Compétence territoriale du juge français pour apprécier des faits de dénigrements sur un site internet depuis l’étranger

Un arrêt très important vient d’être rendu par la Cour de cassation le 20 mars  2012 RG 11-10600  à propos de la compétence territoriale des juges français.

Un précédent arrêt de la Cour de cassation était déjà intervenu dans cette affaire. Le premier arrêt de la Cour de Versailles avait retenu la compétence du juge de Nanterre mais au visa de l’article 16 du C.P.C d’où la cassation, le texte applicable étant le règlement 44/2001.

  • Les faits sur lesquels la Cour d’appel de Versailles par son second arrêt après la cassation du 6 janvier 2010 s’était prononcée:

La société française Sanofi-Aventis a assigné en responsabilité, devant le tribunal de commerce de Nanterre, le laboratoire danois Novo Nordisk (la société Novo Nordisk) pour des actes constitutifs de publicité comparative et dénigrante commis, d’une part, à partir de son site internet, d’autre part, lors d’un congrès international auquel ont participé plusieurs médecins français ;

La société Novo Nordisk a contesté la compétence des juridictions françaises ;

  • Le texte applicable : l’article 5 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000

Deux éléments avaient été retenus par la Cour de Versailles pour retenir la compétence du juge de Nanterre.

  • L’accessibilité du site étranger ou l’information doit-elle être destinée au public français ?

Attendu que pour rejeter l’exception d’incompétence, l’arrêt, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article 5 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, applicable en l’espèce, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, relève que la société Sanofi-Aventis agit en réparation des dommages subis en France par la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle de la société Novo Nordisk pour une faute de dénigrement d’un produit pharmaceutique, qu’une telle faute produit un dommage sur le territoire de l’État ayant autorisé la commercialisation du produit pharmaceutique concerné et que, diffusée sur internet, l’information dénigrante était accessible dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre ;

Le contrôle  de la Cour de cassation

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si l’information prétendument dénigrante inscrite sur le site internet de la société Novo Nordisk était destinée aux internautes français, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

  • Un auditoire composé de français avait entendu les propos litigieux mais cela s’était passé à l’étranger.

Attendu que pour rejeter l’exception d’incompétence l’arrêt retient encore que l’information a été directement transmise, lors du congrès de l’Ada à Chicago à des praticiens établis dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre ;

La sanction par la Cour de cassation :

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par une motivation impropre à justifier la compétence des juridictions françaises la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Exposition les brevets et les marques de Steve Jobs à l’OMPI

L’OMPI organise une exposition du 30 mars au 26 avril  « Les brevets et les marques de Steve Jobs : des créations et des technologies qui ont changé le monde ».

Le site de l’OMPI rapporte cette déclaration de son Directeur Général, M. Francis Gurry :

«Un innovateur visionnaire est un individu dont les créations transforment la société et l’économie.

Steve Jobs était un innovateur visionnaire : son ambition de rendre la technologie numérique simple et accessible a donné lieu à un nouveau modèle de diffusion de contenus. »

Informations pratiques sur le site de l »OMPI

 

 

Vente sur internet et réseau de distribution sélective, l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mars 2011

La prohibition de la vente sur internet au regard des interdictions prévues à un contrat de distribution sélective est-elle licite ? C’est sur une question incidente à ce type de pratique que la Cour de Cassation s’est prononcée par son arrêt du 20 mars 2012. Plus exactement , ce sont les notions « d’utilisateur final » et de « lieu d’établissement autorisé  » qui sont plus particulièrement en cause.

L’arrêt a été rendu au regard de l’article 4, du règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité CE (devenu 101, paragraphe 3, du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées

Cet arrêt du 20 mars rappelle que : »l’exemption de l’interdiction de restreindre la concurrence ne s’applique pas aux accords qui ont pour objet la restriction des ventes actives ou des ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé »

Les faits sur lesquels la Cour d’appel s’était prononcée :

« la société Atrium santé, après avoir conclu avec la société Pierre Fabre dermo-cosmétique des contrats de distribution sélective pour différents produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, a procédé à la confection et à la distribution d’un catalogue de vente par correspondance de ces produits auprès de collectivités ; que la société Pierre Fabre dermo-cosmétique, après avoir vainement mis en demeure la société Atrium santé de cesser cette activité, lui a retiré son agrément et a suspendu ses livraisons ; que la société Atrium santé a assigné la société Pierre Fabre dermo-cosmétique en soutenant que les clauses contractuelles avaient été respectées et que la prohibition de ce type de vente était illicite »

 

L’analyse de la Cour d’appel soumise au contrôle de la Cour de cassation ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant déclaré bien fondé le retrait d’agrément et ordonné l’interdiction sous astreinte de la vente par catalogue des produits de la société Pierre Fabre dermo-cosmétique, l’arrêt relève que dans le système mis en place par la société Atrium santé, la commande est livrée globalement, l’ensemble des acheteurs étant servi au déballage et recevant en même temps que son lot individuel sa facture dont le paiement est collecté par le comité d’entreprise, et qu‘il est donc faux de dire qu’il y a vente individuelle dans le point de vente agréé, quand bien même les cartons collectifs seraient expédiés depuis ce dernier, ce qui n’est pas démontré ; qu’il relève également qu’il n’est pas non plus démontré que le client final, qui commande avec d’autres sur catalogue par le biais d’un comité d’entreprise ou d’un groupement d’achats, dispose réellement de la possibilité d’avoir facilement accès au conseil ; qu’il retient que la décision du Conseil de la concurrence, du 29 octobre 2008, enjoignant à la société Pierre Fabre dermo-cosmétique de supprimer dans ses contrats de distribution sélective les mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet n’est pas pertinente, cette position n’ayant pas encore été entérinée par la cour d’appel de Paris qui en est saisie, et le Conseil de la concurrence ayant lui-même conclu qu’ « on ne peut assimiler l’interdiction de vente d’un produit sur internet au sein d’un réseau sélectif agréé à une interdiction de vente par correspondance classique » ; qu’il retient encore que l’argument relatif au fait que le catalogue serait ‘couplé’ avec le site internet puisqu’à chaque page est mentionnée l’adresse ‘www.atrium-santé.fr’, n’est pas admissible ; qu’il retient enfin qu’ont été validés les réseaux de distribution dès lors que le fabricant ne dépasse pas le seuil de 30 % des parts du marché, et que l’accord de distribution ne comporte pas de clause dite noire, définition dans laquelle la clause d’interdiction de vente par correspondance n’est pas comprise ;

La cassation de l’arrêt de la Cour d’appel :

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les clauses litigieuses avaient pour objet de restreindre les ventes passives ou actives aux utilisateurs finals par les membres du système de distribution sélective, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Quelle signification pour « The Beatles » en droit des marques ?

Un arrêt du Tribunal du 29 mars 2012, affaire T‑369/10, You-Q BV, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), devant connaître une notoriété certaine au regard des marques en cause –  à la marque dont l’enregistrement était demandée « BEATLE » étaient opposés différents enregistrements détenus par Apple Corps Ltd sur les signes « BEATLES » et « The Beatles« , deux points doivent être relevés.

  • Sa portée devra être relativisée au regard de sa motivation qui  si elle est évidente – bien sûr!- mérite d’être rappelée :

56 L’argument de la requérante selon lequel le mot « beatles » n’aurait pas de caractère distinctif, dès lors qu’il ne serait pas un mot inventé, mais serait issu du mot « beat » (battement, rythme), ne saurait être accueilli.

57 En effet, ainsi que l’a, à juste titre, relevé l’OHMI, les marques THE BEATLES et BEATLES ne font pas simplement référence au mot anglais « beat », mais intègrent ce mot dans une composition fantaisiste combinant la référence à « beat » avec le mot « beetle » (coccinelle) afin de créer une combinaison très distinctive et très originale des deux mots.

58 En tout état de cause, il convient de constater que le terme « beatles » a acquis un caractère distinctif propre détaché du mot « beat » qui le compose, en sorte que, confronté aux marques THE BEATLES ou BEATLES, le grand public, en particulier dans les États non anglophones de l’Union, pensera immédiatement au groupe éponyme ainsi que, en particulier, aux enregistrements sonores, aux enregistrements vidéo et aux films de ce groupe et ne procédera pas à une décomposition de la marque.

  • Le droit des marques est quelque fois réducteur :

55 En quatrième lieu, s’agissant du caractère distinctif des marques antérieures, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a, ainsi qu’il ressort du point 17 de la décision attaquée, considéré que tant dans la partie anglophone de l’Union européenne que dans de nombreuses autres parties de ce territoire, le grand public avait fini par associer les mots « beatles » et « the beatles » aux « enregistrements sonores, enregistrements vidéo [et] films » et, dans une moindre mesure, aux produits susmentionnés du groupe pop du même nom.

Fichier de données biométriques : la décision du Conseil Constitutionnel du 22 mars

Le 22 mars 2012, le Conseil Constitutionnel a déclaré non conformes à la constitution différents articles de la loi relative à l’identité :

– les articles 3, 5, 7 et 10 ;
– le troisième alinéa de l’article 6 ;
– la seconde phrase de l’article 8.

Ici la loi telle que promulguée : Loi du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité

Retenons parmi les motifs :

9.Considérant que la création d’un traitement de données à caractère personnel destiné à préserver l’intégrité des données nécessaires à la délivrance des titres d’identité et de voyage permet de sécuriser la délivrance de ces titres et d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude ; qu’elle est ainsi justifiée par un motif d’intérêt général ;

10. Considérant, toutefois, que, compte tenu de son objet, ce traitement de données à caractère personnel est destiné à recueillir les données relatives à la quasi-totalité de la population de nationalité française ; que les données biométriques enregistrées dans ce fichier, notamment les empreintes digitales, étant par elles-mêmes susceptibles d’être rapprochées de traces physiques laissées involontairement par la personne ou collectées à son insu, sont particulièrement sensibles ; que les caractéristiques techniques de ce fichier définies par les dispositions contestées permettent son interrogation à d’autres fins que la vérification de l’identité d’une personne ; que les dispositions de la loi déférée autorisent la consultation ou l’interrogation de ce fichier non seulement aux fins de délivrance ou de renouvellement des titres d’identité et de voyage et de vérification de l’identité du possesseur d’un tel titre, mais également à d’autres fins de police administrative ou judiciaire ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l’article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; que, par suite, les articles 5 et 10 de la loi doivent être déclarés contraires à la Constitution ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, du troisième alinéa de l’article 6, de l’article 7 et de la seconde phrase de l’article 8 ;

Les dispositions de la loi ainsi censurées

Article 3

Si son titulaire le souhaite, la carte nationale d’identité contient en outre des données, conservées séparément, lui permettant de s’identifier sur les réseaux de communications électroniques et de mettre en œuvre sa signature électronique. L’intéressé décide, à chaque utilisation, des données d’identification transmises par voie électronique.

Le fait de ne pas disposer de la fonctionnalité décrite au premier alinéa ne constitue pas un motif légitime de refus de vente ou de prestation de services au sens de l’article L. 122-1 du code de la consommation ni de refus d’accès aux opérations de banque mentionnées à l’article L. 311-1 du code monétaire et financier.

L’accès aux services d’administration électronique mis en place par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ne peut être limité aux seuls titulaires d’une carte nationale d’identité présentant la fonctionnalité décrite au premier alinéa du présent article.

Article 5

I. – Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement de données, mis en œuvre par le ministère de l’intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres d’identité ou de voyage dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’identification du demandeur d’un titre d’identité ou de voyage ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l’article 2.

Il ne peut y être procédé au moyen des deux empreintes digitales recueillies dans le traitement de données que dans les cas suivants :

1° Lors de l’établissement des titres d’identité ou de voyage ;

2° Dans les conditions prévues aux articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale ;

3° Sur réquisition du procureur de la République, aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité d’une personne décédée, victime d’une catastrophe naturelle ou d’un accident collectif.

Aucune interconnexion au sens de l’article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ne peut être effectuée entre les données mentionnées aux 5° et 6° de l’article 2 de la présente loi contenues dans le traitement prévu par le présent article et tout autre fichier ou recueil de données nominatives.

II. – L’article 55-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si les nécessités de l’enquête relative aux infractions prévues aux articles 226-4-1, 313-1, 313-2, 413-13, 433-19, 434-23, 441-1 à 441-4, 441-6 et 441-7 du code pénal, aux articles L. 225-7, L. 225-8 et L. 330-7 du code de la route, à l’article L. 2242-5 du code des transports et à l’article 781 du présent code l’exigent, le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n°          du                   relative à la protection de l’identité peut être utilisé pour identifier, sur autorisation du procureur de la République, à partir de ses empreintes digitales, la personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une de ces infractions. La personne en est informée. Cette utilisation des données incluses au traitement susvisé doit être, à peine de nullité, mentionnée et spécialement motivée au procès-verbal. Les traces issues de personnes inconnues, y compris celles relatives à l’une des infractions susvisées, ne peuvent être rapprochées avec lesdites données. »

III. – Le second alinéa de l’article 76-2 du même code est ainsi rédigé :

« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »

IV. – Le second alinéa de l’article 154-1 du même code est ainsi rédigé :

« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »

V. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code est complétée par un article 99-5 ainsi rédigé :

« Art. 99-5. – Si les nécessités de l’information relative à l’une des infractions mentionnées au dernier alinéa de l’article 55-1 l’exigent, l’officier de police judiciaire peut, avec l’autorisation expresse du juge d’instruction, utiliser le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n°        du              relative à la protection de l’identité pour identifier une personne à partir de ses empreintes digitales sans l’assentiment de la personne dont les empreintes sont recueillies. »

Article 6

En cas de doute sérieux sur l’identité de la personne ou lorsque le titre présenté est défectueux ou paraît endommagé ou altéré, la vérification d’identité peut être effectuée en consultant les données conservées dans le traitement prévu à l’article 5.

Article 7

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques, les opérateurs assurant une mission de service public et les opérateurs économiques pour s’assurer de la validité de la carte nationale d’identité ou du passeport français présenté par son titulaire pour justifier de son identité. Cette consultation ne permet d’accéder à aucune donnée à caractère personnel.

Article 8

Il [ le décret prévu à la première phrase]définit notamment la durée de conservation des données incluses dans le traitement prévu à l’article 5 et les modalités et la date de mise en œuvre des fonctions électroniques mentionnées à l’article 3.

 

Article 10

Après le cinquième alinéa de l’article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – le système de gestion commun aux passeports et aux cartes nationales d’identité ; ».