Du caractère usuel de la marque, à propos de sa validité, de sa dégénérescence, et de sa contrefaçon : l’arrêt du 2 février 2012 de la Cour de Lyon LA PIERRADE

Le caractère usuel d’un signe peut conduire au rejet de la demande d’enregistrement à titre de marque. Postérieurement à l’enregistrement, le signe devenu usuel amène le juge à prononcer la déchéance du titre.  Enfin, lors du procès en contrefaçon, les circonstances des emplois litigieux peuvent infléchir la décision du juge quand le caractère usuel de l’emploi en question se trouve invoqué.

Ces différentes situations avec des intérêts divers se retrouvent à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon du 2 février 2010

La marque en question : « La Pierrade » pour désigner « appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de séchage, de ventilation ; ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ; hôtellerie et restauration ».

  1. Le caractère usuel  de la marque lors de son dépôt, s’il a été invoqué, n’a pas été soutenu

Ces développements sont regroupés à l’arrêt sous l’intitulé « validité originelle de la marque »

Le dépôt étant intervenu en 1986, l’examen doit être mené au regard de la loi du 31 décembre 1964 qui disposait que ne peuvent être considérées comme marques celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit et du service et celles qui sont constituées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit

Pour soutenir ‘qu’au jour du dépôt précité, il était usuel d’utiliser le terme pierrade pour désigner un appareil et/ou un mode de cuisson sur pierre chauffante’, la société Consumer Finance ‘fait sienne l’argumentation développée par la société La Redoute’.

Mais cette dernière ne soutient rien de tel : elle fait valoir que ‘pour apprécier la validité de la marque, il convient de se placer à la date de la présente demande en nullité’, se réclamant ainsi des principes commandant d’ailleurs, non pas la validité du dépôt, mais l’appréciation du risque de confusion au regard d’une notoriété ultérieurement acquise par la marque.

Dès lors, à supposer même que les règles de procédure autorisent la société Consumer Finance à se référer à des conclusions dont elle ne reprend pas les termes, il n’existe dans les écritures de la société La Redoute aucune argumentation susceptible de soutenir sa propre thèse.

Faute d’aucun moyen en ce sens, la demande de nullité de la marque pour défaut originaire de caractère distinctif ne peut donc prospérer.

2. Postérieurement au dépôt, le caractère usuel de la marque enregistrée doit – il être examiné au regard des seuls consommateurs concernés ou aussi en tenant compte des professionnels qui s’adressent à ces consommateurs ?

  • La Cour de Lyon dit que la marque est usuelle pour les consommateurs concernés

Du point de vue du grand public, la démonstration est amplement faite que ce mot est quotidiennement, massivement et couramment utilisé pour désigner un appareil de cuisson caractérisé par le recours à une pierre chauffée.

De nombreuses recettes de cuisine, des annonces de revente sur internet et même une entrée de dictionnaire en font usage, et il n’est aucune trace que le public ait conscience d’employer ainsi un mot protégé en tant que marque.

  • Mais la Cour de Lyon ajoute un second périmètre d’appréciation du caractère usuel de la marque : les professionnels qui s’adressent à ces consommateurs

Mais cela ne suffit pas à en conclure que la marque est devenue usuelle ; ces circonstances manifestent seulement que les produits et services considérés ont eu un grand succès, qu’ils présentaient une originalité et qu’il n’existait pas de mot pour les nommer auparavant, de sorte que le public les identifie par le vocable sous lequel ils ont été initialement offerts à la vente.

Il ne s’en déduit pas que les autres opérateurs économiques du secteur sont dans la même situation, ni qu’ils s’en trouveraient autorisés à profiter des investissements à l’origine de ce succès pour concurrencer le premier intervenant en recourant à ce signe pour désigner des produits et services identiques ou similaires.
…..
Or, il n’est pas même prétendu que, du point de vue des professionnels du secteur de la fabrication et de la commercialisation des appareils de cuisson et autres produits et services désignés dans l’enregistrement, le signe serait devenu usuel

  • Pour la Cour de Lyon la compréhension du signe doit être examinée auprès de ces deux publics

Dès lors, la première condition de la dégénérescence, si même elle est remplie à l’égard du grand public, ne l’est nullement au regard de l’ensemble des professionnels du secteur et, à leur égard, la marque demeure propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

Cette condition n’est pas remplie.

Certes la Cour de Lyon à la suite de ce premier examen, va montrer que la dégénérescence du signe pour les seuls consommateurs n’est pas du fait de son titulaire :

Même à admettre que le mot pierrade est devenue la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service, ce ne serait pas du fait de son titulaire et, faute que cette seconde exigence soit remplie, il n’y aurait pas plus lieu de constater sa dégénérescence.

Ainsi pour la Cour de Lyon, postérieurement à l’enregistrement, l’examen du caractère usuel de la marque doit être conduit au regard :
–    des consommateurs concernés,
–    et des professionnels  qui s’adressent à ces consommateurs.

3° Puis vient le débat sur la contrefaçon : « Réalité de la contrefaçon »

  • Voyons tout d’abord ce que dit la Cour :

Dans cette seconde phrase, la marque est reproduite en tous ses éléments ; le signe est utilisé pour désigner des produits identiques à ceux figurant dans l’enregistrement sous le terme ‘appareils de cuisson’ ; le risque de confusion va de soi et la contrefaçon est caractérisée.

Dans la première, la marque est imitée, puisque l’article ‘la’ ne figure pas dans l’annonce incriminée.

Pour autant, ce simple article produit un effet distinctif négligeable, de sorte que de façon visuelle, conceptuelle et phonétique, l’imitation du seul mot propre à retenir concrètement l’attention et à demeurer présent à l’esprit lorsqu’il n’a pas les deux signes en même temps sous les yeux expose le consommateur raisonnablement informé, qui est d’ici d’attention très moyenne puisqu’il s’agit en l’occurrence de produits de grande consommation, offerts en cadeau qui plus est, à un risque de confusion en raison de cette ressemblance très marquée.

Or, c’est bien au regard de ce consommateur que doit s’évaluer le risque de confusion puisque lui seul, à l’exclusion des professionnels du secteur, y est exposé et que les annonces litigieuses lui étaient destinées.

L’identité des produits désignés achève de créer l’évidence de ce risque ; la contrefaçon est caractérisée.

  • Le malaise est palpable :

– Lors de l’examen du caractère usuel après enregistrement, la Cour dit que pour le consommateur concerné le signe est devenu usuel . la Cour a même dit que  il n’est aucune trace que le public ait conscience d’employer ainsi un mot protégé en tant que marque.

– Pour l’examen de la contrefaçon, la Cour retient le risque de confusion.

4°) Comment sortir de ce paradoxe

Un signe n’est plus apte à exercer son caractère distinctif mais les conditions exigées pour voir prononcer sa dégénérescence ne sont pas remplies.

Faut-il retenir un acte de contrefaçon quand le signe est utilisé en rapport avec les produits visés à enregistrement ?

Non a déjà dit la Cour de Cassation dans son arrêt du 2 novembre 2011, une telle solution n’aurait-elle pas pu s’appliquer ici ?

Demande en nullité d’une marque communautaire. Pour l’appréciation de l’absence de la mauvaise foi du déposant, il n’y a pas de liste limitative des critères à prendre en compte. A propos de l’arrêt du 14 février 2012 BIGAB

L’arrêt du 14 février 2012,T‑33/11, Peeters Landbouwmachines BV, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’absence de mauvaise foi du déposant.

Au regard d’une marque communautaire enregistrée BIGAB, un tiers exploitant le signe BIGA, engage une action en nullité devant l’OHMI.

Successivement la division d’annulation et la première chambre de recours de l’OHMI ont rejeté cette demande en annulation.

L’arrêt du Tribunal revient ainsi sur l’interprétation de la mauvaise foi visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 

  • Tout d’abord , les trois critères fixés antérieurement par la Cour sont rappelés:

 

–       le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;

–        l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ;

–        le degré de protection dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.

 

  • L’intérêt de cet arrêt est ici : ces critères « ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte afin de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur de marque au moment du dépôt de la demande »

..il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création ainsi que de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de ce signe en tant que marque communautaire.

22 En l’espèce, il est constant que la marque  contestée a été utilisée à partir de 1991, dans un premier temps par Blidsberg Investment Group BIG AB, dont la marqueBIGAB représente les initiales, et ensuite, à partir de 1999, par l’intervenante, à la suite de l’acquisition de l’ensemble des droits afférents à cette marque. Or, la requérante n’a, pour sa part, commencé à utiliser la marque BIGA qu’en 1996. Cette dernière n’avait en outre fait l’objet d’aucun enregistrement à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, ni au niveau européen, ni au niveau du Benelux, ni à l’échelon national. Ces circonstances établissent que le signe contesté n’a été ni créé ni utilisé par l’intervenante dans le but délibéré de générer une confusion avec un signe existant et, de cette façon, de concurrencer le titulaire de ce dernier de manière déloyale.

23 Ensuite, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il est compréhensible, d’un point de vue commercial, que l’intervenante ait souhaité étendre la protection de la marque contestée en la faisant enregistrer en tant que marque communautaire. En effet, durant la période qui a précédé le dépôt de la demande d’enregistrement, l’intervenante a réalisé son chiffre d’affaires relatif aux produits de la marque BIGAB dans un nombre croissant d’États membres. Comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, ce contexte constituait un mobile plausible justifiant le dépôt d’une demande d’enregistrement de marque communautaire.

 

Le Tribunal va rejeter le recours

Une sanction pour contrefaçon d’un modèle communautaire peut-elle être prononcée contre celui qui exloite un objet par ailleurs enregistré comme modèle communautaire ? L’arrêt du 16 février 2012 de la Cour de Justice

La Cour de justice de l’Union a rendu le 16 février 2012 un arrêt important en matière d’atteinte à un modèle communautaire.

Il s’agit de l’affaire C‑488/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite par le Juzgado de lo Mercantil n° 1 de Alicante y n° 1 de Marca Comunitaria (Espagne), par décision du 15 septembre 2010, dans la procédure Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA contre Proyectos Integrales de Balizamiento SL,

Cette demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires

Dans cette affaire, où une société entendait opposer son modèle de borne de signalisation à une autre société, cette dernière invoquait que sa borne litigieuse faisant l’objet d’un modèle communautaire aucune mesure de contrefaçon ne pouvait être prononcée contre elle tant que son modèle était en vigueur.

La réponse de la Cour

L’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, doit être interprété en ce sens que, dans un litige portant sur la violation du droit exclusif conféré par un dessin ou modèle communautaire enregistré, le droit d’interdire à des tiers d’utiliser ledit dessin ou modèle s’étend à tout tiers qui utilise un dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente, y compris le tiers titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré postérieur.

Procès en annulation d’une marque communautaire devant l’OHMI, comment apprécier les éléments figuratifs ? Faut-il les réduire à leur stricte expression verbale : éléphant et éléphants ? A propos de l’arrêt du TPI du 7 février 2012

L’arrêt du 7 févier 2012 dans l’affaire T‑424/10, Dosenbach-Ochsner AG Schuhe und Sport, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), intervient à propos d’une marque figurative communautaire qui a fait l’objet d’une demande en nullité au regard de différents dépôts qui portent tous sur le même signe figuratif.


Les marques en causes

 

  • Le signe de la marque communautaire enregistrée :

En 2006, cette marque a été enregistrée pour  :

–        classe 24 : « Tissus ; tissus élastiques ; tissus adhésifs collables à chaud ; tissus imitant la peau d’animaux ; tissus de laine ; couvertures ; couvertures de voyage ; nappes ; articles textiles ; tapisserie en tissu ; mouchoirs de poche (en matières textiles) ; drapeaux ; lingettes en tissus et en tissus non tissés ; serviettes de table en tissu ; serviettes de table en matières textiles ; toiles synthétiques pour changer les bébés » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour hommes, femmes et jeunes en général, y compris les vêtements en peau ; chemises ; chemisiers ; jupes ; tailleurs ; vestes ; pantalons ; shorts ; jerseys ; T-shirts ; pyjamas ; bas ; maillots de corps ; corsets ; fixe-chaussettes ; caleçons ; soutiens-gorges ; dessous (sous-vêtements) ; chapeaux ; foulards ; cravates ; imperméables ; pardessus ; manteaux ; maillots de bain ; survêtements ; anoraks ; pantalons de ski ; ceintures ; pelisses ; écharpes ; gants ; robes de chambre ; chaussures en général, y compris pantoufles, chaussures, chaussures de sport, bottes et sandales ; couches en matières textiles ; bavoirs pour nouveau-nés ».

 

  • Le signe opposé:

Ce signe fait l’objet de différentes marques antérieures au dépôt de la marque communautaire.

– une marque internationale visant notamment la République tchèque, désignant les produits relevant de la classe 25 « Chaussures et articles chaussants »,

– une marque allemande désignant notamment les « couvertures pour enfants, draps de lit pour enfants, serviettes de toilette pour enfants, sacs de couchage pour enfants ; sacs en tissu et sacs de transport en tissu pour enfants » relevant de la classe 24 et les « vêtements pour enfants, chapeaux pour enfants ; ceintures pour enfants » relevant de la classe 25 :

 

  • Une marque verbale est également invoquée à cette demande en nullité de la marque communautaire : la marque allemande verbale elefanten, désignant : « Chaussures » ;

 

Les décisions de l’OHMI

 

9 septembre 2008 : la division d’annulation rejette la demande en nullité,

15 juillet 2010 : la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

 

La décision du Tribunal : l’annulation de la décision de la chambre de recours

 

  • En matière de marque figurative, une comparaison phonétique n’est pas pertinente

46…une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux ne peut pas être prononcée en tant que telle. Tout au plus, son contenu visuel ou conceptuel peut être décrit oralement. Or, une telle description coïncide nécessairement soit avec la perception visuelle soit avec la perception conceptuelle de la marque concernée. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner, de manière autonome, la perception phonétique d’une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux et de la comparer avec la perception phonétique d’autres marques.

47 Dans ces circonstances, et compte tenu de ce que la marque contestée est une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux, il n’y a lieu de conclure ni à une similitude ni à une dissimilitude phonétique entre cette dernière marque et les marques antérieures.

  • La proximité conceptuelle : éléphant et éléphants !

52 S’agissant de la comparaison conceptuelle entre la marque contestée et les marques figuratives antérieures, il n’est pas contesté que ces dernières seront perçues comme renvoyant à la notion d’« éléphant ». Or, étant donné la proximité entre la notion d’« éléphant » et celle d’« éléphants », il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, à une similitude conceptuelle entre la marque contestée et les marques figuratives antérieures.

Étonnante affirmation de la part d’une juridiction qui vient juste de dire que les marques figuratives ne se prononcent pas, et qui ne tient pas compte dans ce raccourci verbal des graphismes et postures particulières de ces signes.

 

  • D’où le constat du Tribunal

53 Au final, il y a lieu de constater que la décision attaquée est viciée par des erreurs relatives à l’appréciation de la similitude phonétique et de la similitude conceptuelle.

  • Mais le Tribunal ne s’arrête pas là !

Toutefois, l’impact de ces erreurs sur le bien‑fondé du constat de la chambre de recours relatif à l’absence de risque de confusion et, partant, sur le bien‑fondé du dispositif de la décision attaquée ne peut être apprécié qu’au stade de l’examen global de l’ensemble des facteurs pertinents. Aux fins de cet examen, il y a lieu de considérer que les marques concernées sont différentes sur le plan visuel, que leur comparaison phonétique est dépourvue de pertinence et que, sur le plan conceptuel, la marque contestée est identique à la marque verbale antérieure et similaire aux marques figuratives antérieures.

Et d’ajouter :

…. il ressort d’une lecture contextuelle du passage cité au point 57 ci‑dessus que la requérante a renvoyé, afin d’étayer la revendication du caractère distinctif accru des marques antérieures, à l’ensemble des éléments présentés par elle afin de prouver l’usage sérieux de ces dernières.

68 Par ailleurs, ces éléments, à savoir des matériaux publicitaires dans lesquels figuraient les marques antérieures et des déclarations sur l’honneur relatives aux volumes de vente des produits qui en étaient revêtus, étaient pertinents, de prime abord, non seulement s’agissant de l’usage sérieux des marques antérieures, mais également s’agissant de leur éventuel caractère distinctif acquis par l’usage.

..

70 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas expressément revendiqué un caractère distinctif accru des marques antérieures dû à leur usage. C’est donc également à tort qu’elle n’a pas examiné le bien‑fondé des revendications de la requérante sur ce point.

71 Cette erreur implique que la chambre de recours a omis d’examiner un facteur potentiellement pertinent dans l’appréciation globale de l’existence du risque de confusion entre la marque contestée et les marques antérieures.

 

 

Importation de marchandises contrefaisantes, les pouvoirs des douanes limités à compter du 1er janvier 2013 par la décision du Conseil Constitutionnel

Le 13 janvier 2012, le Conseil Constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a examiné « la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 374 et 376 du code des douanes. »

Les dispositions des deux articles du Code des douanes citées à la décision :

1. Considérant qu’aux termes de l’article 374 du code des douanes : « 1. La confiscation des marchandises saisies peut être poursuivie contre les conducteurs ou déclarants sans que l’administration des douanes soit tenue de mettre en cause les propriétaires quand même ils lui seraient indiqués.
« 2. Toutefois, si les propriétaires intervenaient ou étaient appelés en garantie par ceux sur lesquels les saisies ont été faites, les tribunaux statueront, ainsi que de droit, sur les interventions ou les appels en garantie » ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 376 du même code : « 1. Les objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les propriétaires, ni le prix, qu’il soit consigné ou non, réclamé par les créanciers même privilégiés, sauf leur recours contre les auteurs de la fraude.
« 2. Les délais d’appel, de tierce opposition et de vente expirés, toutes répétitions et actions sont non recevables » ;

La décision :

Article 1er.- Les articles 374 et 376 du code des douanes sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 11.

Action en nullité d’une marque communautaire : à propos de CHICKEN ON THE GRILL, la mauvaise foi du déposant n’a pas été prouvée

L’arrêt en date du 1er février 2012 rendu par le Tribunal se prononce sur la question de la mauvaise foi du déposant.

Affaire T‑291/09, Carrols Corp., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

La marque communautaire qui a été enregistrée, et qui est attaquée en nullité

22 novembre 2002 : dépôt au nom de M. Giulio Gambettola de la demande de marque communautaire :

–        classe 25 : « Vêtements confectionnés » ;

–        classe 41 : « Discothèques » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ».

21 avril 2004 : la marque est enregistrée.

Les marques invoquées à l’appui de la demande en nullité de la marque enregistrée le 21 avril 2004

22 janvier 2007 : action en nullité auprès de l’OHMI déposée par Carrols Corp en invoquant :

1°) d’une part, l’existence d’un risque de confusion au Royaume-Uni, où elle possède deux enregistrements de marque prioritaires, pour des services de restauration :

  • l’une figurative déposée le 30 juin 1999 :

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  • l’autre verbale du 19 juin 2000,  POLLO TROPICAL,

2°) et, d’autre part, le fait que l’enregistrement a été demandé de mauvaise foi au regard d’un enregistrement américain.

Un précédent litige devant l’Office espagnol des marques

20 juin 1994 : dépôt par M. Giulio Gambettola, d’une demande d’enregistrement de la marque espagnole figurative qui a été enregistrée le 20 décembre 1995 :

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et cette marque espagnole a été opposée aux dépôts, le 21 octobre 1994, de Pollo Tropical, Inc., société aux droits de laquelle vient Carrols Corp., des deux demandes d’enregistrement :

  • l’une pour la marque verbale POLLO TROPICAL,
  • l’autre concernant la marque figurative en invoquant la marque US demandée le 25 avril 1994 et enregistrée le 19 août 1997 :

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Ces deux demandes de marques espagnoles ont été rejetées.

Les décisions de l’OHMI (sans entrer ici dans leur détail)

17 mars 2008 : la division d’annulation rejette la demande en nullité.

7 mai 2009 : la première chambre de recours de l’OHMI rejette le recours.

La décision du Tribunal : le recours est rejeté.

Différents motifs sont examinés, n’est reprise ci-dessous que l’argumentation principale sur la mauvaise foi.

  • La date à laquelle le comportement du déposant doit être apprécié :

« l’existence de la mauvaise foi du déposant devait être démontrée lors du dépôt, soit le 22 novembre 2002.

Toutefois, les faits de la présente espèce ont amené la chambre de recours à examiner des circonstances antérieures à cette date, puisque la demande de marque communautaire introduite par l’intervenant est consécutive à l’enregistrement d’une marque nationale antérieure identique.

58 Ainsi que l’avait relevé, à juste titre, la division d’annulation, il existe une continuité ou une « trajectoire commerciale » unissant les marques de l’intervenant, raison pour laquelle la date de présentation de la marque espagnole doit également être prise en considération.

59 Certes, la chambre de recours a semblé exclure la prise en considération de la date de présentation de la demande de marque nationale antérieure, au point 26 de la décision attaquée, en considérant que « la chambre de recours ne procédera pas à l’appréciation de la mauvaise foi ou de la bonne foi de [l’intervenant] lors du dépôt des demandes d’enregistrement en Espagne, dans la mesure où non seulement celles-ci ont eu lieu il y a huit ans, mais également où il s’agit d’une question dont la compétence relève exclusivement de la juridiction nationale, en particulier la juridiction espagnole ».

60 Toutefois, en constatant, au point 27 de la décision attaquée, « que le dépôt de la demande de marque communautaire en 2002 par [le déposant] n’était que le développement commercial normal et prévisible de son activité de restauration », la chambre de recours a nécessairement procédé à l’examen des circonstances antérieures à la demande de ladite marque.

  • A cette époque, quelle connaissance le déposant avait-il de la marque américaine ?

Or, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la connaissance par [le déposant ] de la marque américaine pourrait être présumée, dans la mesure où, d’une part, cette dernière marque bénéficiait d’un enregistrement, non pas dans un État membre, mais dans un pays tiers, et, d’autre part, entre la demande de marque espagnole, soit le 20 juin 1994, et la demande de marque américaine, soit le 25 avril 1994, une période de deux mois seulement s’est écoulée. Même si la date du premier usage de la marque américaine devait être prise en considération, à savoir le 13 septembre 1991, une période de trois ans et demi se serait écoulée, mais ce seul fait serait, en tout état de cause, insuffisant, eu égard à la localisation géographique de la marque, pour permettre de présumer que [ le déposant ] en avait connaissance au moment du dépôt de la demande de marque espagnole. Ainsi, la seule ouverture d’un ou de plusieurs restaurants en Floride (États-Unis) ou dans d’autres pays situés en Amérique du Sud ne saurait être considérée comme étant de nature à établir la connaissance, par [le déposant ], de l’usage antérieur de la marque américaine.

62 La requérante n’a donc versé aux débats aucun commencement de preuve qui permettrait de présumer que [ le déposant ] ne pouvait ignorer l’existence de ladite marque.

Montronix opposée à Mtronix, l’appréciation de la similitude retient l’allusion à l’électronique pour ces deux marques communautaires déposées dans le secteur des machines électroniques et des ordinateurs

L’arrêt du 1er février 2012 du Tribunal, T‑353/09, mtronix OHG, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), intervient sur une demande de marque communautaire mtronix à laquelle est opposée Montronix.


  • A propos des produits, cet arrêt montre une nouvelle fois combien l’indication « ordinateur » au dépôt d’une marque  accorde une protection étendue  :

les « caisses enregistreuses » et « machines à calculer » visées par la demande de marque pouvaient être assimilées aux « ordinateurs » visés par la marque antérieure. En effet, les ordinateurs sont des appareils qui calculent, qui procèdent à des opérations mathématiques ou logiques à grande vitesse ou qui assemblent, conservent, corrèlent ou traitent autrement l’information. Ces fonctions peuvent aussi être réalisées par les caisses enregistreuses et les machines à calculer pour des données mathématiques. Ainsi, ces appareils incluent certaines fonctions des ordinateurs. Ces produits partagent donc, à tout le moins en partie, la même fonction, les mêmes producteurs et les mêmes canaux de distribution. En outre, lesdits produits sont susceptibles de se trouver en concurrence. Ces produits sont donc similaires.

  • A propos de la comparaison des signes composés de termes de fantaisie mais dont les lettres employées présentent une signification pour les consommateurs de l’Union :

Sur la comparaison phonétique des signes en conflit

43 Concernant la comparaison phonétique des signes en conflit, c’est également à bon droit que la chambre de recours a conclu à une similitude.

44 La marque antérieure étant une marque communautaire, il y a lieu de prendre en compte le public de l’Union, qui prononcera la marque demandée comme [m-tro-niks] ou [em-tro-niks] ou [e-me-tro-niks] et la marque antérieure comme [mon-tro-niks] ou [mÕ-tro-niks]. Sur le plan phonétique, les signes partagent en partie la même prononciation de la lettre initiale « m », et celle de la partie finale commune « tronix ». Quant à la prononciation, les deux signes partagent la même prononciation de deux, trois ou quatre syllabes au total. Dans l’appréciation d’ensemble, ce sont, d’une part, la partie finale « tronix » avec des sons forts [tro] et [niks], et d’autre part, dans une moindre mesure, le son [m] au début des deux signes, qui dominent l’impression phonétique des deux signes. Cette similitude phonétique du début des deux signes en conflit et de leur partie finale les rend en l’espèce particulièrement similaires. La chambre de recours pouvait donc décider sans commettre d’erreur que la similitude phonétique entre les deux signes devait être qualifiée d’« au moins moyenne ».

Sur la comparaison conceptuelle des signes en conflit

45 La chambre de recours a considéré que les deux signes en conflit étaient dépourvus de tout contenu conceptuel. À cet égard, la requérante fait valoir que le consommateur de l’Union associe le mot « tronix » avec l’électronique. Le Tribunal relève qu’il est vrai que les mots « mtronix » et « montronix » n’ont pas de signification propre et sont des mots de fantaisie. Néanmoins, pour le public général et encore davantage pour un public spécialisé dans le secteur de l’électronique, le terme « tronix » fait allusion à « electronics » en anglais, un mot connu par le public de l’Union, et dont l’équivalent dans d’autres langues de l’Union est très similaire, tel qu’« électronique » en français, « Elektronik » en allemand, et « electrónica » en espagnol. En outre, ainsi que l’avance la requérante, il est courant que le son et les lettres « ks » s’abrègent par la lettre « x ». Il y a donc lieu – indépendamment des différences entre les signes en conflit dans leur partie initiale « m », d’une part, et « mon », d’autre part – de conclure que les deux signes en conflit sont, dans leur ensemble, également similaires d’un point de vue conceptuel.

arraybox demande de marque communautaire rejetée pour défaut de caractère distinctif dans le secteur de la production d’énergie et pour des appareils électriques

arraybox : une demande de marque communautaire rejetée pour défaut de caractère distinctif dans le secteur de la production d’énergie et pour des appareils électriques.

L’arrêt du 2 février 2012 dans l’affaire T‑321/09, skytron energy GmbH & Co. KG, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), illustre la démarche pour apprécier le caractère distinctif d’un signe.

 

La marque demandée est composée du signe verbal arraybox pour désigner des produits et des services des classes 9, 37, 38 et 42 (dont la liste est détaillée à l’arrêt).

Successivement l’examinateur et la chambre de recours rejettent la demande d’enregistrement pour absence de caractère distinctif .

Le Tribunal va aussi rejeter le recours.

  • Le rappel de la règle de droit

…..pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente, avec les produits ou les services en cause, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques

  • La démarche méthodologique à suivre

l’appréciation du caractère descriptif d’un signe demandé, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, nécessite, d’abord, de déterminer la signification du signe verbal en cause et, ensuite, d’examiner, sur la base de cette signification, s’il existe, du point de vue du public ciblé, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé

  • L’application pratique
  • Mais avant tout, la définition du public pertinent :

les produits et les services litigieux des classes 9, 37, 38 et 42 s’adressent au grand public et/ou à un public spécialisé du secteur de l’énergie.

21 Dans le dernier cas, la chambre de recours a estimé à raison que le niveau d’attention dont doit faire preuve le public pertinent est très élevé étant donné qu’il s’agit de produits et de services de haute technicité qui ne relèvent pas de la consommation courante

  • Puis la signification  :

..étant donné que le signe en cause est un mot composé de deux mots anglais, « array » et « box », il convient de prendre en compte, comme le fait valoir, à bon droit, la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, le point de vue linguistique du public anglophone des pays de l’Union européenne dont la langue officielle est l’anglais.

23 S’agissant de la signification du mot « arraybox » et, en particulier, du mot « array », la requérante fait valoir que celui-ci se réfère à un agencement déterminé d’objets, de composants, de données et, notamment, un agencement de cellules de mémoire RAM. Le terme allemand pour « array » est « Feld » (champ). Donc, il conviendrait de traduire le signe en cause par « Feldkiste » (coffret à champs).

29 En l’espèce, il convient de relever que rien ne permet d’identifier dans quelle mesure le mot « arraybox » recèle un écart perceptible par rapport aux termes « array » et « box » qui le composent. En effet, le mot « arraybox » sera immédiatement perçu par le public pertinent comme une somme des termes « array » et « box ». En particulier, dans le contexte des produits et des services visés par la demande de marque communautaire, le public concerné comprendra la combinaison des termes « array » et « box », juxtaposés pour former le mot « arraybox », en ce sens qu’il s’agit de données ou d’une cellule de mémoire contenues ou situées dans une boîte ou sur une puce, comme la chambre de recours l’a à bon droit relevé aux points 27 et 28 de la décision attaquée.

  • La recherche du rapport suffisamment direct et concret :

34 Il convient donc d’examiner si tous les produits et les services concernés ont pour objet un agencement de données ou de cellules de mémoire contenues ou situées dans une boîte ou sur une puce afin d’établir un rapport suffisamment direct et concret, au sens de la jurisprudence …., entre le signe en cause et ceux-ci

Le tribunal vérifie en la citant la démarche de la chambre de recours :

À cet égard, la chambre de recours a précisé, au point 30 de la décision attaquée, que tant les produits directement liés à la production ou à la distribution d’énergie que les autres produits relevant de la classe 9 contiennent, afin de fonctionner correctement, un agencement de données ou de cellules de mémoire sous la forme d’« arrays » dans un contenant en forme de caisse ou sur une puce se présentant sous la forme d’un bloc rectangulaire (ci-après la « boîte de données ») qui stocke, traite et analyse toutes les données qui permettent aux produits de fonctionner. S’agissant des services relevant de la classe 37, selon la chambre de recours (point 32 de la décision attaquée), ces boîtes de données qui se retrouvent à l’intérieur des équipements et des appareils d’installations de production d’énergie font l’objet de services de réparation, d’installation et de maintenance de production d’énergie. Quant aux services relevant de la classe 38, la chambre de recours a précisé, au point 33 de la décision attaquée, que tous ces services sont fournis à l’aide d’appareils électroniques ou électriques qui contiennent des boîtes de données de formes diverses, telles que des contenants en forme de caisses ou des puces. Finalement, pour ce qui concerne les services relevant de la classe 42, la chambre de recours a également constaté, au point 34 de la décision attaquée, que ces boîtes de données font l’objet desdits services d’ingénieurs dans le secteur de l’énergie dans la mesure où celles-ci sont continuellement améliorées et analysées dans la foulée des progrès techniques.

Opposition à un dépôt de marque communautaire par une marque antérieure : la définition du public pertinent à propos de ces marques portant sur des bières

L’arrêt du 31 janvier 2012 du Tribunal,affaire T‑205/10, Cervecería Modelo, SA de CV, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), définit le public pertinent à propos de marques déposées pour des bières.

Les marques

La marque demandée : le signe verbal LA VICTORIA DE MEXICO

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; bars ; hébergement temporaire ».

Les marques opposées : une marque communautaire et une marque nationale espagnole :

Victoria

L’opposition est fondée sur tous les produits relevant des classes 31, 32 et 33 couverts par les enregistrements communautaire et national antérieurs. S’agissant de la classe 32, l’enregistrement communautaire antérieur visait les bières, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fruits et jus de fruits, sirops et autres préparations pour faire des boissons.

Les décisions de l’OHMI

28 janvier 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition.

5 mars 2010 : la deuxième chambre de recours de l’OHMI accepte partiellement le recours, en refusant l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 32.

La décision du Tribunal

Le recours est rejeté. Limitons nous ici à la définition du public pertinent.

Pour la déposante :  » étant habitué à être confronté à des marques complexes comportant différents éléments figuratifs et verbaux, le consommateur moyen de bière de l’Union est attentif à tous les éléments qui composent la marque et les prend en considération au moment d’acheter. Elle fait ainsi implicitement valoir que, lors de l’achat ou de la commande, ledit consommateur ferait preuve d’un degré particulièrement élevé d’attention. »

Pour le Tribunal confirmant la chambre de recours le consommateur n’exerce pas ici ce degré de vigilance :

Ainsi que l’OHMI le relève, s’il est vrai que, dans le secteur des boissons alcooliques, le consommateur est habitué à ce que les produits soient fréquemment désignés par des marques comprenant plusieurs éléments verbaux ou figuratifs, il ne saurait en être conclu que ledit consommateur serait particulièrement attentif à tous les éléments d’une marque, verbaux ou figuratifs, au moment de procéder à l’acte d’achat, les produits en cause étant des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2009, Dominio de la Vega/OHMI – Ambrosio Velasco (DOMINIO DE LA VEGA), T‑458/07, non publié au Recueil, point 27). Une telle considération vaut tout particulièrement, en ce qui concerne la marque antérieure, pour les éléments verbaux « cerveza », « pilsener », « málaga » ou « 1928 », et, en ce qui concerne la marque demandée, pour l’élément verbal « de mexico ». Dans l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, le public pertinent percevra ces différents éléments verbaux comme des éléments descriptifs des produits désignés par les signes en conflit ou, en ce qu’ils font référence à un lieu géographique ou à une année, comme des éléments clairement accessoires et non comme des éléments permettant de distinguer l’origine commerciale de ces produits (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 53).

32 Par suite, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent, constitué de consommateurs moyens de l’Union, était normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Conflit entre une demande de marque communutaire ARANTAX et une marque nationale : des preuves de l’usage de la marque nationale antérieure par 6 factures pour 2 277 Euros

L’arrêt du Tribunal du 2 février 2012, T‑387/10, Klaus G., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), est singulier par les services en cause et par les preuves de l’usage de la marque antérieure qui ont été reconnues suffisantes.

Les marques

22 décembre 2005 : dépôt de la demande de marque communautaire par M. Klaus G….. : le signe verbal ARANTAX

–      classe 35 : « Services d’un conseiller fiscal, établissement de déclarations fiscales, tenue des livres comptables, commissariat aux comptes, services de conseils en affaires » ;

–      classe 36 : « Établissement d’expertises et d’évaluations fiscales, fusions et acquisitions, à savoir conseils financiers lors de l’achat ou de la vente d’entreprises ainsi que de prises de participations dans des entreprises, gestion de fortune » ;

–      classe 42 : « Services juridiques, recherche juridique ».

16 août 2006 : opposition fondée sur la marque  allemande verbale antérieure ANTAX, déposée le 22 décembre 1999

–  « commissariat aux comptes, conseils en matière d’organisation, conseils professionnels, conseils en ressources humaines, conseils d’entreprises ; services d’un conseiller fiscal ; publication de bulletins d’information et d’informations des consommateurs sous forme d’imprimés ; tenue de cours de formation continue, formation dans les domaines de l’expertise comptable et du conseil fiscal, organisation de séminaires ; services d’un avocat, conseil fiscal, conceptions de programmes pour ordinateurs ».

Les décisions de l’OHMI

25 novembre 2008 : rejet de l’opposition par la division d’opposition, celle-ci considère que les preuve de l’usage de la marque antérieure sont insuffisantes

1er juillet 2010 : la quatrième chambre de recours de l’OHMI accepte l’opposition à l’exception des services de  « gestion de fortune ». La chambre a donc jugé suffisantes les preuves d’usages pour les autres services de la marque antérieure.

Le déposant saisit le Tribunal.

La décision du Tribunal: le recours est rejeté.

  • Les éléments de preuve jugés comme suffisants

Les éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure :

–        six factures d’honoraires des années 2004 à 2007 pour un montant total de 2 277,09 euros ;

–      des extraits du registre du commerce de sociétés de conseils fiscaux ayant ANTAX comme dénomination sociale, ainsi que des répertoires et des extraits de leurs pages d’accueil Internet ;

–      une déclaration du gérant de la société de l’intervenante, Karl‑Heinz Siebenpfeiffer, qualifiée de « déclaration de témoin ».

Le Tribunal consacre de longs développements à ces 6 factures pour confirmer l’acceptation par la chambre de recours de l’OHMI de ces factures comme des preuves de l’usage de la marque antérieure pour des services de conseil fiscal :

Il convient d’abord de constater que seules six factures ont été produites devant la division d’opposition pour la période pertinente de cinq ans visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, laquelle s’étend du 3 juillet 2001 au 2 juillet 2006.

32 Les factures produites par l’intervenante concernent les activités suivantes : comptabilité des salaires ; détermination des bénéfices imposables à partir de la détermination des recettes et excédents ; établissement de la déclaration d’impôt sur le revenu ; calcul de la déclaration annuelle relative à la taxe sur le chiffre d’affaires ; contrôle de l’avis d’imposition ; calcul des revenus du capital ; calcul des revenus locatifs.

33 Or, il résulte de l’article 1er du Steuerberatungsgesetz (loi allemande sur le conseil fiscal) que cette loi a un champ d’application très large, puisqu’elle s’applique aux services d’assistance pour la gestion des livres comptables ainsi que pour l’établissement des bilans ayant de l’importance en matière d’imposition. L’article 33 de cette loi attribue aux conseillers fiscaux la mission, notamment, de fournir à leurs clients de l’aide en matière de fiscalité et d’accomplissement de leurs obligations fiscales et comptables. Ces services d’assistance visent en particulier l’établissement du bilan fiscal et son appréciation au regard du droit fiscal.

34 Par ailleurs, comme le souligne l’intervenante, les services mentionnés dans les factures produites sont des services correspondant à ceux visés dans la Steuerberatergebührenverordnung (règlement allemand sur les tarifs des conseillers fiscaux). Ainsi, l’article 34, paragraphe 2, de ce règlement vise la comptabilité courante des salaires. L’intervenante relève encore, à juste titre, que la page Internet de la Bundessteuerberaterkammer (chambre fédérale des conseillers fiscaux) mentionne les activités d’un conseiller fiscal et cite, notamment, la tenue des livres comptables, la comptabilité des salaires, l’établissement de déclarations fiscales et les services de conseils en affaires.

35 Il convient donc de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, les factures produites concernent bien des activités susceptibles d’être proposées par un conseiller fiscal allemand.

36 Concernant les arguments du requérant selon lesquels, d’une part, le faible montant des factures ne permettrait pas de prouver un usage sérieux de la marque antérieure et, d’autre part, les noms et adresses des clients étant masqués sur lesdites factures, il ne peut être exclu que les services n’aient été accomplis que dans un espace limité au niveau local, ni qu’ils aient été accomplis pour des sociétés ou des personnes liées, il y a d’abord lieu de rappeler que, quand bien même la marque antérieure ne serait pas présente sur une partie substantielle du territoire allemand, sur lequel elle est protégée, l’importance territoriale de l’usage n’est qu’un des facteurs devant être pris en compte, parmi d’autres, pour déterminer s’il est sérieux ou non (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié au Recueil, point 46).

37 De plus, outre ces factures provenant de sociétés basées à Düsseldorf et à Regensburg, les extraits, produits par l’intervenante devant la division d’opposition, de registres du commerce de sociétés ayant la marque ANTAX comme dénomination sociale, immatriculées à Metzingen, à Heidelberg, à Ueckermünde, à Leipzig, à Hannovre, à Nuremberg, et à Cologne démontrent une utilisation de ce signe qui n’est pas seulement locale. Il en est de même en ce qui concerne les répertoires indiquant les adresses de ces sociétés.

38 Le témoignage de son gérant produit par l’intervenante, selon lequel certaines de ces sociétés, de même que celle établie à Regensburg, sont actives et s’occupent « d’une large clientèle » (grossen Mandantenstamm), est un élément supplémentaire venant corroborer la diffusion géographique et l’utilisation de cette marque.

39 Par ailleurs, il résulte notamment des indications telles que « nous sommes conseillers fiscaux pour les professions de santé » (Wir sind Steuerberater für Gesundheitsberufe), « conseils et guide […] pour médecins – dentistes – pharmaciens – soins » (Tipps & Wissenswertes für […] Ärtze – Zahnärzte – Apotheker – Pflege) et « ANTAX – votre spécialiste pour les professions de santé » (ANTAX – Ihr Spezialist für Heilberufe), figurant sur plusieurs pages d’accueil Internet de sociétés fiscales ayant ANTAX comme dénomination sociale, produites par l’intervenante devant la division d’opposition, que la marque  antérieure est utilisée publiquement et vers l’extérieur.

40 À cet égard, cette dernière indication, et, surtout, l’indication « ANTAX Steuerberatungsgesellschaft » (ANTAX Société de conseil fiscal) sur toutes ces pages d’accueil Internet démontre clairement l’utilisation de la marque ANTAX de telle façon qu’il s’établit un lien entre cette marque constituant la dénomination sociale et les services fournis au sens de la jurisprudence (voir point 26 ci‑dessus).

41 Au surplus, il convient de constater que l’argument du requérant visant à établir le défaut d’usage de la marque antérieure, selon lequel la dénomination antax n’aurait aucun lien avec les services fournis, est en contradiction avec son argument visant à démontrer l’absence de similitude entre les signes ANTAX et ARANTAX, selon lequel, quant à leur comparaison conceptuelle, le public pertinent comprendra la syllabe finale « tax » dans son acception anglaise (impôt), notion avec laquelle les services proposés par la marque  allemande antérieure ANTAX présenteraient un lien (voir point 74 ci-dessous).

42 Ainsi, et dès lors qu’il n’existe pas de règle de minimis pour établir la preuve de l’usage sérieux et qu’un usage limité peut être compatible avec une présence réelle sur le marché ( arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 65), en tenant compte des factures, des extraits du registre du commerce, du témoignage du gérant, des extraits des pages d’accueil Internet et des répertoires, il convient de considérer que l’intervenante a apporté la preuve suffisante de l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les « services d’un conseiller fiscal ».