ou minoritaire. Il percevrait le lait comme un aliment de base, sain et nourrissant. Il serait, dès lors, erroné de la part de la chambre de recours de se fonder sur une sous-section mineure de ce public. »

Et ce changement de référentiel pour le déposant serait essentiel car « la première perception du public pertinent ne sera pas que le lait de vache permet d’alimenter les veaux, mais qu’il est produit pour la consommation humaine. Il en découlerait que la phrase « it’s like milk but made for humans » remet en question la perception par le public pertinent du lait comme une substance à destination de l’être humain en évoquant l’idée, controversée, que le lait n’est pas adapté à la consommation humaine. Ainsi cette phrase, prise dans son entièreté, serait originale, imaginative, paradoxale, surprenante, mentalement stimulante et inattendue et, dès lors, susceptible de remplir la fonction essentielle d’une marque. »

Le Tribunal retient cette apparente contradiction;

44      S’agissant du sens de la marque demandée, force est de constater que, en raison de la présence de la conjonction de coordination « but » en son milieu, le consommateur percevra une opposition entre la première partie de la marque (« it’s like milk ») et sa seconde partie (« made for humans »). De ce fait, la marque demandée véhicule non seulement l’idée que les produits, de nature alimentaire, en cause s’apparentent au lait et sont destinés à la consommation humaine, mais également l’idée que le lait, lui, ne le serait pas.

45      Par une telle signification, la marque demandée remet en cause l’idée communément admise que le lait est un élément essentiel pour l’alimentation humaine, ainsi qu’en attestent les éléments de preuve avancés par la requérante devant la chambre de recours puis le Tribunal, dont il ressort que le lancement de la marque demandée a donné lieu à des controverses aux Pays-Bas, en Suède et au Royaume-Uni.

46      De ce fait, la marque demandée véhicule un message de nature à déclencher un processus cognitif auprès du public concerné la rendant mémorisable et, partant, à individualiser les produits de la requérante par rapport aux produits ayant une autre origine commerciale. La marque demandée dispose, dès lors, du minimum de caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

L’examen approfondi par l’Office des caractéristiques techniques du signe

Le 31 janvier 2018, le Tribunal rejette le recours contre la Chambre de l’Office qui a annulé une marque portant sur une forme technique. L’arrêt est là.

Le signe de la marque enregistrée puis annulée : Les produits visés à cet enregistrement : « Produits pharmaceutiques pour traitement de la démence du type Alzheimer »

Des différents moyens invoqués par la société titulaire de cet enregistrement, qui pourtant ne permettront pas d’annuler la décision,  retenons, ici, celui des éléments techniques que l’Office peut examiner;

Pour le titulaire de la marque, rien sur le signe tel que déposé ne permet de distinguer cel ui est le timbre de la pellicule protectrice

59.La requérante affirme que l’analyse, par la chambre de recours, de la prétendue fonction technique de la forme carrée de la pellicule protectrice est erronée. Elle invoque quatre arguments à l’appui de cette affirmation. En premier lieu, l’enregistrement, à lui seul, ne permettrait pas de déterminer laquelle des deux parties correspond au timbre ou à la pellicule protectrice. En deuxième lieu, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la forme carrée présente un avantage d’emballage et de stockage du produit fini ne serait étayée par aucun élément. En troisième lieu, en ce qui concerne l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la forme carrée présente une utilité supplémentaire en ce que les coins permettent de décoller et de détacher le timbre plus facilement que, par exemple, s’il avait une forme circulaire, aucun élément ne permettrait de parvenir à la conclusion selon laquelle la forme carrée présenterait plus d’avantages que d’autres formes. En quatrième lieu, la chambre de recours se serait contredite elle-même en prenant en considération le fait que les pellicules protectrices superposées en plastique étaient destinées à permettre au consommateur de retirer le timbre plus facilement, alors que la forme carrée n’était pas nécessaire à l’obtention de ce résultat technique.

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Pour le titulaire de la marque, rien sur le signe tel que déposé ne permet de distinguer ce qui est le timbre de la pellicule protectrice.

61      Tout d’abord, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’enregistrement, à lui seul, ne permet pas de déterminer laquelle des deux parties correspond au timbre ou à la pellicule protectrice, il convient de constater que l’autorité compétente peut effectuer un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, des éléments utiles à l’identification convenable des caractéristiques essentielles d’un signe et de leur fonction technique, y compris les éléments supplémentaires ayant trait à la fonction du produit concret en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, points 54 et 55, et du 10 novembre 2016, Simba Toys/EUIPO, C‑30/15 P, EU:C:2016:849, points 48 à 52).

62      D’abord, il ressort de ce qui précède que, en tenant compte, notamment, de la fonction du produit concret en cause pour déterminer quelle partie de la forme correspondait au timbre et quelle partie correspondait à la pellicule protectrice, la chambre de recours a effectué l’examen approfondi requis par la jurisprudence.

L’Office peut se référer aux pratiques techniques générales du secteur

63      Ensuite, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la forme carrée de la pellicule avait une fonction technique, dans la mesure où elle facilite l’emballage et le stockage des timbres transdermiques, qui sont emballés dans des pochettes, lesquelles, à leur tour, sont stockées dans des boites en carton rectangulaires. Cette conclusion se justifie par le fait que, en premier lieu, les boites en carton rectangulaires sont les types d’emballage et de stockage les plus utilisés dans le domaine médical et, en second lieu, les pellicules de forme rectangulaire sont courantes parmi les exemples de timbres présentés à l’EUIPO par la requérante. En outre, la requérante n’a pas fourni d’éléments de nature à infirmer cette conclusion.

64      Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours se contredit lorsqu’elle affirme que tant les pellicules protectrices superposées en plastique que la forme carrée sont destinées à permettre au consommateur de retirer le timbre plus facilement, il convient de constater que, même si elle était fondée, cela serait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que le prétendu décollement plus facile n’était qu’une fonctionnalité supplémentaire de la forme carrée du timbre identifiée par la chambre de recours.

65      Dès lors, il convient de rejeter cette première sous-branche comme étant non fondée.

 

Quel juge l’avocat doit-il saisir pour trancher un contentieux relatif à la propriété d’une marque ?

Quel juge l’avocat doit-il saisir pour trancher un contentieux relatif à la propriété d’une marque déposée au Bénélux et dont celui qui se dit propriétaire est allemand ?

Deux  articles du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale sont en cause.

La juridiction allemande ?

Article 2

  1. Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

Ou le juge de La Haye ?

Article 22

« Sont seuls compétents, sans considération de domicile:

4) en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument communautaire ou d’une convention internationale.

..

La réponse est donnée par l’arrêt de la Cour de Justice du 5 octobre 2017. Sa présentation est ici.

Nullité d’une décision de la Chambre de recours de l’OHMI pour défaut de motivation relevé d’office

Le contentieux de l’annulation de la marque communautaire peut être engagé devant un tribunal de grande instance ou devant l’OHMI. L’OHMI, ses divisions d’opposition et ses chambres de recours appliquent des règles spécifiques de procédures  sous le contrôle du Tribunal et de la Cour de justice.

L’ arrêt du 28 janvier 2016 du Tribunal montre la grande vigilance de cette juridiction qui se saisit d’office. Cette « auto-saisine » est d’autant plus remarquable qu’elle va même à l’encontre d’un des motifs invoqués par le requérant à l’annulation de la décision de la Chambre de recours, décision qui sera donc annulée mais pour un autre motif celui de l’absence de motivation suffisante. L’ arrêt est là.

  • Le rappel du principe de motivation

52 ….. il doit être rappelé que, conformément à l’article 75 du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision

53 Par ailleurs, la constatation d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union

54 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation, pour le juge de l’Union, de relever d’office un moyen d’ordre public doit être exercée à la lumière du principe du contradictoire. Il est de jurisprudence constante que, hors les cas particuliers tels que, notamment, ceux prévus par les règlements de procédure des juridictions de l’Union, le juge de l’Union ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ledit

  • ici le contrôle du principe de motivation s’applique à une affaire complexe où la marque communautaire dont l’annulation est demandée, porte sur un nom patronymique dont le titulaire est une société qui porte ce même nom comme dénomination sociale car créée historiquement par une société issue d’une société familiale identifiée sous ce même nom et … dont un descendant est le requérant à l’annulation …

…..afin de déterminer à quoi la chambre de recours s’est référée en mentionnant le « nom ‘Gugler’ » et sur quels éléments elle a fondé son raisonnement (point 30 de la décision attaquée), il n’est possible que d’émettre des hypothèses.

84 En second lieu, il doit être remarqué que la chambre de recours a écarté les faits repris au point 30 de la décision attaquée, lesquels correspondaient aux arguments avancés par la requérante, résumés au point 7 de la décision attaquée, en se contentant de les mentionner et d’indiquer que lesdits arguments n’altéraient pas sa conclusion. Elle n’a fourni aucune explication quant aux motifs pour lesquels ces arguments ne modifiaient pas sa conclusion, que ce soit explicitement ou implicitement, dans la mesure où il ne ressort pas de ladite décision que les arguments en question ont été examinés dans une quelconque partie de cette décision.

85 Partant, aux fins de répondre à l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a considéré à tort que les faits mentionnés au point 30 de la décision attaquée n’altéraient pas sa conclusion, alors que, au contraire, ils auraient témoigné de la mauvaise foi de Gugler GmbH lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il n’est possible que d’émettre des hypothèses quant au raisonnement tenu par la chambre de recours.

86 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence citée aux points 52 à 54 ci-dessus, le Tribunal a décidé d’examiner d’office le respect, par la chambre de recours, de son obligation de motivation et il a invité les parties, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, à s’exprimer sur cette question lors de l’audience. En particulier, les parties ont été invitées à indiquer si elles estimaient que la décision attaquée permettait de déterminer les raisons pour lesquelles la chambre de recours avait rejeté les arguments invoqués par la requérante au soutien de sa demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, ces arguments étant mentionnés au point 7 de la décision attaquée et repris au point 30 de celle-ci.

87 Lors de l’audience, l’OHMI a soutenu qu’il devait être considéré que la chambre de recours avait accordé une importance décisive au fait que Gugler GmbH utilisait le « signe Gugler’ » depuis de nombreuses années.
88 Or, à cet égard, il a déjà été indiqué que la chambre de recours n’avait pas précisé à quoi elle entendait se référer par la mention de l’expression « nom ‘Gugler’ » (voir point 80 à 83 ci-dessus).

89 En outre, ne ressortent pas de manière suffisante de la décision attaquée les raisons pour lesquelles, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 70 à 76 ci-dessus et aux circonstances en l’espèce, il devait être accordé une importance décisive à une telle utilisation du « signe Gugler ».

90 Certes, ainsi que l’OHMI l’a souligné lors de l’audience, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et au juge de l’Union de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle

91 Or, la seule explication de la chambre de recours consistant à indiquer que « [d]emander l’enregistrement d’une marque communautaire aurait, dès lors, constitué une initiative logique et totalement justifiée » ne peut suffire afin de comprendre en quoi, en présence de relations, à tout le moins d’affaires, entre la requérante et Gugler GmbH, les divers éléments avancés par la requérante et mentionnés par la chambre de recours (voir point 79 ci-dessus) étaient dépourvus de pertinence.

92 Dans ces circonstances, il doit être constaté que la chambre de recours n’a pas motivé à suffisance de droit la décision attaquée en omettant, d’une part, de préciser à quoi elle se référait en mentionnant le « nom ‘Gugler’ », cet élément semblant avoir constitué un point essentiel de son analyse, et, d’autre part, d’expliciter en quoi les arguments invoqués par la requérante, résumés au point 7 de la décision attaquée et repris par la chambre de recours au point 30 de ladite décision, n’altéraient pas sa conclusion relative à l’absence de mauvaise foi du déposant de la marque contestée.
….
94 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, en ce que la chambre de recours a violé l’obligation de motivation que lui impose l’article 75 du règlement n° 207/2009 lorsqu’elle a statué sur le motif de nullité invoqué par la requérante fondé sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

Une marque tridimensionnelle validée par le Tribunal, mais quel signe ? Le Rubik’s Cube est une cage noire !

L’arrêt du 25 novembre 2014 du TPIE réjouira ceux qui militent pour des marques tridimensionnelles, mais cet arrêt suscite bien des interrogations.

Déposée pour « Puzzles en trois dimensions » , la demande de marque communautaire est accordée  avec comme signe :

Cette marque a été enregistrée en 1999 par l’OHMI.

En 2006, une demande en nullité est présentée à l’OHMI, de rejet en recours rejeté, l’affaire vient devant le Tribunal qui va aussi rejeter le recours.

De ce long arrêt du 25 novembre 2014, quelques développements peuvent être cités qui laissent de nombreuses questions en suspend.

48      Dans un second temps, il y a lieu d’apprécier si les caractéristiques essentielles susvisées de la marque contestée répondent toutes à une fonction technique des produits concernés.

49      Au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours, tout d’abord, a indiqué qu’il ressortait d’une jurisprudence constante que, « en application de l’article 7, paragraphe 1, [sous e), ii), du règlement n° 40/94], les causes de nullité d’une marque tridimensionnelle [devaient] s’appuyer exclusivement sur l’examen de la représentation de la marque telle qu’elle [avait] été déposée et non sur des caractéristiques invisibles alléguées ou supposées ». Ensuite, elle a constaté que les représentations graphiques de la marque contestée « ne [suggéraient] aucune fonction particulière, même lorsque les produits, à savoir les ‘puzzles en trois dimensions’ [étaient] pris en considération ». Elle a estimé qu’elle ne devait pas tenir compte de la capacité « bien connue » de rotation des bandes verticales et horizontales du puzzle dénommé « Rubik’s cube » et retrouver, « de manière illégitime et rétroactive », la fonctionnalité dans les représentations. Selon la chambre de recours, la structure cubique en grille ne donne aucune indication sur sa fonction, ni même sur l’existence d’une fonction quelconque, et « [il] est impossible de conclure qu’elle puisse apporter un avantage ou un effet technique quelconque dans le domaine des puzzles en trois dimensions ». Elle a ajouté que la forme était régulière et géométrique, et qu’elle ne contenait « aucun indice sur le puzzle qu’elle [incarnait] ».

50      En premier lieu, la requérante conteste cette analyse en faisant valoir, dans le cadre des première, deuxième et septième branches du présent moyen, que la présence d’interstices aux extrémités des lignes noires suggère clairement que ces lignes sont destinées à séparer les uns des autres des « éléments individuels plus petits du cube » qui peuvent être bougés et, singulièrement, faire l’objet de mouvements de rotation. Lesdites lignes seraient, dès lors, « attribuables à des fonctions techniques » au sens du point 84 de l’arrêt Philips, point 27 supra (EU:C:2002:377). Elle ajoute qu’il ressort de cet arrêt que la question pertinente n’est pas de savoir si les caractéristiques essentielles de la marque ont effectivement une fonction technique, mais si « un produit technique doté de certaines caractéristiques techniques présenterait les caractéristiques [essentielles] en question, en conséquence de ses caractéristiques techniques ». Or, en l’espèce, les lignes noires seraient précisément la conséquence d’une fonction technique, à savoir la capacité de rotation d’éléments individuels du cube en cause.

51      À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante prétend tout à la fois que les lignes noires exécutent une fonction technique et qu’elles sont la conséquence d’une telle fonction. Lors de l’audience, invitée par le Tribunal à clarifier sa position à cet égard, elle a affirmé, d’une part, que les lignes noires remplissaient une fonction de « séparabilité », laquelle fonction serait une « précondition » pour la mobilité des éléments individuels du cube en cause, et, d’autre part, qu’il existait une « corrélation » entre la solution technique concernée et les lignes noires.

52      D’une part, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle les lignes noires sont la conséquence d’une prétendue capacité de rotation d’éléments individuels du cube en cause.

53      En effet, tout d’abord, cette allégation est dénuée de pertinence, dès lors que, ce qu’il faut établir pour que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 puisse trouver à s’appliquer, c’est que les caractéristiques essentielles de la marque en cause remplissent elles-mêmes la fonction technique du produit en cause et ont été choisies pour remplir cette fonction, et non qu’elles sont le résultat de celle-ci. Ainsi que le soutient à juste titre l’OHMI, il ressort des points 79 et 80 de l’arrêt Philips, point 27 supra (EU:C:2002:377), que c’est en ce sens qu’il faut comprendre l’affirmation de la Cour figurant au point 84 du même arrêt, selon laquelle un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit n’est pas susceptible d’enregistrement s’il est démontré que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de cette forme sont attribuables uniquement au résultat technique. Cela est encore corroboré par l’interprétation donnée par le Tribunal, au point 43 de l’arrêt Brique de Lego rouge, point 27 supra (EU:T:2008:483), de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 (voir point 31 ci-dessus), selon laquelle le motif de refus prévu par cette disposition ne s’applique que lorsque la forme du produit est « techniquement causale et suffisante à l’obtention du résultat technique visé », interprétation confirmée par la Cour aux points 50 à 58 de l’arrêt Lego Juris/OHMI, point 32 supra (EU:C:2010:516).

54      Ensuite, ladite allégation n’est, en tout état de cause, pas fondée. En effet, ainsi que l’a souligné l’intervenante dans ses écritures et lors de l’audience, il est tout à fait possible qu’un cube dont les faces, ou d’autres éléments, peuvent faire l’objet de mouvements de rotation ne comporte pas de lignes de séparation visibles. Il n’existe donc pas de lien nécessaire entre, d’une part, une telle éventuelle capacité de rotation, ou même une quelconque autre possibilité de mouvoir certains éléments du cube en cause, et, d’autre part, la présence, sur les faces dudit cube, de lignes noires épaisses ou, a fortiori, d’une structure en grille du type de celle figurant sur les représentations graphiques de la marque contestée.

55      Enfin, il convient de rappeler que la marque contestée a été enregistrée pour les « puzzles en trois dimensions » en général, à savoir sans se limiter à ceux ayant une capacité de rotation, lesquels n’en constituent qu’un type particulier parmi nombre d’autres. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, comme elle l’a confirmé à l’audience en réponse à une question du Tribunal, l’intervenante n’a pas joint à sa demande d’enregistrement une description dans laquelle il aurait été précisé que la forme en cause comportait une telle capacité.

56      D’autre part, doit également être rejetée l’allégation de la requérante selon laquelle les lignes noires remplissent une fonction technique, en l’occurrence séparer les uns des autres des éléments individuels du cube en cause afin que ceux-ci puissent être bougés et, singulièrement, faire l’objet de mouvements de rotation.

Mais la question n’est –elle pas de savoir ce que représente ce signe ?

57      ………le cube en cause sera nécessairement perçu comme comportant des éléments susceptibles de faire l’objet de tels mouvements (voir point 22 ci-dessus). À supposer même qu’un observateur objectif puisse déduire des représentations graphiques de la marque contestée que les lignes noires ont pour fonction de séparer les uns des autres des éléments mobiles, il ne pourra pas saisir précisément si ceux-ci sont destinés, par exemple, à faire l’objet de mouvements de rotation ou à être désassemblés, pour, ensuite, être réassemblés ou permettre la transformation du cube en cause en une autre forme.

58      En réalité, l’argumentation de la requérante, ainsi qu’il ressort des écritures de cette dernière, repose essentiellement sur la connaissance de la capacité de rotation des bandes verticales et horizontales du Rubik’s cube. Or, il est clair que cette capacité ne saurait résulter des lignes noires en tant que telles ni, plus globalement, de la structure en grille qui figure sur chacune des faces du cube en cause, mais tout au plus d’un mécanisme interne à celui-ci, invisible sur les représentations graphiques de la marque contestée, et qui, comme il est d’ailleurs constant entre les parties, ne saurait constituer une caractéristique essentielle de cette marque.

Que voyez-vous dans cette marque, partagez-vous l’analyse du Tribunal ? une marque à multifacettes qui n’est qu’une cage noire !

44      En l’espèce, ainsi qu’il est constaté au point 28 de la décision attaquée, la demande d’enregistrement de la marque contestée contient la représentation graphique, sous trois perspectives différentes, d’un cube dont chaque face présente une structure en grille formée par des bords de couleur noire divisant la face en neuf carrés de même dimension et disposés en tableau de trois sur trois. Quatre lignes noires épaisses, à savoir les lignes noires (voir point 21 ci-dessus), dont deux sont placées à l’horizontale et les deux autres à la verticale, quadrillent l’intérieur de chacune des faces dudit cube. Comme il est relevé à juste titre au point 21 de la décision attaquée, ces différents éléments donnent à la marque contestée l’apparence d’une « cage noire ».

L’arrêt est ici