Indemnisation du licencié de la marque en cas de contrefaçon quand le préjudice du propriétaire de la marque est déjà réparé.

Si le titulaire de la marque a droit à une indemnité en cas de contrefaçon de sa marque, le licencié peut-il également bénéficier d’une indemnisation ? L’arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 est très affirmatif.

« Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société A……. [ la société qui bénéficie de la licence de marque ] tendant à voir juger que la société G…….. [ la société poursuivie pour contrefaçon par le titulaire de la marque ] s’est rendue coupable de concurrence déloyale, l’arrêt retient que les actes de contrefaçon de marque dont s’est rendue coupable la société G…… et dont elle a déjà répondu vis-à-vis du titulaire des marques ne pourraient donner lieu à une indemnisation au profit de la société A……, exploitante de ces marques ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’exploitant d’une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

Contrat de licence de marque : l’existence de la crise économique peut-elle remettre en cause les dispositions du contrat ?

Un contrat de licence confronté à la crise économique. La clause des minima garantis peut-elle être supprimée ? La crise exige-t-elle une renégociation du contrat ?

Le 27 novembre 2006, la société L….C… accorde une licence de sa marque à la société Y……, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société Y…  D……

La société L… C…..  demande à la société Y…. D….., le paiement de différentes montants. Une procédure est engagée.  Le premier juge condamne la société Y…. D…..

L’affaire vient en appel devant la Cour de Paris.

Une clause classique dans les contrats de marque est examinée par la Cour, celle relative aux minima garantis.

L’intérêt de cet arrêt réside également dans son appréciation de la crise économique, l’existence de celle-ci emporte-t-elle l’obligation  de renégocier le contrat ?

L’arrêt est du 28 septembre 2012.

  • Sur la clause relative aux minima garantis

Considérant que l’article 6 du contrat de licence met à la charge du licencié le paiement d’une redevance égale à 10% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre de l’exploitation de la marque ;

Que l’article 6.1.3 prévoit des minima garantis, 60.000 € pour l’année 2008, 65.000 pour l’année 2009 et 75.000 pour l’année 2010 ;

Considérant que les pièces produites démontrent que la société Y….. D….. n’a pu retirer de l’exploitation de la marque le succès qu’elle en attendait, à savoir la réalisation d’un chiffre d’affaire au moins égal à 750.000 € la première année et que les minima dus pour les trois années concernées représentent un pourcentage de son chiffre d’affaires sensiblement supérieur aux 10% envisagés ;

Considérant que pour estimer la disposition relative aux minima garantis sans cause, la société Y….. D…… conteste d’une part la notoriété de la marque et soutient d’autre part que le contrat n’aurait plus été économiquement viable pour elle ;

Mais considérant qu’une clause prévoyant la rémunération attendue d’une des parties au contrat n’est pas dépourvue de cause dès lors qu’elle trouve sa contrepartie dans son propre engagement, en l’espèce la concession de sa marque ;

Que le contrat est causé dès que l’existence de la marque est démontrée sans que sa notoriété ne participe à sa définition, son absence éventuelle ne pouvant être sanctionnée, le cas échéant, que sur le terrain du vice du consentement, Et qu’en toute hypothèse, il ne peut être retenu à l’examen des pièces produites ;

Considérant que la rentabilité du contrat ne participe pas davantage à la définition de sa cause, dont l’existence a été constatée ci dessus et qui s’apprécie au moment de sa conclusion ;

  • Sur la prétendue existence d’une obligation de renégocier le contrat

Considérant qu’il résulte d’une attestation de son expert comptable que l’exploitation de la marque ‘L….C………. a permis à la société Y…… D……. de réaliser, pour l’année 2009, un chiffre d’affaires de 334.907 € ;

Que l’appelante soutient que pour les années 2008 et 2010, il se serait élevé aux montants respectifs de 486.732 € et 123.895 € ;

Considérant qu’au visa de la proposition de règlement d’un droit européen de la vente en date du 11 octobre 2011, qui sanctionne le fait pour une partie d’avoir retiré du contrat un profit excessif ou un avantage déloyal et profité de la détresse de l’autre, elle soutient que le contrat n’a pas été exécuté de bonne foi et qu’une exploitation déloyale peut être reprochée à la société L…. C……..;

Qu’elle lui reproche encore un manquement à son obligation de renégocier le contrat dont l’exécution devenait trop onéreuse pour elle ;

Mais considérant qu’il ne peut être soutenu qu’en sollicitant le paiement de redevances comprises entre 60.000 € et 75.000 €, dont le montant a été accepté par la société Y…… D……., qui avait prévu de réaliser avec la marque des chiffres d’affaires, pour les trois années, de 750.000 €, 865.000 € et 980.000 €, la société L….C…….. a tiré un avantage excessif du contrat, la notoriété de sa marque justifiant la rémunération envisagée ; Et que seuls les effets de la crise économique ont empêché la société Y……D…… de retirer de son exploitation le bénéfice envisagé de sorte qu’elle ne peut davantage lui reprocher d’avoir profité de sa détresse ;

Considérant enfin que seules des circonstances particulières, d’une parfaite gravité et imprévisibles au moment de la conclusion du contrat imposent au partenaire de la partie qui en est victime, sur le fondement de la bonne foi dans l’exécution du contrat, de le renégocier ;

Considérant qu’elles ne sont pas remplies en l’espèce et qu’en l’absence de clause contractuelle contraire, ne manque pas à son obligation de bonne foi, le cocontractant qui refuse de réviser les conditions économiques de la convention conclue ;

Considérant qu’il convient en conséquence, la créance n’étant pas contestée en son quantum, de confirmer le jugement déféré ……

Contrat de licence : « Vente en ligne » de logiciels puis revente d’occasion ou de seconde main, et le recours à des dispositifs techniques de protection. Les solutions de l’arrêt du 3 juillet 2012

La licence de logiciel vendue en ligne est-elle incessible par cet acheteur à un tiers ?c’est là une question récurrente à laquelle les contrats répondent souvent par la négative.

L’arrêt rendu le 3 juillet 2012 par la Cour de Justice de l’Union dans l’affaire C‑128/11, sur une demande de décision préjudicielle du Bundesgerichtshof dans le litige UsedSoft GmbH contre Oracle International Corp., est important pour la vente en ligne de logiciels de seconde main :

1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée.

2)      Les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition.

A noter néanmoins :

86      Il convient toutefois de rappeler que, si la licence acquise par le premier acquéreur porte sur un nombre d’utilisateurs dépassant les besoins de celui-ci, cet acquéreur n’est pas autorisé, par l’effet de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24, à scinder cette licence et à revendre uniquement le droit d’utilisation du programme d’ordinateur concerné correspondant à un nombre d’utilisateurs qu’il aura déterminé, ainsi que cela est exposé aux points 69 à 71 du présent arrêt.

87      Par ailleurs, il doit être souligné que le titulaire du droit d’auteur, tel qu’Oracle, est en droit, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir de son site Internet, de s’assurer, par tous les moyens techniques à sa disposition, que la copie dont dispose encore le vendeur soit rendue inutilisable.