Lutte contre la contrefaçon : l’obligation d’évaluation des risques imposée par le DSA

Au cœur du DSA, les très grandes plateformes en ligne ou les très grands moteurs de recherche en ligne ( plus de 45 millions d’utilisateurs, article 33).

Dans un délai de quatre mois après leur désignation intervenue le 23 avril 2023, les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche devaient se conformer aux nouvelles dispositions du DSA en particulier l’évaluation des quatre catégories de risques systémiques.

Parmi ces quatre catégories, à la première figurent « les risques associés à la diffusion de contenus illicites, tels que la diffusion de matériel pédopornographique, de discours haineux illégaux ou d’autres types d’usage abusif de leurs services dans le cadre d’infractions pénales, et la poursuite d’activités illégales, telles que la vente de produits ou de services interdits par le droit de l’Union ou le droit national, y compris des produits dangereux ou de contrefaçon, ou des animaux commercialisés illégalement ».

Pour mémoire, les trois autres catégories :

  • « l’incidence réelle ou prévisible du service sur l’exercice des droits fondamentaux »,
  • « les effets négatifs réels ou prévisibles sur les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que sur la sécurité publique ».
  • « Des préoccupations similaires relatives à la conception, au fonctionnement ou à l’utilisation, y compris par manipulation, de très grandes plateformes en ligne et de très grands moteurs de recherche en ligne ayant un effet négatif réel ou prévisible sur la protection de la santé publique et des mineurs, ainsi que des conséquences négatives graves sur le bien-être physique et mental d’une personne, ou sur la violence à caractère sexiste ».

Le 6 novembre, la Commission européenne ordonne à AliExpress, une filiale d’Alibaba, de fournir des informations sur les moyens mis en œuvre sur sa plateforme pour lutter contre la vente de produits contrefaits.

A cette occasion le Commissaire au marché intérieur, Thierry Breton a déclaré :

La législation sur les services numériques ne porte pas uniquement sur les discours de haine, la désinformation et le cyberharcèlement. Il s’agit également de garantir le retrait des produits illégaux ou dangereux vendus dans l’UE par l’intermédiaire de plateformes de commerce électronique, y compris le nombre croissant de médicaments et de produits pharmaceutiques contrefaits et potentiellement mortels vendus en ligne.

La liste publiée le 23 avril 2023 mais certaines entreprises contestent leur présence (Zalando, Amazon .. )

Très grandes plateformes en ligne :

  • Alibaba AliExpress
  • Amazon Store
  • Apple AppStore
  • Booking.com
  • Facebook
  • Google Play
  • Google Maps
  • Google Shopping
  • Instagram
  • LinkedIn
  • Pinterest
  • Snapchat
  • TikTok
  • Twitter
  • Wikipedia
  • YouTube
  • Zalando

Très grands moteurs de recherche en ligne :

  • Bing
  • Google Search

Commerce en ligne : une place de marché est-elle responsable des produits contrefaisants proposés par un tiers.

La place de marché participe-t-elle à l’atteinte à la marque quand le parfum vendu par un tiers n’a pas été autorisé à la vente dans l’Union par le titulaire de la marque ?

Cet arrêt rendu le 2 avril 2020 par la Cour de justice est d’autant plus d’actualité que le commerce en ligne explose avec les mesures de confinement et la place de marché en cause est celle du site Internet www.amazon.de

Deux sociétés du groupe Amazon se voient reprochées leur rôle par le titulaire des droits de marque. Amazon Service Europe qui offre à des vendeurs tiers la possibilité de publier, pour leurs produits, des offres de vente dans la partie « Amazon-Marketplace » du site Internet www.amazon.de. Et Amazon FC Graben, qui exploite un entrepôt.

Un contentieux en Allemagne

Le titulaire de  la licence de marque engage une action en Allemagne pour atteinte à la marque et demande que ces deux sociétés soient condamnées, sous peine de sanctions, à s’abstenir de détenir ou d’expédier, ou de faire détenir ou de faire expédier, en Allemagne, dans la vie des affaires, des parfums de la marque …. et à ce qu’elles soient condamnées pour avoir entreposé ces parfums pour le compte de cette société tierce ou de toute autre société non identifiée.

Le Landgericht rejette les demandes. Idem en appel.

Le titulaire de la licence forme un pourvoi.

Pour le Bundesgerichtshof se pose l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001  qui prévoit différentes interdictions « b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe  » et partant de définir qui en sont les auteurs.

Cet arrêt est limité à cette situation particulière d’entreposage

34      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que les parties défenderesses au principal n’ont fait qu’entreposer les produits concernés, sans les avoir offerts elles-mêmes à la vente ou les avoir mis dans le commerce et, d’autre part, qu’elles n’entendaient pas davantage offrir ces produits à la vente ou les mettre dans le commerce.

35      Il convient dès lors de déterminer si une telle opération d’entreposage peut être considérée comme un « usage » de la marque, au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001 et, en particulier, comme le fait de « détenir » ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement 2017/1001 ne définissent la notion de « faire usage » au sens de l’article 9 de ces règlements.

37      La Cour a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que, selon son sens habituel, l’expression « faire usage » implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. À cet égard, elle a relevé que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, qui énumère de manière non exhaustive les types d’usage que le titulaire de la marque peut interdire, mentionne exclusivement des comportements actifs de la part du tiers …..

38      La Cour a également rappelé que ces dispositions ont pour but de fournir au titulaire d’une marque un instrument légal lui permettant d’interdire, et ainsi de faire cesser, tout usage de sa marque qui est fait par un tiers sans son consentement. Cependant, seul un tiers qui a la maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage est effectivement en mesure de cesser cet usage et donc de se conformer à ladite interdiction …..

39      Elle a par ailleurs itérativement jugé que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. Une personne peut ainsi permettre à ses clients de faire usage de signes identiques ou similaires à des marques, sans faire elle-même un usage desdits signes …..

La Cour s’est déjà prononcée dans des situations analogues

40      C’est ainsi que la Cour a considéré, s’agissant de l’exploitation d’une plateforme de commerce en ligne, que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichées sur une place de marché en ligne, est fait par les clients vendeurs de l’exploitant de cette place de marché et non par cet exploitant lui-même…….

41      Elle a également relevé, s’agissant d’une entreprise dont l’activité principale est le remplissage de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers, qu’un prestataire de service qui se limite à remplir, sur commande et sur les instructions d’un tiers, des canettes déjà pourvues de signes similaires à des marques et donc à exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant, ne fait pas lui-même un « usage » de ces signes mais crée uniquement les conditions techniques nécessaires pour que ce tiers puisse faire un tel usage ……

42      De même, la Cour a jugé que, si un opérateur économique, qui importe ou remet à un entrepositaire, en vue de leur mise dans le commerce, des marchandises revêtues d’une marque dont il n’est pas titulaire, fait « usage » d’un signe identique à cette marque, tel n’est pas nécessairement le cas de l’entrepositaire qui fournit un service d’entreposage des marchandises revêtues de la marque d’autrui …………..

43      En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe …..

L’entreposage peut amener son auteur à se voir reconnaitre responsable par sa maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage

45      Il s’ensuit que, pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes, encore faut-il, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

46      À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale.

47      Or, en l’occurrence, s’agissant des parties défenderesses au principal, ainsi qu’il a été relevé au point 34 du présent arrêt, la juridiction de renvoi indique sans ambigüité que celles-ci n’ont pas elles-mêmes offert les produits concernés à la vente ni ne les ont mis dans le commerce, celle-ci précisant, du reste, dans le libellé de sa question, que c’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale.

Le droit dit par la Cour de Justice

L’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], et l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités.

 

Contrefaçon de marque : les sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

L’acte qualifié de contrefaçon de marque peut avoir été réalisé par différentes sociétés qui interviennent à des moments différents de la commercialisation du produit: ces sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

La société R …… publie un catalogue, pour une annonce publiée sur celui-ci , elle est poursuivie en contrefaçon d’une marque française. La Cour d’appel l’a condamne mais rejette son appel en garantie contre la société C…. qui avait demandé l’insertion litigieuse.

La Cour de cassation casse cet arrêt :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter son recours en garantie à l’encontre de la société C….., l’arrêt retient que, peu important qu’elle n’ait pas disposé de pouvoir décisionnel, la société R……… était en mesure, même au regard du bref délai qui lui était ménagé, d’attirer l’attention de la société F…….. sur le caractère incorrect de l’insertion dans le catalogue litigieux et qu’en s’abstenant de toute réaction, elle a commis une faute qui est exclusivement à l’origine des actes de contrefaçon et des dommages qui en sont découlés ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la faute commise par la société C…… ni apprécier sa gravité par rapport à la faute commise par la société R………, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement …

Interdiction de vente sur Internet sanctionnée par l’Autorité de la Concurrence

La décision rendue le 12 décembre 2012 par l’Autorité de la Concurrence intéresse les titulaires de marque à propos de l’interdiction  de la vente sur internet.

L’article en cause du contrat de distribution sélective

6.1 Le Distributeur s’engage à n’offrir à la vente les produits BANG & OLUFSEN qu’aux consommateurs et aux autres distributeurs agréés BANG & OLUFSEN situés dans le Territoire. La distribution de produits BANG & OLUFSEN par correspondance n’est pas autorisée. »

17 avril 2001 : lettre de BANG & OLUFSEN à la Direction nationale des enquêtes de concurrence

……..

Ces spécificités propres à Bang & Olufsen et qui sont l’âme de la marque exigent un conseil adapté auprès du consommateur et c’est la raison pour laquelle la médiation du revendeur nous parait une absolue nécessité. Cela semble être également une évidence pour nos revendeurs puisque nous n’avons jamais eu à traiter de ventes par internet avec aucun de nos revendeurs

La décision du 12 décembre de l’Autorité de la Concurrence retient une infraction aux dispositions des articles 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce et notamment ordonne « dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la modification de ses contrats de distribution sélective existants ou à la diffusion d’une circulaire générale, afin de stipuler, en termes clairs, que les distributeurs agréés membres de son réseau de distribution sélective ont la possibilité de recourir à la vente par Internet ».

Un recours sera-t-il déposé devant la Cour de Paris ?

 

Marque et photographie : la vente en ligne de photographies d’emballages constitue-t-elle un acte de contrefaçon des marques visibles sur ceux-ci ?

Marque et photographie : la vente en ligne de photographies portant sur des emballages constitue-t-elle un acte de contrefaçon de marque ?

Sur ses sites, La Photothèque  propose  à la vente des photographies.

Parmi celles-ci, certaines représentent des emballages de produits.

Différentes sociétés appartenant à un même groupe, dont les marques sont enregistrées pour des produits liés à l’alimentation et à la diététique  font constater  « qu’étaient proposées à la vente des photographies représentant des emballages de produits sur lesquels figuraient les marques susmentionnées ».

Les titulaires des marques assignent La Photothèque en contrefaçon des marques et de droit d’auteur, et subsidiairement ils invoquent des faits de parasitisme.

24 mai 2011, la Cour de Poitiers rejette leurs différentes demandes.

Pourvoi en cassation des titulaires des marques,

Le 25 septembre 2012, la Cour de cassation rejette les différents moyens du  pourvoi. N’en sont cités ci-après que quelques extraits.

  • Sur la contrefaçon

« Mais attendu, en premier lieu, que la contrefaçon par reproduction ou usage d’une marque implique que le signe incriminé soit utilisé pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux désignés à l’enregistrement de la marque ; que l’arrêt relève que les marques des sociétés du groupe Léa nature sont enregistrées pour désigner des produits ayant un lien avec l’alimentation et la diététique et que les emballages des produits comportant ces marques sont reproduits sur des photographies commercialisées par la société La Photothèque qui gère un service de vente ou de location de photographies ; qu’il relève encore, par motifs propres et adoptés, que les photographies incriminées n’étaient pas référencées sous les marques des sociétés du groupe Léa nature et qu’il était impossible d’y accéder en entrant, dans un moteur de recherches, des mots clés correspondant à ces marques ; que de ces constatations et appréciations la cour d’appel a pu déduire que les produits offerts à la vente par la société La Photothèque n’étant ni identiques, ni similaires à ceux couverts par les enregistrements de marques et n’étant pas identifiés par celles-ci, aucun acte de contrefaçon ne pouvait être imputé à la société La Photothèque ; »

  • Sur les actes de concurrence déloyale, l’atteinte à leur image de marque et le parasitisme

« Mais attendu que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que les clichés incriminés sont reproduits au milieu d’autres photographies de produits agro-alimentaires et qu’il n’est pas possible d’ avoir accès aux sites de la société La Photothèque en entrant dans un moteur de recherches les marques des sociétés du groupe …..; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a pu déduire que la société La Photothèque n’avait pas cherché, en vendant ses photographies à un public de professionnels de l’information, à tirer profit, sans contrepartie financière, de l’activité et de la notoriété des sociétés du groupe Léa nature sur le marché alimentaire et diététique et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;