Conséquence d’une requête présentée devant le Président du Tribunal de commerce pour établir par huissier des agissements de concurrence déloyale liés de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque

Le contentieux de la contrefaçon de marque appartient à certains tribunaux de grande instance. Devant quelle juridiction l’avocat doit-il se présenter pour obtenir l’autorisation de procéder à un constat pour établir la preuve d’actes de concurrence déloyale ? L’arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 2012 nous précise la solution quand ces actes sont liés de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque.

25 mai 2010 : Sun City présente une requête devant le président du tribunal de commerce de Paris, « aux fins de voir désigner un huissier de justice afin qu’il se rende dans les locaux occupés par les sociétés SNC Scemama et Scemama international pour rechercher, constater et copier tous documents, y compris sur support informatique, utiles à la preuve et susceptibles d’établir un comportement déloyal de ces deux sociétés ainsi que de leurs partenaires, les sociétés Lamoli, TV Mania et WWE »

24 juin 2011 : la Cour d’appel de Paris infirme « l’ordonnance déférée, sauf en ce que les premiers juges ont dit que l’exception d’incompétence était recevable et statuant à nouveau, d’avoir déclaré fondée l’exception d’incompétence au profit du président du Tribunal de grande instance de Paris, d’avoir ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête du 25 mai 2010, d’avoir constaté la nullité des opérations de constat, du procès-verbal de l’huissier instrumentaire et de la mesure de séquestre, d’avoir ordonné la restitution à la SNC Scemama et à la SARL Scemama International des documents appréhendés par la SCP Chevrier De Zitter et Asperti, d’avoir débouté les parties de toute demande autre ou incompatible avec la motivation ci-dessus exposée, d’avoir condamné la société Sun City à payer à la société WWE la somme de 5.000 euros et à la SNC Scemama et la SARL Scemama, chacune, la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et enfin d’avoir condamné la société Sun City aux dépens de première instance et d’appel »;

Sun City se pourvoit en cassation, par son arrêt du 20 novembre 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi;

Mais attendu que l’arrêt relève qu’il résulte des termes de la requête présentée par la société Sun City et des pièces qui y étaient jointes que le différend s’inscrit dans un contexte mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que la mesure de constat sollicitée étant liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de m arque imputés à la société Sun City, le juge compétent pour connaître de l’affaire au fond était, en application de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance de Paris et qu’en conséquence seul le président de ce tribunal était compétent pour ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ; que le moyen n’est pas fondé ;

Ci-dessous, la troisième branche du moyen au pourvoi qui militait pour une compétence totale dès qu’une des mesures d’instruction sollicitée était de la compétence de la juridiction commerciale.

« Alors, de troisième part, que la compétence matérielle du juge des référés saisi d’une requête sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile est établie lorsque l’une au moins des mesures d’instruction sollicitées entre dans la compétence matérielle de la juridiction qui serait amenée à connaître éventuellement du fond ; qu’en déclarant le Président du Tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du Président du Tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l’ensemble des mesures d’instruction sollicitées par la société Sun City sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, au constat inopérant que le Tribunal de grande instance de Paris avait été subséquemment saisi au fond par la société Sun City, la Cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 145 et 875 du Code de procédure civile, L.721-3 du Code de commerce et L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle ; »

Incidence de l’absence de description aux modèles déposés auprès de l’OHMI et initiative purement administrative : l’indication de « radiateur » au lieu de « thermosiphon »

L’absence de description aux modèles enregistrés auprès de l’OHMI emporte des conséquences pour l’appréciation de leur caractère individuel.

Antrax It Srl détient différents modèles enregistrés auprès de l’OHMI. Deux sont contestés par The Heating Company

 

 

The Heating Company invoque deux modèles antérieurs

 

30 septembre 2009, la division d’annulation annule les deux modèles contestés  pour absence de nouveauté au sens de l’article 5 du règlement n° 6/2002.

2 novembre 2010, la troisième chambre de recours de l’OHMI annule les décisions de la division d’annulation

Antrax It Srl dépose des recours contre les deux décisions de la troisième chambre de recours de l’OHMI.

Le 13 novembre 2012, le Tribunal annule ces deux décisions de la chambre de recours.

Retenons la motivation de ces annulations ayant annulé deux décisions d’annulation de ces modèles.

…. il convient d’examiner l’appréciation par la chambre de recours, critiquée par la requérante, du caractère individuel des dessins ou modèles contestés.

54      La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est trompée lorsqu’elle a affirmé que, dans les dessins ou modèles en cause, « la saillie latérale des collecteurs était aussi identique » (point 41 des décisions attaquées). En fait, les dessins ou modèles contestés présenteraient, en ce qui concerne les collecteurs, des lignes discontinues, puisqu’ils n’auraient pas une longueur prédéfinie, tandis qu’ils ne seraient, en tout état de cause, pourvus d’aucune saillie latérale, à la différence des dessins ou modèles antérieurs. Par conséquent, le fait que, contrairement aux dessins ou modèles antérieurs, les collecteurs des dessins ou modèles contestés ne soient pas pourvus de saillies latérales constituerait une première différence substantielle entre les dessins ou modèles en cause, dont la chambre de recours n’aurait, à tort, pas tenu compte.

55      Il convient, d’emblée, de constater que, comme l’OHMI l’admet d’ailleurs devant le Tribunal, les dessins ou modèles contestés ne comportent aucune revendication en ce qui concerne les extrémités des collecteurs et, notamment, une éventuelle saillie que ces collecteurs formeraient par rapport au dernier tube. Cette absence de revendication se déduit des lignes brisées qui terminent, dans les vues des dessins ou modèles contestés, les dessins des collecteurs.

56      Cette constatation sur l’absence de revendication s’agissant des extrémités des collecteurs est, d’ailleurs, cohérente avec le fait que les dessins ou modèles contestés sont, ainsi que cela ressort expressément des demandes d’enregistrement déposées par la requérante, non pas des dessins ou modèles de « radiateurs de chauffage », mais, plus limitativement, des dessins ou modèles de « thermosiphons » (modelli di thermosifoni) destinés à être appliqués à des radiateurs de chauffage.

57      À cet égard, il convient de relever que la référence aux « radiateurs de chauffage » (radiatori per riscaldamento), opérée d’office par l’OHMI dans les enregistrements tels que publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires, résulte d’une initiative purement administrative de l’OHMI, visant à classer ces enregistrements selon la terminologie non obligatoire de la classification instituée par l’arrangement de Locarno (point 2 ci-dessus). Cette initiative ne se substituait à, ni n’invalidait, la description des dessins ou modèles contestés – modèles de thermosiphons – indiquée dans les demandes d’enregistrement [voir, à cet égard, l’article 36, paragraphe 6, du règlement n° 6/2002, et l’article 3 du règlement (CE) n° 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO L 341, p. 28)].

58      Il résulte des considérations qui précèdent que toutes les références opérées en l’espèce aux saillies des collecteurs des dessins ou modèles en cause, que ce soit pour considérer qu’elles sont identiques, ou qu’elles pourraient l’être, ou, à l’inverse, pour prétendre qu’elles sont différentes, excèdent le cadre de la protection revendiquée par les dessins ou modèles contestés et sont, donc, dépourvues de pertinence.

59      Partant, c’est à tort que la chambre de recours, au point 41 des décisions attaquées, a considéré que « la saillie latérale des collecteurs [des dessins ou modèles en cause était] identique ».

 

Contrôle par la Cour de cassation du critère de l’originalité du logiciel

Le logiciel pour être protégeable doit être original. La Cour de cassation exerce son contrôle sur l’appréciation de cette condition.

Une société C….. qui se présente comme titulaire des droits d’auteur sur un logiciel poursuit en contrefaçon une société A ……. pour l’exploitation d’un logiciel destiné aux huissiers et une étude d’huissiers de justice qui, semble-t-il, l’utilise.

La Cour d’appel d’Aix, le 11 mai 2011, retient la contrefaçon.  d’où le pourvoi en cassation et l’arrêt de cassation du 17 octobre 2012

Vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société C…….), affirmant être titulaire des droits d’auteur sur un logiciel dénommé C…… puis I……, et soutenant que la société A……., venant aux droits de la société         à laquelle elle avait initialement consenti une licence d’utilisation de ce logiciel, exploitait celui-ci sans son autorisation, l’a fait assigner en contrefaçon aux côtés de la société d’huissiers de justice T….., liée à cette dernière par un contrat de prestations informatiques ;

Attendu que pour retenir le grief de contrefaçon, l’arrêt énonce que le logiciel en cause est original « car apportant une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice » ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel litigieux, seuls de nature à lui conférer le caractère d’une oeuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Annulation d’une saisie-contrefaçon en droit d’auteur pour irrégularités de forme

Les contentieux de la contrefaçon de brevet et de marque conduisent le plus souvent à un examen du procès-verbal de saisie-contrefaçon. En matière de droit d’auteur,  les débats sur la validité de l’intervention de l’huissier sont moins fréquents, l’ intérêt de l’arrêt du 31 octobre 2012 de la Cour de cassation n’en est que plus grand.

  • Très brièvement les faits et la décision de la Cour d’appel

En invoquant un droit d’auteur sur un modèle de chaussure, M. X… et la société B… ont fait procéder à une saisie – contrefaçon autorisée par une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance.

La Cour de Paris, le 6 mai 2011, annule le P.V

 

  • Voyons les moyens du pourvoi de  M. X… et de la société B… qui relatent les griefs retenus par la Cour d’appel

1°/ que la nullité résultant du défaut d’identification, dans les mentions de l’acte, de l’huissier de justice ayant instrumenté au nom de la SCP à laquelle il appartient constitue un vice de forme et que la nullité de l’acte ne peut être prononcée qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ; qu’après avoir constaté qu’il résultait du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu’il avait été établi par l’un des huissiers de justice associés au sein de la SCP J…. et O……, de sorte qu’il n’existait aucun doute sur le fait que l’acte avait été établi par un huissier de justice, quelle que soit son identité, la cour d’appel ne pouvait considérer qu’il avait été porté atteinte aux intérêts de la société Dresco qui n’avait pu identifier son « interlocuteur », cette circonstance n’étant pas de nature à caractériser un grief, sans violer les articles 114, alinéa 2, et 648 du code de procédure civile ;

2°/ qu’il ne résulte d’aucun texte que, lorsque, en matière de droit d’auteur, le président du tribunal de grande instance ordonne une saisie-contrefaçon par voie d’huissier de justice, la remise au détenteur des objets saisis de la copie de l’ordonnance et de la requête doit être opérée préalablement au déroulement des opérations de saisie-contrefaçon ; qu’en décidant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon était entaché d’une irrégularité formelle pour la raison que l’acte de signification de l’ordonnance était postérieur à la saisie, la cour d’appel a violé les articles L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, 114, alinéa 1er, et 495 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant à bon droit relevé que l’absence d’identification de l’huissier de justice instrumentaire dans le procès-verbal litigieux et le défaut de remise préalable au saisi de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon constituaient des irrégularités de forme, la cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, estimé que celles-ci portaient atteinte aux intérêts de la société D……..et en a exactement déduit que le procès-verbal dressé le 27 septembre 2007 devait être annulé ;

Le pourvoi est rejeté

Contentieux entre un dessin et modèle communautaire et une marque communautaire antérieure, tous les deux titres portent sur un signe figuratif avec une différence dans l’expression du visage qui échappe à la compétence de la Cour de Justice

7 novembre 2005 : dépôt à titre de dessin et modèle communautaire :

Pour : «tee-shirts (ornementation pour); casquettes (ornementation pour); autocollants (ornementation pour); imprimés, y compris publicitaires (ornementation pour)»

Le 27 décembre 2005, ce modèle est enregistré par l’OHMI.

18 février 2008 : devant l’OHMI est engagée une demande en nullité du dessin et modèle communautaire d’une part, pour défaut de nouveauté et de caractère individuel et d’autre part, pour atteinte à un droit antérieur par les titulaires de la marque communautaire figurative antérieure :

Enregistrée pour

–        classe 25: «Vêtements, chaussures, chapellerie»;

–        classe 28: «Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport»;

–        classe 32: «Bières; eaux minérales, gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons et jus de fruits, sirops et autres préparations pour faire des boissons».

15 juillet 2008, la division d’annulation de l’OHMI accueille la demande en nullité.

Recours par le titulaire du modèle communautaire

14 octobre 2009 ; la Troisième Chambre de recours de l’OHMI considére « que la division d’annulation a commis une erreur en estimant qu’il était fait usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté. Néanmoins, elle a considéré que ce dernier n’avait pas de caractère individuel, dès lors qu’il ne produisait pas sur l’utilisateur averti, à savoir des jeunes ou des enfants achetant habituellement des tee-shirts, des casquettes et des autocollants ou des utilisateurs d’imprimés, une impression globale différente de celle produite par la marque antérieure ». La Chambre de recours a donc confirmé la nullité du dessin ou modèle contesté, mais sur un autre fondement.

Appel par le titulaire du modèle communautaire

16 décembre 2010 : le Tribunal annule la décision de la Chambre de recours.

20      Il a relevé, aux points 21 et 22 de l’arrêt attaqué, que l’impression globale produite par les deux silhouettes en cause sur l’utilisateur averti est déterminée dans une large mesure par l’expression du visage de chacune de celles-ci. Le Tribunal a souligné que la différence dans l’expression du visage des deux silhouettes constitue une caractéristique fondamentale qui est gardée en mémoire par l’utilisateur averti, tel qu’il a correctement été défini par la chambre de recours.

Pourvoi des titulaires de la marque communautaire

18 octobre 2012 : la Cour de Justice rejette le pourvoi, son pouvoir est en effet très limité.

61      Le Tribunal a ainsi pris en considération l’ensemble du public pertinent tel que défini par la chambre de recours, à savoir les jeunes, les enfants et les utilisateurs d’imprimés, y compris publicitaires. Il en va de même, en ce qui concerne le raisonnement du Tribunal tenu au point 23 de l’arrêt attaqué, dans lequel il s’est référé audit utilisateur averti lors de son examen de l’impression produite par la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté. Par la suite, le Tribunal a, au point 24 de l’arrêt attaqué, affirmé, en particulier, que la différence dans l’expression du visage des deux silhouettes apparaîtra clairement aux jeunes et aux enfants.

62      Il s’ensuit qu’il ne saurait être valablement reproché au Tribunal de ne pas avoir fondé son examen des silhouettes sur l’ensemble du public pertinent.

63      En troisième lieu, il convient de relever que MM. Neuman et Galdeano del Sel font, en substance, grief au Tribunal d’avoir considéré que c’est l’expression du visage des deux silhouettes qui détermine l’impression globale de la marque antérieure et du dessin ou modèle contesté sur l’utilisateur averti.

64      À cet égard, force est de constater que, par leur argumentation, MM. Neuman et Galdeano del Sel se bornent, en réalité, à remettre en cause l’analyse de nature factuelle à laquelle s’est livré le Tribunal dans le cadre de l’appréciation de l’impression globale produite par la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté et visent ainsi à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal.

65      En effet, sans avoir allégué ni démontré que le Tribunal aurait dénaturé les faits qui lui avaient été soumis, MM. Neuman et Galdeano del Sel se sont limités à reprocher au Tribunal d’avoir apprécié à tort les circonstances de l’espèce afin de déterminer que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par la marque antérieure invoquée à l’appui de la demande en nullité.

66      Or, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont étés présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

67      Il y a donc lieu de rejeter ce grief comme irrecevable.