Marque pour désigner des plantes, des rosiers et son caractère usuel au jour du dépôt de l’enregistrement

L’arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 intervient à propos de différents enregistrements de marques internationales pour désigner des plantes. L’emploi usuel par les professionnels du signe pour désigner les produits à la date du dépôt entraine la nullité de l’enregistrement de la marque.

  • La chronologie

En 1987 et en 1988, la société H….. dépose aux Pays-Bas les marques internationales, désignant la France, « Mary Rose », « Abraham Derby », « Graham Thomas », « Héritage » et « William Shakespeare », s’appliquant à des plantes vivantes et à leurs parties ;

6 mai 1999 : cession de la marque « Mary Rose » à la société X…;

28 avril 1999 : dépôt par la société X …………… aux Pays Bas des marques internationales, désignant la France, « Abraham Derby », « Graham Thomas », « Héritage » et « William Shakespeare », pour des produits végétaux, notamment des rosiers,

Action en contrefaçon par la société X ……….. sur la base de ses cinq marques l’encontre de la société  B…….

La société B………… oppose la nullité des marques.

La Cour de Lyon annule les marques.

Pourvoi en cassation :

  • Pour quatre marques qui ont été annulées par la cour d’appel, le pourvoi est rejeté :

Attendu que les sociétés X… et H…font grief à l’arrêt d’avoir déclaré nulles les marques revendiquées par la société X… à l’encontre de la société B……. pour défaut de caractère distinctif et pour avoir été déposées en violation des dispositions de l’arrangement de Madrid, alors, selon le moyen, que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénomination qui dans le langage courant ou professionnel sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ; que pour retenir l’absence de caractère distinctif des marques « Abraham Derby », « Graham Thomas », « Héritage » et « William Shakespeare », la cour d’appel s’est bornée à affirmer qu’en 1999, lors du dépôt des marques par la société X…, « ces dénominations étaient devenues usuelles dans le langage professionnel et dans le langage courant » ; qu’en se bornant, pour tout motif, à l’affirmation péremptoire du caractère usuel des dénominations, sans indiquer sur quels éléments elle se fondait pour porter une telle appréciation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que des revues et ouvrages utilisaient les dénominations « Abraham Derby », « Graham Thomas », « Héritage » et « William Shakespeare » pour désigner de manière usuelle, dans le langage professionnel et courant, des variétés de rosiers, le moyen manque en fait ;

  • Mais pour la cinquième marque, la cassation intervient :

Attendu que la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;

Attendu que pour annuler la marque « Mary Rose » l’arrêt retient qu’au moment de son dépôt, cette dénomination présentait, dans le langage professionnel, un caractère usuel pour désigner une variété de rosier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, dans son arrêt du 3 mars 2009, la Cour de cassation, après avoir jugé que le quatrième moyen du pourvoi, qui faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel du 4 octobre 2007 d’avoir dit valable la marque « Mary Rose », ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi, a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu’il avait déclaré valables les parties françaises des marques « Abraham Derby », « Graham Thomas », « Héritage » et « William Shakespeare », la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Ce n’est donc pas pour un moyen tiré du droit des marques que cette cassation partielle intervient.

 

 

 

Action en nullité d’une marque communautaire devant l’OHMI : qui « parle » le grec écrit en caractères latins ?

Action en nullité d’une marque communautaire devant l’OHMI : qui parle le grec écrit en caractères latins ?

L’OHMI est compétent sur une action en nullité de marque communautaire. Ce contentieux apporte à l’office des aspects linguistiques qui avaient pu lui échapper lors de l’examen de la demande de la marque communautaire. L’arrêt rendu le 21 février 2013 par le Tribunal de l’Union européenne présente un intérêt en ce qu’il se réfère au(x) public(s) grec et helléniste. Sans aucun doute possible, la meilleure raison pour que la Grèce reste dans l’Union Européenne !

L’arrêt du 21 février 2013 du Tribunal. T‑427/11

  • 15 avril 2003 : dépôt par Laboratoire Bioderma d’une demande d’enregistrement de la marque communautaire BIODERMA.
  • 5 juin 2007 : enregistrement de la marque communautaire.

POUR

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparation pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles ; cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébé ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants, produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides et herbicides » ;

–        classe 44 : « Services de salons de beauté, de coiffure ; services de conseils en matière d’hygiène et de soins ; services de conseils en matière de cosmétologie et de dermatologie, de soin du corps et de beauté ».

  • 13 décembre 2007 : Cabinet Continental demande la nullité de la marque BIODERMA

POUR

–         classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparation pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles ; cosmétiques, lotions pour les cheveux » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, hygiéniques, substances diététiques à usage médical ; emplâtres, matériel pour pansements désinfectants » ;

–        classe 44 : « Services de salons de beauté, de coiffure ; services de conseils en matière d’hygiène et de soins ; services de conseils en matière de cosmétologie et de dermatologie, de soin du corps et de beauté ».

  • 27 mai 2009 : la division d’annulation de l’OHMI rejette la demande en nullité.
  • 27 juillet 2009 : recours du Cabinet Continental.
  • 28 février 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI accepte le recours et annule la marque communautaire BIODERMA en considérant « que la marque en cause pouvait être comprise par le public hellénophone comme désignant des caractéristiques essentielles des produits et des services concernés »
  • 21 février 2013 : le Tribunal rejette le recours des Laboratoires Bioderma.

Sur la détermination du public pertinent : le public grec héllénophone

18      Il ressort, certes, de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur la perception de la marque BIODERM A en Grèce pour conclure qu’elle avait été enregistrée en violation de l’article 7 du règlement n° 207/2009 et procéder à son annulation, alors que la division d’annulation ne s’était pas prononcée sur la perception de ladite marque par le public hellénophone.

19      Il convient cependant d’observer que, d’une part, l’origine grecque des éléments verbaux « bio » et « derma » constituant la marque en cause a été amplement discutée par les parties au cours de la procédure administrative et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 précise clairement qu’il est suffisant qu’un motif de refus existe dans une partie de la Communauté. Dans ces conditions, l’éventualité d’une prise en compte par la chambre de recours de la perception de la marque en cause par le public hellénophone s’apparente à une hypothèse que le requérant pouvait raisonnablement envisager. Il peut donc en être déduit que, dans les circonstances de l’espèce, la chambre de recours ne s’est pas fondée sur un motif sur lequel les parties n’ont pas été à même de prendre position.

– La perception par le public hellénophone

42      En ce qui concerne la perception de la marque en cause par le public pertinent, il convient de relever qu’il est constant que ladite marque est constituée par un néologisme composé de la juxtaposition des éléments verbaux « bio » et « derma ».

43      Dans la mesure où la marque en cause est formée de caractères latins, il y a lieu de rappeler que les translittérations en caractères latins de mots grecs doivent être assimilées, aux fins notamment de l’examen des motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009, aux mots écrits en caractères grecs…

44      En ce qui concerne le sens de l’élément verbal « derma », il ressort de l’étude linguistique elle-même qu’il est utilisé pour la formation d’adjectifs qualifiant la texture, la couleur ou une autre caractéristique de la peau.

45      En ce qui concerne le sens de l’élément verbal « bio », il est souligné dans l’étude linguistique que sa fonction première est d’indiquer un rapport avec la vie, les êtres vivants et leur étude ou encore des secteurs de production utiles pour l’homme.

Principe de priorité, action en nullité d’une marque communautaire ou action en interdiction de l’utiliser au regard d’une marque communautaire antérieure : une nouvelle voie qui ne passera pas nécessairement par Alicante

Les actions principales en nullité de marque communautaire sont à porter à l’OHMI (article 52 et suivants du règlement 207/2009). Mais l’action en interdiction même fondée sur une marque communautaire peut être engagée devant un Tribunal des marques communautaires par exemple à Paris. Quand le présumé contrefacteur a une marque communautaire seconde en date et qu’il l’utilise en France fallait-il aller d’abord à Alicante ? L’arrêt du 21 février 2013 nous dirait-il que l’action parisienne suffit ?

  • L’arrêt rendu par la Cour de Justice dans l’affaire C‑561/11 nous dit ceci

L’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire, doit être interprété en ce sens que le droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire d’interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires des signes identiques ou similaires à sa marque s’étend au tiers titulaire d’une marque communautaire postérieure, sans qu’il soit nécessaire que la nullité de cette dernière marque soit déclarée au préalable.

  • Voyons sa motivation et comprenons bien ce que cela signifie :

Sur le fond

32      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, du règlement doit être interprété en ce sens que le droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire d’interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires des signes identiques ou similaires à sa marque s’étend au tiers titulaire d’une marque communautaire postérieure, sans qu’il soit nécessaire que la nullité de cette dernière marque soit déclarée au préalable.

33      Il importe de relever, tout d’abord, que l’article 9, paragraphe 1, du règlement ne fait pas de différence selon que le tiers est titulaire d’une marque communautaire ou ne l’est pas. Ainsi, cette disposition reconnaît au titulaire d’une marque communautaire un droit exclusif qui l’habilite à interdire à «tout tiers», en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, de signes susceptibles de porter atteinte à sa marque

……….

37      Il ressort ainsi du libellé de l’article 9, paragraphe 1, du règlement et de l’économie générale de ce dernier que le titulaire d’une marque communautaire doit pouvoir interdire au titulaire d’une marque communautaire postérieure de faire usage de celle-ci.

38      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que le titulaire d’une marque communautaire postérieure bénéficie, lui aussi, d’un droit exclusif en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement.

39      À cet égard, il convient de relever que, ainsi que la Commission européenne l’a fait valoir dans ses observations, les dispositions du règlement doivent être interprétées à la lumière du principe de priorité, en vertu duquel la marque communautaire antérieure prime sur la marque communautaire postérieure (voir, par analogie, arrêt Celaya Emparanza y Galdos Internacional, précité, point 39).

40      En effet, il découle notamment des articles 8, paragraphe 1, et 53, paragraphe 1, du règlement que, en cas de conflit entre deux marques, celle enregistrée en premier lieu est présumée réunir les conditions requises pour obtenir la protection communautaire avant celle enregistrée en second lieu.

41      Il convient de rejeter, en outre, l’argumentation de la FCIPPR selon laquelle les caractéristiques de la procédure d’enregistrement des marques communautaires exigent que lorsque, à l’issue de cette procédure, l’enregistrement de la marque est accordé, ladite marque confère à sont titulaire un droit d’utilisation qui ne peut être remis en cause que par une action en nullité auprès de l’OHMI ou sur demande reconventionnelle dans le cadre d’une action en contrefaçon.

42      Il est certes vrai que la procédure d’enregistrement des marques communautaires, telle qu’établie aux articles 36 à 45 du règlement, comporte un examen de fond visant à déterminer préalablement à l’enregistrement si la marque communautaire remplit les conditions d’obtention de la protection.

43      Cette procédure prévoit de plus une phase de publication dans laquelle les tiers peuvent adresser à l’OHMI des observations écrites précisant les motifs selon lesquels la marque devrait être refusée d’office à l’enregistrement, ainsi que la possibilité pour les titulaires des marques antérieures de former opposition à l’enregistrement de la marque dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque communautaire, en alléguant notamment les motifs relatifs de refus visés à l’article 8 du règlement.

44      Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 32 et 42 de ses conclusions, ces circonstances ne sont pas déterminantes.

……

47      D’autre part, la Cour a déjà jugé, dans le cadre du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p.1), que les actions en matière de contrefaçon et celles en matière de nullité se distinguent par leur objet et par leurs effets, de sorte que la possibilité pour le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré antérieur d’introduire une action en contrefaçon contre le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré postérieur n’est pas de nature à vider de sens l’introduction d’une demande en nullité auprès de l’OHMI contre ce dernier (arrêt Celaya Emparanza y Galdos Internacional, précité, point 50).

48      Cette constatation est transposable mutatis mutandis au contexte des marques communautaires, de telle sorte qu’il convient de considérer que la possibilité, pour le titulaire d’une marque communautaire antérieure, d’introduire une action en contrefaçon contre le titulaire d’une marque communautaire postérieure ne saurait vider de sens ni l’introduction d’une demande en nullité auprès de l’OHMI ni les mécanismes de contrôle préalable disponibles dans le cadre de la procédure d’enregistrement des marques communautaires.

…..

51      Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 43 et 44 de ses conclusions, si le titulaire d’une marque communautaire antérieure devait, pour interdire l’usage, par un tiers, d’un signe qui porterait atteinte aux fonctions de sa marque, attendre la déclaration de nullité de la marque communautaire postérieure dont ledit tiers est titulaire, la protection que l’article 9, paragraphe 1, du règlement lui confère serait considérablement affaiblie.

52      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 9, paragraphe 1, du règlement doit être interprété en ce sens que le droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire d’interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires des signes identiques ou similaires à sa marque s’étend au tiers titulaire d’une marque communautaire postérieure, sans qu’il soit nécessaire que la nullité de cette dernière marque soit déclarée au préalable.

 

Quand l’OHMI enregistre une marque qui porte atteinte au drapeau de la commission européenne « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas », et que celle-ci rencontre quelques difficultés dans la procédure en annulation de cette marque communautaire

Les emblèmes étatiques constituent des obstacles absolus à une demande de marque communautaire. L’intérêt de l’arrêt du 15 janvier 2013  est encore plus grand quand il s’agit de l’emblème de l’Union Européenne et qu’il s’applique à l’action de la Commission européenne qui a eu quelques difficultés avec la procédure en annulation de la marque communautaire. Affaire T‑413/11, Welte-Wenu GmbH contre (OHMI) et en intervention : la Commission européenne

 

4 avril 2001 : Welte-Wenu GmbH dépose la marque communautaire sur le signe figuratif suivant :

Pour

–        classe 7 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules et machines, autres que pour véhicules terrestres » ;

–        classe 12 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules terrestres ».

8 octobre 2001 : publication de la demande de marque communautaire.

9 avril 2002 : enregistrement de la marque communautaire.

4 février 2009 : La Commission des communautés européennes engage devant l’OHMI une action en nullité de la marque en invoquant que la marque en cause consistait en une « imitation au point de vue héraldique » des emblèmes dont le drapeau de l’Union européenne et le logo

30 juin 2010 : la division d’annulation rejette la demande de la Commission.

17 août 2010 : recours de la Commission.

12 mai 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’annulation et annule la marque communautaire.

Recours de Welte-Wenu GmbH que le Tribunal va rejeter sauf pour la condamnation d’une partie des dépens.

 

  • Quelques problèmes de procédure pour la Commission : Welte-Wenu GmbH conteste que la Commission ait dès sa demande initiale fondée correctement sa demande sur « la probabilité de l’établissement, par le public concerné, d’un lien entre la marque visée par la demande en cause et l’organisation internationale intergouvernementale concernée ».

 

22      En l’espèce, il convient de relever qu’il résulte de la lecture de la demande en nullité, telle qu’elle figure dans le dossier de la procédure devant l’OHMI transmis au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, que la Commission avait bien invoqué, à l’appui de sa demande, la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public concerné, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union. En particulier, la Commission a relevé que la couronne d’étoiles, l’arrangement de couleurs et le mot « european » (européen), utilisés dans la marque en cause, étaient de nature à tromper le public qui pouvait croire que les « services » protégés provenaient de l’Union ou d’une entité autorisée par celle‑ci, ou qu’ils étaient contrôlés ou garantis par l’Union. Cette argumentation est d’ailleurs résumée par la division d’annulation, au point 6 de sa décision. Il résulte en outre du point 29 de la même décision, que la division d’annulation a compris que l’allusion de la Commission à des « services », alors que la marque en cause ne visait que des produits, résultait d’une erreur évidente et qu’il convenait de comprendre l’argumentation de la Commission en ce sens qu’elle visait la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public pertinent, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne.

23      Il résulte également de la lecture de la demande en nullité de la Commission, que celle‑ci avait fait référence, à l’appui de son argumentation, à l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA) (T‑127/02, Rec. p. II‑1113; ci‑après l’ « arrêt ECA »). Toutefois, en raison d’une autre erreur évidente, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un arrêt de la Cour et elle a fait référence à un numéro d’affaire inexact (C‑127/02). La division d’annulation a, néanmoins, compris que la Commission invoquait l’arrêt ECA et, au point 29 de sa décision, elle a rectifié les erreurs de la Commission en indiquant la citation correcte de cet arrêt.

24      Il convient de rappeler également que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 76 du règlement n° 207/2009, au même titre que l’article 74 du règlement n° 40/94, qui était applicable au moment de la présentation de la demande en nullité de la Commission et dont le contenu est identique, ne fait pas obstacle à ce que les instances de l’OHMI fondent leur décisions, outre sur les faits et les preuves présentés par les parties, sur des faits notoires

……

26      Il est certes vrai que, pour démontrer la probabilité que le public établisse un lien entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne, elle s’est bornée à faire référence à « la grande variété des services et des produits que peuvent offrir le Conseil de l’Europe et l’Union européenne » en renvoyant, à cet égard, à l’arrêt ECA, point 23 supra, sans avancer une autre preuve de cette dernière affirmation. Toutefois, ainsi qu’il ressort, précisément, de l’arrêt ECA, point 23 supra (point 68), cette affirmation était fondée sur un fait notoire qui peut être considéré comme prouvé sans référence à des éléments concrets.

…..

33      S’agissant de la directive 2007/46, il est certes exact que la Commission ne l’avait pas évoquée dans la demande en nullité et qu’elle y a fait référence, pour la première fois, dans son mémoire devant la chambre de recours. Il n’en reste pas moins que cette directive ne saurait être regardée comme un élément de preuve que les parties devant la chambre de recours doivent produire en temps utile. Cette directive, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, constitue un élément du droit de l’Union et fait, dès lors, partie des données de droit dont les parties peuvent faire état à n’importe quel stade de la procédure devant l’OHMI et que ce dernier non seulement peut, mais, le cas échéant, doit prendre en considération d’office….. Bien que cette directive ne porte pas sur le droit de la propriété intellectuelle, mais sur la réception des véhicules à moteur et de leurs composants, l’OHMI, qui, aux termes de l’article 115, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, est un organisme de l’Union, ne saurait être censé ignorer le droit de l’Union.

 

  • L’héraldisme s’accompagne d’une description « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas ». Comment apprécier le risque de confusion entre l’azur et le bleu ? Mais l’héraldisme ne distingue pas les tons des couleurs.

37      L’interdiction d’imitation d’un emblème concerne cependant uniquement les imitations de celui-ci du point de vue héraldique, c’est‑à‑dire celles qui réunissent les connotations héraldiques qui distinguent l’emblème des autres signes. Ainsi, la protection contre toute imitation du point de vue héraldique se réfère non à l’image en tant que telle, mais à son expression héraldique. Aussi y a‑t‑il lieu, afin de déterminer si la marque comprend une imitation du point de vue héraldique, de considérer la description héraldique de l’emblème en cause. Il y a toutefois lieu de préciser que toute différence entre la marque concernée et l’emblème, détectée par un spécialiste de l’art héraldique, ne sera pas nécessairement perçue par le consommateur moyen qui, en dépit de différences au niveau de certains détails héraldiques, peut voir dans la marque une imitation de l’emblème en question…

….

39      En l’espèce, la chambre de recours a commencé par procéder, aux points 32 à 41 de la décision attaquée, à une comparaison entre l’emblème QO 0927 reproduit au point 8 ci‑dessus (ci‑après, le « drapeau européen ») et la marque en cause. Elle s’est d’abord référée à la description héraldique du drapeau européen telle que produite par la Commission. Cette description, qui figure également au point 43 de l’arrêt ECA, point 23 supra, est rédigée en les termes suivants :

« Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas. »

….

41      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé ce qui suit :

« Dans le domaine de l’héraldique, la couleur ‘bleue’ existe ; c’est donc la même couleur qui est utilisée dans les deux cas. La différence entre la couleur ‘azur’ et le ton de bleu utilisé par la marque communautaire attaquée est également trop insignifiante pour pouvoir, en toute hypothèse, être remarquée. »

42      C’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait, tout au plus, une différence de couleur insignifiante entre le fond de la marque en cause et celui du drapeau européen. Il convient de noter à cet égard que, dans la terminologie héraldique anglaise et française le terme « azur » désigne la couleur bleue. En outre, l’héraldique ne distingue pas entre différents tons d’une même couleur. Ainsi, la représentation du drapeau européen avec le ton de la couleur bleu utilisée dans la marque en cause resterait fidèle à la description héraldique de cet emblème.

43      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a poursuivi en développant les considérations suivantes, qui sont également correctes dès lors qu’elles découlent de la jurisprudence mentionnée au point 37 ci-dessus :

« D’un point de vue héraldique, la disposition des étoiles est dépourvue de signification. Toutefois, un spécialiste du domaine de l’héraldique percevra immédiatement la différence de couleur des étoiles. D’un point de vue héraldique, surtout au regard du fait que seules quatre couleurs et deux métaux sont utilisés, il existe une différence entre les cercles d’étoiles respectifs. Cette différence ne sera toutefois pas nécessairement perçue par le public ciblé ; ce dernier y verra encore moins une différence héraldique ».

44      Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a correctement conclu, au point 41 de la décision attaquée, que le signe compris dans la marque en cause constituait une imitation, au se sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a), de la convention de Paris, du drapeau européen. Cette conclusion n’est d’ailleurs pas spécifiquement contestée par la requérante.

  • Le lien entre la marque en cause et l’Union et le Conseil de l’Europe retenu par la Chambre de Recours

46      Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours s’est d’abord référée, au point 43 de la décision attaquée, à la directive 2007/46, et elle a mis en exergue le fait que cette directive établissait un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques applicables à la réception des véhicules neufs relevant de son champ d’application, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules. Elle a également souligné que cette directive contenait aussi des dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés et que, aux fins de son application, des exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules étaient fixées dans des actes réglementaires. …

  • Sur l’examen global de la marque, la présence de ce drapeau élargit le risque de confusion

64      ……. Il convient en effet de relever que ni l’existence des deux éléments verbaux de la marque en cause ni l’image du croisillon au milieu de cette marque ne sont de nature à exclure l’établissement, par le public visé, d’un lien entre, d’une part, la requérante et les produits couverts par la marque en cause et, d’autre part, les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ou d’une autre organisation internationale intergouvernementale qui utilise le drapeau européen. L’image du croisillon sera, sans doute, perçue par le public comme une allusion directe aux produits couverts par la marque en cause. Quant aux éléments verbaux, ils sont de nature à rendre plus probable l’établissement, dans l’esprit du public, d’un lien entre les produits en cause et l’Union. Tel est, en particulier, le cas du terme « services » qui, compte tenu également du fait que la marque en cause ne vise que des produits, pourrait être perçu comme une référence à des services d’homologation, de contrôle de qualité ou de garantie des produits couverts par la marque en cause, fournis par une agence officielle de l’Union. Le terme « european », qui fait partie de la dénomination de plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union, est également de nature à renforcer cette probabilité.

..

68      Doit également être rejeté l’argument de la requérante, selon lequel le public professionnel pertinent connaît la marque en cause et est conscient du fait qu’elle renvoie à la requérante. Il convient d’emblée de relever que si, certes, la requérante a avancé cet argument également durant la procédure devant les instances de l’OHMI, elle ne l’a étayé d’aucun élément de preuve. Or, à défaut de tels éléments, l’affirmation d’une connaissance généralisée du fait que la marque en cause renvoie à la requérante ne peut pas être admise. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, le seul fait que la marque en cause figurait sur le registre des marques communautaires depuis 2002 n’est pas suffisant à cet égard, faute de preuves d’une utilisation réelle de ladite marque pendant cette période. En tout cas, ce qui importe, du point de vue de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, est la connaissance de l’absence de tout lien entre la requérante et ses produits, d’une part, et l’Union, d’autre part. Or, en raison de la présence dans la marque en cause d’une imitation du drapeau européen, même les membres du public pertinent conscients de ce que cette marque renvoie à la requérante et à ses produits pourraient être amenés à croire que ces produits bénéficient d’une approbation ou d’une garantie de l’Union.

Conflit entre une marque pour des bougies et des eaux de toilette et le même signe déposé ultérieurement pour des boissons alcoolisées

Diptyque qui a pour activité la fabrication de bougies parfumées et d’eaux de toilette est titulaire d’une marque française verbale  » Diptyque, » déposée le 27 novembre 1981 et enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour des produits en classes 3, 14, 18, 21, 24 et 25 et régulièrement renouvelée, et d’une marque communautaire verbale « Diptyque », déposée le 11 février 2005 et enregistrée sous le numéro 00 4 292 652 pour les produits et services en classes 3, 14 et 35 ;

28 mars 2008 : dépôt à tire de marque française par Hennessy de la marque « Diptyque », pour désigner des boissons alcooliques. La marque est enregistrée sous le numéro 08 3 565 540. Sous cette marque, des cognacs sont commercialisés.

Diptyque assigne Hennessy  pour obtenir la nullité de la marque et l’interdiction de celle-ci pour des alcools, ces demandes sont acceptées par la Cour de Paris par son arrêt du 26 octobre 2012.

De l’arrêt du 20 novembre 2012 de la Cour de cassation qui a rejeté les différents moyens au pourvoi de Hennesy,  nous retiendrons celui-ci:

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L. 3323-3 du code de la santé publique qu’est considérée comme publicité indirecte en faveur d’une boisson alcoolique et comme telle, soumise aux restrictions prévues à l’article L. 3323-2 du même code, la publicité en faveur d’un produit autre qu’une boisson alcoolique qui par l’utilisation d’une marque, rappelle une telle boisson ; qu’ayant constaté que la société Diptyque avait, depuis le 1er janvier 1990, mis sur le marché sous sa marque « Diptyque » divers produits autres que des boissons alcooliques, et que la société Hennessy faisait usage d’une marque identique pour commercialiser des boissons alcooliques, la cour d’appel qui n’a pas commis la confusion invoquée à la cinquième branche ni méconnu le principe de spécialité, en a exactement déduit , sans avoir à faire d’autres recherches , que le dépôt de la marque « Diptyque » par la société Hennessy et la commercialisation de produits sous celle-ci créaient une entrave à la libre utilisation de la marque première ;

A noter un des arguments invoqués au pourvoi : « à propos d’un nouveau contrôle de constitutionnalité« ;

ALORS QUE, à titre subsidiaire, si les dispositions de l’article 10-V de la loi n°91-32 du 10 janvier 1991, aujourd’hui codifié sous l’article L.3323-3 du code de la santé publique, doivent être lues comme autorisant l’annulation d’une marque désignant des boissons alcoolisées, une telle lecture constitue un « changement de circonstances » au sens de l’article 23-2 2° de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la L.O. n°du 10 décembre 2009, de nature à justifier la soumission des dispositions précitées à un nouveau contrôle de constitutionnalité; que l’abrogation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel entraînera la censure de l’arrêt attaqué.