Contrefaçon de modèles : devant quelle juridiction l’avocat doit-il engager l’action pour obtenir l’indemnisation du préjudice ?

Contrefaçon de modèles : devant quelle juridiction l’avocat doit-il engager l’action pour obtenir l’indemnisation du préjudice ?  Quand l’exploitation des objets contrefaisants a lieu sur différents pays, quelle juridiction saisir ?  Classiquement, pour obtenir l’indemnisation de son préjudice l’action du titulaire des droits protégés nationalement est menée pays par pays ou devant la juridiction du siège du présumé contrefacteur. Est-il possible de combiner ces deux actions ?

 

L’arrêt de la Cour de Paris du 16 janvier 2013 semble l’admettre encore qu’il ne soit pas certain à la seule  lecture de cette décision que l’action menée devant la juridiction du domicile du contrefacteur allégué ait porté sur une demande indemnitaire.

 

SA REUVEN’S II, exerçant sous l’enseigne SINEQUANONE, a pour activité la création et la commercialisation d’articles de prêt-à-porter féminin qu’elle distribue soit auprès de détaillants soit dans ses propres boutiques en France et dans le monde ;

SA REUVEN’S commande auprès de la société de droit danois SAINT TROPEZ A/S différents vêtements qu’elle qualifie de contrefaçon de ses créations.

Deux constats  d’huissier, des 6 octobre et 8 novembre 2006, attestent de ces livraisons en France.

18 décembre 2006 : SA REUVEN’S II assigne SAINT TROPEZ A/S devant le Tribunal de commerce de Paris.

23 février 2010, le Tribunal de commerce de Paris condamne SAINT TROPEZ A/S pour contrefaçon et concurrence déloyale

La lecture de l’arrêt du 16 janvier 2013 nous apprend que la SA REUVEN’S II a saisi une juridiction danoise « afin d’obtenir la communication de l’ensemble des documents comptables permettant d’appréhender sur tout le territoire européen, la masse contrefaisante litigieuse ».

SA REUVEN’S II demande à la Cour de Paris de sursoir à statuer dans l’attente des informations demandées devant le juridiction danoise.

I : SUR LA DEMANDE DE SURSIS À STATUER :

Considérant qu’à titre liminaire la SA REUVEN’S II demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour commerciale et maritime d’Elsinore (Danemark) relative à l’obtention des preuves comptables de la société SAINT TROPEZ A/S, sur l’ensemble du territoire communautaire et nécessaire à la détermination du quantum indemnitaire provisionnel alloué en première instance ;

Considérant que la société SAINT TROPEZ A/S s’oppose à cette demande en faisant valoir qu’elle verse aux débats un rapport d’audit du cabinet Deloitte indiquant le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé en France pour les seuls modèles de vêtements C2277, C6018 et C6254 dont la SA REUVEN’S II a démontré la vente en France, ce qui doit permettre à la cour d’établir le préjudice de la SA REUVEN’S II en France sans avoir à surseoir à statuer ;

Considérant qu’il ressort des éléments de la cause que la SA REUVEN’S II a saisi la cour commerciale et maritime d’Elsinore (Danemark) afin d’obtenir la communication de l’ensemble des documents comptables permettant d’appréhender sur tout le territoire européen, la masse contrefaisante litigieuse ; que la procédure orale devant cette juridiction aux fins de désignation d’un expert est en cours ;

Considérant qu’il sera rappelé que la compétence des juridictions françaises pour connaître du présent litige a été admise par arrêt de la cour de céans en date du 20 février 2008, dont le pourvoi a été rejeté par arrêt de la cour de cassation en date du 25 mars 2009, le fait dommageable s’étant produit en France dans la mesure où la société SAINT TROPEZ A/S a accepté de livrer en France les produits argués de contrefaçon ;

Considérant qu’au regard des dispositions de l’article 5.3 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, cette compétence est toutefois limitée aux seuls faits dommageables commis sur le territoire national ;

Considérant que dans la mesure où l’action engagée au Danemark vise à évaluer la masse contrefaisante sur l’ensemble du territoire européen et non pas seulement en France, le résultat de cette procédure ne peut avoir de conséquence sur l’affaire en cours et que, dès lors, il convient de débouter la SA REUVEN’S II de sa demande de sursis à statuer ;

La Cour a donc examiner dans son arrêt du 16 janvier 2013 l’appel de SAINT TROPEZ A/S sur les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale y compris les demandes indemnitaires que la SA REUVEN’S II a présentées, mais uniquement pour la commercialisation des articles litigieux en France.

Appréciation du risque de confusion quand la marque première est composée d’une juxtaposition de lettres, qui se retrouve en partie dans la marque seconde mais avec un ensemble de mots ayant un sens en français

L’analyse des antériorités pour apprécier le risque présenté par une nouvelle marque, demeure un exercice délicat, cet exercice devient encore plus périlleux quand le signe est composé de simples lettres. Illustration avec l’arrêt du 11 janvier 2013 du TPUE, T‑568/11,Kokomarina contre OHMI

30 octobre 2008 : dépôt par Kokomarina pour désigner « Vêtements, chaussures, chapellerie » du signe :

31 juillet 2009 : opposition par Euro Shoe Unie, devenue Vana Real Estate  sur la marque Benelux verbale antérieure DMG pour désigner notamment classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

22 juillet 2010 : la division d’opposition accueille l’opposition.

21 septembre 2010 : recours de Kokomarina

21 juillet 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

Au jugement rapporté, cette décision est ainsi citée « Cette dernière a, d’abord, considéré, au point 19 de la décision attaquée, que le territoire pertinent était celui du Benelux et que le consommateur visé était le consommateur moyen des produits concernés, à savoir les articles vestimentaires et les chaussures, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. La chambre de recours a, ensuite, au point 21 de la décision attaquée, entériné la décision de la division d’opposition, en ce que cette dernière avait considéré que les produits concernés par la demande de marque et par la marque antérieure compris dans la classe 25 étaient identiques. La chambre de recours a, enfin, conclu, au point 31 de la décision attaquée, eu égard à l’identité des produits concernés, aux similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit, au « principe de l’image imparfaite gardée en mémoire » et au fait que l’élément composant la marque antérieure était totalement inclus dans le composant visuellement dominant, ou du moins le plus proéminent de la marque demandée, à l’existence d’un risque de confusion. »

Recours de Kokomarina, que le Tribunal va rejeter.

Nous ne nous intéressons ici qu’à l’appréciation du risque de confusion entre les deux signes

40      Premièrement, sur le plan visuel, il est exact, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée, que la marque demandée est écrite sur trois lignes, contrairement à la marque antérieure qui est écrite sur une ligne seulement.

41      Toutefois, ainsi que l’a également relevé à juste titre la chambre de recours aux points 26 et 27 de la décision attaquée, l’élément le plus proéminent de la marque demandée est l’élément verbal IDMG figurant en caractères majuscules qui se détache, du fait même de la taille extrêmement large des caractères d’imprimerie et de la couleur noire sur fond blanc, des autres éléments constituant ladite marque, et ce d’autant plus pour les consommateurs germanophones ou néerlandophones. En effet, en particulier pour ces derniers, l’expression « interdit de me gronder » sera plus difficilement mémorisable dans le cas où elle ne serait pas comprise. Par ailleurs, il est fort probable que l’élément verbal « interdit de me gronder », bien que figurant en première position, ne soit pas à même d’attirer davantage l’attention du consommateur visé en raison de l’écriture enfantine utilisée ainsi que de la couleur gris clair des caractères qui se détachent plus difficilement sur le fond blanc que l’élément « idmg ». Or, les trois dernières lettres de la marque demandée, à savoir les lettres « d », « m » et « g », sont identiques à la marque antérieure et sont placées dans le même ordre.

42      Il s’ensuit que, nonobstant la présence de l’élément verbal « interdit de me gronder » et de la lettre supplémentaire « i » dans la marque demandée, les signes en conflit présentent entre eux une certaine similitude visuelle.

43      Deuxièmement, sur le plan phonétique, il existe, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, une similitude entre les signes en conflit étant donné que la marque antérieure est totalement incluse dans la marque demandée et cette similitude sera particulièrement prononcée en ce qui concerne les consommateurs, tels les consommateurs germanophones ou néerlandophones, qui ne prononceraient pas l’expression « interdit de me gronder », laquelle risque d’être plus difficilement mémorisable pour ce public.

44      Par ailleurs, même les consommateurs francophones pourraient avoir tendance à ne pas prononcer l’expression « interdit de me gronder » par simple économie de langage, cette dernière étant longue à prononcer et aisément séparable de l’élément le plus visible et qui se détache nettement de la marque demandée, à savoir l’élément « idmg » ……..

45      Dans une telle perspective, à l’exception de la lettre « i », les trois autres lettres des signes en conflit se prononcent de manière identique et présentent donc, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, une similitude phonétique qui est au moins moyenne.

46      Troisièmement, sur le plan conceptuel, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que les éléments « dmg » et « idmg » étaient dépourvus de toute signification dans les langues visés. Certes, si l’expression « interdit de me gronder » sera comprise par le public francophone, en revanche, le public germanophone ou néerlandophone ne sera pas à même de la comprendre. Ladite expression étant à l’égard de ce dernier dépourvue de toute signification, l’aspect conceptuel ne saurait influencer la perception des signes en conflit.

47      Il résulte de ce qui précède qu’il existe une certaine similitude visuelle et phonétique entre les signes en conflit, en sorte que ces derniers sont globalement similaires.

 

EcoDoor une marque non valable pour des appareils ménagers ayant une porte et pour lesquels les consommateurs sont attentifs à l’origine ou au comportement écologique de l’appareil

L’écologie est une valeur à laquelle les consommateurs sont sensibles, le Tribunal par son arrêt du 15 janvier 2013 souligne la fragilité de la marque qui se compose de la troncation eco.

 

8 juillet 2010 / BSH Bosch und Siemens Hausgeräte GmbH dépose la marque : ecoDoor.

Pour «  des machines et des appareils relevant des classes 7, 9 et 11 »

22 décembre 2010 : rejet de la demande d’enregistrement pour:

–        classe 7 : « Machines et appareils électriques pour le ménage et la cuisine (compris dans la classe 7), machines et appareils pour préparer des boissons et/ou des aliments, pompes pour servir des boissons refroidies pour l’utilisation en combinaison avec des appareils pour refroidir des boissons ; machines à laver la vaisselle ; machines et appareils électriques pour traiter le linge et les vêtements (compris dans la classe 7), y compris lave-linge, essoreuses » ;

–        classe 9 : « Distributeurs automatiques de boissons ou d’aliments, distributeurs automatiques à prépaiement » ;

–        classe 11 : « Appareils de chauffage, de production de vapeur et de cuisson, notamment fourneaux, appareils pour cuire, rôtir, griller, toaster, décongeler et maintenir au chaud, chauffe-eau, appareils de réfrigération, en particulier réfrigérateurs, congélateurs, vitrines réfrigérantes, appareils pour le refroidissement de boissons, combinés réfrigérateur/congélateur, appareils de congélation, sorbetières et appareils pour faire de la glace ; séchoirs, notamment aussi sèche-linge, machines à sécher le linge»

Recours du déposant.

22 septembre 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

15 janvier 2013 : le Tribunal rejette le recours, affaire T‑625/11,

 

  • L’emploi de la troncation eco

20      En premier lieu, s’agissant de la perception de l’élément « eco », la requérante soutient que le public pertinent ne l’assimilera pas immédiatement aux expressions « respectueux de l’environnement » ou « économique sur le plan énergétique ».

21      Or, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, le préfixe « eco » constitue une abréviation couramment utilisée du terme anglais « ecological » signifiant « écologique ». La référence « eco » est souvent utilisée dans le cadre de la commercialisation de biens et de services pour indiquer l’origine écologique du produit ou l’absence d’impact sur l’environnement de son utilisation …

22      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément « eco » allait être perçu par le public pertinent comme signifiant « écologique ».

  • ecodoor a donc un sens pour le public pertinent

24      Or, dans la mesure où, d’une part, l’élément « eco » sera perçu comme signifiant « écologique », ainsi qu’il ressort des points 20 à 22 ci‑dessus, et, d’autre part, l’élément « door » sera interprété comme se référant à une « porte », c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le terme « ecodoor » serait immédiatement compris par le public pertinent comme signifiant « porte éco » ou « porte dont la construction et le mode de fonctionnement sont écologiques ».

  • L’absence du caractère distinctif

25      En troisième lieu, s’agissant du caractère descriptif de la marque demandée, la requérante soutient que, à la suite de la limitation de la liste des produits opérée par elle dans la requête, ladite marque ne vise plus de pièces des machines et des appareils, telles que des portes, mais uniquement les machines et appareils en tant que tels. Dans ces circonstances, la marque demandée ne serait pas descriptive des produits visés par elle, dont les produits énumérés au point 4 ci‑dessus, mais, tout au plus, de l’une de leurs pièces.

26      À cet égard, un signe qui est descriptif d’une caractéristique d’une pièce incorporée dans un produit peut être également descriptif de ce même produit. Tel est le cas lorsque, dans la perception du public pertinent, la caractéristique de ladite pièce décrite par le signe est susceptible d’avoir un impact significatif sur les caractéristiques essentielles du produit lui‑même. En effet, dans ce cas de figure, le public pertinent assimilera immédiatement et sans autre réflexion la caractéristique de la pièce décrite par le signe aux caractéristiques essentielles du produit concerné.

27      En l’espèce, il ressort des points 20 à 24 ci‑dessus que la marque demandée sera interprétée par le public pertinent comme signifiant « porte éco » ou « porte dont la construction et le mode de fonctionnement sont écologiques ».

28      Ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, sans que ce constat soit contesté par la requérante, les produits énumérés …. peuvent comporter des portes. Dans ces circonstances, la marque demandée est susceptible de décrire les qualités écologiques de la porte dont est équipé le produit en cause.

  • Peu importe la caractéristique concrète associée par le public concerné

32      La requérante soutient encore que la marque demandée ne permet pas d’identifier quelle caractéristique ou finalité concrète en rapport avec l’environnement est visée. En effet, plusieurs possibilités existeraient à cet égard, telles qu’une production respectueuse de l’environnement, l’utilisation de matériaux naturels, la possibilité d’élimination des déchets respectueuse de l’environnement ou un fonctionnement respectueux de l’environnement.

33      À cet égard, il suffit de constater que toutes les possibilités évoquées par la requérante renvoient au fait que le produit visé par la marque demandée est doté d’un caractère écologique en raison des qualités de la porte dont il est équipé. Dans ces circonstances, quelle que soit l’interprétation exacte de la marque demandée retenue par le public pertinent, cette dernière sera perçue comme décrivant directement une qualité essentielle des produits concernés.

Quand l’OHMI enregistre une marque qui porte atteinte au drapeau de la commission européenne « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas », et que celle-ci rencontre quelques difficultés dans la procédure en annulation de cette marque communautaire

Les emblèmes étatiques constituent des obstacles absolus à une demande de marque communautaire. L’intérêt de l’arrêt du 15 janvier 2013  est encore plus grand quand il s’agit de l’emblème de l’Union Européenne et qu’il s’applique à l’action de la Commission européenne qui a eu quelques difficultés avec la procédure en annulation de la marque communautaire. Affaire T‑413/11, Welte-Wenu GmbH contre (OHMI) et en intervention : la Commission européenne

 

4 avril 2001 : Welte-Wenu GmbH dépose la marque communautaire sur le signe figuratif suivant :

Pour

–        classe 7 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules et machines, autres que pour véhicules terrestres » ;

–        classe 12 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules terrestres ».

8 octobre 2001 : publication de la demande de marque communautaire.

9 avril 2002 : enregistrement de la marque communautaire.

4 février 2009 : La Commission des communautés européennes engage devant l’OHMI une action en nullité de la marque en invoquant que la marque en cause consistait en une « imitation au point de vue héraldique » des emblèmes dont le drapeau de l’Union européenne et le logo

30 juin 2010 : la division d’annulation rejette la demande de la Commission.

17 août 2010 : recours de la Commission.

12 mai 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’annulation et annule la marque communautaire.

Recours de Welte-Wenu GmbH que le Tribunal va rejeter sauf pour la condamnation d’une partie des dépens.

 

  • Quelques problèmes de procédure pour la Commission : Welte-Wenu GmbH conteste que la Commission ait dès sa demande initiale fondée correctement sa demande sur « la probabilité de l’établissement, par le public concerné, d’un lien entre la marque visée par la demande en cause et l’organisation internationale intergouvernementale concernée ».

 

22      En l’espèce, il convient de relever qu’il résulte de la lecture de la demande en nullité, telle qu’elle figure dans le dossier de la procédure devant l’OHMI transmis au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, que la Commission avait bien invoqué, à l’appui de sa demande, la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public concerné, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union. En particulier, la Commission a relevé que la couronne d’étoiles, l’arrangement de couleurs et le mot « european » (européen), utilisés dans la marque en cause, étaient de nature à tromper le public qui pouvait croire que les « services » protégés provenaient de l’Union ou d’une entité autorisée par celle‑ci, ou qu’ils étaient contrôlés ou garantis par l’Union. Cette argumentation est d’ailleurs résumée par la division d’annulation, au point 6 de sa décision. Il résulte en outre du point 29 de la même décision, que la division d’annulation a compris que l’allusion de la Commission à des « services », alors que la marque en cause ne visait que des produits, résultait d’une erreur évidente et qu’il convenait de comprendre l’argumentation de la Commission en ce sens qu’elle visait la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public pertinent, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne.

23      Il résulte également de la lecture de la demande en nullité de la Commission, que celle‑ci avait fait référence, à l’appui de son argumentation, à l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA) (T‑127/02, Rec. p. II‑1113; ci‑après l’ « arrêt ECA »). Toutefois, en raison d’une autre erreur évidente, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un arrêt de la Cour et elle a fait référence à un numéro d’affaire inexact (C‑127/02). La division d’annulation a, néanmoins, compris que la Commission invoquait l’arrêt ECA et, au point 29 de sa décision, elle a rectifié les erreurs de la Commission en indiquant la citation correcte de cet arrêt.

24      Il convient de rappeler également que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 76 du règlement n° 207/2009, au même titre que l’article 74 du règlement n° 40/94, qui était applicable au moment de la présentation de la demande en nullité de la Commission et dont le contenu est identique, ne fait pas obstacle à ce que les instances de l’OHMI fondent leur décisions, outre sur les faits et les preuves présentés par les parties, sur des faits notoires

……

26      Il est certes vrai que, pour démontrer la probabilité que le public établisse un lien entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne, elle s’est bornée à faire référence à « la grande variété des services et des produits que peuvent offrir le Conseil de l’Europe et l’Union européenne » en renvoyant, à cet égard, à l’arrêt ECA, point 23 supra, sans avancer une autre preuve de cette dernière affirmation. Toutefois, ainsi qu’il ressort, précisément, de l’arrêt ECA, point 23 supra (point 68), cette affirmation était fondée sur un fait notoire qui peut être considéré comme prouvé sans référence à des éléments concrets.

…..

33      S’agissant de la directive 2007/46, il est certes exact que la Commission ne l’avait pas évoquée dans la demande en nullité et qu’elle y a fait référence, pour la première fois, dans son mémoire devant la chambre de recours. Il n’en reste pas moins que cette directive ne saurait être regardée comme un élément de preuve que les parties devant la chambre de recours doivent produire en temps utile. Cette directive, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, constitue un élément du droit de l’Union et fait, dès lors, partie des données de droit dont les parties peuvent faire état à n’importe quel stade de la procédure devant l’OHMI et que ce dernier non seulement peut, mais, le cas échéant, doit prendre en considération d’office….. Bien que cette directive ne porte pas sur le droit de la propriété intellectuelle, mais sur la réception des véhicules à moteur et de leurs composants, l’OHMI, qui, aux termes de l’article 115, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, est un organisme de l’Union, ne saurait être censé ignorer le droit de l’Union.

 

  • L’héraldisme s’accompagne d’une description « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas ». Comment apprécier le risque de confusion entre l’azur et le bleu ? Mais l’héraldisme ne distingue pas les tons des couleurs.

37      L’interdiction d’imitation d’un emblème concerne cependant uniquement les imitations de celui-ci du point de vue héraldique, c’est‑à‑dire celles qui réunissent les connotations héraldiques qui distinguent l’emblème des autres signes. Ainsi, la protection contre toute imitation du point de vue héraldique se réfère non à l’image en tant que telle, mais à son expression héraldique. Aussi y a‑t‑il lieu, afin de déterminer si la marque comprend une imitation du point de vue héraldique, de considérer la description héraldique de l’emblème en cause. Il y a toutefois lieu de préciser que toute différence entre la marque concernée et l’emblème, détectée par un spécialiste de l’art héraldique, ne sera pas nécessairement perçue par le consommateur moyen qui, en dépit de différences au niveau de certains détails héraldiques, peut voir dans la marque une imitation de l’emblème en question…

….

39      En l’espèce, la chambre de recours a commencé par procéder, aux points 32 à 41 de la décision attaquée, à une comparaison entre l’emblème QO 0927 reproduit au point 8 ci‑dessus (ci‑après, le « drapeau européen ») et la marque en cause. Elle s’est d’abord référée à la description héraldique du drapeau européen telle que produite par la Commission. Cette description, qui figure également au point 43 de l’arrêt ECA, point 23 supra, est rédigée en les termes suivants :

« Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas. »

….

41      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé ce qui suit :

« Dans le domaine de l’héraldique, la couleur ‘bleue’ existe ; c’est donc la même couleur qui est utilisée dans les deux cas. La différence entre la couleur ‘azur’ et le ton de bleu utilisé par la marque communautaire attaquée est également trop insignifiante pour pouvoir, en toute hypothèse, être remarquée. »

42      C’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait, tout au plus, une différence de couleur insignifiante entre le fond de la marque en cause et celui du drapeau européen. Il convient de noter à cet égard que, dans la terminologie héraldique anglaise et française le terme « azur » désigne la couleur bleue. En outre, l’héraldique ne distingue pas entre différents tons d’une même couleur. Ainsi, la représentation du drapeau européen avec le ton de la couleur bleu utilisée dans la marque en cause resterait fidèle à la description héraldique de cet emblème.

43      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a poursuivi en développant les considérations suivantes, qui sont également correctes dès lors qu’elles découlent de la jurisprudence mentionnée au point 37 ci-dessus :

« D’un point de vue héraldique, la disposition des étoiles est dépourvue de signification. Toutefois, un spécialiste du domaine de l’héraldique percevra immédiatement la différence de couleur des étoiles. D’un point de vue héraldique, surtout au regard du fait que seules quatre couleurs et deux métaux sont utilisés, il existe une différence entre les cercles d’étoiles respectifs. Cette différence ne sera toutefois pas nécessairement perçue par le public ciblé ; ce dernier y verra encore moins une différence héraldique ».

44      Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a correctement conclu, au point 41 de la décision attaquée, que le signe compris dans la marque en cause constituait une imitation, au se sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a), de la convention de Paris, du drapeau européen. Cette conclusion n’est d’ailleurs pas spécifiquement contestée par la requérante.

  • Le lien entre la marque en cause et l’Union et le Conseil de l’Europe retenu par la Chambre de Recours

46      Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours s’est d’abord référée, au point 43 de la décision attaquée, à la directive 2007/46, et elle a mis en exergue le fait que cette directive établissait un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques applicables à la réception des véhicules neufs relevant de son champ d’application, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules. Elle a également souligné que cette directive contenait aussi des dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés et que, aux fins de son application, des exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules étaient fixées dans des actes réglementaires. …

  • Sur l’examen global de la marque, la présence de ce drapeau élargit le risque de confusion

64      ……. Il convient en effet de relever que ni l’existence des deux éléments verbaux de la marque en cause ni l’image du croisillon au milieu de cette marque ne sont de nature à exclure l’établissement, par le public visé, d’un lien entre, d’une part, la requérante et les produits couverts par la marque en cause et, d’autre part, les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ou d’une autre organisation internationale intergouvernementale qui utilise le drapeau européen. L’image du croisillon sera, sans doute, perçue par le public comme une allusion directe aux produits couverts par la marque en cause. Quant aux éléments verbaux, ils sont de nature à rendre plus probable l’établissement, dans l’esprit du public, d’un lien entre les produits en cause et l’Union. Tel est, en particulier, le cas du terme « services » qui, compte tenu également du fait que la marque en cause ne vise que des produits, pourrait être perçu comme une référence à des services d’homologation, de contrôle de qualité ou de garantie des produits couverts par la marque en cause, fournis par une agence officielle de l’Union. Le terme « european », qui fait partie de la dénomination de plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union, est également de nature à renforcer cette probabilité.

..

68      Doit également être rejeté l’argument de la requérante, selon lequel le public professionnel pertinent connaît la marque en cause et est conscient du fait qu’elle renvoie à la requérante. Il convient d’emblée de relever que si, certes, la requérante a avancé cet argument également durant la procédure devant les instances de l’OHMI, elle ne l’a étayé d’aucun élément de preuve. Or, à défaut de tels éléments, l’affirmation d’une connaissance généralisée du fait que la marque en cause renvoie à la requérante ne peut pas être admise. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, le seul fait que la marque en cause figurait sur le registre des marques communautaires depuis 2002 n’est pas suffisant à cet égard, faute de preuves d’une utilisation réelle de ladite marque pendant cette période. En tout cas, ce qui importe, du point de vue de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, est la connaissance de l’absence de tout lien entre la requérante et ses produits, d’une part, et l’Union, d’autre part. Or, en raison de la présence dans la marque en cause d’une imitation du drapeau européen, même les membres du public pertinent conscients de ce que cette marque renvoie à la requérante et à ses produits pourraient être amenés à croire que ces produits bénéficient d’une approbation ou d’une garantie de l’Union.

Marque enregistrée et caractère trompeur, une basse-cour n’est pas qu’un bâtiment où sont enfermées les poules.

Le choix d’une marque ne se limite pas à apprécier sa validité au regard des critères du Code de la Propriété intellectuelle.

Les circonstances de l’emploi d’une marque même enregistrée peuvent être qualifiées du délit de publicité mensongère prévu par l’article L. 121-1 du code de la consommation (ancien) et de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 121-1 2° b du même code.

Une illustration en est donnée par l’arrêt du 4 décembre 2012 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi contre l’arrêt d’appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2012 où la marque déposée est « les oeufs de basse-cour », dénomination pour laquelle les dictionnaires donnent des définitions sensiblement différentes.

Nous en reprenons les termes.

« la SAS ….  dont M. X… est le représentant légal, a commercialisé entre le 2 novembre et le 24 décembre 2007, dans les départements des Côtes d’Armor, du Finistère et du Morbihan, des oeufs issus de « poules élevées au sol », selon la définition et les conditions fixées pour ce mode d’élevage par la règlementation européenne- dans des emballages comportant :
– le logo « l’oeuf de nos villages » représentant un oeuf entouré d’épis de blé,
– une image centrale représentant deux poules évoluant sur un sol sableux ou gravillonné de couleur marron, précédée au-dessus, de la dénomination en arc de cercle et en lettres majuscules de 10 et 8 mm, «les oeufs de basse-cour», et suivie au-dessous de l’image, dans la même forme et en lettres majuscules de 7 mm, de la mention obligatoire exigée par le règlement CE : « poules élevées au sol » ; que si la SAS ….. justifie avoir modifié à la suite de sa précédente condamnation, la présentation des emballages utilisés pour la commercialisation des œufs issus de « poules élevées au sol », en supprimant, d’une part, l’image de l’éleveur portant une poule dans ses bras et la phrase, « dans nos élevages, nos poules s’ébrouent, volent, déambulent, grattent, se perchent et accèdent librement à leur nid », et en modifiant, d’autre part, le style, les caractères et la forme de la mention « poules élevées au sol  … [ Elle ]a maintenu dans sa nouvelle présentation, la dénomination « les oeufs de basse-cour »

Or, les normes de commercialisation des oeufs fixées par le règlement CE, distinguent quatre catégories d’oeufs en fonction des conditions de vie et du mode d’élevage des poules pondeuses ; qu’il existe ainsi selon ces normes :
– les oeufs de poules élevées sous le mode agrobiologique,
– les oeufs de poules élevées en plein air,
– les oeufs de poules élevées au sol,
– les oeufs de poules élevées en cage.
que chaque type d’élevage présente ainsi des caractéristiques différentes, en fonction des conditions de vie minimales des poules et de leur alimentation, qui sont strictement définies par le règlement. »

Mais la dénomination « les oeufs de basse-cour » est une marque déposée à l’INPI, et un des moyens du pourvoi porte sur l’existence de cet enregistrement :

« 2) alors que l’utilisation d’une marque déposée à l’INPI n’est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse que lorsque les signes de la marque sont, en eux-mêmes, susceptibles d’induire le consommateur en erreur sur l’origine ou les qualités substantielles du bien ; que tel n’est pas le cas du terme «basse-cour», lequel renvoie, selon les propres constatations de l’arrêt attaqué au bâtiment dans lequel sont hébergées les volailles, ce qui représente la caractéristique essentielle de l’élevage au sol ; qu’en affirmant, néanmoins, que la dénomination « les oeufs de basse-cour » était susceptible de tromper le consommateur sur les caractéristiques essentielles du mode de production des oeufs de poules élevées au sol, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et privé sa décision de toute base légale’

Le pourvoi est rejeté contre l’arrêt de la Cour qui avait confirmé le jugement :

« que le tribunal a justement retenu en l’espèce que le maintien sur les emballages d’oeufs issus de « poules élevées au sol », de la dénomination « les oeufs de basse-cour », apposée, au dessus de l’image représentant deux poules seules évoluant sur un sol sableux ou gravillonné, était de nature à induire les consommateurs en erreur et à créer notamment une confusion entre deux catégories d’..ufs issus de modes d’élevage distincts à savoir, les oeufs issus de « poules élevées au sol », et les oeufs de « poules élevées en plein air » ; qu’en effet, si le terme « basse cour » peut s’employer pour désigner le bâtiment dans lequel sont hébergées les volailles, il évoque aussi au sens commun du terme et dans le langage courant, la cour de la ferme ou du bâtiment qui dans l’élevage traditionnel, permet aux poules d’évoluer en liberté sur un espace de plein air ; que si le laboratoire d’analyse de la langue française se réfère seulement, pour la définition du terme « basse cour », à la notion de bâtiment, les dictionnaires usuels « Larousse » et « Littré », emploient à la fois pour définir la «basse-cour», les deux termes de « cour » et « bâtiment », précisant ainsi dans leur définition : « cour, bâtiment d’une ferme… » (Larousse) ou «ensemble de bâtiments et cours… » (Littré) ; que la dénomination « les oeufs de basse-cour » – que la SAS ……  reconnaît apposer sur les seuls emballages réservés à la commercialisation des oeufs issus des «poules élevées au sol » – présente au regard notamment de ces deux définitions, un caractère manifestement équivoque, qui est susceptible de créer une confusion entre le mode d’élevage des « poules élevées en plein air » et le mode d’élevage des « poules élevées au sol », dès lors que si cette dénomination peut évoquer « le bâtiment » où est hébergé la volaille, qui est la caractéristique essentielle de l’élevage au sol, elle évoque aussi « la cour », c’est-à-dire « un espace de plein air » qui est la caractéristique essentielle de l’élevage « de plein air » permettant précisément de la différencier de l’élevage « au sol » ; qu’en effet, si ces deux modes d’élevage ont des caractéristiques communes tenant notamment, aux conditions d’hébergement des poules au sein d’un bâtiment clos, leurs caractéristiques essentielles obéissent à des règles strictement différentes ; que les « poules élevées au sol » vivent en claustration à la lumière artificielle, dans un bâtiment fermé d’où elles ne sortent jamais alors que « poules élevées en plein air », si elles sont aussi hébergées dans un bâtiment, peuvent sortir à l’extérieur et accéder à un espace clos, de « plein air » sur lequel elles peuvent à l’air libre, déambuler en liberté, gratter et picorer ; que par conséquent, la référence faite par la SAS …. à la notion de « basse-cour » sur les emballages des oeufs issus de « poules élevées au sol », renforcée par l’image de deux poules paraissant évoluer seules, en liberté, sur un sol sableux, tend à accréditer l’idée – contrairement aux véritables conditions de vie des poules « élevées au sol », qui sont enfermées dans un bâtiment- que les oeufs qu’elle commercialise sous la dénomination « les oeufs de basse-cour », sont issus d’un élevage plus respectueux de la tradition, dans lequel les poules peuvent quitter leur bâtiment et accéder à un espace clos de « plein air », comme dans l’élevage de « plein air » et à créer ainsi une confusion dans l’esprit du consommateur entre deux modes de production différents ».