Marque sur la forme du produit : la solution serait-elle dans la couleur ?

Les marques portant sur la forme d’un produit présentent une grande fragilité, mais le Tribunal de l’Union le 24 mai 2023 donnerait-il un nouvel espoir par le choix de leur couleur ? L’arrêt du 24 mai 2023

Le signe de la marque de l’Union :

 Avec les indications couleurs « lilas (Pantone 2645C) » et « pourpre foncé (Pantone 2617C) » avec la précision suivante : « Lilas (Pantone 2645C) et pourpre foncé (Pantone 2617C) incorporés ou appliqués à la forme tridimensionnelle dans les proportions décrites dans l’illustration ».

Son enregistrement vise :

–        classe 5 : « Produits et substances pharmaceutiques destinés à prévenir, traiter et/ou soulager les affections respiratoires » ;

–        classe 10 : « Inhalateurs, pièces et parties constitutives de tous les produits précités »

Cette marque remonte au 12 avril 2001.

16 décembre 2014 : demande en annulation.

16 septembre 2016 : la division d’annulation fait droit à la demande en nullité.

3 octobre 2016 : recours du titulaire de la marque.

19 mai 2021 : la Chambre de recours de l’EUIPO rejette le recours.

24 mai 2023 : sur recours du titulaire de la marque, le Tribunal de l’Union annule la décision de la Chambre de recours.

Le rôle des couleurs

…., la chambre de recours est parvenue à la conclusion ….à savoir que les couleurs avaient, en ce qui concernait les médicaments contre l’asthme, une fonction technique et informative pour les consommateurs dans la mesure où elles renvoyaient « en quelque sorte » aux principes actifs ainsi qu’à la finalité et aux caractéristiques du médicament. La chambre de recours a considéré qu’un tel usage des couleurs était descriptif.

…..

66      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est bornée à indiquer que la discussion devant la division d’annulation avait également porté sur la compréhension par le public pertinent des couleurs utilisées telles que définies dans la description de la marque contestée, en se concentrant sur la question de savoir si, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque, les couleurs avaient une signification spécifique en ce qui concernait les inhalateurs en cause. Or, il convient de rappeler que, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, la division d’annulation a estimé qu’il n’avait pas été démontré à suffisance que les couleurs indiquaient une caractéristique des produits en cause.

Mais à quelle date cette appréciation du caractère distinctif avait-elle été menée devant la Chambre de recours ?

67      En dépit du fait que dans l’arrêt du 9 septembre 2020, Nuance de couleur pourpre (T‑187/19, non publié, EU:T:2020:405), la date pertinente pour l’appréciation du caractère distinctif du signe en cause, à savoir une couleur en elle-même, était le 24 septembre 2015, soit près de quatorze ans après la date pertinente en l’espèce, la chambre de recours a toutefois considéré, au point 58 de la décision attaquée, que ses conclusions relatives au caractère descriptif de l’usage des couleurs pour les médicaments contre l’asthme étaient confirmées par ledit arrêt.

68      Or, cette appréciation de la chambre de recours apparaît comme étant en opposition avec le point 46 de la décision attaquée auquel il a été considéré que l’industrie pharmaceutique évoluait constamment, que des périodes de dix ans ou plus étaient suffisamment longues pour que la perception des produits se soit modifiée en fonction des nouvelles tendances et de leur évolution constante et que cela générait une incertitude qui rendait difficile l’établissement de la validité des informations dans le temps. Si la chambre de recours a également considéré qu’une appréciation différente pouvait être justifiée s’il y avait des éléments de preuve portant une date ultérieure à la date pertinente, mais proche de celle-ci, elle n’a pas pour autant identifié et examiné lesdits éléments de preuve.

Une décision à la portée très limitée

70      Dans ces circonstances, il convient de constater que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs. Or, une telle contradiction équivaut à une absence de motivation, car les parties et le juge de l’Union sont dans l’impossibilité de déterminer si, dans l’analyse de la chambre de recours portant sur le caractère distinctif de la marque contestée, des documents datant d’au moins dix ans après la date pertinente pouvaient démontrer quelle était la perception d’une certaine couleur par le consommateur à cette date et, partant, si la demanderesse en nullité avait démontré à suffisance que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif à ladite date.

….

72      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer le premier moyen et les première et deuxième branches du deuxième moyen comme fondés et, partant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la troisième branche du deuxième moyen, de faire droit aux conclusions de la requérante en annulant la décision attaquée.

Marque au logo ombré, marque au logo muet et couleur, si elles sont combinées entre elles comment les protéger ?

La protection de la marque nait-elle avec son enregistrement ou par l’usage qui en est fait ?  Ce débat classique, en droit, est-il encore d’actualité après l’arrêt du 18 juillet 2013 de la Cour de Justice sur des questions préjudicielles de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division).

Ne sont indiquées ici que les signes en cause sans indiquer le plus récent et ceux qui lui étaient opposés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1)      Les articles 15, paragraphe 1, et 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire doivent être interprétés en ce sens que la condition d’«usage sérieux», au sens de ces dispositions, peut être satisfaite lorsqu’une marque communautaire figurative n’est utilisée qu’en combinaison avec une marque communautaire verbale qui lui est surimposée, la combinaison de deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque communautaire, pour autant que les différences entre la forme sous laquelle la marque est utilisée et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée.

2)      L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que lorsqu’une marque communautaire n’est pas enregistrée en couleur, mais que son titulaire en a fait un large usage dans une couleur ou une combinaison de couleurs particulières, si bien que, dans l’esprit d’une fraction importante du public, cette marque est désormais associée à cette couleur ou combinaison de couleurs, la ou les couleurs qu’un tiers utilise pour la représentation d’un signe accusé de porter atteinte à ladite marque sont pertinentes dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion ou de l’appréciation globale du profit indu au sens de cette disposition.

3)      L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que la circonstance que le tiers faisant usage d’un signe accusé de porter atteinte à la marque enregistrée est lui-même associé, dans l’esprit d’une fraction importante du public, à la couleur ou à la combinaison de couleurs particulières qu’il utilise pour la représentation de ce signe est une facteur pertinent dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion et du profit indu au sens de cette disposition.

 

Loi du 29 décembre 2011 : l’emploi par le générique de la forme du médicament princeps même protégée par une marque rendu possible

La loi du 29 décembre 2009 limite le droit des marques en faveur des génériques qui reprennent les mêmes formes que le médicament princeps.

Article 42 :

Après l’article L. 5121-10-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5121-10-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-10-3. – Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle protégeant l’apparence et la texture des formes pharmaceutiques orales d’une spécialité de référence au sens de l’article L. 5121-1 ne peut interdire que les formes pharmaceutiques orales d’une spécialité générique susceptible d’être substituée à cette spécialité en application de l’article L. 5125-23 présentent une apparence et une texture identiques ou similaires. »

Toutefois, en matière de forme la possibilité d’obtenir une marque étant devenue théorique, quel sera l’impact de cette mesure ? Le législateur aurait-il voulu viser les marques portant sur des couleurs  comme le proposait l’amendement de M Robinet en septembre ?

 

Une seconde modification concerne le droit des brevets pour limiter leur droit au regard de la publicité faite en direction des professionnels de la santé :

Article 29 :

….

X. ― Après le d de l’article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un d bis ainsi rédigé :

« d bis) Aux actes nécessaires à l’obtention du visa de publicité mentionné à l’article L. 5122-9 du code de la santé publique ; ».

Commerce International : signe banal pour un titre de magazine et pour une marque déposée pour des revues

Un arrêt du 13 décembre 2011 de la Cour de Cassation, [ ici ]  illustre la difficulté de protection des titres et des marques déposées pour les revues et magazines.

Les marques et le titres en cause

Tout d’abord, la marque et le titre opposés :

Cette marque a été déposée le 2 décembre 1999 pour « Revues. Édition de revues »

Selon l’arrêt, cette marque est concédée à une société « qui édite un magazine dénommé «Commerce International, l’actualité des chambres de commerce et d’industrie dans le monde»,

L’arrêt précise que cette société pour ce titre  « a abandonné le fond bleu de la marque pour un fond rouge » .

Le titre contesté

Une autre société, la société S… édite des revues dont « le MOCI, Moniteur du Commerce International »

Ce titre a également fait l’objet d’un dépôt à titre de marque.

Ce dépôt remonte d’ailleurs  à 1985 c’est à dire qu’il est antérieur à la marque cité ci-dessus.

Mais en 2007, la société a modifié la présentation de son magazine, l’arrêt décrit ce changement « les termes « le Moniteur du Commerce International » étant inscrits en lettres blanches sur cartouche rouge et « Le MOCI »en vertical en caractère gris »

La Cour d’appel a rejeté les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale fondées sur la marque et le titre, cités ci-dessus, en retenant l’absence de caractère distinctif de la dénomination « Commerce International » et qu’il n’y avait donc pas de risque de confusion.

Le pourvoi en cassation est également rejeté.

Pour la Cour de Cassation, la  cour d’appel a bien examiné non seulement les titres mais également les marques en cause :

Mais attendu qu’après avoir relevé que les marques « Le MOCI Moniteur du Commerce International » et « Commerce International, l’actualité du commerce et de l’Industrie dans le monde » comportent toutes deux les termes « commerce international » , l’arrêt retient que ces termes ne sont pas distinctifs mais banals et ne peuvent être protégés indépendamment des autres éléments de la marque, qu’il retient encore qu’ils sont aussi des éléments essentiels et dominants de la marque déposée par la société S….alors que ni le terme « MOCI » ni le terme « moniteur » n’ont de sens en eux-mêmes ni d’utilité pour cette société qui utilise les termes  » Commerce International » depuis de nombreuses années ; qu’il retient enfin que la société S……utilise depuis 1972 les lettres bâton blanches dans un cartouche rouge, ce qui n’est que partiellement le cas pour le magazine édité par la société A…..qui comporte le mot commerce en noir et la mention nettement visible en français et en anglais « l’actualité des chambres de commerce et d’industrie dans le monde » ;

Marque sur la forme du produit annulée par la Cour de Paris

La  Cour de Paris par son arrêt du 21 octobre 2011 annule une marque tridimensionnelle, c’est à dire que le signe enregistré porte sur la forme du produit, en retenant que cette marque ne peut pas remplir  « son rôle certifiant l’origine du produit ». Le Tribunal avait jugé dans le même sens

La marque enregistrée qui remontait au 3 avril 1998 ,  portait sur la forme d’un mixer

La motivation de la Cour pour annuler cet enregistrement :

Considérant que les éléments revendiqués par la société Whirlpool comme distinctifs de sa marque à savoir la forme cylindrique et arrondie de la tête aux extrémités et le pied courbé s’élargissant vers le socle ne sont pas de nature à permettre l’identification pour le consommateur concerné de l’origine du produit visé dans l’enregistrement, au vu de la banalité de la marque et ne lui permettent pas, à la seule vue de la marque, de percevoir une origine distincte, la forme déposée ne se différenciant pas de manière significative de celle déjà connue du mixeur Sunbean qui comporte une forme arrondie de la tête et de divers batteurs mixeurs tels que le chef classic KM 410 et KM 420 et le chef KM 300, composés d’un pied destiné à recevoir le bol, pied qui, comme le note à juste titre le tribunal, s’il est plus large que celui du signe en cause, s’évase légèrement vers le bas également dans une forme arrondie ;

Que le bandeau et la protubérance cylindrique sur la partie frontale du capot ne confèrent pas davantage à l’ensemble de la marque son caractère distinctif ;

Que la marque ne peut, par voie de conséquence, remplir son rôle certifiant l’origine du produit ;

A noter également que cet arrêt confirme le jugement en ce qu’il a retenu des actes parasitaires par les emplois d’une couleur rouge particulière et de la lettre K dans des publicités.