Contrefaçon de meubles : la Cour de cassation rappelle que les meubles peuvent aussi bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

L’arrêt du29 janvier 2013 de la Cour de cassation est important. Il reconnait à des meubles le bénéfice de la protection par le droit d’auteur quand les juridictions du fond actuellement l’ignorent le plus souvent, pour n’appliquer que celle des modèles.

Les faits sont emblématiques de cette appréciation exclusive : des droits d’auteur étaient reconnus à un protocole transactionnel, que la Cour d’appel n’a pas retenus

Vu les articles 1134 et 2052 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevable M. X… à agir pour la défense de son droit moral d’auteur sur le modèle de meuble  » 4 bacs « , l’arrêt retient que la reconnaissance de ses droits sur le meuble en litige, par la société Cades., dans le cadre du protocole d’accord du 26 novembre 2007, ne suffit pas à établir qu’il en est le créateur ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ce protocole que M. X… a créé le modèle  » 4 bacs « , objet de la transaction, la cour d’appel a, en méconnaissant l’autorité de la chose jugée attachée à cette dernière, violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :

Vu les articles 18 du règlement CE n° 6/ 2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et 1315 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevable M. X… à agir pour la défense de son droit moral d’auteur sur le modèle de meuble  » centre de pièce « , l’arrêt retient que la mention de son nom, en qualité de créateur, dans les demandes d’enregistrement du modèle de meubles, ayant date certaine, n’était pas dénuée d’ambiguïté, compte tenu du nombre important de modèles déposés dans les mêmes conditions par la société Interior’s, laquelle est représentée par M. X… ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à la société Cades de démontrer que M. X… n’était pas le créateur du modèle en cause, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle et 31 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l’action de M. X…, l’arrêt retient encore que les meubles  » 4 bacs  » et  » centre de pièce  » étaient dépourvus de caractère original ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’originalité des oeuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur n’est pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Rejette le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a infirmé la décision entreprise en ce qu’elle a reconnu la qualité d’auteur de M. X… pour le modèle communautaire n° 000418439-0013 ainsi que la protection au titre du droit d’auteur de ce modèle et du modèle n° 000418439-0014, l’arrêt rendu le 21 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du 27 mai 2010 en toutes ses dispositions ;

 

Incidence de l’absence de description aux modèles déposés auprès de l’OHMI et initiative purement administrative : l’indication de « radiateur » au lieu de « thermosiphon »

L’absence de description aux modèles enregistrés auprès de l’OHMI emporte des conséquences pour l’appréciation de leur caractère individuel.

Antrax It Srl détient différents modèles enregistrés auprès de l’OHMI. Deux sont contestés par The Heating Company

 

 

The Heating Company invoque deux modèles antérieurs

 

30 septembre 2009, la division d’annulation annule les deux modèles contestés  pour absence de nouveauté au sens de l’article 5 du règlement n° 6/2002.

2 novembre 2010, la troisième chambre de recours de l’OHMI annule les décisions de la division d’annulation

Antrax It Srl dépose des recours contre les deux décisions de la troisième chambre de recours de l’OHMI.

Le 13 novembre 2012, le Tribunal annule ces deux décisions de la chambre de recours.

Retenons la motivation de ces annulations ayant annulé deux décisions d’annulation de ces modèles.

…. il convient d’examiner l’appréciation par la chambre de recours, critiquée par la requérante, du caractère individuel des dessins ou modèles contestés.

54      La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est trompée lorsqu’elle a affirmé que, dans les dessins ou modèles en cause, « la saillie latérale des collecteurs était aussi identique » (point 41 des décisions attaquées). En fait, les dessins ou modèles contestés présenteraient, en ce qui concerne les collecteurs, des lignes discontinues, puisqu’ils n’auraient pas une longueur prédéfinie, tandis qu’ils ne seraient, en tout état de cause, pourvus d’aucune saillie latérale, à la différence des dessins ou modèles antérieurs. Par conséquent, le fait que, contrairement aux dessins ou modèles antérieurs, les collecteurs des dessins ou modèles contestés ne soient pas pourvus de saillies latérales constituerait une première différence substantielle entre les dessins ou modèles en cause, dont la chambre de recours n’aurait, à tort, pas tenu compte.

55      Il convient, d’emblée, de constater que, comme l’OHMI l’admet d’ailleurs devant le Tribunal, les dessins ou modèles contestés ne comportent aucune revendication en ce qui concerne les extrémités des collecteurs et, notamment, une éventuelle saillie que ces collecteurs formeraient par rapport au dernier tube. Cette absence de revendication se déduit des lignes brisées qui terminent, dans les vues des dessins ou modèles contestés, les dessins des collecteurs.

56      Cette constatation sur l’absence de revendication s’agissant des extrémités des collecteurs est, d’ailleurs, cohérente avec le fait que les dessins ou modèles contestés sont, ainsi que cela ressort expressément des demandes d’enregistrement déposées par la requérante, non pas des dessins ou modèles de « radiateurs de chauffage », mais, plus limitativement, des dessins ou modèles de « thermosiphons » (modelli di thermosifoni) destinés à être appliqués à des radiateurs de chauffage.

57      À cet égard, il convient de relever que la référence aux « radiateurs de chauffage » (radiatori per riscaldamento), opérée d’office par l’OHMI dans les enregistrements tels que publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires, résulte d’une initiative purement administrative de l’OHMI, visant à classer ces enregistrements selon la terminologie non obligatoire de la classification instituée par l’arrangement de Locarno (point 2 ci-dessus). Cette initiative ne se substituait à, ni n’invalidait, la description des dessins ou modèles contestés – modèles de thermosiphons – indiquée dans les demandes d’enregistrement [voir, à cet égard, l’article 36, paragraphe 6, du règlement n° 6/2002, et l’article 3 du règlement (CE) n° 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO L 341, p. 28)].

58      Il résulte des considérations qui précèdent que toutes les références opérées en l’espèce aux saillies des collecteurs des dessins ou modèles en cause, que ce soit pour considérer qu’elles sont identiques, ou qu’elles pourraient l’être, ou, à l’inverse, pour prétendre qu’elles sont différentes, excèdent le cadre de la protection revendiquée par les dessins ou modèles contestés et sont, donc, dépourvues de pertinence.

59      Partant, c’est à tort que la chambre de recours, au point 41 des décisions attaquées, a considéré que « la saillie latérale des collecteurs [des dessins ou modèles en cause était] identique ».

 

Contentieux entre un dessin et modèle communautaire et une marque communautaire antérieure, tous les deux titres portent sur un signe figuratif avec une différence dans l’expression du visage qui échappe à la compétence de la Cour de Justice

7 novembre 2005 : dépôt à titre de dessin et modèle communautaire :

Pour : «tee-shirts (ornementation pour); casquettes (ornementation pour); autocollants (ornementation pour); imprimés, y compris publicitaires (ornementation pour)»

Le 27 décembre 2005, ce modèle est enregistré par l’OHMI.

18 février 2008 : devant l’OHMI est engagée une demande en nullité du dessin et modèle communautaire d’une part, pour défaut de nouveauté et de caractère individuel et d’autre part, pour atteinte à un droit antérieur par les titulaires de la marque communautaire figurative antérieure :

Enregistrée pour

–        classe 25: «Vêtements, chaussures, chapellerie»;

–        classe 28: «Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport»;

–        classe 32: «Bières; eaux minérales, gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons et jus de fruits, sirops et autres préparations pour faire des boissons».

15 juillet 2008, la division d’annulation de l’OHMI accueille la demande en nullité.

Recours par le titulaire du modèle communautaire

14 octobre 2009 ; la Troisième Chambre de recours de l’OHMI considére « que la division d’annulation a commis une erreur en estimant qu’il était fait usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté. Néanmoins, elle a considéré que ce dernier n’avait pas de caractère individuel, dès lors qu’il ne produisait pas sur l’utilisateur averti, à savoir des jeunes ou des enfants achetant habituellement des tee-shirts, des casquettes et des autocollants ou des utilisateurs d’imprimés, une impression globale différente de celle produite par la marque antérieure ». La Chambre de recours a donc confirmé la nullité du dessin ou modèle contesté, mais sur un autre fondement.

Appel par le titulaire du modèle communautaire

16 décembre 2010 : le Tribunal annule la décision de la Chambre de recours.

20      Il a relevé, aux points 21 et 22 de l’arrêt attaqué, que l’impression globale produite par les deux silhouettes en cause sur l’utilisateur averti est déterminée dans une large mesure par l’expression du visage de chacune de celles-ci. Le Tribunal a souligné que la différence dans l’expression du visage des deux silhouettes constitue une caractéristique fondamentale qui est gardée en mémoire par l’utilisateur averti, tel qu’il a correctement été défini par la chambre de recours.

Pourvoi des titulaires de la marque communautaire

18 octobre 2012 : la Cour de Justice rejette le pourvoi, son pouvoir est en effet très limité.

61      Le Tribunal a ainsi pris en considération l’ensemble du public pertinent tel que défini par la chambre de recours, à savoir les jeunes, les enfants et les utilisateurs d’imprimés, y compris publicitaires. Il en va de même, en ce qui concerne le raisonnement du Tribunal tenu au point 23 de l’arrêt attaqué, dans lequel il s’est référé audit utilisateur averti lors de son examen de l’impression produite par la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté. Par la suite, le Tribunal a, au point 24 de l’arrêt attaqué, affirmé, en particulier, que la différence dans l’expression du visage des deux silhouettes apparaîtra clairement aux jeunes et aux enfants.

62      Il s’ensuit qu’il ne saurait être valablement reproché au Tribunal de ne pas avoir fondé son examen des silhouettes sur l’ensemble du public pertinent.

63      En troisième lieu, il convient de relever que MM. Neuman et Galdeano del Sel font, en substance, grief au Tribunal d’avoir considéré que c’est l’expression du visage des deux silhouettes qui détermine l’impression globale de la marque antérieure et du dessin ou modèle contesté sur l’utilisateur averti.

64      À cet égard, force est de constater que, par leur argumentation, MM. Neuman et Galdeano del Sel se bornent, en réalité, à remettre en cause l’analyse de nature factuelle à laquelle s’est livré le Tribunal dans le cadre de l’appréciation de l’impression globale produite par la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté et visent ainsi à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal.

65      En effet, sans avoir allégué ni démontré que le Tribunal aurait dénaturé les faits qui lui avaient été soumis, MM. Neuman et Galdeano del Sel se sont limités à reprocher au Tribunal d’avoir apprécié à tort les circonstances de l’espèce afin de déterminer que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par la marque antérieure invoquée à l’appui de la demande en nullité.

66      Or, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont étés présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

67      Il y a donc lieu de rejeter ce grief comme irrecevable.

 

 

Une sanction pour contrefaçon d’un modèle communautaire peut-elle être prononcée contre celui qui exloite un objet par ailleurs enregistré comme modèle communautaire ? L’arrêt du 16 février 2012 de la Cour de Justice

La Cour de justice de l’Union a rendu le 16 février 2012 un arrêt important en matière d’atteinte à un modèle communautaire.

Il s’agit de l’affaire C‑488/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite par le Juzgado de lo Mercantil n° 1 de Alicante y n° 1 de Marca Comunitaria (Espagne), par décision du 15 septembre 2010, dans la procédure Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA contre Proyectos Integrales de Balizamiento SL,

Cette demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires

Dans cette affaire, où une société entendait opposer son modèle de borne de signalisation à une autre société, cette dernière invoquait que sa borne litigieuse faisant l’objet d’un modèle communautaire aucune mesure de contrefaçon ne pouvait être prononcée contre elle tant que son modèle était en vigueur.

La réponse de la Cour

L’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, doit être interprété en ce sens que, dans un litige portant sur la violation du droit exclusif conféré par un dessin ou modèle communautaire enregistré, le droit d’interdire à des tiers d’utiliser ledit dessin ou modèle s’étend à tout tiers qui utilise un dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente, y compris le tiers titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré postérieur.

Apple contre Samsung une interdiction en Europe au regard d’un modèle communautaire aujourd’hui suspendue sauf pour l’Allemagne ?

La protection accordée par le modèle communautaire comme pour la marque communautaire vaut pour l’ensemble des États appartenant à  l’Union Européenne.

Une seule décision au lieu de 27 instances à engager ! On comprend que la marque communautaire et le modèle communautaire aient autant de succès.

 

Dans le monde, de nombreuses instances opposent Apple à Samsung  : une retient notre attention, celle engagée devant la juridiction de Düsseldorf.

 

En demande : Apple Inc., 1 Infinite Loop, Cupertino, CA 95014, USA

Contre : la société sud coréenne : SAMSUNG Electronics Co., Ltd,, Maetan-dong, Yeongtong-gu, Suwon-city,Gyeonggi-do,

et la filiale allemande SAMSUNG Electronics GmbH,, Am Kronberger Hang 6, 65824 Schwalbach

 

4 août 2011 : requête à la demande d’Apple pour obtenir du juge allemand une injonction d’interdiction de commercialiser au sein de l’Union européenne exceptée pour les Pays-Bas les tablettes « Samsung Galaxy Tab 10.1“sous astreinte de 250 000 Euros.

cette requête invoque :

  • des droits d’auteurs,
  • des actes qui en France seraient qualifiés de concurrence déloyale,

9 août 2011 : sur la base de cette requête, c’est à dire sans la présence des sociétés Samsung, l’injonction est accordée, ce qui est confirmée par un communiquer de presse de la juridiction de Düsseldorf

Rappelons que la protection du modèle communautaire et cette procédure par voie de requête est prévue par :

– les articles 81 et suivants du règlement 6/2002 du Conseil

– la transposition en droit allemand de la directive 2004/48/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle

L’Allemagne connaît plusieurs Tribunaux communautaires en matière de modèles ( comme d’ailleurs en matière de marque). Cette information est peut-être essentielle pour comprendre ce qui s’est passé le 25 août .

16 août 2011 : le Landgericht de Dusseldorf suspend temporairement l’injonction pour l’Europe sauf pour l’Allemagne jusqu’à une audience du 25 août.

25 août 2011 : Toujours à Düsseldorf, l’injonction contre la filiale allemande est maintenue uniquement pour des faits en relation avec le territoire allemand, ce sont là des informations qui restent à confirmer .

L’opportunité de cette  requête serait également discutée au regard notamment de l’existence antérieurement au 5 août d’une autre procédure en Allemagne dans laquelle les sociétés Samsung étaient parties car en demande.

Prochaine audience le 9 septembre 2011.