Déchéance de marque au sein d’une famille de marques

Déchéance de marque : l’exploitation d’une marque au sein d’une famille de marques permet-elle de sauver de la déchéance l’une ou l’autre des autres marques ?

Dans une affaire où la Cour d’appel a prononcé la déchéance de deux marques « Micro Rain » et « Big Rain », la Cour de cassation rejette le pourvoi du titulaire des deux marques, qui invoquait l’exploitation de la marque « Mini Rain ».

  • Les arguments avancés par le titulaire de la marque

1°/ que l’usage réel et sérieux d’une marque sur le territoire national français peut être établi par l’usage de sa forme modifiée, elle-même enregistrée à titre de marque, dès lors que le caractère distinctif de la marque initiale est conservé ; qu’au cas présent, les sociétés O…… et I……. faisaient valoir que la marque « Mini Rain », par elles exploitée, ne différait de la marque litigieuse « Micro Rain » que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif, de sorte que la condition d’usage de la marque « Micro Rain » était remplie ; qu’en affirmant, pour prononcer la déchéance de la marque « Micro Rain », dont la société O……. était titulaire, qu’« il est de droit constant depuis 2007, tant au niveau européen qu’au niveau national, que la preuve de l’usage d’une marque enregistrée ne peut résulter de l’usage d’une autre marque enregistrée, qu’importe que celle-ci n’en soit qu’une variante sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif », de sorte que l’exploitation de la marque « Mini Rain », déposée, ne saurait constituer la preuve de l’exploitation de la marque « Micro Rain », également déposée, la cour d’appel a violé l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que l’usage réel et sérieux d’une marque sur le territoire national français peut être établi par l’usage de sa forme modifiée, elle-même enregistrée à titre de marque, dès lors que le caractère distinctif de la marque initiale est conservé ; qu’au cas présent, les sociétés O…… et I…… faisaient valoir, dans leurs conclusions d’appel, qu’«entre les deux appellations, il n’existe pas à proprement parler de différence significative », que « les termes Mini et Micro sont similaires dans l’esprit du public en ce qu’ils expriment la petitesse et en l’espèce cela signifie qu’il s’agit d’un petit enrouleur dont la fonction essentielle est de pouvoir être utilisé pour des petites surfaces comme des stades ou des surfaces maraîchères », que « tant les termes Mini que Micro traduisent la volonté de désigner un matériel de petite taille destiné aux petites surfaces », et enfin « qu’il y a donc une similitude évidente entre les deux termes, qui permet au public de confondre les deux »; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la marque « Mini Rain », très proche de la marque « Micro Rain », n’était pas une variante de cette dernière, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que les juges du fond doivent motiver leurs décisions ; qu’au cas présent, les sociétés O….. et I…… faisaient valoir, dans leurs conclusions d’appel, qu’« entre les deux appellations, il n’existe pas à proprement parler de différence significative », que « les termes Mini et Micro sont similaires dans l’esprit du public en ce qu’ils expriment la petitesse et en l’espèce cela signifie qu’il s’agit d’un petit enrouleur dont la fonction essentielle est de pouvoir être utilisé pour des petites surfaces comme des stades ou des surfaces maraîchères », que « tant les termes Mini que Micro traduisent la volonté de désigner un matériel de petite taille destiné aux petites surfaces », et enfin « qu’il y a donc une similitude évidente entre les deux termes, qui permet au public de confondre les deux » ; qu’en se contentant, pour rejeter cette démonstration, d’affirmer, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que « les défenderesses ne démontrent pas que Micro Rain et Mini Rain ne présentent pas de différences significatives altérant le caractère distinctif de la première », sans expliquer en quoi, malgré la proximité sémantique des termes Mini et Micro, adossés au même terme « Rain », les deux marques seraient significativement différentes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

  • La position de la Cour de cassation

Mais attendu que la Cour de justice de l’Union européenne (C-553/11, Rintisch, 25 octobre 2012, point 29), interprétant l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, a précisé que, dans le contexte particulier d’une « famille » ou d’une « série » de marques, l’usage d’une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l’usage d’une autre marque ; que la société O…. s’étant prévalue de l’appartenance de la marque « Micro Rain » à une « famille » de seize marques composées autour du terme Rain, utilisé comme suffixe ou préfixe, pour désigner les produits et services proposés dans le cadre de son activité de fabrication et de commercialisation de systèmes d’irrigation agricole, elle ne peut, pour échapper à la déchéance de ses droits sur ladite marque, invoquer l’usage, par elle-même et la société I….. , de la marque « Mini Rain » ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués par la première branche, la décision se trouve légalement justifiée et les griefs des deuxième et troisième branches privés d’objet ;