Indemnisation des préjudices pour des faits de concurrence déloyale sur internet, la Cour de cassation interroge la Cour de justice

 

Par son arrêt du 13 mai 2020, la Cour de cassation soumet à la Cour de justice la détermination du juge compétent pour l’indemnisation du préjudice pour des faits de dénigrement et donc de concurrence déloyale sur internet.

  • La Cour distingue cette situation de celle où la demande ne porte que sur la suppression des contenus litigieux dont la solution est déjà connue

5. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêt (grande chambre) du 17 octobre 2017, Bolagsupplysningen OÜ et B… L… contre Svensk Handel AB, C-194/16) a dit pour droit :

1) L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l’intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.

Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un État membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l’auteur présumé de l’atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre État membre.

2) L’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires.

6. Se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, elle a précisé qu’une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C-68/93, points 25, 26 et 32), ainsi que du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C-509/09 et C-161/10, points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n’a pas une telle compétence (point 48).

7. Cette jurisprudence rendue en matière d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants.

  •   La question posée est relative à la détermination du juge compétent pour l’indemnisation d’actes de concurrence déloyale qualifiés ici de dénigrement

 12. S’agissant de la juridiction compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée en réparation des préjudices moral et économique consécutifs aux propos dénigrants imputés à M. K…, la société Gtflix Tv soutient que la jurisprudence Svensk Handel ne peut trouver à s’appliquer qu’aux seules demandes visant à obtenir la suppression de commentaires ou de pages sur internet au moyen d’une injonction prononcée par le juge, que n’est, en aucune façon, concernée par cette solution la demande indemnitaire dont l’objet est l’obtention de dommages-intérêts, et ce, quand bien même la demande serait formée à titre provisionnel devant le juge des référés et qu’en conséquence, une telle demande demeure régie par les principes dégagés par les arrêts Shevill et eDate Advertising.

13. Il s’agit, donc, de déterminer si la solution consacrée par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt précité du 27 octobre 2017, sur le fondement des dispositions de l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doit être interprétée en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l’arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.

14. La question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation, pose une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne dès lors que l’intérêt d’une bonne administration de la justice pourrait justifier que la juridiction compétente pour connaître de la demande tendant à la rectification de données et à la suppression de commentaires ait compétence exclusive pour connaître de la demande tendant à l’allocation de dommages-intérêts, qui présente avec la première un lien de dépendance nécessaire.

 La question préjudicielle telle que posée par la Cour de cassation à la Cour de justice

RENVOIE pour le surplus, à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de répondre à la question suivante :
« Les dispositions de l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l’arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ? » ;

Marque de couleur ou marque figurative ?

Au dépôt, il est indiqué  » Les couleurs du signe sont le bleu (PMS 2748, PMS CYAN) et le gris (PMS 877) ».

 En cours de procédure, la déposante précise que sa demande porte sur une marque de couleur et non sur une marque figurative.

Les produits visés à cette demande de marque : « Eaux minérales « .

Sur des questions préjudicielles posées par la Cour administrative finlandaise, la Cour de justice par son arrêt du 27mars 2017  précise le régime de la marque de couleur. C’est là

Qui paie les frais d’avocats du procès en contrefaçon de marque et de ses suites ?

Au terme du procès, quelle partie prend en charge les frais du procès ? La réponse en matière de marque est connue, c’est celui qui perd. Toutefois de « quel procès » est-il question, celui de l’action en contrefaçon ou faut-il élargir cette règle à d’autres actions  judiciaires ? Illustration avec l’arrêt du 16 juillet 2015 de la Cour de Justice.

frais et honoraire des avocats pour le procès en contrefaçon

L’arrêt du 16 juillet 2015  de la Cour de justice intéresse tous les titulaires de marque ! L’arrêt est .

Au préalable, pour comprendre l’intérêt de cet arrêt sur le périmètre des frais d’avocats à prendre en compte au sens du droit des marques, un principe doit être rappelé : en accordant à certaines juridictions nationales le statut de juridictions communautaires en matière de marques communautaires, ce mécanisme repose sur une confiance réciproque entre les différents États membres.

Cette confiance réciproque a pour corollaire la reconnaissance de plein droit des décisions rendues par un autre État membre. C’est le sens du considérant 16 du règlement n° 44/2001, «[l]a confiance réciproque dans la justice au sein de [l’Union européenne] justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure».

En engageant l’action en contrefaçon par une simple saisie, comme ici, le titulaire de la marque risque-t-il de se voir condamner à payer l’intégralité de tous les frais d’avocats engagés dans différents États par le saisi qui aura réussi à triompher au final ?

  • Brièvement les faits,

Le titulaire d’une marque de whisky, une société néerlandaise, fait saisir en Bulgarie des bouteilles importées de Géorgie, mais le saisi fera annuler cette opération. L’action en contrefaçon du titulaire de la marque échoue également en Bulgarie. La société bulgare engage alors aux Pays-Bas une action indemnitaire contre le titulaire de la marque pour le préjudice subi du fait de la saisie et pour obtenir le remboursement de ses frais de justice.

Le titulaire de la marque pour s’opposer à cette demande indemnitaire, invoque devant son juge national que la décision du juge bulgare est « manifestement contraire à « l’ordre public néerlandais, au sens de l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001. Le Sofiyski gradski sad, le juge bulgare,  y aurait fait une application manifestement erronée du droit de l’Union européenne en se fondant sur la décision interprétative du Varhoven kasatsionen sad du 15 juin 2009, laquelle serait entachée d’une erreur de fond et aurait été, au surplus, adoptée en méconnaissance de l’obligation qui incombait à cette dernière juridiction de poser une question préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE ».

Le 1er juge hollandais suit la thèse du titulaire de marque, mais le juge d’appel (Gerechtshof te Amsterdam) infirme et reconnait la décision du juge bulgare. La Cour suprême (Hoge Raad der Nederlanden) interroge la Cour de justice de différentes questions préjudicielles

  • Le principe de confiance réciproque doit prédominer

49 Il y a lieu ensuite de rappeler que le juge de l’État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre au seul motif qu’il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit de l’Union a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante.

50 Ainsi, la clause de l’ordre public ne serait appelée à jouer que dans la mesure où ladite erreur de droit impliquerait que la reconnaissance de la décision concernée dans l’État requis entraînerait la violation manifeste d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dudit État membre.

51 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, la disposition de droit matériel en cause au principal, à savoir l’article 5, paragraphe 3, de la directive 89/104, s’inscrit dans une directive d’harmonisation minimale dont l’objet est de rapprocher partiellement les législations disparates des États membres en matière de marques. S’il est vrai que le respect des droits conférés par l’article 5 de cette directive au titulaire d’une marque de même que l’application correcte des règles relatives à l’épuisement de ces droits, prévues à l’article 7 de ladite directive, ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, il ne saurait en être déduit qu’une erreur dans la mise en œuvre de ces dispositions heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’Union en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental de celui-ci.

52 Il y a lieu, au contraire, de considérer que la seule circonstance que la décision rendue le 11 janvier 2010 par le Sofiyski gradski sad soit, selon le juge de l’État requis, entachée d’une erreur quant à l’application aux circonstances au principal des dispositions régissant les droits du titulaire d’une marque, telles que prévues dans la directive 89/104, ne saurait justifier que cette décision ne soit pas reconnue dans l’État requis, dès lors que cette erreur ne constitue pas une violation d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État requis.

  • Au regard du droit des marques, la partie qui succombe doit- elle supporter tous les frais y compris ceux de la procédure d’indemnisation menée devant le juge d’un autre État ?

74 Il ressort des mesures, procédures et réparations prévues par la directive 2004/48 que les voies de droit destinées à assurer la protection des droits de propriété intellectuelle sont complétées par des actions en réparation qui leur sont étroitement liées. Ainsi, tandis que les articles 7, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de cette directive prévoient des mesures conservatoires et provisoires destinées, en particulier, à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, qui incluent notamment la saisie de marchandises suspectées de porter atteinte à un tel droit, les articles 7, paragraphe 4, et 9, paragraphe 7, de ladite directive prévoient, pour leur part, des mesures qui permettent au défendeur de demander un dédommagement dans le cas où il apparaît ultérieurement qu’il n’y a pas eu atteinte ou menace d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Ainsi qu’il ressort du considérant 22 de cette même directive, ces mesures de dédommagement constituent des garanties que le législateur a considérées nécessaires en contrepartie des mesures provisoires rapides et efficaces dont il a prévu l’existence.

75 En l’occurrence, la procédure en cause au principal, qui a pour objet la réparation du préjudice causé par une saisie d’abord ordonnée par les autorités judiciaires d’un État membre aux fins de prévenir une atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, puis annulée par ces mêmes autorités au motif que l’existence d’une atteinte n’était pas établie, constitue le corollaire de l’action introduite par le titulaire du droit de propriété intellectuelle aux fins d’obtenir le prononcé d’une mesure d’effet immédiat qui lui a permis, sans attendre une décision au fond, de prévenir toute atteinte éventuelle à son droit. Une telle action en réparation correspond aux garanties prévues par la directive 2004/48 au bénéfice du défendeur, en contrepartie de l’adoption d’une mesure provisoire ayant affecté ses intérêts.

  • Ce régime particulier de prise en charge des frais inclut également les frais de procédure relative à la contestation de la décision du juge bulgare devant le juge néerlandais

79 À cet égard, la circonstance que, dans le litige au principal, l’appréciation du caractère justifié ou injustifié de la saisie en cause soulève la question de la reconnaissance ou du refus de reconnaissance d’une décision rendue dans un autre État membre est sans incidence. Une telle question revêt en effet un caractère accessoire et ne modifie pas l’objet du litige.

80 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 14 de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il est applicable aux frais de justice exposés par les parties dans le cadre d’une action en indemnisation, introduite dans un État membre, en réparation du préjudice causé par une saisie effectuée dans un autre État membre, ayant eu pour objet de prévenir une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, lorsque se pose, dans le cadre de cette action en indemnisation, la question de la reconnaissance d’une décision rendue dans cet autre État membre constatant le caractère injustifié de cette saisie.

Une sanction pour contrefaçon d’un modèle communautaire peut-elle être prononcée contre celui qui exloite un objet par ailleurs enregistré comme modèle communautaire ? L’arrêt du 16 février 2012 de la Cour de Justice

La Cour de justice de l’Union a rendu le 16 février 2012 un arrêt important en matière d’atteinte à un modèle communautaire.

Il s’agit de l’affaire C‑488/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite par le Juzgado de lo Mercantil n° 1 de Alicante y n° 1 de Marca Comunitaria (Espagne), par décision du 15 septembre 2010, dans la procédure Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA contre Proyectos Integrales de Balizamiento SL,

Cette demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires

Dans cette affaire, où une société entendait opposer son modèle de borne de signalisation à une autre société, cette dernière invoquait que sa borne litigieuse faisant l’objet d’un modèle communautaire aucune mesure de contrefaçon ne pouvait être prononcée contre elle tant que son modèle était en vigueur.

La réponse de la Cour

L’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, doit être interprété en ce sens que, dans un litige portant sur la violation du droit exclusif conféré par un dessin ou modèle communautaire enregistré, le droit d’interdire à des tiers d’utiliser ledit dessin ou modèle s’étend à tout tiers qui utilise un dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente, y compris le tiers titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré postérieur.

Contrefaçon de marque communautaire : la portée territoriale de l’interdiction

La marque communautaire étant valable sur l’ensemble de l’union européenne, le juge quand il condamne pour contrefaçon, ordonne des mesures d’interdiction. Cette interdiction porte-t-elle sur l’ensemble des pays membres de l’union ou peut-elle  retenir comme critères des considérations propres à chaque État  ?

Portée de l'interdiction territoriale de la marque et limite étatique

Cette problématique avait fait l’objet d’une question préjudicielle auprès de la CJUE à l’initiative de la Cour de Cassation dans une affaire opposant Chronopost à DHL International à propos de la marque Webshipping.

Après l’arrêt de la CJUE du 12 avril 2011 (C-235/09), [ ici ],  la Cour de Cassation par son arrêt du 29 novembre 2011, [ ici ] a cassé partiellement l’arrêt de la Cour de Paris.

Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle l’arrêt de la CJUE : le principe d’une interdiction sur l’ensemble de l’Union et sans rechercher si des mesures propres à chaque Etat la prévoit.

1°/ que l’article 98, paragraphe 1, du règlement n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire doit être interprété en ce sens que la portée de l’interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d’une marque communautaire prononcée par un tribunal des marques communautaires, dont la compétence est fondée sur les articles 93, paragraphes 1 à 4, et 94, paragraphe 1, de ce règlement, s’étend, en principe, à l’ensemble du territoire de l’Union européenne ;

2°/ que l’article 98, paragraphe 1, seconde phrase, doit être interprété en ce sens qu’une mesure coercitive, telle une astreinte, ordonnée par un tribunal des marques communautaires en application de son droit national en vue de garantir le respect d’une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon qu’il a prononcée, produit effet dans les Etats membres autres que celui dont relève ce tribunal, auxquels s’étend la portée territoriale d’une telle interdiction, dans les conditions prévues au chapitre III du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice ; que lorsque le droit national de l’un de ces autres Etats membres ne contient aucune mesure coercitive analogue à celle prononcée par ledit tribunal, l’objectif auquel tend cette dernière devra être poursuivi par le tribunal compétent de cet Etat membre en recourant aux dispositions pertinentes du droit interne de ce dernier de nature à garantir de manière équivalente le respect de ladite interdiction ;

 

Puis, c’est l’application de ce principe à l’arrêt de la Cour de Paris

Attendu que pour limiter la demande d’interdiction d’usage, sous astreinte, de la marque communautaire Webshipping au seul territoire français, la cour d’appel retient que le prononcé d’une mesure d’interdiction sous astreinte, à l’échelle communautaire, suppose que le tribunal des marques communautaires ait communication des lois nationales prévoyant une mesure comparable et que l’existence d’un risque de confusion entre les signes en présence n’a été appréciée qu’au regard de la perception que pouvaient en avoir les consommateurs français ou parlant français ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte pas que l’existence d’un risque de confusion était limitée au seul territoire français, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

La Cour de cassation renvoie l’affaire devant l’autre formation de la Cour d’appel de Paris

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a interdit, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois, à compter de sa signification, sur le seul territoire français, la poursuite des actes d’usage des dénominations Webshipping et Web shipping, l’arrêt rendu le 9 novembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;