Une marque de couleur n’est pas exclue de la protection par l’ article 3 de la directive

L’arrêt du 12 juin 2018 de la Cour de Justice est à saluer pour les titulaires de marque.

Lors d’un litige au Pays-Bas en contrefaçon de  marque, la juridiction saisit la Cour de justice d’une question préjudicielle relative  à l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 qui exclut de la protection à titre de marque, le signe portant exclusivement sur la forme du produit.

La marque en cause porte sur le signe :rouge sur la semelle Pour : « Chaussures à talons hauts (à l’exception des chaussures orthopédiques) ».

L’arrêt de la Cour est très clair pour reconnaître que cette marque n’entre pas dans l’exclusion de l’article 3 de la directive 2008/95.

21      Dans le contexte du droit des marques, la notion de « forme » s’entend généralement, ainsi que l’a souligné la Commission européenne, comme désignant un ensemble de lignes ou de contours qui délimite le produit concerné dans l’espace.

22      Il ne ressort ni de la directive 2008/95, ni de la jurisprudence de la Cour, ni du sens usuel de ce terme qu’une couleur en elle-même, sans délimitation dans l’espace, pourrait constituer une forme.

23      La question se pose toutefois de savoir si le fait qu’une couleur déterminée soit appliquée à un emplacement spécifique du produit concerné signifie que le signe en cause est constitué par une forme, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95.

24      À cet égard, il convient de relever que, si, certes, la forme du produit ou d’une partie du produit joue un rôle dans la délimitation de la couleur dans l’espace, il ne saurait toutefois être considéré qu’un signe est constitué par cette forme lorsque ce n’est pas celle-ci que l’enregistrement de la marque vise à protéger, mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique dudit produit.

25      Ainsi que l’ont relevé les gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, la marque litigieuse ne porte pas sur une forme spécifique de semelle de chaussures à talons hauts, la description de cette marque indiquant expressément que le contour de la chaussure ne fait pas partie de ladite marque, mais sert uniquement à mettre en évidence l’emplacement de la couleur rouge visée par l’enregistrement.

26      En tout état de cause, un signe, tel que celui en cause au principal, ne saurait être considéré comme étant constitué « exclusivement » par la forme, lorsque, comme en l’occurrence, l’objet principal de ce signe est une couleur précisée au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu.

27      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens qu’un signe consistant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure à talon haut, tel que celui en cause au principal, n’est pas constitué exclusivement par la « forme », au sens de cette disposition.

Ce que juge la Cour :

L’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’un signe consistant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure à talon haut, tel que celui en cause au principal, n’est pas constitué exclusivement par la « forme », au sens de cette disposition.

Opposition à une demande de marque communautaire : pas de similarité entre des produits ayant essentiellement une fonction pratique et ceux une fonction essentiellement esthétique .

La procédure d’opposition à une demande de marque comme la procédure en contrefaçon nécessitent d’apprécier le risque de confusion et partant, la similarité des produits.

L’arrêt du 29 avril 2014 confirme la décision de la Chambre de recours de l’OHMI qui a écarté la similarité entre  les « bananes ; sacs de sport ; sacs de loisirs ; porte-documents ; mallettes pour documents ; sacoches ; nécessaires de toilette ; étuis et porte-cartes de crédit ; portefeuilles ; porte-monnaie » et les « vêtements, chaussures, chapellerie ». L’arrêt est .

46 En l’espèce, dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les « bananes ; sacs de sport ; sacs de loisirs ; porte-documents ; mallettes pour documents ; sacoches ; nécessaires de toilette ; étuis et porte-cartes de crédit ; portefeuilles ; porte-monnaie », relevant de la classe 18, contrairement aux « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, qui avaient une fonction esthétique, avaient essentiellement une fonction pratique, à savoir celle de contenir des équipements de sport, des documents, des billets de banque et des pièces de monnaie, ne seraient pas perçus comme faisant partie de l’image extérieure, n’auraient aucune fonction esthétique et ne seraient pas inclus dans la stratégie de marketing des accessoires de mode. La chambre de recours a donc estimé que les produits susvisés, relevant de la classe 18, n’étaient pas complémentaires des « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25. Elle a ajouté qu’il était peu probable que, lors de l’achat d’une mallette pour documents ou d’un portefeuille, l’acheteur soit interrogé sur la couleur des costumes ou des chaussures habituellement portés ou, lors de l’achat d’un sac de sport, sur la couleur de son survêtement.

47 Cette appréciation de la chambre de recours doit être approuvée.

48 D’une part, les « bananes ; sacs de sport ; sacs de loisirs ; porte-documents ; mallettes pour documents ; sacoches ; nécessaires de toilette ; étuis et porte-cartes de crédit ; portefeuilles ; porte-monnaie », relevant de la classe 18, à la différence des « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, ont une fonction essentiellement utilitaire et non une fonction essentiellement esthétique. Il n’y a donc pas de raison que le consommateur les coordonne avec les « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25. Contrairement aux sacs à main, relevant de la classe 18, les produits en cause de la classe 18 ne contribuent pas à l’image extérieure des consommateurs.

49 D’autre part, l’achat des produits en cause relevant de la classe 18 se conçoit indépendamment de l’achat des « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25. En effet, le consommateur moyen procèdera à l’achat de « bananes ; sacs de sport ; sacs de loisirs ; porte-documents ; mallettes pour documents ; sacoches ; nécessaires de toilette ; étuis et porte-cartes de crédit ; portefeuilles ; porte-monnaie » sans se soucier de la possession ou de l’achat concomitants de « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25. Inversement, pour le consommateur moyen, la décision d’achat de « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, n’est généralement pas conditionnée ou influencée par l’achat ou la possession des produits en cause relevant de la classe 18.

50 Il s’ensuit que les « bananes ; sacs de sport ; sacs de loisirs ; porte-documents ; mallettes pour documents ; sacoches ; nécessaires de toilette ; étuis et porte-cartes de crédit ; portefeuilles ; porte-monnaie », relevant de la classe 18, ne peuvent pas être considérés comme des accessoires vestimentaires.

51 En outre, à supposer que les produits en cause relevant de la classe 18 partagent avec les produits en cause relevant de la classe 25 les mêmes canaux de distribution et qu’ils aient le même utilisateur final, cela ne suffit pas pour conclure à l’existence d’une similitude entre ces produits. Enfin, l’argument de l’intervenant selon lequel ces produits relevant de la classe 18 et les « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, sont généralement produits par le même fabricant n’est pas étayé.