Dépôt frauduleux de marque, à propos de la date des dépôts effectués et de la situation antérieure du déposant

La qualification de dépôt frauduleux de marque dépend de  nombreux facteurs. L’arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 2014 enseigne que les circonstances à prendre à compte ne doivent pas nécessairement être limitées à celles existantes au jour des dépôts litigieux. Cet arrêt montre aussi que l’appréciation du caractère distinctif de la marque peut tenir compte de la réglementation applicable au secteur concerné mais que celle-ci doit être lue à la lettre près.

La Cour de Paris par un arrêt du 14 septembre 2012 a annulé différentes marques déposées par le PMU : les marques verbales « simple», « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi »

Cet arrêt fait l’objet d’une cassation partielle le 21 janvier 2014. L’arrêt est ici

  • Une compréhension de la loi  à la lettre près

Vu la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 et l’arrêté du 13 septembre 1985 dans sa rédaction applicable, ensemble les articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler, pour défaut de caractère distinctif, les marques verbales « simple», « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d’appel retient que ces signes constituent les désignations officielles des paris hippiques réglementés par des arrêtés ministériels s’imposant à tout opérateur exerçant une activité de pari hippique ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les arrêtés ministériels ayant autorisé les paris « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi » ne font qu’en définir les règles et que les opérateurs de paris en ligne sont soumis exclusivement aux exigences de la loi relative à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne laquelle ne fait pas référence à ces désignations, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

  • la prise en compte de la situation antérieure aux dépôts litigieux

Sur le premier moyen, pris en sa onzième branche :

Vu l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler les marques verbales « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d’appel retient que le PMU les a déposées de mauvaise foi dans l’intention de conserver le monopole dont il bénéficiait avant la loi du 12 mai 2010 et de priver les tiers d’un signe nécessaire à la poursuite de leurs activités ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’aux dates auxquelles ces marques ont été déposées, le PMU exploitait depuis 2001 et 2002 des marques semi-figuratives incorporant ces signes verbaux, qu’il a continué à utiliser ces derniers ultérieurement et n’a perdu son monopole que pour l’organisation des paris hippiques en ligne, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler les marques semi-figuratives « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d’appel, après avoir constaté que les éléments verbaux de ces marques remplissaient la fonction essentielle de la marque qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le différencier d’autres produits de même nature, retient que ces marques sont nécessaires pour désigner les produits ou services enregistrés, lesquels se référent aux paris sur les courses hippiques ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler les marques semi-figuratives « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d’appel retient que le PMU les a déposées de mauvaise foi dans l’intention de conserver le monopole dont il bénéficiait avant la loi du 12 mai 2010 en détournant le droit des marques de sa finalité ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, à la date du dépôt des marques litigieuses le 7 juin 2001 et le 31 décembre 2002, le PMU pouvait avoir connaissance de la future ouverture à la concurrence des paris en ligne, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a annulé les marques verbales « simple » n° 083619823, « couplé » n° 083549359, « tiercé » n° 083549357, « trio » n° 083549362, « quarté+ » n° 083549356, « quinté+ » n° 083549354, « 2 sur 4 » n° 083549363 et « multi » n° 083549360 et les marques semi-figuratives « multi » n° 013104291, « simple » n° 023202259, « couplé » n° 023202257, « trio » n° 023202258, « tiercé » n° 023202260, « quarté+ » n° 023202263, « quinté+ » n° 023202261, « 2 sur 4 » n° 023202262, l’arrêt rendu le 14 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Règle de la forclusion de l’action en contrefaçon contre une dénomination sociale

L’action en contrefaçon de marque connaît des règles spécifiques selon la nature des signes en cause.

Illustration avec l’arrêt du 7 janvier 2014 pour la forclusion par tolérance. L’arrêt est ici.

Vu l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour déclarer irrecevable dans sa totalité l’action en contrefaçon formée par la société Cheval Blanc, l’arrêt retient que cette société a toléré, pendant plus de cinq ans avant la date de l’assignation, l’usage du signe « Cheval Blanc » ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la forclusion par tolérance ne peut être opposée à une action en contrefaçon de marque dirigée contre une dénomination sociale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande en nullité de la marque « domaine du Cheval Blanc » n° 1 291 368 et de la marque semi-figurative n° 033205896, en ce qu’il a déclaré la société Cheval Blanc irrecevable en son action en contrefaçon de sa marque « Cheval Blanc » n° 1 301 809 à raison de l’utilisation du vocable « Cheval Blanc » dans la dénomination sociale de l’Earl X… de Cheval Blanc, l’arrêt rendu le 10 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux autrement composée ;

Menace sur le dispositif en faveur de la numérisation des livres non exploités

Le Conseil d’Etat a saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC qui vise les articles L134-1 à 134-8 du Code de la propriété intellectuelle CPI.

C’est tout l’édifice de la loi qui est menacé.

La décision du 19 décembre 2013 est ici.

2. Considérant que l’article 1er de la loi du 1er mars 2012, en créant les articles L. 134-1 à L. 134-9 du code de la propriété intellectuelle, a institué un dispositif destiné à favoriser l’exploitation numérique d’oeuvres reproduites dans des livres publiés en France avant le 1er janvier 2001, ne faisant plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et ne faisant pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique ; que, sauf pour les auteurs ou éditeurs de ces oeuvres, qualifiées par la loi de  » livres indisponibles « , à exercer un droit d’opposition ou de retrait dans les conditions prévues par cette même loi, le droit d’autoriser leur reproduction ou leur représentation sous une forme numérique est exercé, à l’issue d’un délai de six mois à compter de leur inscription au sein d’une base de données accessible au public placée sous la responsabilité de la Bibliothèque nationale de France, par des sociétés de perception et de répartition des droits agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture ;

…..

Décide

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article 1er de la loi du 1er mars 2012, en tant qu’il insère dans le code de la propriété intellectuelle les articles L. 134-1 à L. 134-8, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Le titulaire de la marque dont la publicité est faite par affiches, peut-il voir sa responsabilité engagée quand les affiches sont poursuivies pour contrefaçon ?

Une affiche publicitaire peut porter atteinte à des droits d’auteur de tiers. Le titulaire de la marque qui l’exploite en France et dont la publicité est faite par cette affiche, peut-il se voir mis en cause dans une procédure en contrefaçon engagée par ce tiers?

L’auteur d’une photographie estimant que la photographie utilisée pour la campagne publicitaire destinée à la promotion d’un modèle de paire de lunettes commercialisé par une société tierce reprenait les caractéristiques de son oeuvre , engage une action contre celle-ci.

Cette société, titulaire de la marque dont l’affiche fait la promotion, demande sa mise hors de cause.

Refus de la Cour d’appel.

Pourvoi en cassation ,

Le 19 décembre 2013 , la Cour de cassation rejette le pourvoi. L’arrêt est ici .

Attendu que la société D….. France fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de mise hors de cause, alors, selon le moyen, qu’en se bornant, pour rejeter sa demande de mise hors de cause, à relever que celle-ci exploite la marque éponyme en France et que la mise en place ainsi que la diffusion de la campagne publicitaire litigieuse avaient pour but de lui amener de la clientèle et de lui profiter, sans relever aucun élément de nature à caractériser la participation de cette société à la mise en place et à la diffusion de cette campagne publicitaire, qui, selon ses propres constatations, avait été conçue et financée par la société italienne D……, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir constaté que la photographie incriminée avait été reproduite à des fins publicitaires sous forme d’affiches exposées à Paris sur des kiosques à journaux, et diffusée dans une revue commercialisée en France, ayant retenu que la société D…… France, qui exploitait la marque éponyme sur le territoire Français et bénéficiait des retombées de cette campagne publicitaire, ne pouvait prétendre y avoir été étrangère, a ainsi légalement justifié sa décision ;

L’action en concurrence déloyale existe toujours même en l’absence de droit privatif.

L’action en concurrence déloyale existe toujours même en l’absence de droit privatif.

La liberté du commerce et de l’industrie étant si souvent opposée avec succès contre le plaignant qui après l’échec de ses demandes en contrefaçon pour défaut de validité de son droit privatif, invoque un acte de concurrence déloyale, qu’il faut remarquer un arrêt de la Cour de cassation qui rappelle les règles de cette action et partant son caractère autonome.

L’arrêt de la Cour de cassation est du 14 novembre 2013. L’arrêt est ici.

Les titulaires d’un logiciel qui ont vu leur demande en contrefaçon et en concurrence déloyale rejetées se pourvoient en cassation. La cassation intervient sur l’application 1382 du Code civil.

Mais attendu que l’arrêt, après avoir relevé que le rapport d’expertise qui se bornait à étudier les langages de programmation mis en oeuvre, et évoquait les algorithmes et les fonctionnalités du programme, non protégés par le droit d’auteur, constate que les intéressés n’avaient fourni aucun élément de nature à justifier de l’originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou l’organigramme, ou du matériel de conception préparatoire ; que, la cour d’appel, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que MM. Y… et X… n’établissaient pas qu’ils étaient titulaires de droits d’auteur, justifiant ainsi, par ces seuls motifs, légalement sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter MM. Y… et X… de leur action en concurrence déloyale, l’arrêt retient que la société M……..  ne savait pas qu’ils n’avaient pas donné leur autorisation pour l’utilisation de leur logiciel ; qu’en statuant ainsi, alors que l’action en concurrence déloyale suppose seulement l’existence d’une faute, sans requérir un élément intentionnel, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;