Contrefaçon de marque : comment apporter la preuve que les produits ne sont pas authentiques ?

Contrefaçon de marque comment apporter la preuve du caractère illicite du produit quand il est présenté par le présumé contrefacteur comme bénéficiant de l’épuisement du droit communautaire par une première mise en circulation dans l’Union européenne ;

Un arrêt récent de la Cour de cassation est particulièrement sévère.

  • Cette décision intervient à propos de l’épuisement du droit communautaire

Mais attendu, en premier lieu, que, l’épuisement des droits conférés par la marque supposant la mise en circulation des produits en cause pour la première fois sur le territoire de l’Espace économique européen par le titulaire de la marque, ou avec son consentement, ce qui en garantit l’origine, le tiers poursuivi n’a pas d’autre preuve à rapporter que celle de l’épuisement des droits qu’il invoque comme moyen de défense ; qu’ayant souverainement retenu, au vu des pièces versées aux débats, que la connaissance par les sociétés ……….et …………de la source d’approvisionnement de la société …. leur permettrait de faire obstacle à la libre circulation des produits sur le territoire de l’Espace économique européen en tarissant cette source, c’est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel en a déduit qu’il appartenait à ces sociétés d’établir que les produits avaient été initialement mis dans le commerce par elles-mêmes, ou avec leur consentement, en dehors de l’Espace économique européen, sans avoir à exiger que la société …….. identifie la source de son approvisionnement, et qu’elle a recherché si, comme le prétendaient ces sociétés, leur absence de consentement s’expliquait par le défaut d’authenticité des produits litigieux ;

  • La question de la pertinence des attestations du personnel de la société titulaire de la marque

Et attendu, en second lieu, que l’arrêt relève d’abord, par motifs propres et adoptés, que l’attestation de M. X…, vice-président de la société………. , qui se borne à affirmer que « la construction des produits n’est pas conforme avec celle des produits authentiques », et celle de Mme Y…, directrice de la protection des marques de ladite société, qui indique pourquoi les paires de chaussures ne sont pas authentiques, ne reposent sur aucun élément objectif et ne peuvent valoir, à elles seules, preuves à soi-même, dans la mesure où leur contenu ne peut être vérifié, en l’absence de preuve d’une procédure stricte de contrôle qualité clairement définie portant sur les caractéristiques précises et invariables de points de vérification objectifs des chaussures qui sortent des usines de fabrication des produits …….; qu’il relève ensuite que l’attestation de M. Z…, directeur juridique commercial Europe de la société……….. , selon laquelle les contrats de distribution ne contiennent aucune disposition susceptible de limiter la possibilité pour les licenciés et distributeurs de procéder à des ventes passives, constitue une preuve à soi-même, contredite par des tiers, notamment par les distributeurs des produits ……….. en Suisse et dans différents pays de l’Union européenne ; que la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée de ces attestations parmi l’ensemble des éléments de fait et de preuve fournis par les sociétés ……… et ………. pour justifier du défaut d’authenticité des produits incriminés et de l’absence de risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, et n’a pas dit que ces attestations n’étaient pas recevables, a pu statuer comme elle a fait ;

Des manquements contractuels peuvent-ils conduire à des actes de contrefaçon ?

Des manquements à un accord de coexistence entre des marques peuvent –ils conduire à des qualifications de contrefaçon et de concurrence déloyale.

Réponse avec l’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2015. L’arrêt.

Vu les articles L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle et 9, § 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Lehning, l’arrêt, après avoir relevé que la société Ecophar avait globalement fait le nécessaire dès le mois d’août 2008 pour modifier ses documents afin de se conformer à l’accord de coexistence intervenu, retient que les manquements constatés, telle la persistance du terme « Lehring » en gros caractères sur son site Internet jusqu’en 2012, ne constituent pas des fautes d’une gravité suffisante pour constituer des actes de contrefaçon de marque ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des marques en présence et des produits désignés à l’enregistrement, le non-respect des engagements contractuels constaté n’était pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient que les manquements constatés ne constituent pas des fautes d’une gravité suffisante pour constituer des actes de concurrence déloyale ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des signes en présence et des activités exercées par les sociétés, l’emploi du terme « Lehring », en plus gros caractères, par la société Ecophar sur son site Internet n’était pas de nature à engendrer dans l’esprit du public un risque de confusion avec la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine de la société Lehning, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette l’ensemble des demandes de la société Laboratoires Lehning, l’arrêt rendu le 26 juin 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

La loi sur la géolocalisation s’appliquera-t-elle aux infractions de contrefaçon y compris en matière douanière ?

Après le vote du projet de loi, le 24 février 2014, Madame le Garde des Sceaux a demandé aux deux présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale de saisir le Conseil constitutionnel. La loi votée le 24 février 2014 est ici.

  • Rappelons que la contrefaçon est un délit pénal. En matière de marque, l’article L716-9 dispose :

« Est puni de quatre ans d’emprisonnement et de 400 000 euros d’amende le fait pour toute personne, en vue de vendre, fournir, offrir à la vente ou louer des marchandises présentées sous une marque contrefaite :

a) D’importer, d’exporter, de réexporter ou de transborder des marchandises présentées sous une marque contrefaisante ;

b) De produire industriellement des marchandises présentées sous une marque contrefaisante ;

c) De donner des instructions ou des ordres pour la commission des actes visés aux a et b.

Lorsque les délits prévus au présent article ont été commis en bande organisée ou sur un réseau de communication au public en ligne ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou l’animal, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende. »

L’article 38 du Code des Douanes place ces marchandises sous infraction douanière également.

  • Or, la loi telle que votée le 24 février sur la géolocalisation prévoit :

Article 1er

Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« De la géolocalisation

« Art. 23032. – Il peut être recouru à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, si cette opération est exigée par les nécessités :

« 1° D’une enquête ou d’une instruction relative à un délit prévu au livre II ou aux articles 434-6 et 434‑27 du code pénal, puni d’un emprisonnement d’au moins trois ans ;

…..

« 1° bis 2° D’une enquête ou d’une instruction relative à un crime ou à un délit, à l’exception de ceux mentionnés au 1° du présent article, puni d’un emprisonnement d’au moins cinq ans ;

La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67 bis‑2 ainsi rédigé :

« Art. 67 bis‑2. – Si les nécessités de l’enquête douanière relative à la recherche et à la constatation d’un délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent, tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, peut être mis en place ou prescrit par les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret, sur autorisation, dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre V du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la mise en place du moyen technique est envisagée ou du juge des libertés et de la détention de ce tribunal. »

 

Juge pénal ou juge civil, qui juge de la nullité et de la déchéance de la marque ?

Lors d’une instance pénale en contrefaçon de marque, le juge pénal doit-il examiner les demandes en déchéance et en nullité de la marque ou peut-il se référer à une décision du juge civil ou même à celle de l’OHMI ?

L’arrêt du 30 octobre 2013 de la Cour de cassation donne quelques indications. L’arrêt est ici.

  • Le contexte tel qu’il est rappelé à l’arrêt et la position de la cour d’appel

Mme X…. est poursuivie au pénal pour contrefaçon des marques Red Bull pour des vêtements.

« que la SARL A…. [dont la gérante est Mme X…] a introduit une action judiciaire aux fins de voir constater la déchéance de la marque Red Bull pour l’exploitation des vêlements en France ; que par arrêt définitif du 3 mai 2007, la cour d’appel de Versailles a rejeté l’action au motif que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque par les titres communautaires et que dès lors une demande de déchéance ne pourrait avoir pour conséquence d’autoriser une vente de tels vêtements en France »

  • Au pourvoi, deux moyens nous intéressent

 » 2°) alors qu’il résulte de l’article 100-2° du Règlement CE 207/ 209 du 26 février 2009 qu’un tribunal des marques communautaires rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité si une décision rendue par l’Office entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait retenir, pour juger que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de sa marque, que l’office d’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) avait rejeté la demande de nullité de la marque communautaire dont bénéficiait la société Red Bull, en s’abstenant de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que, Mme X… n’ayant pas été partie à la procédure devant L’OHMI, la décision rendue n’avait aucune autorité de chose jugée ;

…..

 » 4°) alors que l’usage sérieux d’une marque suppose l’utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait se borner à relever que les consorts X… ne peuvent remettre en cause les décisions définitives de l’OHMI et de la cour d’appel de Versailles par lesquelles il a été jugé que la société Red Bull bénéficiait d’une protection de son logo et de sa marque, sans répondre au moyen de défense selon lequel aucun élément versé aux débats ne démontre un quelconque usage des marques de la société Red Bull dans des conditions de nature à la faire échapper à la déchéance de ses droits ;

  • Le rejet des moyens par la Cour de cassation

Attendu qu’en l’état de ces énonciations et abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, faisant référence à  » l’autorité de la chose jugée  » de décisions de nature civile, la cour d’appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

Marque au logo ombré, marque au logo muet et couleur, si elles sont combinées entre elles comment les protéger ?

La protection de la marque nait-elle avec son enregistrement ou par l’usage qui en est fait ?  Ce débat classique, en droit, est-il encore d’actualité après l’arrêt du 18 juillet 2013 de la Cour de Justice sur des questions préjudicielles de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division).

Ne sont indiquées ici que les signes en cause sans indiquer le plus récent et ceux qui lui étaient opposés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1)      Les articles 15, paragraphe 1, et 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire doivent être interprétés en ce sens que la condition d’«usage sérieux», au sens de ces dispositions, peut être satisfaite lorsqu’une marque communautaire figurative n’est utilisée qu’en combinaison avec une marque communautaire verbale qui lui est surimposée, la combinaison de deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque communautaire, pour autant que les différences entre la forme sous laquelle la marque est utilisée et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée.

2)      L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que lorsqu’une marque communautaire n’est pas enregistrée en couleur, mais que son titulaire en a fait un large usage dans une couleur ou une combinaison de couleurs particulières, si bien que, dans l’esprit d’une fraction importante du public, cette marque est désormais associée à cette couleur ou combinaison de couleurs, la ou les couleurs qu’un tiers utilise pour la représentation d’un signe accusé de porter atteinte à ladite marque sont pertinentes dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion ou de l’appréciation globale du profit indu au sens de cette disposition.

3)      L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que la circonstance que le tiers faisant usage d’un signe accusé de porter atteinte à la marque enregistrée est lui-même associé, dans l’esprit d’une fraction importante du public, à la couleur ou à la combinaison de couleurs particulières qu’il utilise pour la représentation de ce signe est une facteur pertinent dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion et du profit indu au sens de cette disposition.