Contrefaçon de marque : les sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

L’acte qualifié de contrefaçon de marque peut avoir été réalisé par différentes sociétés qui interviennent à des moments différents de la commercialisation du produit: ces sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

La société R …… publie un catalogue, pour une annonce publiée sur celui-ci , elle est poursuivie en contrefaçon d’une marque française. La Cour d’appel l’a condamne mais rejette son appel en garantie contre la société C…. qui avait demandé l’insertion litigieuse.

La Cour de cassation casse cet arrêt :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter son recours en garantie à l’encontre de la société C….., l’arrêt retient que, peu important qu’elle n’ait pas disposé de pouvoir décisionnel, la société R……… était en mesure, même au regard du bref délai qui lui était ménagé, d’attirer l’attention de la société F…….. sur le caractère incorrect de l’insertion dans le catalogue litigieux et qu’en s’abstenant de toute réaction, elle a commis une faute qui est exclusivement à l’origine des actes de contrefaçon et des dommages qui en sont découlés ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la faute commise par la société C…… ni apprécier sa gravité par rapport à la faute commise par la société R………, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement …

Marque et représentation tridimensionnelle : à propos d’un chien de race scottish terrier et d’un pendantif

S’il devient si difficile d’obtenir une marque sur une forme tridimensionnelle parce que les consommateurs n’y voient pas un signe exerçant les fonctions de la marque, une telle forme peut–elle encore constituer un acte de contrefaçon de marque ?

L’arrêt du 12 juin 2012 se prononce sur le risque de confusion entre une marque et une forme tridimensionnelle

  • Les faits et l’arrêt de la Cour d’appel

Agatha Diffusion est titulaire de la marque figurative française constituée par « la représentation stylisée d’un chien de race scottish-terrier, debout, vu de profil gauche, avec un collier autour du cou » pour désigner des produits des classes 3, 14, 18 et 25 dont les bijoux.

Agatha Diffusion engage une action en contrefaçon contre différentes sociétés Swarovski qui commercialisaient « un pendentif représentant un chien stylisé »

La Cour de Paris condamne pour contrefaçon de marque.

  • La cassation

Différents moyens étaient soumis à la Cour de cassation.

Citons celui qui a été retenu par cet arrêt de cassation du 12 juin 2012

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 711-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir le risque de confusion entre la marque litigieuse et le pendentif, l’arrêt retient que leurs dessins présentent une stylisation identique ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, en considérant les seuls dessins et sans prendre en compte la couleur, le matériau, la taille en facettes, ainsi que l’aspect d’ensemble tridimensionnel du pendentif, la cour d’appel, qui n’a pas procédé à l’examen de l’impression d’ensemble produite par la marque et le bijou, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er avril 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Contrefaçon de marque : quelle responsabilité pour le prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d’un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à une marque

Quelques fois en matière de contrefaçon de marque différentes entreprises interviennent dans la fabrication du produit qui porte la marque contrefaisante, quelle responsabilité ont ces entreprises ? L’arrêt rendu le 15 décembre 2011, C‑119/10,  par la CJCE apporte une réponse où il est à nouveau question de l’usage dans le vie des affaires et de l’arrêt Google.

Brièvement les faits pour comprendre la portée de cet arrêt

Leur présentation est donnée par la Cour :

  • Winters a rempli des canettes de boisson rafraîchissante pour le compte de Smart Drinks.
  • À cet effet, Smart Drinks a livré à Winters des canettes vides et leurs capsules, lesquelles étaient revêtues de divers signes, ornements et textes. Ces canettes portaient notamment les signes «BULLFIGHTER», «PITTBULL», «RED HORN» (devenu par la suite «LONG HORN») et «LIVE WIRE».
  • Smart Drinks a également livré à Winters le sirop de base de la boisson rafraîchissante.
  • Winters a rempli les canettes d’une quantité définie de sirop de base additionné d’eau et au besoin de gaz carbonique et fermé les canettes, le tout en suivant les indications et recettes de Smart Drinks.
  • Winters a ensuite restitué les canettes remplies à Smart Drinks qui les a exportées en dehors du Benelux.

Pour la Cour :  » Winters s’est limité à accomplir ces services de remplissage pour Smart Drinks, sans expédier les canettes remplies à cette dernière société. Elle n’a, en outre, ni livré ni vendu ces canettes à des tiers ».

La procédure

En 2006, Red Bull qui commercialise une boisson énergisante engage une procédure aux Pays-Bas contre Winters afin de voir ordonner à cette dernière de cesser immédiatement et à l’avenir tout usage de signes qui ressemblent ou s’associent à un certain nombre de ses marques.

Le juge hollandais estime que le remplissage des canettes doit être assimilé à un usage de ces signes, mais que seul le signe «BULLFIGHTER» en combinaison avec les canettes utilisées à cet égard ressemble aux marques de Red Bull.  Seul le remplissage des canettes BULLFIGHTER par Winters est interdit.

Appel de cette décision par Red Bull et par Winters.  L’interdiction est étendue aux canettes BULLFIGHTER, PITTBULL et LIVE WIRE.

Winters se pourvoie en cassation.

La Cour de Cassation des Pays-Bas, le Hoge Raad der Nederlanden, pose différentes questions préjudicielles à la Cour de Justice à propos de l’application de la Directive 89/104/CEE et plus particulièrement de son article 5, paragraphe 1, sous b.

Se référant à l’arrêt Google, la CJCE considère « qu’un prestataire de service tel que Winters [ s’il ] opère dans la vie des affaires lorsqu’il remplit sur commande d’un tiers de telles canettes, il n’en découle pas pour autant que ce prestataire fasse lui-même un «usage» de ces signes au sens de l’article 5 de la directive 89/104″

D’où la décision de la Cour :

L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d’un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d’être interdit en vertu de cette disposition.

Commerce International : signe banal pour un titre de magazine et pour une marque déposée pour des revues

Un arrêt du 13 décembre 2011 de la Cour de Cassation, [ ici ]  illustre la difficulté de protection des titres et des marques déposées pour les revues et magazines.

Les marques et le titres en cause

Tout d’abord, la marque et le titre opposés :

Cette marque a été déposée le 2 décembre 1999 pour « Revues. Édition de revues »

Selon l’arrêt, cette marque est concédée à une société « qui édite un magazine dénommé «Commerce International, l’actualité des chambres de commerce et d’industrie dans le monde»,

L’arrêt précise que cette société pour ce titre  « a abandonné le fond bleu de la marque pour un fond rouge » .

Le titre contesté

Une autre société, la société S… édite des revues dont « le MOCI, Moniteur du Commerce International »

Ce titre a également fait l’objet d’un dépôt à titre de marque.

Ce dépôt remonte d’ailleurs  à 1985 c’est à dire qu’il est antérieur à la marque cité ci-dessus.

Mais en 2007, la société a modifié la présentation de son magazine, l’arrêt décrit ce changement « les termes « le Moniteur du Commerce International » étant inscrits en lettres blanches sur cartouche rouge et « Le MOCI »en vertical en caractère gris »

La Cour d’appel a rejeté les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale fondées sur la marque et le titre, cités ci-dessus, en retenant l’absence de caractère distinctif de la dénomination « Commerce International » et qu’il n’y avait donc pas de risque de confusion.

Le pourvoi en cassation est également rejeté.

Pour la Cour de Cassation, la  cour d’appel a bien examiné non seulement les titres mais également les marques en cause :

Mais attendu qu’après avoir relevé que les marques « Le MOCI Moniteur du Commerce International » et « Commerce International, l’actualité du commerce et de l’Industrie dans le monde » comportent toutes deux les termes « commerce international » , l’arrêt retient que ces termes ne sont pas distinctifs mais banals et ne peuvent être protégés indépendamment des autres éléments de la marque, qu’il retient encore qu’ils sont aussi des éléments essentiels et dominants de la marque déposée par la société S….alors que ni le terme « MOCI » ni le terme « moniteur » n’ont de sens en eux-mêmes ni d’utilité pour cette société qui utilise les termes  » Commerce International » depuis de nombreuses années ; qu’il retient enfin que la société S……utilise depuis 1972 les lettres bâton blanches dans un cartouche rouge, ce qui n’est que partiellement le cas pour le magazine édité par la société A…..qui comporte le mot commerce en noir et la mention nettement visible en français et en anglais « l’actualité des chambres de commerce et d’industrie dans le monde » ;

Procès en contrefaçon de marque : le caractère générique du signe déposé peut-il être invoqué par l’avocat pour apprécier la contrefaçon ?

L’arrêt de la Cour de Cassation du 13 décembre 2011 [ ici ] se prononce sur le caractère générique du signe lors de l’action en contrefaçon et non lors de son dépôt à titre de marque.

A se reporter à cet arrêt, la marque Liberfree Troussepinette déposée pour « des produits de la classe 33 correspondant aux boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs), vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques » a été enregistrée le 29 janvier 1988.

Début 2008, une société utilise pour son apéritif le terme La Troussepinette.

Le titulaire de la marque engage une action en contrefaçon,  « pour reproduction à l’identique » , nous précise l’arrêt.

La Cour d’appel condamne pour contrefaçon de marque.

Pourvoi en cassation de la société condamnée.

La Cour de Cassation casse la décision de la Cour d’appel.

Voyons le motif de la cassation.

Devant la Cour d’appel, la société poursuivie a prétendu que le terme Troussepinette était générique. Mais la Cour d’appel n’a pas tenu compte des éléments de preuve aux motifs « qu’ils seraient postérieurs au dépôt de la marque « Liberfree Troussepinette«  » ;

D’où la cassation : « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le caractère générique d’un signe s’apprécie lorsqu’il est opposé à une action en contrefaçon à la date à laquelle a commencé l’usage prétendument contrefaisant, la cour d’appel a violé les textes susvisés« .

Le caractère générique du signe s’il est établi à la date du dépôt conduit à son annulation. Cet arrêt enseigne que le caractère générique du signe est également à apprécier au moment de l’action en contrefaçon.

A noter que cet arrêt du 13 décembre s’est prononcé au regard des seuls articles relatifs à la contrefaçon, L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, et non de ceux qui prévoient la dégénérescence du signe déposé à titre de marque.