A propos de COGNAC : une marque se voit opposée l’indication géographique et les accords ADPIC

Les conflits entre les marques et les indications géographiques sont fréquents. Généralement en Europe, la solution est donnée par les directives et règlements applicables.

L’arrêt rendu le 14 juillet par la CJUE, C-4/10 et C-27/10,  met en œuvre également les ADPIC pour dégager « des conditions uniformes d’exécution d’une règle » dans le temps.

 

Les dates

19 décembre 2001 : dépôt devant l’office finlandais de deux demandes de marque par une société finlandaise.

Ces deux marques portent sur des étiquettes  qui présentent des parties verbales :

– pour l’une :  «COGNAC L & P HIENOA KONJAKKIA Lignell & Piispanen Product of France 40 % Vol 500 ml »

– pour l’autre :  «KAHVI-KONJAKKI Cafe Cognac Likööri – Likör – Liqueur 21 % Vol Lignell & Piispanen 500 ml».

31 janvier 2003 : l’office accepte ces demandes.

10 septembre 2004 : le Bureau interprofessionnel du Cognac fait opposition à ces deux enregistrements : l’opposition est rejetée pour le premier mais pour le second, l’opposition est acceptée.

22 octobre 2007 : la Chambre de recours de l’office renverse la situation au détriment du Bureau interprofessionnel du Cognac : les deux marques sont validées.

Le Bureau interprofessionnel du Cognac saisit la Cour administrative finlandaise qui va interroger la CJUE de différentes questions préjudicielles.

 

Une seule question préjudicielle retient notre attention. A son occasion la Cour va dégager « des conditions uniformes d’exécution d’une règle déjà en vigueur dans le droit de l’Union » avant la date d’entrée en vigueur du règlement dont l’application est demandée.

Voyons la démarche méthodologique suivie par la Cour !

S’il n’était pas discuté que « Cognac » puisse bénéficier de la protection du règlement n° 110/2008 pour s’opposer à des enregistrements à titre de marque, – l’indication géographique Cognac est prévue à son annexe III – , la difficulté rencontrée par le juge finlandais portait sur la date de l’entrée en vigueur de ce règlement : le 20 mai 2008 (l’arrêt indique au point 20, le 20 février 2008), c’est à dire postérieurement à la date des dépôts des deux demandes.

La Cour de justice va procéder en deux temps :

  • Elle va rechercher si le règlement a prévu de s’appliquer à des situations antérieures : ce qu’elle va trouver effectivement avec l’article 23 qui tient compte des situations antérieures en permettant le maintient d’une marque qui entre en conflit avec une indication géographique  et qui a été enregistrée :

– soit avant la date de protection de l’indication géographique

– soit avant le 1er janvier 1996.

  • Elle vérifie que les indications géographiques étaient protégées antérieurement à la date d’entrée en vigueur du règlement en invoquant ….. les accords ADPIC :

« le règlement n° 110/2008 aux indications géographiques s’inscrit dans le prolongement de celle déjà garantie par le règlement n° 3378/94, lequel avait introduit dans le règlement n° 1576/89, avec effet au 1er janvier 1996, un article 11 bis ».

En vertu du paragraphe 1 dudit article 11 bis, les États membres étaient tenus de prendre toutes les mesures nécessaires permettant aux intéressés d’empêcher, dans les conditions prévues aux articles 23 et 24 de l’accord ADPIC, l’utilisation dans la Communauté d’une indication géographique pour des produits n’étant pas originaires du lieu indiqué par ladite indication. Or, l’article 23, paragraphe 2, de cet accord prévoit que l’enregistrement d’une marque contenant ou constituée par une indication géographique identifiant des boissons spiritueuses doit être refusé ou invalidé en ce qui concerne les boissons spiritueuses qui n’ont pas cette origine, tandis que l’article 24, paragraphe 5, dudit accord énonce une dérogation au bénéfice des marques enregistrées ou acquises de bonne foi avant l’entrée en vigueur de l’accord lui-même ou avant que l’indication géographique ne soit protégée.

Pour conclure : à compter du 1er janvier 1996, date de l’entrée en vigueur du règlement n° 3378/94, les règles de protection des indications géographiques prévues par l’accord ADPIC avaient été incorporées dans le droit de l’Union.

Pour la Cour :

ce règlement « ne fait qu’établir des conditions uniformes d’exécution d’une règle déjà en vigueur dans le droit de l’Union, tandis que le paragraphe 2 du même article maintient les dérogations temporelles déjà reconnues par le droit de l’Union.« 

Il s’ensuit que l’application de ces dispositions ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ni à celui de protection de la confiance légitime des intéressés.

Le lecteur attentif aura noté comme le relève la Cour, que :

le terme «Cognac», inclus dans les marques dont l’enregistrement est à l’origine des litiges au principal, figure tant dans l’annexe III du règlement n° 110/2008 que dans l’annexe II du règlement n° 1576/89 en tant qu’indication géographique identifiant une boisson spiritueuse originaire de France. Indépendamment de la protection dont il bénéficie en droit français, le terme «Cognac» est donc protégé en tant qu’indication géographique dans le droit de l’Union depuis le 15 juin 1989, date à laquelle le règlement n° 1576/89 est entré en vigueur

 

Conditions pour que le titulaire de la marque s’oppose à l’emploi de celle-ci en cas de revente de produits d’occasion.

Dans un post précédent, il a été rappelé comment la CJUE a indiqué des motifs légitimes pouvant permettre au titulaire de la marque de s’opposer à l’emploi du même signe.

Sur Internet, la CJUE a déjà illustré cette situation avec le système « AdWords » de Google dans son arrêt du 8 juillet 2010, C-558/08, rendu également sur une question préjudicielle relative à l’application de la Directive 89/104. Et aussi  pour des produits d’occasion.


Portakabin Ltd est producteur ainsi que fournisseur de bâtiments mobiles et est titulaire de la marque Benelux PORTAKABIN, enregistrée pour des produits des classes 6 (bâtiments, pièces détachées et matériaux de construction, en métal) et 19 (bâtiments, pièces détachées et matériaux de construction, autres qu’en métal).

Primakabin vend et loue des bâtiments mobiles neufs et d’occasion. Certains de ces modules peuvent avoir été fabriqués par Portakabin.

L’une et l’autre de ces entreprises sont présentes sur Internet par leur site respectif.

En utilisant « Adwords », Primakabin a sélectionné les mots clés «portakabin», «portacabin», «portokabin» et «portocabin».

Portakabin engage une procédure aux Pays-Bas contre ces emplois.

Le premier juge rejette la demande, le second en appel fait interdiction à Primakabin d’utiliser :

  • le texte d’une publicité qui indique « portakabins d’occasion »
  • le  mot-clé « portakabin » et ses variantes pour diriger des liens vers son site présentant à la vente des  modules fabriqués par Portakabin.

Saisi d’un pourvoi de Primakadin, la juridiction hollandaise, le Hoge Raad des Nederlander, interroge la Cour de Justice sur différentes questions préjudicielles .

A propos du système « AdWords » avec  mots clefs, la Cour se réfère à son précédent arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08) sur les deux fonctions de la marque en cause ici :

  • En ce qui concerne la fonction de publicité, la Cour a constaté que l’usage d’un signe identique à une marque d’autrui dans le cadre d’un service de référencement tel qu’«AdWords» n’est pas susceptible de porter atteinte à cette fonction de la marque
  • Concernant la fonction d’indication d’origine, la Cour a considéré que la question de savoir s’il y a une atteinte à cette fonction lorsqu’est montrée aux internautes, à partir d’un mot clé identique à une marque, une annonce d’un tiers, dépend en particulier de la façon dont cette annonce est présentée. Il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers,

Et de préciser les types de comportements illégitimes qui portent atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque :

  • lorsque l’annonce du tiers suggère l’existence d’un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque,
  • lorsque l’annonce, tout en ne suggérant pas l’existence d’un lien économique, reste à tel point vague sur l’origine des produits ou des services en cause qu’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui est joint à celui-ci, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou, bien au contraire, économiquement lié à celui-ci,

Pour les produits d’occasion, la Cour rappellent les intérêts en cause:

  • l’intérêt des opérateurs économiques ainsi que des consommateurs à ce que les ventes de produits d’occasion sur Internet ne soient pas indûment restreintes,
  • le besoin d’une communication transparente sur l’origine de tels produits
  • et, troisièmement, le fait que l’annonce de Primakabin libellée «portakabins d’occasion» menait l’internaute non seulement vers des offres de revente de produits fabriqués par Portakabin, mais également vers des offres de revente de produits d’autres fabricants.

Se retrouvent pour chacun d’eux d’utiles précisions et nuances :

1°) Tenir compte du fait que la vente de produits d’occasion revêtus d’une marque est une forme de commerce bien établie, dont le consommateur moyen est familier.

… il ne saurait être constaté, sur la base du seul fait qu’un annonceur utilise la marque d’autrui avec l’ajout de termes indiquant que le produit concerné fait l’objet d’une revente, tels que «usagé» ou «d’occasion», que l’annonce laisse penser qu’il existe un lien économique entre le revendeur et le titulaire de la marque ou porte une atteinte sérieuse à la renommée de celle-ci.

2°) Sur la pratique d’enlever la marque du fabricant pour la remplacer par celle du vendeur du produit d’occasion.

… lorsque le revendeur enlève, sans le consentement du titulaire d’une marque, la mention de cette marque sur les produits (démarquage) et remplace cette mention par une étiquette portant le nom du revendeur, de sorte que la marque du fabriquant des produits concernés soit entièrement dissimulée, le titulaire de la marque est habilité à s’opposer à ce que le revendeur utilise ladite marque pour annoncer cette revente. En effet, en pareil cas, il existe une atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est d’indiquer et de garantir l’origine du produit et il est fait obstacle à ce que le consommateur distingue les produits provenant du titulaire de la marque de ceux provenant du revendeur ou d’autres tiers

3°) L’emploi de la marque d’autrui sur les publicités du revendeur d’occasion est possible mais sous certaines conditions.

… qu’un revendeur qui commercialise des produits d’occasion d’une marque d’autrui et qui est spécialisé dans la vente de ces produits, peut difficilement communiquer cette information à ses clients potentiels sans faire usage de cette marque

Dans ces circonstances caractérisées par une spécialisation dans la revente de produits d’une marque d’autrui, il ne saurait être interdit au revendeur de faire usage de cette marque en vue d’annoncer au public ses activités de revente qui incluent, outre la vente de produits d’occasion de ladite marque, la vente d’autres produits d’occasion, à moins que la revente de ces autres produits ne risque, eu égard à son volume, à sa présentation ou à sa mauvaise qualité, d’amoindrir gravement l’image que le titulaire a réussi à créer autour de sa marque.

Un emballage marqué peut-il être réutilisé sans enfreindre le droit de marque ?

Peut-on envisager de réutiliser des emballages qui portent la marque d’un concurrent ? (Question à mettre en perspective avec le développement durable)


L’arrêt rendu le 14 juillet 2011 par la Cour de justice de l’union européenne, affaire C‑46/10,  est particulièrement intéressant, il concerne très largement le monde de l’emballage.

L’arrêt a été rendu sur une question préjudicielle posée par une juridiction danoise au regard de l’application de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 sur les marques.

3 acteurs

1°) Au Danemark, une société Kosan Gas commercialise des bouteilles de gaz.

  • Certaines bouteilles ont leur forme protégée en tant que marque tridimensionnelle, mais d’autres bouteilles ne le sont pas.
  • Toutes les bouteilles portent le nom et le logo qui sont également des marques, qui appartiennent à une société norvégienne dont Kosan Gas est la licenciée exclusive.

2°) Le consommateur.

  • Quand il achète la première fois la bouteille de gaz, il paie à la fois le prix de cette bouteille et celui du gaz qu’elle contient.
  • Les fois suivantes, il procède à un échange : sa bouteille vide contre une bouteille déjà remplie en ne payant que pour le gaz qui y est contenu.

3°) Viking Gas, une société danoise, a pour activité le remplissage de bouteilles de gaz. Elle applique sur les bouteilles ainsi remplies :

  • un autocollant avec son nom et le numéro du centre de remplissage,
  • un autre collant avec des informations légales relatives au centre de remplissage et au contenu.

Les marques verbales et figuratives de Kosan Gas ne sont ni retirées ni recouvertes.

Auprès des distributeurs des bouteilles de Viking Gas,  le consommateur peut échanger une bouteille vide portant les marques de Kosan Gas  avec une bouteille similaire remplie  par Viking Gas.

La question préjudicielle

Dans le cadre d’un litige où Kosan Gas a opposé ses droits de marque à Viking Gas, une des juridictions saisies a posé différentes questions préjudicielles à la CJUE à propos de l’épuisement du droit des marques.

Y a-t-il  eu épuisement du droit de marque quand Kosan Gas vend sa bouteille au consommateur ?

  • Partiellement, c’est à dire que cette vente épuise uniquement le droit de Kosan Gas « d’interdire la commercialisation ultérieure des bouteilles encore remplies du gaz d’origine ou vides, mais n’autoriserait pas des tiers à remplir, à des fins commerciales et avec leur propre gaz »,
  • Ou bien totalement, les tiers, c’est à dire les concurrents de Kosan Gas,  comme Viking Gas peuvent remplir ces bouteilles avec le gaz  qu’ils souhaitent.

La solution

La Cour met en balance trois ensembles d’intérêts :

  • Ceux du titulaire des marques ( ici, son licencié).
  • Ceux du consommateur qui a acquis en propriété la bouteille. Cette bouteille a un prix substantiel d’ailleurs souvent supérieur au prix du gaz qu’elle contient, ce n’est donc pas un simple emballage.
  • L’intérêt général qui ici s’exprime par « une concurrence non faussée ».

Qu’elle tranche de la manière suivante :

  • La réalisation de la valeur économique de la marque ( le prix de la bouteille) épuise les droits exclusifs conférés par la directive 89/104,
  • En limitant le remplissage de ces bouteilles auprès du titulaire de la marque ou de son licencié, « lesdits acheteurs ne seraient notamment plus libres dans l’exercice dudit droit, mais seraient liés à un seul fournisseur de gaz pour le remplissage ultérieur desdites bouteilles. »
  • Limiter ce remplissage uniquement auprès du titulaire de la marque ou de son licencié limiterait de fait la liberté dans le choix d’un concurrent puisque le consommateur qui a acheté la bouteille devrait attendre un certain nombre de remplissages pour l’amortir avant de changer de fournisseur.

Pour la Cour, le titulaire des marques ne peut pas s’opposer  à ces remplissages auprès de tiers …… sauf motif légitime.

Constituerait un motif légitime qui permettrait au titulaire de la marque ou à son licencié de s’opposer à cette activité de remplissage : le consommateur « moyen, normalement informé raisonnablement attentif réalisé » considère qu’il existe « un lien entre les deux entreprises en cause »ou que   « le gaz qui a servi au remplissage de ces bouteilles provient de Kozan Gas»

On a vu ci-dessus que les bouteilles remplies par Viking Gas portent toujours les nom et logo de Kozan Gas.  Pour la Cour « cette circonstance constitue un élément pertinent dans la mesure où elle semble exclure que ledit étiquetage modifie l’état des bouteilles en masquant leur origine ».

La solution aurait -elle été identique ?

  • si à la place d’une vente de la bouteille, il y avait eu dépôt d’une consigne.
  • si au Danemark, il n’y avait pas eu cette habitude des consommateurs de trouver auprès des distributeurs différentes bouteilles pour y échanger leur bouteille de gaz.
  • si Kozan Gas n’avait pas vendu également d’autres bouteilles que celles protégées à titre de marque.
  • si le contenu  avait en lui-même présenté des différences, ici il ne semble pas qu’il y ait eu de discussion sur les qualités entre les gaz utilisés par l’une ou l’autre des entreprises.

Vente en ligne, produits marqués, emballages modifiés, nécessité de mise en oeuvre de dispositif préventif : l’arrêt du 12 juillet de la CJUE

Le commerce en ligne par les marques qu’il emploie, est régulièrement soumis au contrôle de la Cour de Justice.

Les juges de la Cour de Justice de l'Union européenne
Les juges de la Cour de Justice, source : curia.europa.eu

 

L’arrêt rendu le 12 juillet par la CJUE est important parce qu’il :

  • a été rendu par la Grande Chambre de la CJUE
  • s’applique à la vente en ligne
  • concerne la vente en ligne et en direction de l’Union Européenne de produits marqués qui n’avaient pas été mis sur le marché européen par leur titulaire
  • porte sur l’emploi de la marque dans la publicité
  • apporte une précision importante sur la situation de l’exploitant d’une place de marché en ligne au regard de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce en ligne, et le régime d’exonération  de responsabilité après sa connaissance des faits illicites
  • prévoit que les juridictions nationales puissent ordonner contre les places de marché en ligne :

– non seulement de faire cesser des pratiques illicites

– mais également de mettre en place des dispositifs préventifs

 

1)      Lorsque des produits situés dans un État tiers, revêtus d’une marque enregistrée dans un État membre de l’Union ou d’une marque communautaire et non auparavant commercialisés dans l’Espace économique européen ou, en cas de marque communautaire, non auparavant commercialisés dans l’Union, sont vendus par un opérateur économique au moyen d’une place de marché en ligne et sans le consentement du titulaire de cette marque à un consommateur situé sur le territoire couvert par ladite marque ou font l’objet d’une offre à la vente ou d’une publicité sur une telle place destinée à des consommateurs situés sur ce territoire, ledit titulaire peut s’opposer à cette vente, à cette offre à la vente ou à cette publicité en vertu des règles énoncées à l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ou à l’article 9 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire. Il incombe aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente ou une publicité affichée sur une place de marché en ligne accessible sur ledit territoire est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci.
2)      La fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94.
3)      Les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque peut, en vertu du droit exclusif conféré par celle-ci, s’opposer à la revente de produits, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, au motif que le revendeur a retiré l’emballage de ces produits, lorsque ce déconditionnement a pour conséquence que des informations essentielles, telles que celles relatives à l’identification du fabricant ou du responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique, font défaut. Lorsque le retrait de l’emballage n’a pas conduit à un tel défaut d’informations, le titulaire de la marque peut néanmoins s’opposer à ce qu’un parfum ou un produit cosmétique revêtu de la marque dont il est titulaire soit revendu dans un état déconditionné, s’il établit que le retrait de l’emballage a porté atteinte à l’image dudit produit et, ainsi, à la réputation de la marque.
4)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet exploitant a sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits de cette marque mis en vente sur ladite place de marché, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
5)      L’exploitant d’une place de marché en ligne ne fait pas un «usage», au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, des signes identiques ou similaires à des marques qui apparaissent dans des offres à la vente affichées sur son site.
6)      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées.
Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci.
Lorsque l’exploitant de la place de marché en ligne n’a pas joué un rôle actif au sens visé à l’alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue à cette disposition s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14.
7)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime.

Une marque de position et peu importe si elle n’est pas une marque figurative ou tridimensionnelle, doit être disctinctive

La société X Technology Swiss a déposé la demande de marque communautaire :

  • avec l’indication «Marque autre – Marque de position» visant la couleur «orange (Pantone 16‑1359 TPX)»
  • et les précisions : «La marque de position est caractérisée par une coloration orange, nuance ‘Pantone 16‑1359 TPX’, en forme de capuchon couvrant la pointe de chaque article chaussant de bonneterie. Elle n’enveloppe pas entièrement les pointes et présente une limite qui, vue de devant et de côté, apparaît sensiblement horizontale. La marque apparaît toujours en fort contraste de couleur par rapport au reste de l’article chaussant de bonneterie et se trouve toujours à la même place.»

L’examinateur de l’OHMI refuse cette demande de marque, ce que confirme la Chambre de recours pour défaut « de caractère distinctif» au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Le Tribunal a également rejeté la requête de la société qui avait tenté de voir dans sa demande de marque un élément décoratif.

L’intérêt de l’arrêt rendu le 16 mai 2011 par la CJUE tient à la notion de marque de position , qualification donnée par le Tribunal à cette demande de marque, et qui aurait motivé sa décision,  que la société considère comme étrangère  au droit des marques.

La Cour écarte ce moyen en relevant que si le Tribunal a bien utilisé cette expression de « marque de position », il l’a placée dans la catégorie des marques figuratives ou tridimensionnelles, dont l’existence dans le droit des marques n’est pas contestée par cette société, et que cette discussion est sans pertinence ; « dans le cadre de l’appréciation de son caractère distinctif. En tout état de cause, celui-ci doit répondre aux exigences prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009]« 

La Cour relève ainsi que le Tribunal a bien procédé à cet examen :

 » que l’élément déterminant pour établir si un signe présente ou non un caractère distinctif est non pas sa qualification en tant que signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais le fait qu’il se confonde ou non avec l’aspect du produit concerné. »