Lutte contre la contrefaçon : l’obligation d’évaluation des risques imposée par le DSA

Au cœur du DSA, les très grandes plateformes en ligne ou les très grands moteurs de recherche en ligne ( plus de 45 millions d’utilisateurs, article 33).

Dans un délai de quatre mois après leur désignation intervenue le 23 avril 2023, les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche devaient se conformer aux nouvelles dispositions du DSA en particulier l’évaluation des quatre catégories de risques systémiques.

Parmi ces quatre catégories, à la première figurent « les risques associés à la diffusion de contenus illicites, tels que la diffusion de matériel pédopornographique, de discours haineux illégaux ou d’autres types d’usage abusif de leurs services dans le cadre d’infractions pénales, et la poursuite d’activités illégales, telles que la vente de produits ou de services interdits par le droit de l’Union ou le droit national, y compris des produits dangereux ou de contrefaçon, ou des animaux commercialisés illégalement ».

Pour mémoire, les trois autres catégories :

  • « l’incidence réelle ou prévisible du service sur l’exercice des droits fondamentaux »,
  • « les effets négatifs réels ou prévisibles sur les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que sur la sécurité publique ».
  • « Des préoccupations similaires relatives à la conception, au fonctionnement ou à l’utilisation, y compris par manipulation, de très grandes plateformes en ligne et de très grands moteurs de recherche en ligne ayant un effet négatif réel ou prévisible sur la protection de la santé publique et des mineurs, ainsi que des conséquences négatives graves sur le bien-être physique et mental d’une personne, ou sur la violence à caractère sexiste ».

Le 6 novembre, la Commission européenne ordonne à AliExpress, une filiale d’Alibaba, de fournir des informations sur les moyens mis en œuvre sur sa plateforme pour lutter contre la vente de produits contrefaits.

A cette occasion le Commissaire au marché intérieur, Thierry Breton a déclaré :

La législation sur les services numériques ne porte pas uniquement sur les discours de haine, la désinformation et le cyberharcèlement. Il s’agit également de garantir le retrait des produits illégaux ou dangereux vendus dans l’UE par l’intermédiaire de plateformes de commerce électronique, y compris le nombre croissant de médicaments et de produits pharmaceutiques contrefaits et potentiellement mortels vendus en ligne.

La liste publiée le 23 avril 2023 mais certaines entreprises contestent leur présence (Zalando, Amazon .. )

Très grandes plateformes en ligne :

  • Alibaba AliExpress
  • Amazon Store
  • Apple AppStore
  • Booking.com
  • Facebook
  • Google Play
  • Google Maps
  • Google Shopping
  • Instagram
  • LinkedIn
  • Pinterest
  • Snapchat
  • TikTok
  • Twitter
  • Wikipedia
  • YouTube
  • Zalando

Très grands moteurs de recherche en ligne :

  • Bing
  • Google Search

Commerce en ligne : une place de marché est-elle responsable des produits contrefaisants proposés par un tiers.

La place de marché participe-t-elle à l’atteinte à la marque quand le parfum vendu par un tiers n’a pas été autorisé à la vente dans l’Union par le titulaire de la marque ?

Cet arrêt rendu le 2 avril 2020 par la Cour de justice est d’autant plus d’actualité que le commerce en ligne explose avec les mesures de confinement et la place de marché en cause est celle du site Internet www.amazon.de

Deux sociétés du groupe Amazon se voient reprochées leur rôle par le titulaire des droits de marque. Amazon Service Europe qui offre à des vendeurs tiers la possibilité de publier, pour leurs produits, des offres de vente dans la partie « Amazon-Marketplace » du site Internet www.amazon.de. Et Amazon FC Graben, qui exploite un entrepôt.

Un contentieux en Allemagne

Le titulaire de  la licence de marque engage une action en Allemagne pour atteinte à la marque et demande que ces deux sociétés soient condamnées, sous peine de sanctions, à s’abstenir de détenir ou d’expédier, ou de faire détenir ou de faire expédier, en Allemagne, dans la vie des affaires, des parfums de la marque …. et à ce qu’elles soient condamnées pour avoir entreposé ces parfums pour le compte de cette société tierce ou de toute autre société non identifiée.

Le Landgericht rejette les demandes. Idem en appel.

Le titulaire de la licence forme un pourvoi.

Pour le Bundesgerichtshof se pose l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001  qui prévoit différentes interdictions « b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe  » et partant de définir qui en sont les auteurs.

Cet arrêt est limité à cette situation particulière d’entreposage

34      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que les parties défenderesses au principal n’ont fait qu’entreposer les produits concernés, sans les avoir offerts elles-mêmes à la vente ou les avoir mis dans le commerce et, d’autre part, qu’elles n’entendaient pas davantage offrir ces produits à la vente ou les mettre dans le commerce.

35      Il convient dès lors de déterminer si une telle opération d’entreposage peut être considérée comme un « usage » de la marque, au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001 et, en particulier, comme le fait de « détenir » ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement 2017/1001 ne définissent la notion de « faire usage » au sens de l’article 9 de ces règlements.

37      La Cour a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que, selon son sens habituel, l’expression « faire usage » implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. À cet égard, elle a relevé que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, qui énumère de manière non exhaustive les types d’usage que le titulaire de la marque peut interdire, mentionne exclusivement des comportements actifs de la part du tiers …..

38      La Cour a également rappelé que ces dispositions ont pour but de fournir au titulaire d’une marque un instrument légal lui permettant d’interdire, et ainsi de faire cesser, tout usage de sa marque qui est fait par un tiers sans son consentement. Cependant, seul un tiers qui a la maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage est effectivement en mesure de cesser cet usage et donc de se conformer à ladite interdiction …..

39      Elle a par ailleurs itérativement jugé que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. Une personne peut ainsi permettre à ses clients de faire usage de signes identiques ou similaires à des marques, sans faire elle-même un usage desdits signes …..

La Cour s’est déjà prononcée dans des situations analogues

40      C’est ainsi que la Cour a considéré, s’agissant de l’exploitation d’une plateforme de commerce en ligne, que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichées sur une place de marché en ligne, est fait par les clients vendeurs de l’exploitant de cette place de marché et non par cet exploitant lui-même…….

41      Elle a également relevé, s’agissant d’une entreprise dont l’activité principale est le remplissage de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers, qu’un prestataire de service qui se limite à remplir, sur commande et sur les instructions d’un tiers, des canettes déjà pourvues de signes similaires à des marques et donc à exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant, ne fait pas lui-même un « usage » de ces signes mais crée uniquement les conditions techniques nécessaires pour que ce tiers puisse faire un tel usage ……

42      De même, la Cour a jugé que, si un opérateur économique, qui importe ou remet à un entrepositaire, en vue de leur mise dans le commerce, des marchandises revêtues d’une marque dont il n’est pas titulaire, fait « usage » d’un signe identique à cette marque, tel n’est pas nécessairement le cas de l’entrepositaire qui fournit un service d’entreposage des marchandises revêtues de la marque d’autrui …………..

43      En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe …..

L’entreposage peut amener son auteur à se voir reconnaitre responsable par sa maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage

45      Il s’ensuit que, pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes, encore faut-il, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

46      À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale.

47      Or, en l’occurrence, s’agissant des parties défenderesses au principal, ainsi qu’il a été relevé au point 34 du présent arrêt, la juridiction de renvoi indique sans ambigüité que celles-ci n’ont pas elles-mêmes offert les produits concernés à la vente ni ne les ont mis dans le commerce, celle-ci précisant, du reste, dans le libellé de sa question, que c’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale.

Le droit dit par la Cour de Justice

L’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], et l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités.

 

Contrefaçon de marque : les sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

L’acte qualifié de contrefaçon de marque peut avoir été réalisé par différentes sociétés qui interviennent à des moments différents de la commercialisation du produit: ces sociétés doivent-elles se garantir entre elles ?

La société R …… publie un catalogue, pour une annonce publiée sur celui-ci , elle est poursuivie en contrefaçon d’une marque française. La Cour d’appel l’a condamne mais rejette son appel en garantie contre la société C…. qui avait demandé l’insertion litigieuse.

La Cour de cassation casse cet arrêt :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter son recours en garantie à l’encontre de la société C….., l’arrêt retient que, peu important qu’elle n’ait pas disposé de pouvoir décisionnel, la société R……… était en mesure, même au regard du bref délai qui lui était ménagé, d’attirer l’attention de la société F…….. sur le caractère incorrect de l’insertion dans le catalogue litigieux et qu’en s’abstenant de toute réaction, elle a commis une faute qui est exclusivement à l’origine des actes de contrefaçon et des dommages qui en sont découlés ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la faute commise par la société C…… ni apprécier sa gravité par rapport à la faute commise par la société R………, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement …

Interdiction de vente sur Internet sanctionnée par l’Autorité de la Concurrence

La décision rendue le 12 décembre 2012 par l’Autorité de la Concurrence intéresse les titulaires de marque à propos de l’interdiction  de la vente sur internet.

L’article en cause du contrat de distribution sélective

6.1 Le Distributeur s’engage à n’offrir à la vente les produits BANG & OLUFSEN qu’aux consommateurs et aux autres distributeurs agréés BANG & OLUFSEN situés dans le Territoire. La distribution de produits BANG & OLUFSEN par correspondance n’est pas autorisée. »

17 avril 2001 : lettre de BANG & OLUFSEN à la Direction nationale des enquêtes de concurrence

……..

Ces spécificités propres à Bang & Olufsen et qui sont l’âme de la marque exigent un conseil adapté auprès du consommateur et c’est la raison pour laquelle la médiation du revendeur nous parait une absolue nécessité. Cela semble être également une évidence pour nos revendeurs puisque nous n’avons jamais eu à traiter de ventes par internet avec aucun de nos revendeurs

La décision du 12 décembre de l’Autorité de la Concurrence retient une infraction aux dispositions des articles 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce et notamment ordonne « dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la modification de ses contrats de distribution sélective existants ou à la diffusion d’une circulaire générale, afin de stipuler, en termes clairs, que les distributeurs agréés membres de son réseau de distribution sélective ont la possibilité de recourir à la vente par Internet ».

Un recours sera-t-il déposé devant la Cour de Paris ?

 

Marque et photographie : la vente en ligne de photographies d’emballages constitue-t-elle un acte de contrefaçon des marques visibles sur ceux-ci ?

Marque et photographie : la vente en ligne de photographies portant sur des emballages constitue-t-elle un acte de contrefaçon de marque ?

Sur ses sites, La Photothèque  propose  à la vente des photographies.

Parmi celles-ci, certaines représentent des emballages de produits.

Différentes sociétés appartenant à un même groupe, dont les marques sont enregistrées pour des produits liés à l’alimentation et à la diététique  font constater  « qu’étaient proposées à la vente des photographies représentant des emballages de produits sur lesquels figuraient les marques susmentionnées ».

Les titulaires des marques assignent La Photothèque en contrefaçon des marques et de droit d’auteur, et subsidiairement ils invoquent des faits de parasitisme.

24 mai 2011, la Cour de Poitiers rejette leurs différentes demandes.

Pourvoi en cassation des titulaires des marques,

Le 25 septembre 2012, la Cour de cassation rejette les différents moyens du  pourvoi. N’en sont cités ci-après que quelques extraits.

  • Sur la contrefaçon

« Mais attendu, en premier lieu, que la contrefaçon par reproduction ou usage d’une marque implique que le signe incriminé soit utilisé pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux désignés à l’enregistrement de la marque ; que l’arrêt relève que les marques des sociétés du groupe Léa nature sont enregistrées pour désigner des produits ayant un lien avec l’alimentation et la diététique et que les emballages des produits comportant ces marques sont reproduits sur des photographies commercialisées par la société La Photothèque qui gère un service de vente ou de location de photographies ; qu’il relève encore, par motifs propres et adoptés, que les photographies incriminées n’étaient pas référencées sous les marques des sociétés du groupe Léa nature et qu’il était impossible d’y accéder en entrant, dans un moteur de recherches, des mots clés correspondant à ces marques ; que de ces constatations et appréciations la cour d’appel a pu déduire que les produits offerts à la vente par la société La Photothèque n’étant ni identiques, ni similaires à ceux couverts par les enregistrements de marques et n’étant pas identifiés par celles-ci, aucun acte de contrefaçon ne pouvait être imputé à la société La Photothèque ; »

  • Sur les actes de concurrence déloyale, l’atteinte à leur image de marque et le parasitisme

« Mais attendu que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que les clichés incriminés sont reproduits au milieu d’autres photographies de produits agro-alimentaires et qu’il n’est pas possible d’ avoir accès aux sites de la société La Photothèque en entrant dans un moteur de recherches les marques des sociétés du groupe …..; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a pu déduire que la société La Photothèque n’avait pas cherché, en vendant ses photographies à un public de professionnels de l’information, à tirer profit, sans contrepartie financière, de l’activité et de la notoriété des sociétés du groupe Léa nature sur le marché alimentaire et diététique et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Vente en ligne d‘ordinateurs équipés d’un système d’exploitation : s’agit-il d’une pratique contraire à l’article L122-1 du Code de la consommation ?

Vente en ligne d‘ordinateurs équipés d’un système d’exploitation : s’agit-il d’une pratique contraire à l’article L122-1 du Code de la consommation ? L’arrêt du 12 juillet 2012 de la Cour de cassation illustre cette problématique quand la société a deux sites l’un s’adressant aux particuliers, l’autre aux professionnels.

Une société propose sur son site internet des ordinateurs équipés d’un logiciel d’exploitation.

Une association de consommateur considère que cette pratique commerciale est contraire à l’article L. 122-1 du Code de la consommation :

« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1.

Cette disposition s’applique à toutes les activités visées au dernier alinéa de l’article L. 113-2.

….. »

La Cour de Versailles fait droit à la demande de l’association  et juge « que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constitue une pratique commerciale déloyale » et interdit « à la société de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation ».

Pourvoi en cassation de la société.

12 juillet 2012 : la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour de Versailles au motif que ;

si cet arrêt retient

« d’une part, que cette pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle puisque la société, qui prétend n’être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s’il n’a que des droits d’utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s’adressant à l’éditeur du logiciel d’exploitation, que la société ne peut justifier l’absence de proposition d’ordinateurs sans préinstallation puisqu’elle les propose aux professionnels et qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation, ni à la désactivation lors de la vente, d’autre part, que cette pratique est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse puisque l’absence d’information sur la valeur d’éléments substantiels comme le prix du logiciel d’exploitation réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions, que surtout il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciel et peut être ainsi amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur qu’autrement il n’aurait pas prise »

cet arrêt a constaté néanmoins :

« que la société soulignait, sans être démentie, que le consommateur pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs « nus », mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir la réussite, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs desquels il ne résulte pas que la vente litigieuse présentait le caractère d’une pratique commerciale déloyale, a violé le texte susvisé »

 

Mais la commercialisation de CD de chansons sur Internet fait l’objet de différentes questions préjudicielles

Mais la commercialisation de CD sur Internet fait l’objet d’un renvoi en questions préjudicielles par l’arrêt du 5 avril de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation.

  • L’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse a déclaré incompétent le Tribunal de Toulouse, ville  du demandeur

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 21 janvier 2009), que M. X…, prétendant être l’auteur, le compositeur et l’interprète de douze chansons enregistrées sur un disque vinyle et indiquant avoir découvert que celles-ci avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD) pressé en Autriche par la société autrichienne Kdg Mediatech AG, puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy sur différents sites Internet accessibles depuis son domicile toulousain, a fait assigner le 12 octobre 2006 la société Kdg Mediatech AG devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de ses droits d’auteur ; que la société défenderesse a soulevé l’incompétence des juridictions françaises ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Toulouse incompétent pour connaître de ses demandes alors, selon le moyen, qu’en matière de contrefaçon, le demandeur peut saisir les tribunaux de l’Etat dans lequel le défendeur a son domicile ou le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, ce dernier lieu étant soit celui où l’auteur de la contrefaçon est établi, soit celui où l’objet de la contrefaçon se trouve diffusé ; qu’en relevant, pour juger que la contrefaçon invoquée par M. X… ne relevait pas de la compétence du tribunal de grande instance de Toulouse, qu’il était indifférent que les contrefaçons aient pu être achetées sur Internet en France et que cette juridiction était celle du domicile du demandeur, quand il était essentiel de déterminer, pour statuer sur la compétence des juridictions françaises, si les objets litigieux étaient diffusés sur un site Internet accessible en France et avaient pu être vendus dans ce pays, de sorte que le dommage était susceptible de s’y réaliser, voire s’y était d’ores et déjà réalisé, la cour d’appel a violé l’article 5, 3°, du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

  • La Cour de Cassation se réfère aux dispositions du règlement 44/2001

Attendu que l’article 5, point 3, du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose qu’en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ;

 

  • Puis à la solution déjà connue de l’arrêt Fiona Shevill

Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, dans l’arrêt Fiona Shevill c/ Press Alliance SA (7 mars 1995, C-68/93), que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit » doit, en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie ;

  • La solution en matière de marque est également rappelée

Attendu que, saisie notamment de la question de savoir si, pour que le titulaire d’une marque puisse s’opposer à l’offre à la vente, sur une place de marché en ligne, de produits de cette marque non auparavant commercialisés dans l’espace économique européen, il suffit que l’offre soit destinée à des consommateurs situés sur le territoire couvert par la marque, la Cour de justice de l’Union européenne (L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e.a., 12 juillet 2011, C-324/09) a par ailleurs énoncé que « la simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente y affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire », qu’ « en effet, si l’accessibilité, sur ledit territoire, d’une place de marché en ligne suffisait pour que les annonces y affichées relèvent du champ d’application de la directive 89/04 et du règlement n° 40/94, des sites et des annonces qui, tout en étant à l’évidence destinés exclusivement à des consommateurs situés dans les Etats tiers, sont néanmoins techniquement accessibles sur le territoire de l’Union seraient indûment soumis au droit de l’Union » (point 64) et qu' »il incombe, par conséquent, aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente, affichée sur une place de marché en ligne accessible sur le territoire couvert par la marque, est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci » (point 65), se référant expressément, par analogie, à son arrêt Pammer et Hotel Alpenhof (7 décembre 2010, C-585/08 et C-144/09) concernant l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 relatif à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ;

  • De même pour l’atteinte aux droits de la personnalité

Attendu que la Cour de justice a enfin, dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez (25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10), dit pour droit que l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’Etat membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts, que cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été et que celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie ;

  • La situation se distingue encore des ventes sur les plates formes

Attendu que le présent litige présente la particularité de ne correspondre ni à l’hypothèse examinée dans l’arrêt L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e.a. ni à celle analysée dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez, dans la mesure où l’atteinte alléguée résulterait de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant illicitement l’oeuvre sur laquelle le demandeur à l’action revendique des droits d’auteur ;

  • D’où les questions préjudicielles

Attendu qu’il pose, dès lors, des questions d’interprétation du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, qui exigent de saisir la Cour de justice de l’Union européenne ;

PAR CES MOTIFS :

Renvoie à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

1°) L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

– la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie,

ou

– il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ?

2°) La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ?

Sursoit à statuer jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne ;

Vente en ligne, produits marqués, emballages modifiés, nécessité de mise en oeuvre de dispositif préventif : l’arrêt du 12 juillet de la CJUE

Le commerce en ligne par les marques qu’il emploie, est régulièrement soumis au contrôle de la Cour de Justice.

Les juges de la Cour de Justice de l'Union européenne
Les juges de la Cour de Justice, source : curia.europa.eu

 

L’arrêt rendu le 12 juillet par la CJUE est important parce qu’il :

  • a été rendu par la Grande Chambre de la CJUE
  • s’applique à la vente en ligne
  • concerne la vente en ligne et en direction de l’Union Européenne de produits marqués qui n’avaient pas été mis sur le marché européen par leur titulaire
  • porte sur l’emploi de la marque dans la publicité
  • apporte une précision importante sur la situation de l’exploitant d’une place de marché en ligne au regard de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce en ligne, et le régime d’exonération  de responsabilité après sa connaissance des faits illicites
  • prévoit que les juridictions nationales puissent ordonner contre les places de marché en ligne :

– non seulement de faire cesser des pratiques illicites

– mais également de mettre en place des dispositifs préventifs

 

1)      Lorsque des produits situés dans un État tiers, revêtus d’une marque enregistrée dans un État membre de l’Union ou d’une marque communautaire et non auparavant commercialisés dans l’Espace économique européen ou, en cas de marque communautaire, non auparavant commercialisés dans l’Union, sont vendus par un opérateur économique au moyen d’une place de marché en ligne et sans le consentement du titulaire de cette marque à un consommateur situé sur le territoire couvert par ladite marque ou font l’objet d’une offre à la vente ou d’une publicité sur une telle place destinée à des consommateurs situés sur ce territoire, ledit titulaire peut s’opposer à cette vente, à cette offre à la vente ou à cette publicité en vertu des règles énoncées à l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ou à l’article 9 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire. Il incombe aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente ou une publicité affichée sur une place de marché en ligne accessible sur ledit territoire est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci.
2)      La fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94.
3)      Les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque peut, en vertu du droit exclusif conféré par celle-ci, s’opposer à la revente de produits, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, au motif que le revendeur a retiré l’emballage de ces produits, lorsque ce déconditionnement a pour conséquence que des informations essentielles, telles que celles relatives à l’identification du fabricant ou du responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique, font défaut. Lorsque le retrait de l’emballage n’a pas conduit à un tel défaut d’informations, le titulaire de la marque peut néanmoins s’opposer à ce qu’un parfum ou un produit cosmétique revêtu de la marque dont il est titulaire soit revendu dans un état déconditionné, s’il établit que le retrait de l’emballage a porté atteinte à l’image dudit produit et, ainsi, à la réputation de la marque.
4)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet exploitant a sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits de cette marque mis en vente sur ladite place de marché, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
5)      L’exploitant d’une place de marché en ligne ne fait pas un «usage», au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, des signes identiques ou similaires à des marques qui apparaissent dans des offres à la vente affichées sur son site.
6)      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées.
Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci.
Lorsque l’exploitant de la place de marché en ligne n’a pas joué un rôle actif au sens visé à l’alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue à cette disposition s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14.
7)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime.

Vente en ligne : modification pour la vente des biens culturels dont une définition est annoncée

 

La loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 relative à la « libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » :

–          Modifie les règles applicables à cette activité : s’appliquent les règles d’information du public de manière claire et non équivoque sur la nature du service proposé, dans les conditions fixées à l’article L. 111-2 du code de la consommation et au III de l’article L. 441-6 du code de commerce

–          Annonce  des dispositions pour fixer « les conditions dans lesquelles le prestataire de services porte également à la connaissance du vendeur et de l’acquéreur la réglementation relative à la circulation des biens culturels, ainsi qu’à la répression des fraudes en matière de transactions d’œuvres d’art et d’objets de collection, lorsque l’opération de courtage aux enchères par voie électronique porte sur de tels biens ».