Aboistop une marque enregistrée en France et au Canada mais avec deux titulaires différents : rejet de la demande en contrefaçon mais l’examen de la concurrence déloyale est renvoyé devant une autre cour d’appel pour la commercalisation en France des mêmes produits mais sous une autre marque

L’arrêt rendu le 17 janvier 2011 par la Cour de Cassation laisse entrevoir une distinction quant à l’impact des actes allégués de contrefaçon de marque de ceux poursuivis sur le fondement de la concurrence déloyale au regard de la commercialisation de ces mêmes produits mais sous une autre marque !

« Aboistop » : une marque enregistrée en France le 16 septembre 1996 sous le n° 96642721 pour désigner notamment un dispositif électronique pour empêcher les chiens d’aboyer ainsi que des colliers comprenant un tel dispositif et régulièrement renouvelée depuis, son titulaire est une société française.

« Aboistop » : est aussi une marque canadienne déposée le 13 octobre 1995, et est la propriété d’une société de droit canadien, pour des produits similaires. cette société canadienne offre à la vente ses produits sur son site internet , notamment en langue française.

La société française engage une action en contrefaçon de la marque française et en concurrence déloyale contre la société canadienne devant les juridictions françaises. L’arrêt ne donne pas d’indication sur le jugement. La Cour d’appel a rejeté les demandes de la société française.

  • La Cour de Cassation confirme l’arrêt qui a rejeté les demandes en contrefaçon

Mais attendu que l’arrêt relève que la société [canadienne] est titulaire de la marque canadienne « Aboistop » et que son site internet est un site canadien rédigé en plusieurs langues dont le français qui est la langue officielle au Québec ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations dont il se déduit que la société [canadienne ] ne visait pas à faire usage auprès du public de France de la marque « Aboistop » pour des produits vétérinaires,

On comprendrait à cette lecture que seul l’emploi du français sur le site de la société canadienne aurait été présenté comme une preuve de la vente des produits marqués Aboistop en direction de la France.

  • N’est cassé que l’arrêt de la Cour d’appel sur le rejet des demandes en concurrence déloyale

Attendu que pour rejeter la demande en concurrence déloyale formée par la société [française] l’arrêt retient que commander un produit « Aboistop » à la société [ canadienne ] est certes concurrentiel du produit « aboistop » distribué par la société [française] mais légitime ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si, en livrant un produit revêtu d’une marque autre que la marque « Aboistop » sous laquelle le produit était présenté, la société [canadienne] n’avait pas cherché à détourner à son profit la clientèle de la société [ française], la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Mais en direction de la France, quels sont les actes qualifiés de concurrence déloyale ? S’agit-il de la vente des produits revêtus initialement au Canada de la marque Aboistop ou bien serait-il question, ici, de ces mêmes produits vendus en France sous une autre marque mais présentés sur le site canadien sous la marque Aboistop ?

 

A noter aussi : il y a eu un arbitrage entre les parties, au regard d’un contrat les unissant. Néanmoins, les instances judiciaires se seraient prononcées pour des faits postérieurs à la résiliation du contrat et non solutionnés par l’arbitrage.

Opposition à la demande de marque communautaire KICO par la marque antérieure KIKA

Dans l’affaire T-249/10, le Tribunal par son arrêt du 17 janvier 2012 rejette le recours contre la décision de la chambre de recours qui a accepté l’opposition. Les débats ont porté essentiellement sur la similitudes des signes.

La marque demandée  La marque opposée : à la fois une marque communautaire et une marque allemande

C’est la similitude phonétique qui a été déterminante :

À cet égard, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, il y a lieu de souligner que les éléments verbaux des signes en conflit ont en commun le même nombre de syllabes, la syllabe initiale « ki » et le son initial « k » de la deuxième syllabe. Dans ces conditions, malgré le fait que les éléments verbaux des signes en conflit diffèrent quant à leur dernière lettre, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en retenant que lesdits signes étaient hautement similaires sur le plan phonétique.

Dépôt de marque communautaire, en cas d’opposition point trop d’imagination !

L’arrêt du 12 janvier 2012, T- 462/09 intervient à propos d’une opposition fondée sur une marque antérieure FAVOLIZIA contre un dépôt RAGOLIZIA pour des produits qui ont été considérés comme identiques,

L’intérêt de cette décision  : l’appréciation de la similitude entre les signes, – le Tribunal rejette le recours contre la décision de la chambre qui a fait droit à l’opposition- . Relevons ce qui est aux débats à propos de la similitude conceptuelle, la déposante invoque le mot « favour » qui se retrouverait dans différentes langues :

La requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas procédé à une comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel. Elle soutient que le signe Ragolizia n’a aucune signification précise, alors que le signe FAVOLIZIA évoque, par ses deux premières syllabes « fa‑vo », le mot anglais « favour », qui serait bien connu dans l’Union européenne et se retrouverait presque à l’identique dans de nombreuses langues de l’Union, dont notamment l’allemand, l’espagnol, l’anglais, le français, l’italien et le néerlandais. De plus, le mot « favour » et le signe FAVOLIZIA, associés aux produits relevant de la classe 30 pour lesquels cette marque est enregistrée, seraient compris par le public pertinent comme une allusion aux mots « favorisé » et « favori ». Les signes en conflit ne seraient, dès lors, pas similaires sur le plan conceptuel.

29 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’avaient pas de signification conceptuelle dans les langues de l’Union, de sorte qu’une comparaison sur ce plan était impossible.

Dépôt de marque communautaire, en cas d’atteinte à un signe antérieur utilisé dans la vie des affaires, qui peut faire opposition devant l’OHMI ?

L’opposition à un dépôt de marque communautaire peut être initiée par le titulaire d’une marque antérieure, mais le point 4 de l’article 8 du règlement prévoit également une opposition au regard « d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires ». Mais comment s’apprécie la titularité sur cet autre signe ? L’arrêt du 18 janvier 2012 du Tribunal de 1ère instance de l’Union illustre cette problématique.

Il s’agit de l’affaire T‑304/09, Tilda Riceland Private Ltd, établie à Gurgaon (Inde), contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). Ll’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant Siam Grains Co. Ltd, établie à Bangkok (Thailande).

4 novembre 2003 : Siam Grains Co. Ltd, dépose une demande d’enregistrement de marque communautaire pour « Riz à grains longs ».

10 décembre 2004 : United Riceland Private Ltd (devenue Tilda Riceland Private Ltd ) forme opposition sur la base « du signe antérieur BASMATI, utilisé dans la vie des affaires en relation avec le riz », au regard de l’article 8, paragraphe 4, du règlement.

L’arrêt précise que cette société « faisait valoir qu’elle pouvait, en vertu du droit applicable au Royaume-Uni, empêcher l’usage de la marque demandée, au moyen de l’action en usurpation d’appellation (action for passing off) ».

28 janvier 2008 : la division d’opposition rejette l’opposition dans son intégralité.

Autre précision apportée par l’arrêt, la division d’opposition « a considéré, en particulier, que la requérante n’avait pas soumis de documents décrivant la manière dont le riz qu’elle exporte vers le Royaume-Uni était commercialisé. Dans ces conditions, la requérante aurait été en défaut de prouver qu’elle avait acquis le « goodwill » nécessaire pour obtenir gain de cause, en vertu du droit relatif à l’usurpation applicable au Royaume-Uni. »

20 mars 2008 : recours de United Riceland Private

19 mars 2009 : la première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. cette chambre a en substance, considéré « que, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’opposante devait démontrer qu’elle était titulaire du droit fondant l’opposition. Or, en l’espèce, la requérante n’aurait pas démontré qu’elle était titulaire du droit invoqué. »

Et l’arrêt là aussi d’apporter cette précision sur le motif de ce rejet : « En particulier, la chambre de recours a considéré que le terme « basmati » n’était pas une marque ou un signe couverts par des droits de propriété, mais simplement la désignation courante d’une variété de riz. Le terme « basmati » serait générique. Par ailleurs, la chambre de recours a souligné que, la propriété protégée par l’action en usurpation d’appellation ne se référait pas au signe en cause, mais au « goodwill ». La chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas démontré qu’elle détenait la propriété du terme « basmati » et que, dès lors, l’opposition ne remplissait pas la condition – prévue par le règlement n° 40/94 – relative à l’existence d’un droit de propriété. »

A priori, la situation est  assez confuse sinon complexe, est-il question d’établir un droit/un droit à agir au regard du droit britannique ou s’agit-il réellement d’établir dans un premier temps, l’existence d’un droit de propriété sur ce signe utilisé dans la vie des affaire, puis lors d’une seconde étape, une propriété sur celui-ci,  comme condition pour permettre l’opposition sur la base de l’article 8 point 4 ?

Voyons ce que dit le Tribunal.

  • L’opposant doit détenir un droit sur le signe opposé

Il en découle que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 est que l’opposant démontre qu’il est titulaire du signe invoqué au soutien de son opposition. Cette condition implique que l’opposant prouve l’acquisition de droits sur ledit signe…….Ces droits doivent permettre, selon l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

  • C’est au regard du droit britannique que l’existence de ce droit et son acquisition sont à apprécier

Par ailleurs, et dans la mesure où la requérante invoque au soutien de son opposition l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni, il y a lieu de rappeler que le droit de l’État membre applicable, en l’espèce, est le Trade Marks Act, 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose notamment :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché :

a)      en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] »

19 Il résulte de ce texte, tel qu’interprété par les juridictions nationales, que l’opposant doit établir, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni, que trois conditions sont satisfaites, à savoir le goodwill acquis (c’est-à-dire la force d’attraction de la clientèle), la présentation trompeuse et le préjudice causé au goodwill.

Et le Tribunal à défaut de savoir exactement sur quelle situation la chambre de recours s’est prononcée, un droit effectivement privatif, la reconnaissance d’un signe par la clientèle,une possibilité selon la loi britannique de s’opposer à une marque, semble bien exclure qu’une telle opposition exigeât un droit exclusif et privatif.

..le fait que la requérante ait pu, dans les motifs soutenant son opposition, associer le terme de « marque » au signe invoqué, comme le relève la chambre de recours au considérant 19 de la décision attaquée, outre que cette circonstance peut résulter de l’invocation d’une marque non enregistrée à l’appui de l’opposition, ne saurait faire abstraction du fait que l’opposition était notamment fondée sur un signe utilisé dans la vie des affaires. La chambre de recours a d’ailleurs relevé ce motif d’opposition au considérant 16 de la décision attaquée. Dans ce cadre, il y a lieu de considérer que la circonstance invoquée par la chambre de recours selon laquelle le signe BASMATI ne serait pas une marque ne signifie pas pour autant que la requérante n’aurait pas acquis des droits sur ce signe, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, lu à la lumière du droit national applicable en l’espèce. Plus particulièrement, concernant l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le terme « basmati » serait générique, il résulte de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il présenterait, à l’origine, un caractère descriptif ou serait dépourvu de caractère distinctif (arrêt LAST MINUTE TOUR, point 26 supra, point 84). Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il est utilisé par plusieurs opérateurs dans le cadre de leur activité commerciale (Chocosuisse Union des fabricants suisses de chocolat & Ors v Cadbury Ltd. [1999] EWCA Civ 856). Cette forme dite « extensive » de l’action en usurpation d’appellation, reconnue par la jurisprudence nationale, permet ainsi à plusieurs opérateurs de disposer de droits sur un signe ayant acquis une réputation sur le marché. La circonstance invoquée par la chambre de recours, à la supposer avérée, n’est donc pas susceptible, à la lumière du droit national applicable, d’infirmer le fait que l’opposant pourrait avoir acquis des droits sur le signe invoqué.

  • La décision de la chambre de recours est annulée

la chambre de recours a commis une erreur en rejetant l’opposition au motif que la requérante n’aurait pas démontré qu’elle était titulaire du signe en cause, sans analyser précisément si la requérante avait acquis des droits sur ledit signe en application du droit du Royaume-Uni

 

Dépôt de marque communautaire et atteinte à la la renommée d’une marque communautaire antérieure

L’arrêt du 25 janvier 2012 du Tribunal,T‑332/10, Viaguara S.A., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’atteinte à la renommée de la marque antérieure, un des motifs relatifs de refus de l’article 8 point 5 du règlement.

3 octobre 2005 : Viaguara S.A. dépose la demande de marque communautaire : VIAGUARA.

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».

7 février 2007: Pfizer Inc., fait opposition pour tous les produits en invoquant la marque  communautaire verbale antérieure : VIAGRA

« Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».

L’opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement

30 juin 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition

13 août 2009 : Pfizer dépose un recours auprès de l’OHMI.

20 mai 2010 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’opposition.

La déposante saisit alors le Tribunal.

  • Le Tribunal rappelle les trois conditions qui doivent être remplies cumulativement

– premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ;

– deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et,

– troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice.

  • Le Tribunal revient sur l’appréciation globale de ce lien spécifique entre les deux marques

L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public

  • Cette atteinte à la marque antérieure n’a pas à être effective et actuelle mais elle doit être prévisible

En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.

  • Au regard de quel public cette analyse de l’atteinte doit-elle être menée, celui de la marque déposée ou celui de la marque antérieure  ?

L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

  • Sur la prétendue légitimation de la présence du mot « guara » dans la marque demandée

La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guarana qui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre de recours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit, au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » a pour effet de renvoyer à la marque antérieure.

66 S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées à des fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32 coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, à tout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.

67 Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Le recours est rejetée

Procédure d’opposition devant l’OHMI, appréciation du risque de confusion entre deux marques communautaires figuratives B comme Boomerang ou comme …8.

L’arrêt du 24 janvier 2012 du Tribunal, T‑593/10, El Corte Inglés, SA, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’appréciation du risque de confusion entre deux marques communautaires figuratives.

19 octobre 2007 : Jian Min Ruan dépose une demande de marque communautaire composée du signe

pour « Vêtements, chaussures, chapellerie »

13 juin 2008 : El Corte Inglés, SA, forme opposition sur la base de sa marque communautaire figurative antérieure, déposée le 24 novembre 2005 sous le numéro 4761417, et enregistrée le 4 septembre 2008 pour les mêmes produits

16 mars 2010 : la division d’opposition rejette l’opposition. L’opposante dépose un recours.

4 octobre 2010 : la deuxième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. L’opposante saisit le Tribunal d’un recours contre cette décision de cette chambre de recours

Décision du Tribunal

Précision que le public pertinent est composé du grand public dans l’Union.

  • Absence d’élément dominant dans les signes

À titre liminaire, il convient de relever que les signes en conflit sont composés de plusieurs éléments. Rien ne permet de considérer qu’un de ces éléments serait dominant dans les signes en conflit, ni qu’il aurait un caractère distinctif plus prononcé que les autres éléments, ce que n’a d’ailleurs pas retenu la chambre de recours dans la décision attaquée et ce que ne soutient pas la requérante dans ses écritures devant le Tribunal.

  • Voyez-vous la lettre B dans la marque demandée ?

Il y a lieu de constater que la marque antérieure contient un élément verbal représentant clairement la lettre « b », alors que la marque  demandée contient un élément fortement stylisé qui peut être perçu, entre autres, comme la représentation soit de la lettre « b », soit du chiffre 8. Contrairement à ce que soutient la requérante dans ses écritures, le fait que la marque demandée ait été dénommée « B » devant l’OHMI ne saurait avoir pour conséquence que le public pertinent reconnaîtra de façon claire et déterminée la lettre « b » dans la marque  demandée.

  • Un b fortement stylisé ou un chiffre 8 ?

En outre, à supposer qu’une partie du public pertinent identifie l’élément en cause comme représentant la lettre « b », le caractère fortement stylisé dudit élément constitue une différence importante avec l’élément verbal de la marque  antérieure. À cet égard, il convient de constater que la lettre « b » reprise dans la marque antérieure est représentée de face dans une police de caractères assez classique. S’agissant de l’élément contenu dans la marque demandée, il est représenté de façon inclinée et ses traits sont fortement déformés au point de ne pas pouvoir déterminer clairement s’il s’agit, entre autres, de la lettre « b » ou du chiffre 8.

  • Des couleurs différentes

alors que la marque demandée est présentée en rouge et blanc, la marque antérieure est présentée en noir et blanc. De surcroît, la couleur blanche est utilisée comme couleur de fond dans la marque antérieure alors qu’elle est utilisée pour représenter les éléments qui ressortent visuellement dans la marque demandée.

  • Voyez-vous un boomerang ?

…il convient de souligner que l’élément figuratif de la marque antérieure représente de façon claire et déterminée un boomerang, ce que la chambre de recours a relevé à juste titre au point 19 de la décision attaquée et ce que la requérante a confirmé dans ses écritures. Cette constatation tient, notamment, au fait que la partie arrondie de l’élément figuratif est plus large que ses deux parties rectilignes, correspondant ainsi à l’image qui est traditionnellement associée à un boomerang. S’agissant de la marque demandée, force est de constater que, même si l’élément figuratif est constitué de deux lignes courbes, rien ne permet de considérer qu’il représenterait un boomerang. En particulier, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, il est peu probable que l’élément figuratif en cause soit perçu comme un boomerang, dans la mesure où les pales dudit objet ne sont pas représentées. Par ailleurs, à la différence de la marque antérieure, la partie arrondie de l’élément figuratif n’est pas plus large que ses parties rectilignes. En outre, l’inclinaison de l’élément qui peut représenter, entre autres, soit la lettre « b », soit le chiffre 8, participe à conférer une impression de relief à l’élément figuratif, ce dernier pouvant dès lors être perçu comme ayant une épaisseur trop importante pour correspondre à un boomerang. Enfin, il y a lieu de constater que la partie arrondie de l’élément figuratif de la marque  demandée est positionnée vers le bas (les parties rectilignes partant vers le haut) alors que celle de la marque antérieure est positionnée à gauche (les parties rectilignes partant vers la droite). Ce positionnement des éléments figuratifs constitue également une différence notable entre les signes en conflit.

Pour le Tribunal, les différences visuelles et conceptuelles l’emportent

Les signes en conflit présentent de fortes différences sur le plan visuel. Il y a lieu de relever également que les produits en cause sont vendus par les canaux de distribution habituels pour les vêtements, les chaussures et les accessoires d’habillement, c’est-à-dire les magasins. Le public pertinent procédera donc à leur évaluation visuelle. De plus, si une communication orale sur le produit et sur la marque n’est pas à exclure, le choix d’un vêtement, d’une paire de chaussures ou d’un accessoire d’habillement se fait généralement de manière visuelle. Partant, la perception visuelle des marques en cause interviendra normalement avant l’acte d’achat. L’aspect visuel revêt, de ce fait, plus d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion

il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel. En particulier, la marque antérieure a une signification claire et déterminée dans la perspective du public pertinent, à savoir un boomerang. Or, il résulte de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes phonétiques et visuelles entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir directement

Compte tenu des différences importantes qui existent sur les plans visuel et conceptuel entre les signes en conflit, il y a lieu de considérer qu’il n’existe pas de risque de confusion en l’espèce, en ce compris un risque d’association invoqué par la requérante, et cela malgré l’existence éventuelle d’une certaine similitude phonétique entre les signes en conflit et la présence de produits identiques. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur à cet égard.

Demande de marque communautaire ATRIUM rejetée pour des matériaux de construction

Le Tribunal rappelle le 17 janvier 2012, affaire T-513/10, la règle applicable pour apprécier le caractère distinctif du signe demandé.

23 février 2009 : demande de la marque communautaire : Atrium.

–        classe 19 : « Matériaux de construction (non métalliques), à savoir bois scié, revêtements pour murs et plafonds, bois mi-ouvré, produits en bois pour la construction, palettes, poutres, panneaux profilés, lames de parquets, bois thermotraité, placages, revêtements de sol, parquets, revêtements de sol naturellement huilés, cirés et thermotraités, sols (non métalliques), revêtements de sol en bois, liège, matières plastiques ou leurs succédanés, sols pour salles de sport, sols stratifiés » ;

–        classe 27 : « Revêtements de sols, à savoir dessus en bois, liège, matières plastiques ou leurs succédanés ».

22 décembre 2009 : l’examinateur refuse l’enregistrement de la demande de marque

22 février 2010 : recours de la déposante .

26 août 2010 : la quatrième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

Pour l’OHMI la marque verbale Atrium « était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle a expliqué que le mot « atrium » désignait, dans l’Italie antique, la pièce du milieu et la pièce principale de la maison et, aujourd’hui, une cour intérieure à ciel ouvert ou recouverte de verre ou encore un jardin au sein de murs d’enceinte. Elle a ensuite constaté que le terme « atrium » informait le public pertinent que les produits visés par la demande de marque, à savoir des matériaux de construction et des revêtements de sol, pouvaient être utilisés pour la construction ou l’aménagement d’un atrium. D’autre part, elle a affirmé que, en tant qu’indication descriptive, la marque demandée était nécessairement dépourvue de caractère distinctif.

Le Tribunal saisi à la requête de la déposante rejette le recours. Le Tribunal rappelle les modalités d’appréciation du caractère distinctif du signe.

  • Premièrement, cette dernière fait valoir, en substance, que le terme « atrium » possède d’autres significations et que, pour ces autres significations, le terme « atrium » n’est pas descriptif des produits visés par la demande de marque. Or, il ressort de la jurisprudence que, selon le libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il suffit que le signe puisse désigner les produits sollicités en au moins une de ses significations potentielles (arrêt OHMI/Wrigley, point 11 supra, point 32).
  • Deuxièmement, la requérante soutient qu’il n’est pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 de considérer, sur une base purement hypothétique, en se fondant sur l’utilisation à laquelle les produits visés par la demande de marque pourraient être destinés, que le terme « atrium » est descriptif desdits produits. Cet argument ne saurait prospérer dès lors que, selon la jurisprudence, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, point 11 supra, point 32).
  • Troisièmement, la requérante affirme que, si l’argumentation de la chambre de recours était retenue, il faudrait considérer le terme « atrium » comme n’étant pas descriptif des matériaux de construction des murs, des plafonds et des sols mais comme étant descriptif de tous les aménagements et accessoires d’un atrium, ce qui impliquerait également un tel caractère descriptif pour toute une série de produits et de services. À cet égard, il suffit de constater que le caractère descriptif ou non du terme « atrium » en relation avec des produits autres que ceux visés par la demande de marque en cause en l’espèce n’est pas susceptible d’influencer la légalité de la décision attaquée.

Procédure devant le Tribunal après rejet de la demande de marque communautaire sur opposition d’un tiers, quelques points de procédure

L’arrêt du 17 janvier 2012,T‑522/10, Hell Energy Magyarország kft, c/ OHMI, vaut essentiellement par les points de procédure qu’il rappelle.

  • 15 mai 2007 : dépôt par Hell Energy Magyarország kft, de la demande de marque communautaire

pour « Boissons non alcooliques, boissons énergétiques/breuvages énergétiques. »

  • 7 décembre 2007 : opposition  par Hansa Mineralbrunnen GmbH, avec sa marque communautaire verbale antérieure

Hella, déposée le 14 juin 2006 et enregistrée le 2 août 2007 pour : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; limonades, boissons pétillantes et boissons aux fruits, boissons diététiques sans alcool non médicinales. »

  • L’opposition est acceptée, la demande de marque est rejetée, et le 5 août 2010, la première chambre de recours de l’OHMI confirme la décision de la division d’opposition,
  • Le recours de la déposante devant le Tribunal est lui aussi rejeté par cet arrêt, mais celui-ci rappelle deux points de procédure.

1°) La déposante ne peut pas valablement demander au Tribunal de procéder à l’enregistrement de la marque

14 La requérante demande au Tribunal de procéder à l’enregistrement de la marque demandée. De telles conclusions doivent être interprétées comme tendant à enjoindre à l’OHMI d’enregistrer ladite marque.

15 Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union. [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée]. Partant, les conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à la demande d’enregistrement sont irrecevables.

2°) La limitation des produits ou des services par la déposante après la décision de l’OHMI est interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés ou comme un désistement partiel,

16 Dans son mémoire en réponse, l’OHMI indique que, le 17 novembre 2010, soit après l’introduction du présent recours, la requérante a introduit une demande pour limiter la liste des produits désignés par la marque demandée aux seules « boissons énergétiques », en supprimant la référence aux « boissons non alcooliques ».

17 En principe, une limitation, au sens de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque communautaire, qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal, ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 25, et la jurisprudence citée].

18 Toutefois, une déclaration du demandeur de la marque, postérieure à la décision de la chambre de recours, par laquelle celui-ci retire sa demande pour certains des produits initialement visés, peut être interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés ou comme un désistement partiel, dans le cas où cette déclaration est intervenue à un stade avancé de la procédure devant le Tribunal, laquelle ne modifie pas l’objet du litige. Ainsi, une telle limitation doit être prise en compte par le Tribunal, dans la mesure où il lui est demandé de ne pas contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours, pour autant qu’elle porte sur les produits ou services retirés de la liste, mais seulement dans la mesure où elle concerne les autres produits ou services, maintenus sur la même liste (voir, par analogie, arrêt Mozart, point 17 supra, et la jurisprudence citée).

19 Lorsque la limitation de la liste des produits ou des services contenue dans une demande de marque communautaire a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’OHMI au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal (arrêt Mozart, point 17 supra, point 29).

20 Dans le cas d’espèce, la limitation opérée par la requérante consiste à retirer de la liste des produits désignés dans la demande de marque l’indication des « boissons non alcooliques » et à ne garder que l’indication « boissons énergétiques ». Une telle limitation peut être prise en considération par le Tribunal.

Dépôt de marque communautaire et revendication de l’ancienneté d’une précédente marque nationale

L’arrêt rendu par le Tribunal, le 19 janvier 2012, dans l’affaire T‑103/11, Tiantian Shang, c OHMI, porte sur le signe dont l’ancienneté peut être revendiquée au moment du dépôt de la marque communautaire.

  • 26 juin 2009 : dépôt par Mme Tiantian Shang de la marque –        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

  • La déposante revendique l’ancienneté de la marque italienne

  • L’examinateur refuse et la deuxième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

Pour l’OHMI, les deux marques ne sont pas « identiques dans la mesure où leurs représentations graphiques sont différentes, non seulement en ce qui concerne les caractères typographiques de l’élément verbal « justing », mais aussi au regard de leurs éléments figuratifs et de la position des différentes composantes des signes ». D’où le recours de la déposante devant le Tribunal.

  • la décision du Tribunal

Tout d’abord, le rappel des trois conditions :

– « la marque nationale antérieure et la marque communautaire demandée doivent être identiques ;

– les produits ou services de la marque communautaire demandée doivent être identiques à, ou contenus dans, ceux visés par la marque nationale antérieure ;

– le titulaire des marques en cause doit être le même. »

Seul l’examen de la 1ère condition nous intéresse ici

Les deux marques figuratives sont composées d’un élément verbal « justing » et d’éléments figuratifs. À l’instar de la chambre de recours au point 12 de la décision attaquée, il y a lieu de noter que l’élément verbal « justing » est reproduit en caractères typographiques différents selon les marques. Dans la marque nationale antérieure, les caractères utilisés sont des caractères d’imprimerie dans une police normale, alors que, dans la marque communautaire demandée, des caractères gothiques ont été utilisés, conférant au terme « justing » une caractéristique graphique et stylistique précise.

22 En outre, les éléments figuratifs des deux marques sont différents. En effet, dans la marque nationale antérieure, figurent, de part et d’autre de l’élément verbal, les symboles représentant les deux sexes, alors que dans la marque communautaire demandée, l’élément figuratif, positionné au-dessus de l’élément verbal, représente un anneau entouré de rayons contenant la lettre « j ».

23 Il y a donc lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques n’étaient pas identiques et, dès lors, qu’il ne pouvait être fait droit à la revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure pour la marque communautaire demandée.

24 À cet égard, l’argument de la requérante tendant à expliquer les différences entre les marques par un « processus d’évolution graphique » ne saurait être de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, les marques n’auraient pu être considérées comme identiques que si, selon la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus, les différences avaient été si insignifiantes qu’elles seraient passées inaperçues aux yeux du consommateur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, du fait d’une représentation graphique des deux marques très différente.

Dépôt de marque communautaire, des questions de procédure à l’OHMI à propos du délai de 4 mois pour le recours contre la décision de la division d’opposition, le Tribunal et la Cour puis retour devant le Tribunal

L’arrêt du 19 janvier 2012, C‑53/11 P, de la CJUE illustre la sévérité des règles de procédure devant l’OHMI, mais aussi que tout n’est jamais totalement perdu.

2 janvier 2006 : dépôt de la demande de marque par Aurelio Muñoz Molina sur le signe verbal R10.

24 juillet 2006 : publication de la demande de marque.

1ère étape : l’opposition sur la base d’une marque non enregistrée mais la preuve de ce droit n’est pas apportée dans le délai

24 octobre 2006 : DL Sports & Marketing forme opposition sur la base d’une marque non enregistrée

28 novembre 2006 : la division d’opposition accorde à DL Sports & Marketing un délai de quatre mois, afin, notamment, de prouver l’existence et la validité du droit antérieur invoqué.

29 mars 2007 : DL Sports & Marketing demande une prorogation du délai, laquelle lui est accordée le 8 juin 2007, jusqu’au 9 août 2007.

24 octobre 2007 : la division d’opposition constate qu’aucun élément n’a été présenté à l’appui de l’opposition.

2ème étape : le changement d’opposant que l’OHMI ne reconnaît pas dans la procédure d’opposition

31 octobre 2007 : le conseil de Nike informe la division d’opposition que, par convention du 20 juin 2007, DL Sports & Marketing  a cédé à Nike la propriété de plusieurs marques et droits de propriété industrielle . Le conseil de Nike indique qu’il a reçu du nouveau titulaire du droit antérieur l’instruction de poursuivre la procédure d’opposition et demande, dès lors, à figurer dans cette procédure en qualité de représentant.

19 février 2008 : la division d’opposition rejette l’opposition au motif que DL Sports & Marketing n’avait pas étayé dans le délai imparti l’existence du droit antérieur.

28 mars 2008 : Nike forme un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 […], contre la décision de la division d’opposition.

1ère Chambre de recours de l’OHMI : rejet du recours comme irrecevable au motif que Nike n’a pas fourni la preuve de son statut de partie à la procédure d’opposition et, par conséquent, que cette société n’est pas habilitée à introduire un recours contre la décision de la division d’opposition.

3ème étape : le Tribunal annule la décision de l’OHMI

6 avril 2009 : Nike introduit un recours devant le Tribunal pour voir déclarer recevable son recours devant la première chambre de recours de l’OHMI.

24 novembre 2010 : le Tribunal annule la décision de l’OHMI, dont on avait parlé ici,  en suivant l’argumentation de Nike qui disait que la décision litigieuse avait été adoptée :

– d’une part, en violation de ses droits de la défense, dès lors que cette décision était fondée sur une interprétation de la convention de cession sur laquelle Nike n’a pas pu présenter d’observations et,

– d’autre part, en violation, notamment, de la règle 31, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, en ce que Nike n’avait pas eu l’opportunité de corriger les irrégularités concernant la preuve du transfert du droit antérieur invoqué.

4ème étape : pourvoi de l’OHMI et la décision de la Cour

Deux approches sont possibles.

  • Ou bien le délai donné à l’opposant ne peut pas être prorogé

La règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95, qui contient, notamment, des modalités d’application desdits articles 58 et 59, énonce des règles spécifiques afférentes à l’appréciation de la recevabilité du recours.

48      À cet égard, s’agissant du rejet du recours pour irrecevabilité et des modalités de régularisation en présence d’un éventuel motif d’irrecevabilité lié, notamment, au non-respect des conditions prévues aux mêmes articles, la règle 49 du règlement n° 2868/95 énonce, à son paragraphe 1, que, si le recours ne remplit pas les conditions prévues, notamment, à l’article 58 du règlement n° 40/94, la chambre de recours le rejette comme irrecevable, à moins qu’il n’ait été remédié à toutes les irrégularités constatées avant l’expiration du délai correspondant fixé à l’article 59 de ce règlement.

49      Or, ledit article 59 prévoit deux délais différents, ainsi qu’il est exposé au point 46 du présent arrêt. Afin de prévoir une possibilité réelle de remédier aux irrégularités visées à ladite règle 49, paragraphe 1, il convient de prendre en compte le délai de quatre mois à compter du jour de la notification de la décision attaquée.

50      Non seulement ledit paragraphe 1 ne prévoit pas, selon son libellé, la possibilité pour l’OHMI d’impartir un délai supplémentaire à celui qui intente le recours afin de remédier à une irrégularité liée à la preuve de la qualité pour agir, mais en outre le paragraphe 2 de cette même règle 49 exclut une telle possibilité.

51      En effet, ce dernier paragraphe dispose que, si la chambre de recours constate que le recours ne satisfait pas à d’autres dispositions du règlement n° 40/94 ou à d’autres dispositions des règles contenues dans le règlement n° 2868/95, et notamment à celles prévues à la règle 48, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement, elle en informe le requérant et l’invite à remédier aux irrégularités constatées dans le délai qu’elle lui impartit. Si le recours n’est pas régularisé dans le délai fixé, la chambre de recours le rejette comme irrecevable.

52      Il résulte clairement de la référence à «d’autres dispositions», figurant à la règle 49, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, que la chambre de recours de l’OHMI ne peut accorder un délai supplémentaire dans le cas d’une irrégularité liée au non-respect des dispositions expressément mentionnées au paragraphe 1 de cette règle, notamment à l’article 58 du règlement n° 40/94.

  • Ou bien il existe un droit à être entendu ce qui nécessite qu’un délai soit accordé

53      Cette impossibilité d’accorder un délai supplémentaire ne met pas en échec le droit d’être entendu énoncé à l’article 73 du règlement n° 40/94 selon lequel les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. En effet, ce droit ne commande pas que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, la chambre de recours de l’OHMI soit tenue d’offrir à cette dernière une nouvelle possibilité de s’exprimer à propos desdits éléments (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mars 2010, Kaul/OHMI, C 193/09 P, points 58 et 66).

  • La solution

Il s’ensuit que, en l’occurrence, en faisant abstraction de l’applicabilité de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 ainsi qu’en décidant que la première chambre de recours de l’OHMI aurait dû, par application de la règle 50, paragraphe 1, de ce règlement ainsi que, par analogie, de la règle 31, paragraphe 6, dudit règlement et des directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition, dans leur point cité au point 17 du présent arrêt, mutatis mutandis, donner à Nike l’opportunité de présenter ses observations ou de produire des preuves supplémentaires de nature à démontrer le transfert du droit antérieur qu’elle avait invoqué pour justifier de sa qualité pour agir, le Tribunal a violé l’article 58 du règlement n° 40/94 ainsi que la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95.

…., il convient de constater que, en l’occurrence, l’application de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, par la première chambre de recours de l’OHMI est en conformité avec la règle 50, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement selon laquelle les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours, sauf disposition contraire. En effet, la règle 49 du même règlement constitue précisément une telle disposition contraire dans la mesure où elle vise spécifiquement à réglementer les modalités de régularisation en présence d’un motif d’irrecevabilité lié à la justification du statut de partie devant la chambre de recours de l’OHMI lors de l’introduction du recours. De ce fait, elle exclut, à cet égard, l’application mutatis mutandis d’autres dispositions, telles que la règle 31, paragraphe 6, dudit règlement, relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée.

La Cour annule la décision du Tribunal.

Mais l’affaire est-elle terminée ? Non, car Nike avait avancé d’autres moyens que le Tribunal n’avait pas examinés, l’examen d’un seul l’avait conduit à cette annulation.

Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut renvoyer l’affaire devant celui-ci pour qu’il statue. En l’occurrence, il résulte de ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par celui-ci, le Tribunal, en violation de l’article 58 du règlement n° 40/94 et de la règle 49 du règlement n° 2868/95, a jugé que la première chambre de recours de l’OHMI, dans la décision litigieuse, a violé les règles 31, paragraphe 6, et 50, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 en déclarant irrecevable le recours formé par Nike. Étant donné que le Tribunal n’a pas examiné le quatrième moyen présenté par Nike, portant sur une erreur d’appréciation de l’acte de cession du droit antérieur invoqué, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

5ème étape : une prochaine audience devant le Tribunal.

 

Notons cette curieuse situation :

Nike est hors délai pour justifier de sa titularité sur ce droit antérieur,

– Nike peut contester devant le Tribunal l’appréciation faite par l’OHMI de l’acte de cession par lequel elle a acquis ce droit antérieur.