La contrefaçon de marque et de droits d’auteur reste une infraction pénale

L’atteinte aux droits de propriété industrielle et intellectuelle est qualifiée de contrefaçon. Différentes dispositions du Code de la propriété intellectuelle prévoient des sanctions pénales, mais leur rédaction est-elle conforme au principe de légalité qui s’applique en matière pénale ?

Le 3 décembre 2019, la Cour de cassation rejette  la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmisse par le Tribunal correctionnel de Paris dont il avait été saisi par un prévenu poursuivi des faits de contrefaçon de marques et de droits d’auteur.

Les articles du Code de la propriété intellectuelle en cause :  L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6, L. 335-9 et L. 716-10, L. 716-11-1, L. 716-13

  • Question

Les dispositions des articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elles n’énumèrent pas précisément, tout en y renvoyant, les textes régissant « la propriété des auteurs » et « les droits de l’auteur » ne méconnaissent-elles pas l’article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et qui imposent au législateur de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, cette exigence s’imposant non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions ? En outre, l’imprécision tenant à la détermination du champ d’application de la loi pénale prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de droits d’auteur et la portée générale et absolu des dispositions des articles L. 716-10, L. 716-11-1 et L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de marque sont-elles également de nature à porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de liberté d’expression et de communication des idées et des opinions résultant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l ’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?

  • Décision de la Cour de cassation

Arrêt n°2856 du 03 décembre 2019 (19-90.034)- Cour de cassation – Chambre criminelle- ECLI:FR:CCASS:2019:CR02856

….

« Les dispositions des articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-6 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elles n’énumèrent pas précisément, tout en y renvoyant, les textes régissant « la propriété des auteurs » et « les droits de l’auteur » ne méconnaissent-elles pas l’article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et qui imposent au législateur de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, cette exigence s’imposant non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions. En outre, l’imprécision tenant à la détermination du champ d’application de la loi pénale prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de droits d’auteur et la portée générale et absolue des dispositions des articles L. 716-10, L. 716-11-1 et L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle prévoyant et réprimant le délit de contrefaçon de marque sont-elles également de nature à porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de liberté d’expression et de communication des idées et des opinions résultant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l ’homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »
 
2. Les dispositions critiquées en ce qu’elles constituent le fondement légal de la poursuite exercée, à l’encontre du demandeur sont applicables à la procédure à l’exception des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 335-3 et des paragraphes c) et d) de l’article L. 716-10.

3.Les dispositions législatives applicables au litige n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

4. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

5.La question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que, d’une part, le code de la propriété intellectuelle, dans lequel s’insèrent les dispositions critiquées, définit précisément et clairement les droits de l’auteur et la propriété de l’auteur, d’autre part, les dispositions applicables de l’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle ne répriment que la détention, sans motif légitime, et l’offre de vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, ces incriminations limitatives excluant toute possibilité d’atteinte à la liberté d’expression.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare IRRECEVABLE la question en ce qu’elle porte sur les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et les paragraphes c) et d) de l’article L. 716-10 du même code ;

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu’elle porte sur les articles L. 335-2, L. 335-6, L. 335-9, L. 716-11-1, L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle ainsi que sur le premier alinéa de l’article L. 335-3, la première ligne, les paragraphes a) et b) et le dernier paragraphe de l’article L. 716-10 du même code ;

 

Conservation des données personnelles collectées sur internet : coup de tonnerre sur le moteur de recherche Google

L’arrêt rendu par la Cour de justice le 13 mai 2014 va considérablement changer l’économie de l’internet. L’arrêt est ici.

  • Est remise en question la conservation par Google des données personnelles .

80      À cet égard, il importe d’emblée de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux points 36 à 38 du présent arrêt, un traitement de données à caractère personnel, tel que celui en cause au principal, réalisé par l’exploitant d’un moteur de recherche, est susceptible d’affecter significativement les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel lorsque la recherche à l’aide de ce moteur est effectuée à partir du nom d’une personne physique, dès lors que ledit traitement permet à tout internaute d’obtenir par la liste de résultats un aperçu structuré des informations relatives à cette personne trouvables sur Internet, qui touchent potentiellement à une multitude d’aspects de sa vie privée et qui, sans ledit moteur de recherche, n’auraient pas ou seulement que très difficilement pu être interconnectées, et ainsi d’établir un profil plus ou moins détaillé de celle-ci. En outre, l’effet de l’ingérence dans lesdits droits de la personne concernée se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, lesquels confèrent aux informations contenues dans une telle liste de résultats un caractère ubiquitaire…

81      Au vu de la gravité potentielle de cette ingérence, force est de constater que celle-ci ne saurait être justifiée par le seul intérêt économique de l’exploitant d’un tel moteur dans ce traitement. Cependant, dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher, dans des situations telles que celles en cause au principal, un juste équilibre notamment entre cet intérêt et les droits fondamentaux de cette personne au titre des articles 7 et 8 de la Charte. Si, certes, les droits de la personne concernée protégés par ces articles prévalent également, en règle générale, sur ledit intérêt des internautes, cet équilibre peut toutefois dépendre, dans des cas particuliers, de la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du public à disposer de cette information, lequel peut varier, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique.

  • Sauf exception particulière, chacun  a donc le droit de demander la suppression des informations qui s’affichent dans le résultat des requêtes adressées au moteur de recherche Google sans avoir à établir un préjudice

99      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la troisième question que les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question.

  • Le dispositif de l’arrêt :

1)      L’article 2, sous b) et d), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, doit être interprété en ce sens que, d’une part, l’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de «traitement de données à caractère personnel», au sens de cet article 2, sous b), lorsque ces informations contiennent des données à caractère personnel et, d’autre part, l’exploitant de ce moteur de recherche doit être considéré comme le «responsable» dudit traitement, au sens dudit article 2, sous d).

2)      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 95/46 doit être interprété en ce sens qu’un traitement de données à caractère personnel est effectué dans le cadre des activités d’un établissement du responsable de ce traitement sur le territoire d’un État membre, au sens de cette disposition, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur et dont l’activité vise les habitants de cet État membre.

3)      Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, afin de respecter les droits prévus à ces dispositions et pour autant que les conditions prévues par celles-ci sont effectivement satisfaites, l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, également dans l’hypothèse où ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages web, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite.

4)      Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question.

 

Devant quel juge, l’auteur doit-il engager son action en contrefaçon en cas de vente sur Internet depuis un site étranger ?

Face à des actes argués de contrefaçon par la vente sur Internet pour lesquels différentes sociétés interviennent depuis plusieurs états étrangers, devant quel juge le titulaire des droits doit il engager son action en indemnisation ?

L’arrêt du 3 octobre 2013 de la Cour de Justice invite à la multiplication des procédures !

  • Les faits

9        M. Pinckney, qui réside à Toulouse (France), prétend être l’auteur, le compositeur et l’interprète de douze chansons enregistrées par le groupe Aubrey Small sur un disque vinyle.

10      Après avoir découvert que ces chansons avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD) pressé en Autriche par Mediatech, puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy par l’intermédiaire de différents sites Internet accessibles depuis son domicile toulousain, il a assigné le 12 octobre 2006 Mediatech devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur.

Il y a donc un auteur français qui voit l’atteinte à ses droits par :

–          une société anglaise,

–          une société autrichienne,

–          et encore deux sociétés britanniques.

  • Devant quel juge doit-il engager son action, les juges de Toulouse redent des décisions opposées, et c’est la Cour de cassation qui interroge la Cour de Justice de l’Union européenne ?

11      Mediatech a soulevé l’incompétence des juridictions françaises. Par une ordonnance du 14 février 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté cette exception d’incompétence au motif que le seul fait que M. Pinckney ait pu acheter les disques en cause depuis son domicile français, sur un site Internet ouvert au public français, suffisait à établir un lien substantiel entre les faits et le dommage allégué, justifiant la compétence du juge saisi.

12      Mediatech a formé appel de ce jugement, en faisant valoir que les CD avaient été pressés en Autriche, où elle a son siège, à la demande d’une société britannique qui les commercialise par l’intermédiaire d’un site Internet. Ainsi, selon elle, sont seules compétentes soit les juridictions du lieu du domicile du défendeur, qui se trouve en Autriche, soit celles du lieu de réalisation du dommage, c’est-à-dire celles du lieu où la faute imputée a été commise, à savoir le Royaume-Uni.

13      Par un arrêt du 21 janvier 2009, la cour d’appel de Toulouse a écarté la compétence du tribunal de grande instance de Toulouse, au motif que le lieu du domicile du défendeur est l’Autriche et que le lieu de réalisation du dommage ne peut se situer en France, sans qu’il soit besoin d’examiner les responsabilités respectives de Mediatech et des sociétés Crusoe ou Elegy, faute d’allégation de complicité de ces dernières avec Mediatech.

14      M. Pinckney a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en invoquant la violation de l’article 5, point 3, du règlement. Il a fait valoir que la compétence du juge français est fondée et que son recours a été indûment rejeté.

15      C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 5, point 3, du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

–        la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie,

ou

–        il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet État membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé?

2)      La première question posée doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu?»

  • Le  3 octobre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne :

L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d’une action en responsabilité introduite par l’auteur d’une œuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre État membre et ayant, dans celui-ci, reproduit ladite œuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième État membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie. Cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève.

 

Indemnisation des préjudices pour des actes de contrefaçon, comment effectuer le calcul des dommages et intérêts en cas d’expertise infructeuse : les dommages et intérêts forfaitaires et le rôle de l’avocat

Sur quelle base calculer les dommages et intérêts ? Cette question si elle se pose naturellement au juge dans l’instance en contrefaçon quand après avoir retenu  l’existence des actes de contrefaçon ,  il doit en fixer l’indemnisation pour le titulaire des droits, interpelle la partie poursuivie en contrefaçon à la réception de l’assignation. Le titulaire des droits, lui aussi,  a sans doute interrogé son avocat avant d’engager la procédure. A cette question, l’avocat, on le voit,  est interrogé à de multiples occasions mais il n’a pas, le plus souvent,  les éléments financiers pour y répondre de manière précise.

 

Un arrêt intéressant a été rendu le 4 janvier 2012 par la Cour de Paris. Cet arrêt est intervenu en matière de contrefaçon de dessins protégés par les dispositions du Code sur la propriété littéraire et artistique.

  • Un jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny condamne une société pour des actes de contrefaçon de dessins. Le tribunal ordonne une expertise.
  • Lors de l’expertise, selon l’arrêt, la société condamnée ne fournit pas à l’expert tous les documents que celui-ci a demandés.
  • Le Tribunal retenant que « que la société défenderesse n’avait pas communiqué à ce dernier les éléments objectifs probants nécessaires à l’accomplissement de sa mission et » a « procédé en conséquence à une évaluation forfaitaire du préjudice de M. X…, fixée à 25. 000 euros ».

La société fait appel de ce jugement.

L’arrêt du 4 janvier ne porte que sur l’appel de la condamnation financière, « cette société faisant valoir, en synthèse, que la preuve n’est rapportée d’aucune exploitation commerciale des produits contrefaisants » ;

Le problème posé : en l’absence de coopération de la partie condamnée pour produire les documents demandés lors de l’expertise, comment fixer les dommages et intérêts ?

La solution : le montant forfaitaire

La Cour de Paris rappelle des dispositions du Code qui autorisent le caractère forfaitaire des dommages et intérêts. L’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : « pour fixer les dommages intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subis par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au droit et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. » ;

La Cour procède en trois étapes :

  • La Cour vérifie que la société condamnée n’a fait aucune diligence sérieuse lors de l’expertise : « Considérant que le tribunal, ayant notamment relevé dans les motifs de son jugement que ni les factures d’achat ni les factures de vente communiquées à l’expert par la société ……ne comportaient une référence quelconque, en a exactement déduit qu’elle n’avait fait aucune diligence sérieuse pour contribuer à la mesure d’instruction et permettre à l’expert d’évaluer la masse contrefaisante ;
  • La Cour retient que le Tribunal a appliqué le montant forfaitaire demandé par le titulaire des droits : « une évaluation forfaitaire du préjudice subi par M. X…, conformément à la demande de celui-ci ».
  • En appel, la société condamnée apporte-t-elle des éléments financiers complémentaires ?

Non, elle se limite à prétendre à « l’absence totale d’exploitation commerciale des produits contrefaisants ». Pour la Cour cette attitude « met au contraire en évidence la réalité d’une telle exploitation et le soin apporté par cette même société a en dissimuler l’étendue » ;

La Cour confirme le jugement et ajoute 5 000 Euros aux montants indemnitaires retenus par le Tribunal.